CINQUIÈME PARTIE
LE VÉHICULE

Au début de cet ouvrage, nous avons considéré la locomotive comme constituée de trois parties essentielles :

Le véhicule comprend lui-même le châssis, sorte de cadre rigide qui forme bâti pour la chaudière et le moteur. Ce châssis repose par l'intermédiaire de la suspension et des boites à huile sur un plus ou moins grand nombre d'essieux, les uns moteurs, les autres simplement porteurs.

Certaines combinaisons, assurant à ces essieux une mobilité relative par rapport au châssis, facilitent la circulation de la machine en courbe.

Sur le châssis se montent :

  1. les appareils d'attelage établissant la solidarité entre la locomotive et les véhicules à remorquer ;
  2. les appareils de choc destinés à amortir les secousses dont la violence nuirait à la conservation de la locomotive.

Enfin, l'ensemble se complète d'appareils divers, tels que freins, sablières, appareils répétiteurs de signaux, abri pour le personnel, chasse-pierres, couvre-roues.


CHAPITRE I
LE CHÂSSIS

Le châssis doit constituer un ensemble capable :

  1. de supporter sans déformation le poids de la chaudière et des cylindres ;
  2. de maintenir invariablement les essieux dans leurs positions respectives ;
  3. de supporter l'effort de traction nécessaire à la remorque du train ;
  4. de résister aux efforts qui naissent du travail de la vapeur et à la poussée des essieux au passage en courbe.

La solidité et la rigidité nécessaires à ces fins s'obtiennent en constituant le châssis d'un cadre formé de deux pièces longitudinales parallèles, appelées longerons, entretoisées par des traverses en plus ou moins grand nombre selon la longueur de la machine.

Les longerons peuvent être intérieurs ou extérieurs aux roues (page 255) ; à l'heure actuelle, les longerons intérieurs dominent.

Les dimensions de la chaudière et la position donnée aux cylindres déterminent sensiblement la longueur totale du châssis ; quant à sa forme, elle résulte des caractéristiques principales de la machine et, en tout premier lieu, du nombre d'essieux et du diamètre de leurs roues.

Un exemple fera saisir la réalité de cette dépendance de la forme du châssis par rapport aux éléments principaux de la locomotive. Considérons la locomotive type 10, dont le poids élevé, 112 tonnes, est réparti sur six essieux, dont trois sont accouplés et sont compris entre un bogie et un essieu porteur (fig. 591).

Fig. 591. - Châssis de la locomotive Pacific type 10.

A l'avant et à l'arrière, les longerons sont entretoisés par une traverse ; celle d'avant doit se trouver à la hauteur réglementaire des butoirs ; celle d'arrière à une hauteur telle qu'elle se prête à l'accouplement avec le tender. La hauteur en A étant ainsi déterminée, le longeron doit d'abord descendre assez bas pour encadrer convenablement les boîtes de l'essieu d'arrière dont les roues sont petites, il se relève ensuite pour embrasser les boîtes des essieux accouplés et aboutit enfin à la traverse d'avant en passant au-dessus du bogie.

Certaines sujétions s'ajoutent à celles-là. Entre l'essieu porteur d'arrière et le dernier essieu accouplé, le longeron doit être fortement entaillé pour laisser passer le foyer mi-profond et débordant.

Les longerons se construisent en tôle d'acier de 25 à 30 mm d'épaisseur.

Pour alléger le châssis, mais surtout pour rendre le mécanisme accessible en vue de la visite et du graissage, il faut encore évider les longerons. Ces évidements doivent être pratiqués rationnellement pour ne pas déforcer les longerons outre mesure.

On se rend compte par ce qui précède des dimensions des tôles dont on extrait les longerons et de quel déchet on est forcément tributaire. On est ainsi amené à constituer les longerons de deux pièces. Dans la locomotive type 10, les deux pièces, assemblées par recouvrement en B, se superposent sur une assez grande étendue en raison du déforcement du châssis en cet endroit.

La traverse d'arrière est toujours en tôle de forte épaisseur ; celle d'avant, qui était autrefois en bois, se fait actuellement aussi généralement en tôle.

Les longerons doivent former avec les traverses un cadre rectangulaire indéformable, c'est-à-dire que la construction du châssis doit rendre impossible à la fois tout glissement longitudinal d'un longeron par rapport à l'autre et tout gauchissement des longerons.

L'indéformabilité du châssis est obtenue par l'emploi d'un cloisonnement au moins, solidarisant parfaitement les longerons. Cet entretoisage est formé par les cylindres eux-mêmes quand ceux-ci sont intérieurs ; quand ils sont extérieurs, on interpose entre eux un cloisonnement rigide en tôles rivées ou en acier moulé. Dans les machines à quatre cylindres, si les quatre cylindres sont en ligne (locomotives type 9), les cylindres intérieurs font office de cloisonnement ; lorsque les cylindres extérieurs sont en retrait sur les cylindres intérieurs, on dispose encore entre les longerons un cloisonnement convenablement ajouré pour le passage du mécanisme des cylindres intérieurs.

Indépendamment des traverses d'avant et d'arrière et du cloisonnement dont il vient d'être question, les longerons sont raidis par un certain nombre d'entretoises dont l'emplacement est déterminé par le souci de les faire servir en même temps de support pour le mécanisme et pour la chaudière.

Pour reprendre l'exemple de la fig. 591, nous rencontrons successivement, en cheminant de l'avant vers l'arrière :

Ton les ces entretoises sont en acier moulé, à l'exclusion du caisson d'arrière (6) constitué de cornières et de tôles rivées.

Au châssis sont rivées des consoles pour la fixation des guides des tiges des tiroirs et des pistons, des paliers des arbres de relevage, du tablier de circulation, etc.

Le châssis à longerons en tôles d'acier tel que nous l'avons décrit est la construction généralement suivie en Europe.

Toute différente est la pratique américaine. En Amérique, les longerons ont longtemps été constitues de barres de section rectangulaire forgées et soudées. Grâce aux progrès réalisés dans le moulage de l'acier, ces longerons se confectionnent actuellement d'une pièce, en acier moulé, même pour les châssis de grande dimension. La figure 592 représente le longeron de la locomotive type 38, de construction américaine.

Fig. 592. - Longeron des locomotives type 38.

Parfois aussi ce type de longeron est tiré d'une tôle laminée à l'épaisseur voulue, 100 mm par exemple, dans laquelle on pratique les évidements nécessaires.

Les longerons en tôles et ceux en barres ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. L'emploi des longerons en barres tend cependant à prendre de l'extension, grâce à la perfection des procédés de fabrication actuels ; ces longerons se prêtent à des combinaisons heureuses de construction pour des locomotives d'une certaine importance et ils facilitent le montage et le démontage des différents organes ainsi que leur entretien.

Les châssis des anciens types de locomotives à cylindres intérieurs, à longerons extérieurs aux roues, comportaient généralement un longeron central, plus court que les deux autres et assemblé, d'une part, à l'arrière des cylindres, d'autre part, à une entretoise du châssis un peu à l'avant du foyer. Ce troisième longeron fournissait un appui intermédiaire à l'essieu coudé ; cet appui était nécessaire pour réduire la fatigue imposée à l'essieu par la poussée des bielles, fatigue d'autant plus grande que les points d'appui extérieurs étaient plus éloignés (fusées extérieures aux roues).

Avec les longerons intérieurs aux roues, la distance d'axe en axe des coulants des boîtes étant notablement plus faible, on a pu se dispenser du longeron central.

Châssis monobloc. - Les châssis monobloc, c'est-à-dire venant de fonderie avec les cylindres et les supports divers, ont été étudiés pour supprimer les difficultés et les frais d'entretien provenant de l'ébranlement des assemblages entre les cylindres et les longerons.

Fig. 593 Châssis monobloc de la locomotive à 4 cylindres du Pennsylvania.

L'ébranlement des cylindres sur les machines puissantes, surtout sur celles à simple expansion à deux cylindres extérieurs, a toujours été l'un des points critiques de la construction des locomotives, étant données les poussées alternatives de 50 à 80 tonnes qui s'y trouvent appliquées.

Aux ateliers de la «General Steel Casting Corporation» d'Amérique, on coule le châssis incliné, les cylindres placés au point le plus bas avec des masselottes importantes représentant 40 % environ du poids de la pièce à obtenir. Ainsi, pour le châssis de la locomotive 3-2-2-3 du Pennsylvania (276 tonnes de poids total) (fig. 593) qui, à lui seul, pèse 44,5 tonnes, on coule 70 tonnes de métal.

Liaison du châssis et de la chaudière. - La chaudière est supportée à l'avant, à l'arrière et en des points intermédiaires d'autant plus nombreux qu'elle est plus longue, plus lourde et que sa capacité en eau est plus grande. Sa fixation à ces supports requiert une attention particulière. La chaudière subit, en effet, des dilatations auxquelles le châssis est soustrait, il s'ensuit qu'elle ne peut être fixée au châssis qu'en un point, afin qu'elle puisse se dilater librement.

Quel point convient-il de choisir ?

Les cylindres étant en communication avec la chaudière par les tuyaux de livrance, si le point d'attache se trouvait à l'opposé des cylindres, les dilatations et les contractions subséquentes feraient subir à ces tuyaux des flexions répétées qui amèneraient leur rupture ou leur déboîtement. Il est donc tout indiqué de placer l'attache dans le voisinage des cylindres, c'est-à-dire à l'avant de la chaudière, la dilatation se faisant alors librement vers l'arrière. C'est la pratique courante, la boite à fumée offre d'ailleurs l'occasion de fixer la chaudière au châssis sans intéresser à l'attache une partie baignée par l'eau.

La chaudière est donc boulonnée très solidement par sa boite à fumée, soit sur un caisson support entretoisant les longerons, soit sur les cylindres eux-mêmes dont la partie supérieure est coulée en berceau.

La liberté de la dilatation peut s'obtenir de différentes manières.

Pour les supports intermédiaires, la chaudière repose sur les pièces entretoisant les longerons par une pièce rivée au corps cylindrique ; cette pièce forme simplement patin de glissement (entretoises nos 4 et 5, fig. 591).

Pour les supports d'arrière, lorsque le foyer est débordant, on fixe au cadre du foyer, à l'avant el à l'arrière, au droit des longerons, des sabots qui embrassent une semelle fixée au-dessus des longerons, le glissement est ainsi assuré et tout déplacement transversal est impossible (fig. 591). Lorsque le foyer plonge entre les longerons, on rive aux parois verticales de la boîte à feu une pièce cornière suffisamment longue qui pose sur un patin fixé au longeron (fig. 594).

Fig. 594

Dans les locomotives modernes, les supports de la chaudière sur les longerons sont souvent constitués de tôles flexibles, dont l'épaisseur varie de 8 à 13 mm.

Fig. 595
Appuis à dilatation de la chaudière des locomotives type 33.

La figure 595 représente une application de ce genre aux locomotives type 38. L'appui A est l'appui principal, c'est en cet endroit que l'arrière de la chaudière transmet la plus grande partie de son poids au châssis ; c'est un patin glissant sur une forte entretoise des longerons. Le corps cylindrique est soutenu par deux tôles, B et C, qui, tout en assemblant verticalement la chaudière au châssis, se prêtent en raison de leur flexibilité au déplacement longitudinal dû à la dilatation.

Ce mode de réalisation des appuis, que l'on rencontre déjà à d'anciennes locomotives, résoud parfaitement la question du point de vue de la dilatation ; il a de plus l'avantage de s'opposer énergiquement à tout déplacement transversal de la chaudière sur le châssis, déplacement qui tend à se produire pendant la marche par suite des mouvements de lacet.


CHAPITRE II
SUSPENSION

1. Ressorts.

Préliminaires. - Envisagés du point de vue de leur mode de construction, les ressorts employés sur les locomotives se divisent en deux catégories principales :

  1. Les ressorts à lames étagées (fig. 596 à 598).
  2. Les ressorts en hélice (fig. 599).
Fig. 596 et 597 Fig. 598
Fig. 599 Fig. 600

1°) Les ressorts à lames étagées sont constitués d'une série de lames superposées de longueur croissant de bas en haut. La charge est transmise par les colonnes de ressort aux extrémités de la lame supérieure dite lame-maîtresse. Les lames sont de section sensiblement rectangulaire (fig. 600), une nervure s'emboitant dans une rainure de la lame voisine empêche les lames de se déplacer transversalement. On évite que les lames puissent glisser l'une sur l'autre dans le sens longitudinal en les réunissant par un rivet central.

Actuellement, on préfère le dispositif représenté fig. 601. Le glissement transversal des lames est, comme nous l'avons vu, empêché par la nervure n de chaque lame.

Fig. 601

Pour empêcher le déplacement longitudinal, on a recours à un étoquiau e, petite calotte sphérique qui s'emboîte dans la lame placée dessous.

En ce qui concerne la lame supérieure, la tête d'un rivet r, placé dans le collier, joue le rôle d'étoquiau.

Les lames sont assemblées par leur milieu dans un collier placé à chaud, réalisant un serrage très énergique. Préalablement au montage du collier, les lames sont graissées au moyen de graisse graphitée pour les protéger contre la rouille et pour assurer un frottement doux et régulier des lames les unes sur les autres.

Application de la charge.- Dans la disposition bien connue des voitures et des wagons, les ressorts à lames reposent par leur milieu sur les boites à huile, la charge leur étant appliquée aux extrémités ; cette disposition se rencontre aussi sur les locomotives (fig. 602).

Fig. 602. - Ressort prenant appui sur le dessus de la boîte et chargé, à ses extrémités. (Essieu d'arrière de la locomotive type 18).

La disposition inverse se rencontre également, c'est-à-dire que la charge porte au milieu du ressort (fig. 603), les menottes la transmettant aux boîtes à huile par l'intermédiaire d'un cavalier (ressorts de bogie des locomotives type 18).

Fig. 603. - Ressort chargé en son milieu et transmettant la charge aux boîtes à l'huile par l'intermédiaire d'un cavalier (Bogie des loc. type 18).

Au lieu d'appuyer le ressort sur la boite à huile, on peut le suspendre à celle-ci (fig. 604). Dans ce cas, les colonnes de ressort sont comprimées ; elles sont exposées à se plier si elles sont longues, mais de plus on a affaire à un équilibre instable et, pour peu que la boîte ait du jeu dans ses guides, les colonnes se placent obliquement et les lames tendent à glisser dans leur collier ; c'est pourquoi on préfère la disposition de la figure 605, les colonnes n'y sont soumises qu'à des efforts d'extension et l'équilibre est stable.

Fig. 604. - Ressort suspendu à la boîte avec colonnes comprimées.

La flèche d'un ressort est la hauteur f de l'arc formé par sa lame-maîtresse (fig. 5.96).

Fig. 605. - Ressort suspendu à la boîte avec colonnes étendues (locomotives type 10).

La flexibilité par tonne est la quantité dont la flèche varie quand la charge du ressort varie d'une tonne. La diminution de la flèche est à peu près proportionnelle à la charge, elle varie de 3 à 7 mm par tonne. En général, aux locomotives, les ressorts sont plus raides afin que les oscillations de la machine ne puissent devenir suffisamment grandes pour déranger le mécanisme de distribution.

Fig. 606. - Ressort Belpaire sous charge.

Certains ressorts, type Belpaire, sont construits de façon que, non chargés, leur flèche soit nulle, c'est-à-dire, qu'avant montage, ils sont droits et que l'application de la charge les courbe vers le bas (fig. 606), on dit alors que leur flèche est négative.

Dans d'autres cas, la flèche est nulle sous charge.

Les ressorts à lames présentent les avantages suivants :

  1. En cas de rupture d'une lame, chose apparente, il n'en résulte pas nécessairement la rupture complète du ressort. C'est pour éviter la rupture complète que la lame-maitresse est, d'ordinaire, doublée ou même triplée ou quadruplée.
  2. Les oscillations sont amorties par le frottement des feuilles l'une sur l'autre. C'est une qualité précieuse, parce que les causes qui provoquent les oscillations peuvent se succéder avec régularité, les joints des rails, par exemple ; sans l'amortissement par le frottement des feuilles, les oscillations pourraient aller en croissant et prendre une importance de nature à compromettre la sécurité.

_2°) Les ressorts en hélice, formés d'une seule pièce et fonctionnant sans frottement, ne possèdent pas les deux qualités qui précèdent et qui distinguent un bon ressort de suspension, aussi ne sont-ils employés que rarement dans les locomotives (primitivement appliqués à l'essieu moteur de la locomotive type 18).

2. Matière constitutive des ressorts.

Toutes les matières sont élastiques, mais bien peu cependant peuvent être utilisées avec avantage pour la constitution des ressorts. Elles doivent, en effet, satisfaire à deux conditions essentielles :

  1. Elles doivent pouvoir supporter, sans déformation permanente, une charge aussi grande que possible ;
  2. Entre deux matières, la meilleure sera celle qui, pour une même charge, subira la plus grande déformation élastique.

La première condition l'emporte en importance sur la seconde.

L'acier trempé, soumis au revenu, possède à un haut degré cette première qualité ; il peut supporter, sans déformation permanente, des tensions allant jusque 160 kg par mm².

A la S.N.C.B., les lames de ressort sont en acier silico-manganeux (carbone : 0,47 à 0,55 7% ; silicium : 1,60 à 2,00 % ; manganèse : 0,50 à 0,80 %).

Les lames, chauffées à 930°, sont trempées dans l'eau à la température de 20° à 30°, puis soumises au revenu à 475° pendant au moins 20 minutes.

A la S.N.C. B., la résistance des lames varie de 129 à 148 kg par mm².

3. Rôle des ressorts.

Tout comme dans le matériel de transport, les ressorts des locomotives ont, en premier lieu, pour but d'amortir les chocs résultant du roulement des roues sur les voies et de ne les transmettre que très affaiblis au châssis. Ils assurent, en second lieu, une certaine constance de la charge des essieux malgré les inégalités de la voie. En effet, si l'on imaginait une locomotive sans ressorts, roulant sur une voie présentant des inégalités, on conçoit qu'en raison même de ces inégalités, il n'y aurait jamais que trois roues qui porteraient. Les autres roues seraient déchargées complètement et il y aurait risque de déraillement. Les ressorts, grâce à leur flexibilité, permettent aux roues de garder le contact avec les rails ; en outre, si leur flexibilité est, par exemple, de 6 mm par tonne de charge, il faudra une dénivellation de 12 mm dans la voie au droit d'une roue pour faire varier de 2 tonnes la charge sur celle-ci. La répartition des charges sur les essieux ne variera donc pas beaucoup du chef des inégalités de la voie.

Mais dans les locomotives, le rôle des ressorts ne se borne pas aux deux fonctions susmentionnées ; grâce à eux, on peut, comme nous allons le voir, modifier dans une certaine mesure la répartition de la charge entre les différents essieux.

4. Répartition des charges entre les essieux.

Le constructeur a étudié la locomotive de manière à obtenir une répartition déterminée des charges sur les essieux en se basant sur les considérations suivantes :

  1. La charge d'un essieu ne peut dépasser un certain nombre de tonnes afin de ne pas fatiguer outre mesure la voie et les ouvrages d'art (ponts, etc.).
  2. Les essieux accouplés, dont l'adhérence est utilisée pour permettre à la locomotive de développer l'effort de traction dont elle est capable, doivent nécessairement supporter un poids déterminé pour éviter le patinage.
  3. Les essieux simplement porteurs doivent également supporter un poids convenable pour leur donner une stabilité suffisante sur la voie. Si ces essieux étaient insuffisamment chargés, ils pourraient dérailler dans les courbes de petit rayon.

Le constructeur a évalué aussi exactement que la chose lui a été possible, le poids que la locomotive aurait après construction, il a calculé la position du centre de gravité de la machine et, cela étant, il a varié la position des essieux sous le châssis jusqu'à ce qu'il ait obtenu la répartition qu'il s'était imposée.

La locomotive construite, on a, au montage, serré au jugé les écrous des ressorts, or il se fait qu'après pesée les charges diffèrent de celles qu'on a prévues. Du reste, celte reparution, fût-elle réalisée du premier coup, ne se conserverait pas en service, les ressorts pouvant perdre de leur flexibilité. L'agent chargé de régler la machine est donc appelé à donner ou à rendre à chaque essieu la charge considérée comme la plus convenable.

Il se trouve en présence d'une masse de poids déterminé, dont le centre de gravité occupe une position invariable et qui repose sur un certain nombre d'appuis (les roues) dont l'emplacement est fixe. Remarquons de suite que les ressorts fournissent à la machine des appuis élastiques qui s'effacent plus ou moins à la volonté de l'opérateur qui serre ou desserre les écrous des colonnes des ressorts et permettent ainsi de réaliser une modification des charges.

Fig. 607

Considérons le cas simple d'une machine à trois essieux également chargés et placée sur une voie de niveau (fig. 607). Le centre de gravité se trouve donc au droit de l'essieu du milieu.

Il est clair qu'en serrant les ressorts de l'essieu du milieu, on augmentera la charge sur cet essieu, l'ensemble de la machine s'élèvera et les ressorts extrêmes seront déchargés chacun de la moitié de la quantité dont la charge de l'essieu du milieu aura augmenté.

Dans toutes les opérations de ce genre - serrage ou desserrage des ressorts - la répartition de la charge sur les différents essieux changera, mais la résultante de toutes les charges transmises par les roues passera toujours et à tout instant par le centre de gravité, qui est invariable.

On ne pourrait donc, dans le cas simple envisagé ci-dessus, décharger de moitié l'essieu d'avant, sans décharger de la même quantité l'essieu d'arrière.

On comprend également que si le centre de gravité de la machine se trouve bien dans l'axe de la voie, la somme des charges des roues de gauche sera toujours égale à celle des roues de droite.

En résumé, la tension plus ou moins grande donnée aux ressorts permet de faire varier la charge sur les essieux dans des limites sérieuses. D'autre part, il apparaît clairement aussi qu'en raison de l'invariabilité de la position du centre de gravité, les charges des différents essieux seront liées entre elles de telle façon que la variation de l'une entraîne celle des autres.

5. Emploi des balanciers.

Nous avons vu que par l'emploi des ressorts, on parvenait à assurer une certaine invariabilité à la répartition des charges malgré les inégalités de la voie. En réalité, les ressorts de locomotives étant assez raides, la répartition variera quoi qu'on fasse pendant la marche ; nous avons montré dans quelle mesure. On peut cependant, dans certains cas, arriver à une répartition tout à fait invariable. Citons comme un exemple simple, le cas d'une machine à roues libres, c'est-à-dire à un seul essieu moteur, avec bogie à l'avant (fig. 608). La machine porte alors sur trois points : le pivot du bogie et les deux roues de l'essieu moteur.

La répartition de la charge entre ces trois points est évidemment invariable. Une table à trois pieds porte, on le sait, d'une manière invariable, quelles que soient les irrégularités du sol ou des pieds eux-mêmes. Il en est de même de la machine de la figure 608. Un rappel effectué sur les différents ressorts de suspension ne peut alors avoir pour effet que de hausser plus ou moins le châssis de façon, par exemple, à amener les butoirs au niveau voulu, ou l'essieu moteur dans l'axe des cylindres, ou encore à mettre les boîtes à hauteur convenable dans les guides pour éviter les chocs contre les longerons. Par cette opération, la répartition des charges n'aura pas changé.

Fig. 608

Remarquons, toutefois, que la charge invariable transmise par le pivot se partage entre les quatre roues du bogie d'une manière qui peut n'être pas rigoureusement constante ; mais cela n'a guère d'importance, l'essentiel, dans le cas envisagé, est que l'essieu moteur conserve une charge bien constante.

Fig. 609

Passons au cas d'une machine à deux essieux accouplés et à bogie (type 18) (fig. 609). La charge se répartit entre le pivot du bogie et les quatre roues d'arrière, c'est-à-dire en 5 points. La répartition des charges variera en marche. Si les ressorts de l'essieu du milieu sont comprimés, par exemple, le pivot du bogie et l'essieu d'arrière seront déchargés et ainsi de suite. On se rend compte cependant que la charge totale portée par les deux essieux accouplés ne variera que dans des limites assez restreintes, puisque l'accroissement de charge sur l'essieu moteur sera compensé partiellement par une diminution de poids sur l'essieu accouplé.

Fig. 610

La disposition de la figure 610 comportant un essieu moteur compris entre un bogie et un essieu porteur, se présenterait d'une façon moins avantageuse. Toutes choses égales, la variation de la répartition sera la même que dans le cas de la figure 609 mais ses conséquences sont différentes. En effet, si par suite d'une dénivellation de la voie, l'essieu moteur est déchargé, cette réduction correspondra à un accroissement de charge des autres essieux qui ne sont pas utilisés pour l'adhérence, et la machine patinera.

Fig. 611

Cependant, on pourrait arriver à conserver à l'essieu moteur sa charge normale en faisant usage de balanciers. Voici comment :

Fig. 612

Un pivot 0 est fixé d'une façon rigide au châssis de la locomotive (fig. 611 et 612), les extrémités M et N des ressorts sont reliées aux extrémités A et B d'un levier pivotant en 0 et faisant réellement office de fléau de balance. Si l'on veut que le ressort de l'essieu moteur porte 11 tonnes, par exemple, et celui de l'essieu porteur 7 tonnes, on donnera aux bras de levier AO et OB des longueurs inversement proportionnelles à ces charges, c'est-à-dire qu'ils seront entre eux comme 11 est à 7, le bras le plus court portant la plus lourde charge.

Le poids total qui charge les ressorts des deux essieux d'arrière se partagera toujours entre eux dans ce rapport de 11 à 7, la résultante des charges sur ces deux essieux se trouvera donc toujours sur une verticale X située à une distance fixe du pivot (note 519). On voit que le poids total suspendu se répartit alors suivant trois verticales : le pivot P du bogie, la verticale X de droite et la verticale X de gauche. Les charges bien déterminées transmises en X se décomposent entre les deux roues d'arrière en deux parties proportionnelles à 11 et à 7.

On voit que, grâce à l'emploi des balanciers, la répartition des charges est donc redevenue constante. Un rappel exercé sur les ressorts serait, comme dans le premier exemple, sans action sur la répartition des charges.

Il ne faut pas perdre de vue que les charges sur le rail seront celles transmises aux ressorts augmentées du poids propre des trains de roues, boites, ressorts, etc.

Pour fixer les idées, l'essieu coudé de la locomotive type 12, avec ses roues montées, pèse 7.020 kg, l'essieu droit avec ses roues montées 4.315 kg.

Pour la locomotive type 1, les poids sont les suivants :

L'étude de l'exemple qui vient d'être traité permettra d'aborder des cas plus compliqués.

Examinons le cas de la figure 613 qui représente la suspension d'une locomotive à trois essieux accouplés.

Fig. 613. - Suspension en trois points.

Les deux ressorts des deux essieux d'avant sont conjugués par des balanciers longitudinaux à bras égaux. Les charges que les ressorts correspondants auront à supporter seront donc toujours égales et leurs résultantes passeront par deux verticales X invariables et situées à égale distance des deux roues conjuguées.

Les ressorts des roues d'arrière sont également conjugués au moyen d'un balancier transversal, à bras égaux évidemment. Ces deux ressorts auront donc charge égale et leur résultante passera par le milieu de l'essieu d'arrière en Y. La charge totale se répartit donc comme plus haut suivant trois verticales invariables : les verticales X de droite et de gauche et la verticale Y. La répartition de la charge est donc invariable pour toutes les roues de la machine. Ici, comme précédemment, un rappel effectué sur les ressorts ne peut avoir pour effet que d'augmenter ou de diminuer la hauteur du châssis. C'est la suspension dite «en trois points».

Suspension de la locomotive type 29 (fig. 614). - La suspension est du type dit «en trois points», c'est-à-dire que le poids suspendu se répartit entre trois groupes de roues et que, dans chaque groupe, la charge se répartit proportionnellement entre les roues intéressées par le jeu de leviers compensateurs (fig. 614).

Fig. 614. - Suspension de la locomotive type 29.

Premier groupe : Bissel avant et les deux premiers essieux accouplés côté gauche et côté droit (essieux 1 et 2).

Deuxième groupe : Troisième et quatrième roues accouplées du côté gauche (roues 31 et 41).

Troisième groupe : Troisième et quatrième roues accouplées du côté droit (roues 32 et 42).

Les ressorts s'appuient sur les boîtes à huile et prennent la charge à leurs extrémités par l'intermédiaire des colonnes de ressort, celles-ci sont sollicitées soit directement par le châssis, soit par l'intermédiaire de balanciers égalisateurs.

Exception est faite pour le quatrième essieu accouplé où, par suite de la présence de la boite à feu, la place manque pour placer le ressort r r' au-dessus de la boîte. Ce ressort est rejeté sur le côté et remplacé, au-dessus de la boîte, par un cavalier b b'.

Suspension de la locomotive Pacific type 1 (fig. 615). - Les ressorts à lames, placés au-dessus des boîtes à huile et conjugués par des balanciers compensateurs, réalisent sensiblement la «suspension en trois points» :

  1. le pivot central du bogie avant,
  2. le groupe des roues accouplées de gauche,
  3. le groupe des roues accouplées de droite.

Fig. 615. - Suspension de la locomotive Pacific type 1.

Nous disons «sensiblement» parce que les ressorts de suspension du bissel arrière, placé sous le foyer, ont dû être montés à l'extérieur des longerons. Pour rattacher ces ressorts à ceux du dernier essieu accouplé qui, eux, sont à l'intérieur des longerons, il a fallu recourir à des balanciers a b, a'b' traversant obliquement les longerons, et relier ces balanciers en C et D à un balancier transversal A B réunissant les colonnes de ressort du dernier essieu accouplé.

Si le point D coïncidait avec le point A et si le point C coïncidait avec le point B, on réaliserait exactement la suspension en trois points.

Comme il n'en est pas ainsi, toute modification dans la répartition des charges survenant du côté droit modifiera légèrement la répartition des charges du côté gauche et réciproquement.

Suspension de la locomotive Atlantic type 12. - Des balanciers longitudinaux, installés entre l'essieu moteur, l'essieu accouplé et l'essieu porteur arrière, réalisent la suspension en trois points.


CHAPITRE III
ESSIEUX, ROUES, BOITES

1. Essieux.

Le poids de la locomotive est transmis aux rails par un certain nombre d'essieux, mais tous les essieux ne jouent cependant pas le même rôle ; il faut distinguer, d'une part, les essieux moteurs et accouplés qui provoquent par leur rotation le mouvement d'avancement de la locomotive ; d'autre part les essieux porteurs qui sont entraînés au contraire par la machine et qui lui servent simplement de support.

Deux essieux suffiraient à la rigueur pour porter et mouvoir la locomotive, malheureusement la résistance de la voie et des pièces constitutives des ponts impose un maximum de charge par essieu. Cette charge maximum est actuellement de 24,7 tonnes par essieu sur les principales lignes belges ; aux Etats-Unis, la charge par essieu atteint 36 tonnes.

Le nombre des essieux sera évidemment d'autant plus élevé que le maximum de charge admis par essieu sera plus faible.

A. Essieux porteurs.

Les essieux porteurs sont formés d'un arbre en acier de forme cylindrique ou biconique, présentant deux portées de calage pour les roues et deux tourillons ou fusées pour les coussinets des boîtes à huile.

Dans le but d'éviter les ruptures, on proscrit les changements brusques de section, si faibles soient-ils, et l'on fait usage de congés à rayon aussi grand que possible.

B. Essieux moteurs.

Les plus simples sont ceux des locomotives ne comportant que deux cylindres extérieurs, car ce sont alors des essieux droits, comme les essieux porteurs.

Lorsque les deux cylindres de la machine sont disposés intérieurement aux longerons, l'essieu doit être doublement coudé entre ses roues (loc. types 12, 18, 41, etc.).

Dans les machines à quatre cylindres, on aura soit deux essieux moteurs, dont un droit et un coudé (loc. types 7, 10, 36), soit un seul essieu moteur à quatre manivelles (loc. type 9).

Lorsque la locomotive est à trois cylindres, dont l'un se trouve évidemment entre les longerons, l'emploi d'un essieu à simple coude s'impose et il est généralement attaqué également par les deux mouvements extérieurs. Les trois manivelles sont calées à 120° l'une de l'autre.

Les essieux droits sont généralement constitués d'acier forgé à 0,4 % de carbone, trempé et soumis au revenu, présentant une résistance de 65 kg/mm² minimum avec environ 20 % d'allongement. Ce métal présente à la fois une résistance et une ténacité assez élevées, de plus, il est suffisamment dur pour que la surface des fusées puisse prendre facilement un beau poli tout en résistant convenablement à l'usure. Les essais de réception comportent notamment un essai au choc ; on impose en outre une garantie de durée.

Les essieux droits ont à résister à la flexion produite par les charges qui pèsent sur les fusées, aux efforts horizontaux développés par le rail (au passage en courbe notamment) et, s'il s'agit d'un essieu moteur ou accouplé, aux efforts dus au mécanisme.

Les essieux coudés sont soumis à des fatigues de même nature, mais les flexions dues à la poussée des bielles motrices acquièrent une importance considérable. Aussi a-t-on recours pour la confection des essieux coudés à des aciers spéciaux particulièrement résistants et tenaces.

Pour les essieux coudés monobloc, l'acier employé jusqu'en 1945 a été l'acier nickel-chrome à 3 % de nickel et 0,25 % de chrome, avec une résistance minimum de 60 kg/mm² et un allongement de 2O %.

Actuellement, pour les essieux monobloc, comme pour les essieux polybloc, on emploie un acier spécial nickel-chrome, trempé et revenu (carbone : 0,3 %, nickel : 2,2 %, chrome 0,6 %) avec une résistance minimum de 70 kg/mm².

Les essieux coudés périssent généralement au raccordement d'un tourillon avec une palette. Une fissure d'abord insignifiante se forme, elle va toujours grandissant et son importance finit par justifier le retrait de service de l'essieu coudé.

Les fissures ne proviennent pas toujours d'un manque de résistance aux efforts provenant du poids supporté et de l'action de la vapeur, les chocs ont dans certains cas une action destructrice prédominante.

L'expérience montre, en effet, qu'un organe de machine soumis à des chocs fréquents se brise presque toujours à un endroit où la section change brusquement, faisant se succéder des tronçons de flexibilité différente ou même simplement par suite de congés de raccord de rayon trop petit.

Fig. 616 et 617. - Essieu coudé à palettes rectangulaires.

Une même section fatiguera d'autant plus sous l'action des chocs que les autres seront plus fortes et plus raides. Il y a donc avantage à ne donner à aucun élément de l'essieu coudé une résistance et une raideur exagérées.

Fig. 618 et 619. - Essieu coudé à palettes elliptiques frettées.

La figure 616 représente le type de l'essieu coudé sous sa forme primitive, les palettes sont rectangulaires. Plus tard, dans un but de consolidation des palettes et pour retenir les tronçons assemblés en cas de rupture dans une des palettes, on a entouré celles-ci de frettes en acier posées à chaud et, pour que ces frettes posent d'une manière parfaite, on a remplacé les palettes rectangulaires par des palettes elliptiques (fig. 618).

Fig. 620 et 621 Train de roues moteur de la locomotive type 10. - Essieu à palettes circulaires système Worsdell.

D'autres considérations ont conduit les constructeurs à donner aux palettes de l'essieu coudé des formes différentes. On a imaginé notamment de leur donner une forme entièrement circulaire (type de Worsdell). La figure 620 représente un essieu coudé de ce genre à palettes frettées, il est appliqué sur les locomotives types 10, 36, 41. Cette forme permet d'achever entièrement l'essieu sur le tour, ce qui réduit son coût. Elle présente encore cet avantage que les palettes étant larges peuvent être plus minces et partant laissent plus de place pour loger les excentriques dans le cas d'une distribution intérieure (locomotive type 41).

Fig. 622 et 623 Essieu coudé à raccordement oblique. - Locomotive type 9.

On a aussi songé à supprimer deux des quatre palettes en raccordant les deux tourillons moteurs par une pièce oblique comme le montre la figure 622 représentant l'essieu moteur de la locomotive type 9. L'essieu à corps oblique est plus léger que l'essieu coudé ordinaire, mais il se prête moins bien à une distribution intérieure ; il n'est plus possible, en effet, de loger les excentriques entre les deux coudes.

L'étude de l'action des chocs sur les essieux coudés a conduit M. Frémont à évider les palettes suivant le tracé indiqué fig. 624. Les tensions qui se développent dans le métal sous l'effet des chocs, au lieu d'être localisées en A ou en A' sont réparties sur un espace plus grand, en B et en C ; le métal constituant la palette travaille ainsi plus uniformément. Cet évidement présente au surplus l'avantage de reporter la fatigue sur le pourtour des palettes où le métal est toujours plus sain et mieux corroyé qu'à l'endroit de la partie évidée.

Fig. 624 et 625
Essieu coudé à palettes évidées système Frémont.

Cette disposition a une heureuse influence sur la conservation de l'essieu et l'évidement pratiqué sur des essieux fissurés, en a prolongé sensiblement la durée.

Essieu polybloc.

M. Webb a introduit dans les locomotives, les essieux du système dit «built up» ou «polybloc» des machines marines. Ces essieux sont constitués d'autant de pièces détachées et assemblées à la presse qu'il y a de parties dans l'essieu, c'est-à-dire quatre palettes, deux tourillons et trois tronçons d'essieu.

La figure 526 page 421 représente l'essieu coudé en neuf pièces en équilibre de rotation de la locomotive Atlantic type 12 de la S.N.C.B.

Les essieux coudés polybloc présentent l'avantage de ne pas se fissurer et de ne pas se rompre. Par contre, il leur arrive de se décaler. On peut parer au décalage par un montage soigné.

Pour obtenir un calage énergique, l'assemblage se fait à chaud, avec un serrage d'environ 0,4 de mm. L'on veille aussi à ce que le parachèvement des surfaces de contact soit particulièrement bien fini.

Ces essieux sont constitués d'acier nickel-chrome dont la résistance doit être de 70 kg/mm² au minimum.

Remarque. - Autrefois, aux locomotives à longerons extérieurs aux roues, pour soulager l'essieu coudé, on disposait au milieu du châssis de la machine, un troisième longeron, plus court que les autres et qui servait de troisième point d'appui à l'essieu.

2. Roues.

Les roues sont constituées de deux pièces : le corps ou centre de roue et le bandage.

A. Centre de roue.

Le centre de roue, formé du moyeu, des rayons et de la jante, est construit en acier moulé. Les chemins de fer belges exigent que l'acier moulé présente une résistance minimum de 48 kg par mm² avec un allongement de 15 % minimum.

Fig. 626

La surface extérieure de la jante est soigneusement tournée.

Les rayons sont généralement de section elliptique et parfois rectangulaire.

Les roues motrices et accouplées sont munies de contrepoids, généralement venus de coulée et qui, lorsqu'ils sont de dimensions assez considérables, présentent des cavités qui sont remplies de plomb. Le plomb étant plus dense que l'acier, présente plus d'efficacité à volume égal et permet ainsi de réduire l'encombrement du contrepoids (ex. : loc. type 38).

Le calage des roues sur les essieux se fait à froid à la presse hydraulique. Pour garantir un bon travail, on exige généralement que la pression commence au plus tard après une pénétration de 20 mm et qu'elle monte graduellement, sans à-coup, jusqu'à la position définitive. La pression finale doit être de 310 kg par millimètre de diamètre de la portée décalage. Ainsi, si le diamètre de la portée de calage est égal à 250 mm, la pression minimum de calage sera 250 mm x 310 kg = 77.500 kg.

Sur beaucoup de locomotives anciennes, l'assemblage est en outre assuré, du moins pour les roues motrices, par une cale en acier chassée à refus.

On remarquera que, très souvent, le moyeu fait saillie sur la jante, c'est-à-dire que le plan médian de la jante (fig. 626) ne coïncide pas avec le plan médian du moyeu. Celte disposition, fréquente dans les locomotives à longerons intérieurs, procure plus de place pour loger les boites à huile.

Nous avons déjà eu l'occasion de dire, en effet, que dans ces machines, lorsque les cylindres et la distribution sont intérieurs, on est souvent gêné pour loger les deux coudes, les deux ou les quatre excentriques et les deux boîtes, attendu qu'on est limité par l'écartement invariable des rails et conséquemment par les bandages.

B. Bandages.

De même que dans tous les véhicules de chemins de fer, les roues des locomotives sont pourvues de bandages.

Le bandage est la pièce destinée à supporter l'usure occasionnée par le roulement et éventuellement par le freinage ; il peut être remplacé facilement sans que le centre de roue et la jante en particulier soient endommagés.

Dans les locomotives, le poids que supporte une roue est transmis au rail par une surface de contact très réduite et les pressions qui y règnent sont énormes. La surface de roulement doit donc absolument être constituée d'un métal très dur, beaucoup plus qu'on ne peut l'admettre pour le centre de roue.

Un bandage trop dur serait cassant, aussi s'en tient-on à une juste limite. En vue de fixer un minimum de dureté, la S.N.C.B. impose pour l'acier à bandages une résistance minimum à la rupture par traction de 80 à 90 kg/mm². Pour vérifier si le bandage n'est pas trop fragile, on prévoit des essais au choc. A ces conditions spéciales, la S.N.C.B, ajoute une garantie de durée de 5 ans.

Remarquons encore que le bandage consolide la roue pour laquelle il constitue une véritable frette.

Les bandages sont extraits d'un disque d'acier percé d'un trou en son centre et sont ainsi laminés d'une pièce dans des laminoirs spéciaux.

Fig. 627. - Profil d'un bandage de locomotive.

Le profil du bandage admis par la S.N.C.B. se présente comme le montre la figure 627. La surface de roulement B C est inclinée à 1/20, cette conicité a pour but de ramener constamment le train de roues dans l'axe de la voie. Du côté extérieur, en A B, l'inclinaison est plus forte : 1/10 pour éviter qu'il se produise un bourrelet en cet endroit. La surface de roulement se raccorde au mentonnet du bandage par un congé un peu plus grand que celui du rail.

Le mentonnet du bandage présente au rail une ligne inclinée à 60° environ. Lorsque, pour une cause quelconque, en courbe notamment, la roue cherche à passer au-dessus du rail, le contact entre le rail et le bandage s'établit suivant cette ligne inclinée à 60°, mais lorsque la charge verticale supportée par la roue est suffisante, le bandage glisse d'une façon permanente suivant cette ligne inclinée et tout risque de déraillement est écarté.

Si, au contraire, la charge verticale de la roue était trop faible, ou si l'inclinaison était notablement moindre que 60°, le déraillement pourrait se produire par simple escalade du rail. On voit ainsi l'utilité qu'il y a à s'assurer par les pesées périodiques prescrites par les règlements que notamment les essieux d'avant et d'arrière, qui sont appelés à guider la locomotive en courbe, aient bien leurs charges normales.

L'expérience a montré que l'inclinaison de 60°, adoptée sensiblement dans tous les pays, était celle qui donnait le maximum de garantie. Une inclinaison plus forte (angle plus grand que 60°), donnerait plus de sécurité contre le déraillement, en se plaçant au point de vue que nous venons d'envisager ; mais, par contre, le profil du bandage s'accommoderait alors moins bien de toute irrégularité se présentant dans l'alignement des rails, aux joints, par exemple.

La situation devient particulièrement dangereuse lorsque la face considérée du mentonnet devient verticale, ce qui se produit parfois par suite d'une usure plus prononcée de la surface de roulement de la roue considérée par rapport à celle de la roue conjuguée, ou encore parce que la locomotive circule régulièrement sur des lignes très sinueuses. On dit alors que le mentonnet est tranchant ou usé à couteau. La moindre irrégularité dans l'alignement des rails peut alors provoquer un déraillement.

La face plane intérieure du bandage a aussi un rôle important à remplir : dans le passage des appareils de voie, les roues ont à franchir des vides ou lacunes assez étendus laissés entre les parties de rails. Le guidage du train de roues est alors assuré par un contre-rail placé du côté opposé à la lacune et qui agit par pression sur la face plane intérieure du bandage.

On conçoit, dans ces conditions, que l'écartement intérieur des faces verticales fasse l'objet d'une réglementation précise. L'écartement normal à la S.N.C.B. est de 1.360 mm (il en est de même dans les compagnies étrangères). Lorsque, par suite d'usure, cette côte atteint 1.363 mm (note 533_1), le train de roues est retiré du service.

Le mentonnet se raccorde à la face plane intérieure par un arrondi tangent à la face verticale, ou bien cet arrondi se raccorde à une ligne légèrement inclinée sur la face intérieure, comme cela se pratique dans beaucoup de compagnies. On voit, donc que le bourrelet du bandage présente du côté intérieur un tracé facilitant sa pénétration entre le rail et le contre-rail.

Nous avons vu plus haut qu'une usure à couteau du mentonnet présentait du danger au point de vue des risques de déraillement. Il ne faut évidemment pas attendre que l'usure ait rendu la face du mentonnet vraiment verticale pour retirer le train de roues du service. Lorsque la face dont il s'agit atteint une inclinaison de 75°, il est nécessaire de faire reprofiler les bandages.

La largeur du bandage dans les locomotives est ordinairement de 140 mm ; quant à son épaisseur, elle est de 63 et de 76 mm à la S.N.C.B. Grâce à cette forte épaisseur, le bandage peut être rafraîchi au tour plusieurs fois avant sa mise hors service. On ne le réforme définitivement à la S.N.C.B. que lorsqu'il n'a plus que 30 mm d'épaisseur.

Pour les locomotives des types 1, 5, 10, 12 et 35, eu égard aux fortes charges supportées, l'épaisseur des bandages des roues accouplées est de 81 mm et la limite d'usure est portée de 30 mm à 35 mm.

Dès que l'application de la jauge montre un creux de 5 mm à la surface de roulement ou lorsque l'usure du mentonnet, au 1/3 de sa hauteur, atteint 3 mm (note 533_2), la roue doit être retirée du service pour être ramenée au profil normal sur le tour.

Pour les roues intermédiaires, il arrive qu'on diminue l'épaisseur du mentonnet comme l'indique le tracé en traits interrompus (fig. 627), et même qu'on le supprime pour faciliter la circulation en courbe. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.

Il va sans dire que les deux bandages d'une même paire de roues doivent avoir rigoureusement le même diamètre extérieur et que le retournage d'une roue quelconque d'un essieu accouplé entraîne celui de toutes les roues accouplées.

Les bandages sont placés à chaud avec un serrage qui est d'ordinaire de 1,25 mm par mètre de diamètre extérieur de la jante. Cette opération s'appelle l'embattage à chaud.

Il a été décidé à la S.N.C.B. d'augmenter ce serrage d'une quantité fixe de 0,25 mm pour tenir compte des imperfections inévitables du parachèvement (saillies dues aux traits de tour, par exemple).

Le serrage résultant de la contraction lors du refroidissement est très énergique et suffit normalement pour retenir le bandage sur le centre de roue. Il faudrait, en effet, dans ces conditions, qu'il se produise une différence de température de 100° environ entre la jante et le bandage pour que le serrage soit compromis. La jante participe toujours dans une assez forte mesure à l’échauffement du bandage, de sorte que le desserrage n'est à craindre qu'après un freinage exagéré et prolongé.

Ce mode de fixation par simple serrage donnerait toute satisfaction si le bris du bandage ou son lâchage accidentel ne devaient pas être envisagés. Un bandage peut se rompre peu de temps après le départ du train, il se peut donc qu'il doive encore parcourir une certaine distance avant d'être soumis à la visite. Il faut aussi considérer le déplacement latéral du bandage qu'il faut éviter lorsqu'il est lâché car, dans ce cas, l'écartement entre bandages se modifie et il y a risque de déraillement. Le bandage rompu, le serrage disparaît, le passage répété sur les croisements de la voie, le freinage, les chocs divers ont vite fait de disloquer complètement la fixation et souvent d'accentuer le bris. On a cherché à parer à cette éventualité, plutôt rare avec la qualité d'acier que l'on utilise actuellement pour les bandages, en créant différents modes d'attache du bandage à la jante.

Autrefois, les bandages étaient fixés à la jante au moyen de boulons ou de vis. Ces procédés, qui paraissent bien répondre au but visé, avaient le grand inconvénient de déforcer le bandage par la présence d'un trou qui fréquemment occasionnait la rupture du bandage en cet endroit. Ce mode d'attache est actuellement tout à fait abandonné.

Les systèmes eu usage actuellement ne créent aucun point faible dans le bandage, l'attache à la jante a lieu sur tout son pourtour et elle est uniforme ; ce sont les systèmes d'attache dits continus. Nous bornerons notre description aux modes d'attache suivants :

Le système de la Société Alsacienne est le plus simple (fig. 628).

Fig. 628
Attache de bandage de la Société Alsacienne.

Du côté extérieur, en A, la jante et le bandage sont tournés en queue d'aronde ; du côté intérieur, une simple languette de 2 mm de hauteur retient le bandage. Il est évidemment impossible de placer de ce côté une queue d'aronde semblable à l'autre, l'introduction du centre de roue dans le bandage chauffé devant se faire de ce côté. Bien que la hauteur de la languette soit limitée à 2 mm, le bandage doit déjà être porté à haute température pour que l'introduction du centre de roue puisse se faire.

Après refroidissement, le bandage est rabattu au marteau de manière à forcer la languette à s'agrafer sur la jante.

Ce mode d'attache est fort simple, mais en cas de bris, les morceaux sont difficilement retenus.

La figure 629 représente le mode d'attache du London-Chatham.

Fig. 629
Attache de bandage du London-Chatham.

Du côté extérieur, le bandage est retenu par une languette A pénétrant dans une rainure correspondante du centre de roue. Pour l'introduction du cercle, celui-ci doit être fendu suivant un rayon ou être de plusieurs pièces. Le cercle une fois mis en place, le bandage est rabattu sur lui.

Pour que ce cercle retienne éventuellement les morceaux de bandage, sa section est en queue d'aronde.

La languette A présente un certain jeu pour la dilatation lors de la mise en place. Pour enlever le bandage réformé, il faut évidemment enlever au tour la partie du bandage rabattue sur le cercle.

Le mode d'attache du Calédonian, représenté figure 630, ressemble beaucoup au précédent, mais le cercle de retenue pénètre en forme d'agrafe aussi bien dans le bandage que dans le centre de roue.

Fig. 630
Attache de bandage du Calédonian.

Le tracé pointillé montre la forme du bandage avant rabattement sur le cercle.

Le mode d'attache utilisé à toutes les locomotives de la S.N.C.B, est représenté figure 631, il comporte comme l'attache de la Société Alsacienne, un emboîtement en queue d'aronde du côté opposé au bourrelet ; d'autre part, un cercle formant agrafe, en forme de V très ouvert, sur lequel le métal du bandage est rabattu au marteau. A ce dernier point de vue, il y a analogie avec le type London-Chatham.

Fig. 631 Attache du Verein.

Ce mode d'attache a l'inconvénient, par rapport à l'attache Calédonian, de ne permettre qu'une largeur moindre de contact entre la jante et le bandage. Par contre, son exécution est sensiblement moins coûteuse et elle se prête mieux à l'emploi d'acier à bandages relativement dur.

Remarques. - A la S.N.C.B., le bandage et la jante sont marqués face à face, extérieurement et dans le prolongement d'un rayon, d'un trait de burin t (fig. 621), rendu apparent par un filet à la couleur rouge. Si le bandage tourne sur sa jante, les deux traits ne correspondent plus, le machiniste et l'agent visiteur en sont ainsi prévenus.

Enfin, un léger trait de tour T (fig. 621), sert de point de repère pour la vérification de l'épaisseur du bandage à l'endroit du cercle de roulement.

3. Boîtes à huile.

Dans les véhicules destinés à rouler sur les routes, les roues tournent folles sur les essieux qui sont fixes. Dans le matériel de chemins de fer, au contraire, les roues sont toujours calées sur les essieux et ceux-ci tournent dans des boîtes à huile étudiées en vue des conditions à remplir, conditions d'ailleurs différentes selon qu'il s'agit du matériel de transport ou du matériel de traction.

Dans les wagons et les voitures, les essieux sont entraînés par le véhicule, ils n'ont guère à supporter que la charge verticale résultant du poids de la caisse et de son chargement.

En général, les fusées sont extérieures aux roues, ce qui permet de construire la boîte d'une pièce avec un couvercle à l'avant et posant par l'intermédiaire d'un coussinet sur la fusée dont le graissage se fait par le dessous.

L'huile est renfermée dans une sous-boîte dans laquelle plongent les mèches du tampon graisseur. Celui-ci est pressé par des ressorts contre la fusée.

Dans les cas où le tampon graisseur est remplacé par du packing, celui-ci est contenu dans une sous-boîte de laquelle il déborde en embrassant la moitié inférieure de la fusée.

Pour les essieux des locomotives, la construction représentée figures 632 à 634 est généralement adoptée. La boite proprement dite affecte la forme d'un U renversé, à cheval sur la fusée sur laquelle elle porte par l'intermédiaire du coussinet.

Fig. 632 à 634
Boîte a huile locomotive type 10.

La boîte est retenue et guidée dans les entailles du longeron, elle présente à cet effet des joues résistantes qui prennent appui en cas de choc transversal. Contrairement à ce qui se fait pour les voitures et les wagons, il est de règle dans les locomotives d'ajuster les boîtes avec un minimum de jeu dans leurs guides, du moins dans le sens longitudinal. On est cependant amené, pour faciliter le passage des locomotives en courbe, à donner à la boite un jeu transversal sensible dans ses guides.

Une sous-boite démontable ferme la boîte par en dessous, elle protège le tourillon de la poussière et sert à recueillir l'huile de graissage venant de la partie supérieure de la boîte. Cette huile est appliquée à nouveau contre la fusée par le dessous au moyen d'un tampon.

Autrefois, les corps de boîtes étaient en fonte, de même que leurs guides, le frottement fonte sur fonte donnait toute satisfaction, mais ces boites étaient fragiles. Actuellement on fait surtout usage de boîtes en acier moulé ; ces boîtes sont d'ordinaires associées à des guides en acier ou en fonte et dès lors, pour éviter le grippage des guides et des boîtes, on rapporte sur les joues extérieures de celle-ci des «appliques en bronze phosphoreux» retenues par des vis en bronze à têtes noyées (fig. 632 et 639). Afin de soulager les vis qui ont à résister au cisaillement, on encastre les appliques ou on les munit de talons destinés à résister aux efforts de cisaillement provenant des frottements de la boîte dans ses guides.

Les appliques sont remplacées à peu de frais lorsque la limite d'usure est atteinte.

Plus rarement, on construit les boîtes complètement en bronze. La boîte elle-même fait alors office de coussinet. Ces boîtes sont très coûteuses et, de plus, assez fragiles. Exemple : boîte à huile de l'essieu porteur de la locomotive type 10.

Les appliques latérales en bronze sont parfois graissées par des mèches siphonnant l'huile du dessus de la boîte à huile et l'amenant aux appliques par un conduit horizontal.

Cependant la visite et le nettoyage de ces mèches sont assez malaisés par suite des difficultés d'accès. On peut concevoir un graissage des appliques latérales indépendant de la boîte elle-même, par exemple, par des graisseurs à mèches placés le long du corps cylindrique et assurant un graissage régulier même en hiver par le réchauffage de l'huile au contact de la chaudière.

Coussinets. - Le coussinet, servant d'intermédiaire entre la fusée et la boite, supporte les mêmes efforts que celle-ci, aussi convient-il de lui assurer une position bien stable dans tous les sens :

Lorsqu'il s'agit d'essieux moteurs ou accouplés, les boîtes sont soumises en plus de la charge verticale, à des efforts horizontaux considérables. L'essieu moteur reçoit, en effet, l'action alternativement en sens contraire de la bielle motrice ; cette action est reportée proportionnellement sur les essieux accouplés. Ces efforts, reçus d'abord par les coussinets, sont transmis ensuite aux boîtes et par celles-ci aux guides, et c'est ainsi que le mouvement d'avancement de la machine se produit.

En raison de l'importance des efforts horizontaux, la portée des coussinets sur les tourillons doit, toutes choses égales, être plus grande que dans le cas des essieux porteurs. Les efforts horizontaux se composent avec la réaction due à la charge verticale pour donner lieu à une résultante oblique alternativement dirigée en avant et en arrière ; il s'ensuit que le coussinet doit embrasser la fusée sur un angle aussi grand que possible.

L'usure du coussinet se fait donc sentir de telle manière que son rayon intérieur devient plus grand que celui de la fusée et, comme en même temps, la boîte prend du jeu dans ses guides, il en résulte que l'essieu peut subir un petit déplacement longitudinal, les bords inférieurs des coussinets se battent et le jeu augmente rapidement.

Ces considérations expliquent pourquoi on a été amené à faire embrasser toute la demi-circonférence par le coussinet et à prolonger celui-ci de deux centimètres environ vers le bas, de manière à soutenir davantage le point où le choc peut avoir lieu.

Les coussinets des boîtes à huile sont en bronze et sont garnis de métal blanc.

Il est intéressant de voir comment s'est modifiée en ces dernières années la construction du coussinet des boites à huile, tant du point de vue de la disposition du métal blanc que du point de vue du mode de graissage.

Fig. 635 Fig. 636

Dans la construction représentée figures 632 et 635, la surface de métal blanc en contact avec la fusée s'est révélée insuffisante. On a alors généralisé le dispositif de la fig. 636.

Les chambres dans lesquelles est logé le métal blanc sont venues de coulée avec le coussinet. Il s'ensuit que l'épaisseur du métal blanc augmente avec le degré d'usure de la fusée de l'essieu.

L'on se trouve dès lors dans l'obligation de disposer de plusieurs modèles de coussinets présentant des diamètres intérieurs différents.

A la S.N.C.B., on employait jusqu'en ces derniers temps trois modèles de coussinets, ceci afin d'éviter des épaisseurs exagérées de métal blanc. Mais pour réduire le nombre de modèles de coussinets et, en même temps, pour diminuer les stocks de coussinets bruts en magasin, on a été amené à ne plus avoir qu'un seul modèle de coussinet par type de boîte.

Ce coussinet est coulé sans les cavités réservées au métal blanc. Ces cavités sont ensuite usinées suivant le diamètre de l'essieu auquel le coussinet est destiné.

Cette méthode permet de standardiser l'épaisseur de la couche de métal blanc, qui a été fixée à 5 mm.

Les cavités réservées au métal blanc sont obtenues par mortaisage après alésage préalable du coussinet au diamètre de la fusée.

La figure 637 montre les rainures de 5 mm de profondeur pratiquées au tour pour assurer les sorties d'outils nécessaires lors du mortaisage.

Fig. 637

Remarquons que, dans la construction qui précède, les barrettes en bronze encadrant le métal blanc portent sur la fusée, ce qui a pour effet de rendre le coussinet plus sensible aux risques de chauffage.

D'autre part, la rainure de graissage se trouve à la partie supérieure du coussinet où la pression est la plus élevée.

C'est pourquoi, finalement, en application des principes développés page 450, à propos de la théorie du graissage, la conception représentée figure 638 a été adoptée et appliquée aux locomotives types 31 et 38.

Fig. 638

La portée du coussinet sur la fusée se fait ici uniquement sur métal antifriction. Enfin, les rainures de graissage ont été rapprochées fortement de l'axe horizontal du coussinet.

Les figures 639 et 640 représentent la boite à huile du dernier modèle de la S.N.C.B.

Le graissage du coussinet est assuré :

Dans le cas du graissage par mèches, il faut veiller à la bonne étanchéité du couvercle du réservoir d'huile, afin d'éviter l'introduction d'eau et de poussières. La préférence sera donnée aux boites munies de couvercles hermétiques soudés.

L'huile en excès retombe dans la sous-boîte d'où elle est ramenée contre la fusée par le tampon graisseur.

Fig. 639 et 640
Boite à huile dernier modèle de la S.N.C.B.

Métaux antifrictions pour coussinets de boîtes à huile. - L'expérience a montré que les métaux antifrictions qui donnent les meilleurs résultats sont ceux dont la structure comprend des éléments durs, bien formés, parsemés dans une masse plastique à éléments plus fins.

La composition du métal antifriction est la même que celle adoptée pour les bielles et selon qu'il s'agit de locomotives à voyageurs et mixtes, de locomotives à marchandises ou de locomotives de manœuvres (page 400).

Sous-boîtes. - Les sous-boîtes se construisent en fonte ; elles sont retenues par des broches qui traversent les branches verticales du corps de la boîte.

Nous avons dit que l'huile qui tombe dans la sous-boîte est ramenée contre la fusée par un tampon ; ce graissage par dessous, lorsqu'il se fait dans des conditions convenables, est très efficace. Aussi prévoit-on parfois une alimentation directe de la sous-boîte.

L'eau pénètre assez facilement dans la sous-boîte, l'huile étant plus légère finit par être expulsée et le graissage par dessous est alors anéanti. Afin de prévenir pareil inconvénient, les sous-boîtes sont souvent pourvues d'un bouchon spécial de vidange.

Tampon de graissage. - Le tampon est constitué de laine ou de packing, l'un et l'autre donnent de bons résultats.

Le packing se compose de :

La laine absorbe l'huile, le crin animal donne de l'élasticité à l'ensemble, il se comporte comme un ressort ; quant au coton, il remplace partiellement la laine pour des raisons d'économie.

Le packing est immergé dans l'huile pendant 48 heures avant son emploi. A ce moment, il est égoutté et comprimé à la main ou à la presse jusqu'à ce qu'il ait rendu les 3/5 environ de l'huile absorbée.

Un kilogramme de packing absorbe dans ces conditions environ 1,300 kg d'huile.

Appliques de frottement. - Par suite de l'usure et des rectifications successives des faces latérales des fusées à collet, la longueur de la fusée augmente (fig. 641), ce qui entraîne une augmentation correspondante de la longueur du coussinet et de la sous-boîte.

Cet inconvénient est supprimé avec les essieux droits de construction récente, dans lesquels les collets ont été supprimés.

L'effort transversal est reporté sur une plaque de frottement a, en acier dur, traité thermiquement, encastrée dans le moyeu de la roue (fig. 642). Cette plaque de frottement supporte l'effort lors de la circulation en courbe (locomotives types 1, 12, 29, 38, 40, 41 et américaines).

Fig. 641 Fig. 642

Dans ce cas, la boite à huile elle-même est munie d'une applique de frottement b, en bronze, de mêmes dimensions que celles de la plaque de frottement.

L'usure est ainsi reportée sur l'applique de la boite.

Cette applique en bronze F est fixée par des vis sur la boite (fig. 639), (locomotives types 1, 12, 38), ou bien coulée directement dans un creux ménagé dans la boîte (locomotive type 29).

Guides. - Le rôle des guides est de retenir les essieux sous le châssis tout en permettant aux boites de monter ou de descendre dans les entailles des longerons à la demande des inégalités de la voie. Les guides doivent être construits rationnellement de manière à renforcer les ouvertures des longerons et à présenter aux surfaces extérieures des boîtes une surface d'appui suffisante pour éviter tout grippage ou usure anormale.

Aux longerons en tôle, les guides sont constitués d'une forte équerre en fonte, en acier forgé ou moulé, dont la fixation au longeron par boulons chassés au marteau, doit être particulièrement soignée.

Quand ils sont en fonte ou en acier coulé, les deux guides d'une même boîte sont fréquemment réunis par un raccord cintré et coulé d'une seule pièce (fig. 604).

Les longerons en barres sont pourvus de fourrures en forme d'U.

Une pièce rapportée, dénommée sous-garde, réunit les extrémités inférieures des deux guides. La sous-garde concourt utilement au maintien du parallélisme des deux guides et soulage l'attache des guides au longeron en partageant sur les deux guides tout effort reçu directement par l'un d'eux.

Quand la chose est possible, il est convenable que la sous-garde réunisse non seulement les extrémités des deux guides, mais s'assemble du même coup aux deux extrémités de l'entaille du longeron.

Le mouvement continuel des boîtes dans leurs guides, la transmission de l'effort de translation de l'essieu au châssis amènent inévitablement à la longue du jeu qu'il faut reprendre à temps, de crainte de chauffage ou de bris de boîtes. Le procédé comportant l'emploi d'appliques en bronze a été examiné plus haut. Ce système ne permet pas de rappeler le jeu au fur et à mesure qu'il se produit.

Coins de rappel. - Si l'on veut rappeler le jeu au fur et à mesure qu'il se produit, il est nécessaire de munir les boîtes de coins de rappel (fig. 643 et 644).

L'un des guides A occupe alors une position oblique, le coin de réglage D inséré entre la boîte et ce guide peut être monté graduellement en agissant sur une vis V prenant appui sur la sous-garde. Dans le cas des longerons en barres, le guide opposé B est muni d'une semelle en acier C, retenue à ses extrémités par des butées 1 et 2 et boulonnée au longeron. Le coin D est parfois bloqué, après réglage, au moyen d'un boulon traversant le guide A.

Fig. 643

Les coins de réglage de tous les essieux accouplés sont évidemment tous placés du même côté, de façon à conserver dans toute la mesure possible le parallélisme et le même écartement des essieux.

Cette question de l'application des coins de rappel aux boites à huile est très controversée car, s'ils offrent des avantages, ils donnent lieu aussi à des inconvénients.

Avantages. - Si le réglage des coins est fait régulièrement et avec soin par un personnel d'atelier compétent, la tenue de la machine aux grandes vitesses est meilleure comparée à celle d'une locomotive sans coins de rappel. La différence est très sensible après quelques mois de service.

Inconvénients. - Comme le réglage des coins est une opération délicate, longue et difficile à contrôler, si on l'abandonne aux soins des machinistes, les plus capables exécutent consciencieusement le travail, mais d'autres laissent trop de jeu ou calent les boîtes.

Certains réseaux utilisent des coins de rappel automatiques.

Le graissage des guides se fait, soit à la main, soit par un graisseur à mèche ou à pointeau qui assure le graissage de chaque guide en particulier.

Fig. 644
Boite à huile centrale d'essieu coudé.

Mentionnons pour terminer deux constructions spéciales de boîtes.

a) La boîte Raymond pour essieux moteurs, qui fut appliquée à la Compagnie du Grand Central belge, a été reprise dans son principe à l'étranger et est encore en usage sur les locomotives allemandes. Elle comporte trois coussinets : un coussinet supérieur horizontal destiné à supporter la charge verticale et deux coussinets latéraux destinés à recevoir les efforts horizontaux. L'un des coussinets latéraux est appuyé à demeure contre une des parois de la boîte, l'autre peut être rapproché en cas d'usure au moyen d'un coin de rappel, inséré entre ce coussinet et la boîte. Les coussinets en trois pièces en service à la S.N.C.B. ont été remplacés par des coussinets ordinaires en une pièce.

b) Certaines locomotives sont pourvues d'un longeron central destiné, comme nous l'avons dit, page 529, à soulager l'essieu coudé. A la traversée de ce longeron, l'essieu porte une boite à huile pourvue d'un ressort très faible, la charge verticale qui pèse sur l'essieu en cet endroit est peu de chose vis-à-vis des efforts horizontaux alternatifs transmis par les pistons à l'essieu, c'est pourquoi, on a enveloppé complètement l'essieu de deux coussinets avec face de joint verticale (fig. 644). On supprime le jeu de ces coussinets au moyen de coins de rappel, car, pour que l'essieu soit effectivement soulagé, le réglage doit être très précis.


CHAPITRE IV
CIRCULATION DE LA LOCOMOTIVE EN COURBE

Au cours du chapitre précédent, nous avons fait remarquer que dans tous les véhicules de chemin de fer les roues sont calées sur les essieux (page 537), ce qui les rend solidaires. Nous avons dit aussi que dans les locomotives, il est de règle de maintenir les essieux dans leur position respective (page 500), de sorte que, en ligne droite, les essieux restent parallèles entre eux d'une part et, d'autre part, ne se déplacent pas suivant leur axe.

En ligne droite, cette construction assure un guidage régulier et sûr de la locomotive sur la voie. Néanmoins, afin de donner une certaine aisance au mouvement de la machine, on laisse un jeu total de 6 mm minimum à 25 mm maximum entre les trains de roues et les deux rails.

Fig. 645

En courbe, au contraire, la position des essieux ne pouvant varier par rapport au châssis, la machine se déplace entre les deux files de rails comme un rectangle indéformable (fig. 645). Si le rayon de la courbe est très petit, les roues 1 et 5 sont pressées contre le rail extérieur et la roue 4 contre le rail intérieur.

La distance entre les essieux extrêmes s'appelle l’empattement de la locomotive.

Si la courbe est de petit rayon (100 mètres, par exemple), et si l'empattement est quelque peu important (3 à 4 mètres), le jeu normal de 6 à 25 mm que l'on donne en ligne droite, ne suffira plus ; les mentonnets des bandages forceront contre les rails en même temps que les boîtes forceront sur les longerons, d'où fatigue et destruction de la voie comme de la locomotive et production d'une résistance supplémentaire au roulement ; le roulement deviendra très pénible et les risques de déraillement seront grands.

L'examen de la figure 645 montre que, pour un rayon donné, la difficulté de la circulation en courbe tient :

  1. à la rigidité du châssis qui maintient les essieux parallèles entre eux ;
  2. à la longueur de l'empattement, d'autant plus importante que le nombre d'essieux est plus grand et que le diamètre des roues est plus grand.
  3. à la solidarité des roues qui fait que l'une des deux roues doit glisser puisque celle qui roule sur le rail extérieur parcourt un chemin plus long que l'autre.

Fig. 646

Si tous les essieux pouvaient se déplacer sous le châssis comme le montre la fig. 646, de manière à rayonner vers le centre de la courbe, le problème de la circulation en courbe serait résolu, à la troisième condition près. Mais, désirant avant tout conserver à la machine le maximum de rigidité, on recourt à l'un ou à l'autre des moyens ci-après, appropriés au rayon de la courbe et à l'empattement de la locomotive, les uns convenables pour les vitesses réduites, les autres mieux indiqués pour les grandes vitesses.

Nous examinerons dans ce qui va suivre, les moyens employés pour favoriser le passage des locomotives dans les courbes de petit rayon.

1°) Surlargeur.

On se rend compte par l'examen de la figure 645 qu'on peut d'abord agir sur la voie. Il est clair que si l'on porte le jeu des bandages entre les rails de 6 mm à 60 mm maximum, l'inscription en courbe se fera plus aisément, c'est ce que l'on fait en pratique. Le supplément de largeur que l'on donne à la voie dans les courbes s'appelle surlargeur. On ne peut évidemment exagérer la surlargeur, car si elle est utile pour le passage des locomotives à grand empattement, elle devient nuisible et peut présenter du danger notamment pour la circulation des véhicules à essieux rapprochés.

Lorsque la surlargeur réglementaire ne suffit pas, on est forcé d'agir sur la machine.

2°) Réduction de l'empattement.

Le procédé qui vient d'abord à l'esprit est de réduire l'empattement en rapprochant les essieux le plus possible, mais cela peut conduire à une machine instable à cause des porte-à-faux qui en résultent à l'avant et à l'arrière.

La réduction de l'empattement se rencontre, par exemple, aux locomotives-tenders affectées au service des manœuvres, ces machines circulent à faible vitesse et leurs roues ont un diamètre assez faible pour pouvoir atteindre un très faible empattement sans inconvénient.

3°) Amincissement des bourrelets.

Il ne peut évidemment pas être question de s’écarter du profil normal réglementaire pour les bandages assurant la position de la machine dans la voie et son changement de direction dans la circulation en courbe.

Par contre, le bourrelet peut être aminci sans inconvénient aux essieux intermédiaires.

Aux chemins de fer belges, l'écartement des bandages des essieux compris entre deux essieux à position rigide est porté à 1365 mm et l'épaisseur du mentonnet est réduite, comme l'indique le tracé en traits interrompus de la figure 627, page 531.

L'amincissement intérieur de 2,5 mm facilite le passage en courbe dans les appareils de la voie, la roue dont le bandage est retenu par sa face intérieure s'appuyant sur le contrerail, s'écarte donc du rail d'une quantité supplémentaire de2,5 mm.

Le rôle de l'amincissement extérieur se reconnaît facilement, le contact du mentonnet avec le rail intérieur est retardé d'autant.

Aux locomotives allemandes, l'amincissement extérieur est seul pratiqué, il comporte 5, 10 ou 15 mm suivant les cas (profils 2, 3, 4, fig. 647).

Fig. 647
Amincissement extérieur du bourrelet des bandages.

4°) Suppression des bourrelets.

On a été plus loin dans cette voie, on a parfois supprimé complètement le bourrelet des bandages des roues du milieu. Cette pratique n'est plus guère actuellement en usage qu'en Amérique, elle n'est du reste admissible que lorsqu'on est assuré, en raison du rayon de la courbe, que jamais les roues du milieu ne tomberont des rails.

Les trois derniers moyens conservent aux essieux leur rigidité complète. Ils suffisent pour la plupart des locomotives à trois essieux dont l'empattement ne dépasse pas 4,50 m environ. (Exemple : locomotive type 41).

Lorsque l'empattement augmente, et on y est inévitablement conduit lorsqu'on accroît la puissance des machines, on sacrifie partiellement la rigidité des essieux en donnant une mobilité relative à certains d'entre eux, on conserve ainsi dans l'empattement total un empattement rigide réduit compatible avec le rayon de la courbe.

5°) Déplacement transversal des essieux.

On peut permettre à un ou à plusieurs essieux de se déplacer suivant leur axe (fig. 648) en donnant du jeu :

  1. aux coussinets sur les fusées ;
  2. aux boites à huile dans leurs guides.

Fig. 648
Déplacement transversal des essieux.

C'est ce qu'on a fait pour la locomotive de manœuvre à quatre essieux accouplés type 53, appelée à circuler constamment dans des voies en courbe de 100 mètres de rayon ; les trois premiers essieux ont un déplacement normal de 4 mm, l'essieu d'arrière, un déplacement de 14 mm.

Il va de soi que le jeu transversal donné aux essieux moteurs attaqués par les bielles motrices doit être limité pour assurer la bonne tenue du mécanisme.

On s'arrange aussi de façon que la locomotive comporte deux essieux, à bandage normal et avec déplacement transversal normal suffisamment écartés pour assurer un bon guidage dans la voie.

Pour parer au déplacement transversal de certains essieux accouplés, on donne un jeu correspondant aux coussinets des bielles d'accouplement sur leur tourillon ou l'on fait usage d'une charnière à pivot vertical (fig. 506).

Dès que le déplacement transversal de l'essieu est important, il est nécessaire, à la sortie de la courbe, de lui faire reprendre, d'une façon énergique, sa position normale ; en d'autres termes, il faut faire usage d'un dispositif de rappel.

Ce rappel de l'essieu peut se réaliser de différentes façons. Le procédé ordinaire consiste à employer des plans inclinés établis au-dessus des boîtes (fig. 649) ; c'est le système appliqué à l'essieu porteur placé sous le foyer de la locomotive type 10, pour lequel le jeu entre les guides et la boîte est de 75 mm.

Quand le mentonnet du bandage presse contre le rail, l'essieu glisse sous le châssis en entraînant sa boîte, le plan incliné de la boite soulève la colonne de ressort retenue au longeron par un guide vertical, le ressort se tend davantage et, dès que la locomotive sort de la courbe, l'excès de tension fait redescendre la colonne qui repousse la boite à sa place.

Fig. 649.- Rappel par plans inclinés
(Essieu d'arrière de la loc. type 10).

Quand il n'y a pas de rappel, la poussée du rail sur la roue n'agit utilement pour faire tourner la machine dans le sens de la courbe que quand le déplacement de l'essieu est complet, cette action est tardive et brutale ; grâce au rappel, la poussée s'exerce dès le début du déplacement de l'essieu et elle est progressive.

Le déplacement des essieux suivant leur axe peut suffire dans beaucoup de cas pour éviter la déformation de la voie et du châssis ainsi que pour éviter les déraillements. Mais il ne résoud qu'imparfaitement le problème de la circulation en courbe. Les essieux restant parallèles entre eux, les roues attaquent toujours le rail extérieur sous un angle assez grand, ce qui occasionne un grand frottement, d'où résulte une résistance considérable au roulement.

Fig. 650. - Schéma d'une locomotive munie d'un bissel

Dans les dispositions que nous allons décrire, l'essieu vient se placer suivant le rayon de la courbe ; on dit alors qu'il rayonne vers le centre de la courbe.

6°) Essieu radial ou bissel.

L'essieu radial tel que l'a réalisé l'ingénieur Bissel, dont le nom a été conservé à ce mode de construction, est formé d'un truck comportant, en général, un seul essieu, articulé à l'avant de la machine (fig. 650).

Un petit châssis triangulaire, complètement indépendant du châssis de la locomotive, pivote par son sommet P autour d'un point fixé invariablement dans l'axe de la machine, le côté opposé du triangle embrasse les boîtes de l'essieu d'avant qui est ainsi assujetti à tourner autour du pivot P. Si le point P est convenablement choisi, l'essieu mobile se placera toujours radialement, quel que soit le rayon de la courbe.

Mais le bissel ne peut se borner à ce qui précède, il est nécessaire qu'il y ait une certaine résistance à son déplacement ; il faut, en effet, que lorsque le mentonnet du bandage du bissel presse contre le rail extérieur de la courbe, le châssis de la machine reçoive déjà une certaine impulsion qui tende à le faire tourner dans le sens de la courbe. Si le premier essieu était trop mobile, il n'aiderait en rien la machine à tourner et c'est l'essieu suivant qui devrait le faire. Or, celui-ci, plus rapproché du centre de gravité de la machine, agirait avec moins d'efficacité, le bras de levier étant plus court.

Dans le cas où ce deuxième essieu est l'essieu moteur coudé, la nécessité d'un rappel énergique pour l'essieu porteur mobile est encore plus impérieuse, attendu qu'il faut éviter une trop grande fatigue à l'essieu coudé.

Aussi est-il de règle de faire usage d'un mécanisme de rappel tendant à ramener toujours le bissel dans l'axe de la machine (note 556). Dans le bissel américain, appliqué aux locomotives type 38 (fig. 651), la charge dévolue à l'essieu d'avant est appliquée au centre d'une crapaudine C, qu'il ne faut pas confondre avec le pivot P du bissel. Cette crapaudine est suspendue par quatre menottes m à la traverse S qui charge les boîtes à huile de l'essieu. Lorsque l'essieu se déplace vers la droite ou vers la gauche de la quantité nécessaire à l'inscription en courbe, les menottes s'inclinent, ce qui a pour effet de relever la crapaudine. La résistance au relèvement de la crapaudine, solidaire du pivot fixé à la machine, entraîne l'avant de la locomotive dans le sens de la courbe. Dès que la locomotive quitte la courbe, le poids chargeant la crapaudine ramène les menottes et l'essieu dans leurs positions normales.

Fig. 651 à 652
Bissel de la locomotive type 38.

Dans le mode de construction décrit, la machine repose par l'avant sur l'axe D d'un balancier longitudinal l l’. Ce balancier porte lui-même à l'arrière au milieu du balancier transversal T réunissant les ressorts du premier essieu accouplé, tandis qu'à l'avant, il vient s'appuyer sur un grain en acier placé dans l'axe d'une colonne cylindrique en fonte qui repose par une portée sphérique sur la crapaudine.

Fig. 654 et 655

Fig. 656 Fig. 657
Bissel arrière placé sous le foyer de la locomotive Pacific type 1.

Dans ces conditions, la charge transmise au pivot D se répartit entre la crapaudine et le groupe des deux colonnes de ressort d'avant du premier essieu accouplé dans le rapport inverse des bras de levier l et l’.

Bissel arrière de la locomotive Pacific type 1. - Le châssis triangulaire du bissel (fig. 654 à 659) est d'une pièce en acier coulé. Il est rattaché au châssis par le pivot P. Il pèse 2.230 kg.

Fig. 658
Boite à huile à rouleaux du bissel arrière de la locomotive Pacific type 1.

Les membrures sont tubulaires et sont traversées par les balanciers longitudinaux de suspension B B'. L'extrémité du balancier se rattache vers la droite à la suspension des essieux accouplés (fig. 615, page 522).

Fig. 659
Bissel arrière placé sous le foyer de la locomotive Pacific type 1.

L'essieu est à fusées extérieures et ses boites à rouleaux (fig. 658) sont enclavées dans une cavité en forme d'U renversé, ménagée dans une partie longitudinale de chacune des membrures du bissel.

Un ressort à lames étagées surplombe chaque boîte.

Une charge de 4.300 kg est reportée par chacun des deux osselets o du berceau au châssis du bissel. Nous reviendrons sur le fonctionnement des osselets à l'occasion de l'étude des dispositifs de rappel (page 575).

Les osselets o, en forme d'ogive, roulent sur des plans abc inclinés à 40 % en basculant autour de l'un ou de l'autre mentonnet m d'extrémité de leur base. Ces mentonnets prennent appui dans des encoches correspondantes des plaques fixées au châssis. L'effort de rappel est de 2.460 kg. Le relèvement maximum de l'arrière de la locomotive est de 25 mm.

7°) Boîtes radiales.

On peut se dispenser de faire tourner l'essieu autour d'un pivot réel comme cela existe dans le bissel et obliger simplement l'essieu à se déplacer comme s'il tournait autour d'un axe fictif. 11 suffît pour cela de donner à ses boîtes des guides courbes (fig. 660).

Si P est le centre de la surface courbe des guides, l'essieu pourra se déplacer dans ses guides comme s'il était réellement articulé autour du point P. Les boites ainsi construites s'appellent boîtes radiales.

Dans ces boîtes radiales, l'essieu est rappelé dans sa position normale par des plans inclinés établis au-dessus des boîtes ; c'est le cas pour les boîtes radiales de la locomotive type 97.

Tout ce que nous avons dit de la nécessité du rappel à propos du bissel s'applique également aux boîtes radiales.

En courbe, le rail extérieur est surélevé, de sorte que l'essieu s'incline vers le centre de la courbe, tandis que la partie suspendue de la machine subit des mouvements divers et a plutôt une tendance à s'incliner en sens contraire par l'action de la force centrifuge. Pour éviter le coincement des boites dans leurs guides, certaines boîtes radiales reposent sur leurs coussinets par une articulation sphérique ; cette disposition permet aux boites de s'incliner comme le châssis. Ce résultat peut également être obtenu en réalisant l'articulation sphérique à la partie supérieure du patin de glissement. La colonne cylindrique transmettant la charge est, dans les deux cas, guidée par rapport au longeron.

Fig. 660
Boîte radiale de la locomotive type 97.

8°) Bogie.

Un dernier procédé, supérieur à tous les autres pour faciliter l'inscription de la machine sur les voies courbes, consiste à employer un bogie.

Le bogie est un petit chariot constitué d'un châssis indépendant de celui de la machine porté par deux essieux (fig. 661).

L'avant de la machine en est rendu solidaire par un pivot qui pénètre dans une crapaudine placée au centre du bogie.

Quand la locomotive circule en courbe, le bogie tourne sur lui-même, de sorte que ses essieux rayonnent vers le centre de la courbe.

Toutefois, comme le pivot C, fixé au châssis de la machine, reste dans l'axe ABC de celle-ci, alors que le centre du bogie suit l'axe ABD de la voie, il faut que la crapaudine, solidaire du pivot, puisse flotter en quelque sorte sur le châssis du bogie pour que celui-ci puisse se déplacer transversalement dans un sens ou dans l'autre.

Fig. 661. - Schéma d'une locomotive munie d'un bogie.

C'est la crapaudine qui supporte la charge de l'avant de la locomotive et la transmet aux quatre roues du bogie soit, directement, en appuyant sur l'entretoise transversale médiane du châssis, soit par l'intermédiaire de quatre bielles de suspension rattachées au châssis.

Un dispositif de rappel, ressorts ou menottes, ramène la crapaudine dans sa position normale au centre du bogie quand la machine quitte la courbe.

En résumé, le bogie se déplace de deux façons :

  1. Il peut tourner sur lui-même d'un certain angle ;
  2. Il peut se déplacer latéralement, c'est-à-dire dans le sens de l'axe des essieux.

Examinons comment on réalise en pratique ces deux conditions ; nous bornerons notre examen à l'étude de cinq types de bogies.

A) Bogie à appui central sphérique à ressorts de suspension indépendants et à rappel par menottes (fig. 662 et 663).

Au châssis de la locomotive est fixé un pivot P qui s'appuie par une surface sphérique sur une crapaudine de même forme placée au centre du bogie.

Fig. 662 et 663. - Bogie de la locomotive type 9 à appui central sphérique.

Cette crapaudine est suspendue par quatre menottes m inclinées à la pièce transversale en acier moulé entretoisant les longerons du bogie, de sorte qu'elle peut se déplacer dans le sens transversal ; mais quand elle se déplace, deux des menottes s'inclinent davantage tandis que les deux autres se redressent, ce qui a pour effet de relever la crapaudine.

Les longerons du bogie reposent sur les boites par quatre ressorts à lames indépendants. Quelle que soit l'inclinaison que le châssis de la locomotive prenne par rapport à celui du bogie, la transmission de la charge du pivot à la crapaudine se fait toujours dans des conditions convenables, grâce à la forme sphérique du pivot ; il s'ensuit que, malgré l'indépendance des quatre ressorts de suspension, la répartition de la charge se fait dans de bonnes conditions.

Comme on le voit, les deux conditions requises pour un bogie sont satisfaites : en courbe, il tourne d'abord sur lui-même ; ensuite, grâce au mode de suspension de la crapaudine, il peut se déplacer transversalement de manière à suivre la courbure de la voie, tandis que le pivot reste dans l'axe de la machine.

Dès que la locomotive sort de la courbe, le poids qui pèse sur la crapaudine ramène les menottes dans leur position primitive rappelant ainsi le centre du châssis du bogie dans l'axe de la locomotive.

Une broche horizontale b, fixée à deux oreilles coulées avec la crapaudine, empêche le bogie d'abandonner la locomotive, lorsque l'on soulève la locomotive, en cas de déraillement, par exemple. Des butées n limitent le déplacement transversal à 65 mm dans chaque sens. Enfin, des tampons secs t limitent les mouvements d'oscillation de la locomotive par rapport au bogie.

Si ces tampons n'existaient pas, le châssis du bogie pourrait s'incliner outre mesure par rapport au châssis principal, à l'entrée d'une courbe, par exemple, à l'endroit où commence le dévers ; le châssis du bogie pourrait venir en contact avec le longeron de la locomotive et se trouver ainsi dans l'impossibilité de se déplacer ; le déraillement serait inévitable.

Ce type de bogie est appliqué aux locomotives types 9 et 10.

B) Bogie à appui central plan, à suspension conjuguée et à rappel par ressorts latéraux (fig. 664 à 666).

Fig. 664 à 666.
Bogie de la locomotive type 18 à appui central plan.

Au bloc des cylindres est assemblé le pivot cylindrique P qui repose par une surface circulaire plane sur la crapaudine représentée en noir sur la figure.

La crapaudine repose elle-même sur l'entretoise en acier moulé qui réunit les longerons du bogie, elle peut se déplacer transversalement d'une certaine quantité sur cette pièce qui forme glissière, mais ce glissement est rappelé par des ressorts hélicoïdaux n disposés horizontalement.

De chaque côté, le châssis porte sur les boites par l'intermédiaire d'un seul ressort à lames r, placé dans la position renversée, chargé en son milieu et suspendu par des menottes m à un cavalier. Celui-ci, constitué de deux flasques entre lesquelles passent les menottes, porte par ses deux bouts directement sur les boites, comme il est représenté figure 603, page 511.

Ce ressort à lames joue somme toute le rôle d'un balancier, il assure l'invariabilité de la répartition de poids sur les deux roues du même côté. Les quatre roues de ce bogie ont donc une charge à très peu de chose près constante.

L'emploi d'une large surface d'appui est ici justifié pour assurer une stabilité suffisante au châssis même du bogie qui, il convient de le remarquer, ne repose que sur les deux pivots des ressorts r autour desquels il pourrait pivoter.

Une broche traverse le pivot et permet le soulèvement simultané du bogie et de la locomotive.

Le système de rappel par ressorts donne lieu à une remarque : en admettant même que les deux ressorts soient placés avec la même pression initiale, celle-ci se conserve difficilement la même pour les deux, de sorte que, si le ressort de droite, par exemple, est plus fort que l'autre ou s'il vient à se briser, le bogie sera constamment appliqué contre la file de rails de gauche et vice-versa. Le système de rappel par menottes (ou biellettes) lui est donc supérieur, la pesanteur, force invariable, intervenant seule pour assurer le rappel.

Ce bogie est celui des locomotives type 18.

C) Bogie à pivot non porteur, simplement directeur.

Fig. 667, 668, 669 Bogie des locomotives type 64 à pivot directeur

Nous décrirons, à titre d'exemple (fig. 667 à 669), le bogie de la locomotive type 64, dont les dispositions sont courantes aux locomotives allemandes. La charge est transmise au bogie par l'avant du châssis principal de la machine, par l'intermédiaire de deux patins p qui peuvent subir un certain glissement dans le sens transversal, suivant le jeu donné au bogie. Cette charge est transmise à chaque essieu de bogie par deux forts ressorts latéraux formant balanciers. En cela, la disposition est assez analogue à celle du bogie du type 18 (fig. 664). Ici, toutefois, le pivot P ne sert qu'à assurer la direction de la machine, il ne porte aucune charge. A sa partie supérieure, il est solidement emmanché sur une entretoise du châssis principal de la machine ; inférieurement il glisse à frottement doux dans une boîte B qui peut coulisser transversalement dans un cadre C rectangulaire, faisant corps avec le châssis du bogie. L'effort de rappel est obtenu par deux ressorts conjugués R et R' dont les extrémités sont assemblées deux à deux par des tirants t pourvus d'écrous de réglage.

Ainsi que nous le montrerons plus loin, ce dispositif de rappel à ressorts se distingue de celui du bogie de la figure 664 par ce fait que dans ce dernier système l'effort de rappel initial est nul, tandis qu'ici cet effort a une valeur assez grande dès le début du déplacement.

D) Bogie à rappel constant des locomotives types 1 et 12.

Les figures 670 à 672 montrent que l'application de la charge se fait par une crapaudine C reposant par des plans abc, a'b'c' inclinés à 40 % sur deux osselets o en forme d'ogive.

Fig. 670 et 671. - Bogie avant de la locomotive type 1 à rappel constant.

En courbe, les osselets roulent sur ces plans inclinés, en basculant autour de l'un ou de l'autre mentonnet m d'extrémité de leur base. Ces mentonnets prennent appui dans des encoches correspondantes de la traverse du châssis du bogie.

Les bielles B solidarisent le mouvement des osselets. Les osselets relèvent l'avant de la locomotive jusqu'à un maximum de 42 mm.

L'effort de rappel qu'ils exercent est de 26 t x 0,40 = 10,4 t.

Fig. 672
Bogie avant des locomotives types 1 et 12.

Le châssis du bogie est en acier moulé monobloc. Il pèse 1.770 kg y compris la crapaudine et les osselets. Il repose sur la partie supérieure des boites à rouleaux par l'intermédiaire de ressorts à lames, enclavés entre les flasques de balanciers longitudinaux de suspension.

E) Bogie moto-porteur.

Dans les locomotives à voyageurs, qui exigent avant tout une chaudière puissante, partant très lourde, on est facilement amené à avoir un nombre d'essieux supérieur à celui qui est nécessaire pour l'adhérence ; pour ces locomotives, par conséquent, l'usage d'un bogie avec ses deux essieux porteurs n'offre pas d'inconvénient. Il n'en va pas de même des locomotives à marchandises, pour lesquelles on cherche à disposer du plus grand poids adhérent possible. Si on le pouvait, on accouplerait tous les essieux pour les faire participer à l'adhérence.

Il existe cependant à cette difficulté une solution qui consiste à intéresser le deuxième essieu du bogie à l'adhérence, en donnant à ses roues le diamètre des roues motrices et en l'accouplant à l'essieu moteur ou, ce qui revient au même, à relier l'essieu porteur mobile au premier essieu accouplé par un châssis spécial qui donne, à très peu près, à l'ensemble des deux essieux le caractère d'un véritable bogie.

On arrive ainsi à donner à la locomotive une souplesse comparable à celle des locomotives à bogie, tout en disposant, à poids total égal, d'un poids adhérent plus grand.

Fig. 673 à 676. - Bogie moto-porteur de la locomotive type 36.

C'est le système qu'on a appelé bogie moto-porteur et dont plusieurs types ont été réalisés. Nous décrirons à titre d'exemple le bogie moto-porteur appliqué aux locomotives à marchandises à cinq essieux accouplés, type 36.

Ce bogie (fig. 673 à 676) est constitué de deux longerons l intérieurs aux roues, entretoisés par une pièce en acier moulé. Au centre de cette pièce est suspendue par des menottes obliques une crapaudine à pivot sphérique. La crapaudine peut donc se déplacer à droite et à gauche de l'axe du bogie. Elle est rappelée par la gravité dans sa position centrale.

L'avant du bogie repose sur l'essieu porteur par deux ressorts à lames placés au-dessus des boîtes.

Les boîtes de l'essieu accouplé sont guidées dans le châssis de la locomotive, mais avec un jeu transversal (46 mm). Ces boîtes sont chargées par dessous par les menottes d'un long ressort transversal R, sur lequel s'appuie l'arrière du bogie par le pivot p.

L'arrière du bogie enveloppe le corps de l'essieu accouplé, mais sans venir en contact direct avec lui.

Sur chaque boite de l'essieu accouplé est fixée une colonnette verticale, sur laquelle est embroché un bloc triangulaire t, véritable sabot qui appuie constamment sur le longeron du bogie.

En courbe, l'essieu porteur d'avant tourne autour de la crapaudine, qui subit elle-même un déplacement transversal sur ses menottes de suspension. Dès le début de cette rotation, la queue du bogie presse sur un des sabots triangulaires forçant la boîte correspondante de l'essieu accouplé à se déplacer transversalement (le sabot pivotant sur sa colonnette garde le contact avec le longeron du bogie). Dans le même moment, l'arrière du bogie entraîne le pivot p ainsi que le ressort R, contribuant par là au déplacement transversal en tirant sur les menottes des boîtes.

On voit donc que le bogie peut tourner autour de son axe, sans que l'essieu accouplé cesse d'être parallèle aux autres essieux de la locomotive, cet essieu ne subit qu'un simple déplacement transversal. Le déplacement transversal conduit à employer des boutons sphériques pour les manivelles d'accouplement.

L'essieu porteur d'avant se place suivant le rayon de la courbe.

La distance du pivot du bogie à l'essieu porteur est plus grande que sa distance à l'essieu accouplé, ce qui reporte sur celui-ci la plus grande partie de la charge.

Avantages des bogies. - Les essieux du bogie, comme celui du bissel du reste, s'inscrivant radialement ou à peu près, leurs roues attaquent donc le rail sous un angle très faible, de sorte que le frottement est réduit ; malgré cela, l'action directrice du bogie est grande.

Il permet, sans augmenter l'empattement rigide de la locomotive, d'augmenter son empattement total et partant son poids ou, ce qui revient au même, sa puissance. Le bissel procure le même avantage, mais dans une moindre mesure, puisqu'il ne peut porter que la charge correspondant à un essieu.

Conclusion. - Toutes les locomotives dont la vitesse dépasse 100 km/h sont pourvues d'un bogie à l'avant. Les machines qui ne sont munies que d'un bissel à l'avant ne peuvent pas, en général, dépasser la vitesse de 100 km/h. La vitesse maximum des locomotives sans essieu porteur à l'avant est encore plus réduite, elle est fixée par les règlements, elle reste le plus souvent inférieure à 65 km/h.

Remarque I. - Dans tout ce qui précède, nous avons envisagé le passage des locomotives dans les courbes raides. Le mouvement dans de telles courbes ne doit se faire qu'à vitesse réduite, parce que les résistances sont alors considérables et les déraillements faciles.

Dès que le rayon de la courbe augmente, la machine présente une certaine aisance dans la voie. On pourrait croire qu'alors toutes les roues extérieures des essieux chercheront à s'appliquer contre le rail extérieur et que, tout au moins, la première et la dernière roues extérieures amèneront leur bourrelet en contact avec le rail (fig. 677). Les choses se passent cependant autrement : la roue extérieure de l'essieu d'avant attaque toujours le rail extérieur, mais la roue intérieure de l'essieu d'arrière cherche à pénétrer dans le rail intérieur (fig. 678).

Fig. 677

Fig. 678

Fig. 679

On admet actuellement que, pour que le mouvement d'une locomotive en courbe se fasse dans des conditions convenables, il est désirable que le roulement ait lieu avec le dernier essieu dirigé suivant le rayon de la courbe (fig. 679).

Le roulement d'une locomotive type 41, dont l'empattement rigide est de 4,572 m, se fait dans les conditions de la figure 679 dans une courbe de 315 m de rayon, le jeu total des essieux dans la voie étant compté à 35 mm.

Remarque II - Nous voilà en mesure de préciser la définition que nous avons donnée de l'empattement (pages 550 et 553).

Fig. 680
L - empattement total, l = empattement rigide.
(Locomotive Pacific type 1).

On distingue (fig. 680) :


Considérations théoriques sur les dispositifs de rappel.

Les dispositifs de rappel se classent en deux espèces :

  1. Ceux dans lesquels la force de rappel est produite par des ressorts ;
  2. Ceux dont l'effort de rappel est produit par la gravité, c'est-à-dire par l'action de la pesanteur.

1. Rappel par ressorts.

I. Le rappel par ressorts est celui qui se présente le plus naturellement à l'esprit. Lorsque le châssis du bogie, ou le train de roues du bissel, selon le cas, s'écarte de sa position normale, un ressort se comprime et tend à ramener le bogie (ou l'essieu) dans sa position moyenne. On trouve cette disposition au bogie des locomotives type 18 (fig. 664).

Dans le dispositif figure 664, reproduit schématiquement figure 682, les ressorts sont posés en tension, c'est-à-dire que, même lorsque le pivot est dans l'axe du bogie, les ressorts exercent une certaine pression. Le ressort libre est représenté figure 681. Mais si le pivot s'écarte de sa position normale (fig. 683), il comprime un ressort en déchargeant l'autre.

Fig. 681, 682, 683

On voit, d'après cela, que bien que ces ressorts soient placés en tension, l'effort de rappel est nul au début, mais cet effort croît régulièrement jusqu'à une valeur maximum qui correspond au plus grand écart du pivot (fig. 683).

Dans les locomotives type 18, l'écart maximum du pivot de part et d'autre de l'axe du bogie est égal à 19 mm. La tension de pose des ressorts est égale à 3.160 kg. L'effort de rappel part d'une valeur nulle pour atteindre une valeur de 4.220 kg pour l'écart maximum.

II. Le dispositif de rappel comportant l'emploi de ressorts peut facilement être combiné de manière à donner un effort de rappel initial ayant déjà une certaine valeur.

Nous décrirons, à titre d'exemple, la disposition des organes adoptée à la plupart des locomotives allemandes, par exemple aux locomotives type 64 (fig. 667 à 669, 684 à 687).

Fig. 684. - Position moyenne

Fig. 685. - Déplacement du châssis du bogie vers la droite.

Schéma du dispositif de rappel du bogie de la locomotive type 64.

Fig. 686, 687
Dispositif de rappel du bogie de la locomotive type 64
(voir fig. 667 à 669).

Schématiquement, les choses se présentent comme le montrent les figures 684 et 685. Les figures 686 et 687 représentent la construction telle qu'elle est réalisée.

L'effort de rappel est obtenu par deux ressorts conjugués R et R', dont les extrémités sont assemblées deux à deux par des tirants t pourvus d'écrous de réglage (fig. 667 et 684). Les colliers de ces ressorts R et R' transmettent la tension des ressorts à deux broches b (fig. 684 à 687), dont les tiges coulissent dans des trous correspondants du cadre C et viennent s'appuyer à leur extrémité contre la boite B.

Lorsque le pivot est exactement dans sa position moyenne (fig. 684), les tiges s'appuyent à la fois en m sur le cadre C et en n sur la boîte B. Dès que le pivot se déplace dans un sens ou dans l'autre (fig. 685), l'une des tiges b cesse d'être en contact avec la boite B, tandis que l'autre tige est entraînée par cette boite et comprime le ressort correspondant R, ainsi que le ressort opposé R' qui lui est conjugué.

Il est facile de voir que, dès le début du déplacement du pivot, l'effort de rappel a une valeur déterminée qui est réglée par la tension de pose des ressorts (écrous de réglage) ; d'autre part, l'effort de rappel augmente d'une quantité proportionnelle au déplacement du pivot.

Dans la locomotive type 64, l'effort de rappel initial est égal à 3.600 kg et sa valeur maximum est de 5.270 kg pour un écart du pivot de 45 mm.

2. Rappel par la gravité.

Différents systèmes sont utilisés :

I. Biellettes parallèles.

Ce dispositif est employé depuis longtemps aux locomotives américaines. Les figures 688 à 690 représentent le bissel d'une ancienne locomotive belge de construction américaine, qui présente ce dispositif de rappel.

Fig. 688 à 690.
Bissel d'une locomotive belge d'origine américaine.

Le dispositif dont il s'agit est représenté schématiquement figure 691.

Fig. 691

La charge P supportée par le bissel est transmise à une plaque A'B' servant de siège au pivot et suspendue aux pivots A et B par les biellettes parallèles AA', BB'. Les pivots A et B sont fixés au châssis du bissel (ou du bogie, le cas échéant).

Lorsque le pivot d'appui s'écarte de l'axe du bogie, les points A' et B' tournent respectivement autour de A et de B et décrivent des arcs de cercle. Il est facile de voir qu'un point quelconque de A'B' décrit également un arc de cercle dont le centre se trouvera sur AB.

Le centre C de la surface du pivot se relève en décrivant un arc de cercle dont le centre 0 se trouve au milieu de AB.

Cet arc de cercle est représenté en trait renforcé sur la figure. Les choses se passent donc visiblement comme si le point d'appui C de la charge P glissait sans frottement (les frottements aux pivots A, B, A', B' ont peu d'influence) sur l'arc de cercle figuré en trait fort.

On voit ainsi que la force qui tend à ramener le pivot dans l'axe est nulle au début et qu'elle va en croissant au fur et à mesure que l'écart du pivot augmente.

L'ensemble se comporte comme un pendule (fig. 692).

Fig. 692 Fig. 693 Fig. 694
Bielles parallèles.

Considérons une masse A, de poids P (fig. 693), reliée au centre de rotation 0 par la bielle OA.

Ecartons-la de sa position d'équilibre OA et amenons-la en OC. Si nous l'abandonnons alors à elle-même, elle reviendra vers sa position primitive OA sous l'effet de la composante P1 de la pesanteur P.

Nous voyons que la valeur de P1 diminue au fur et à mesure que la masse se rapproche du point A pour lequel, l'angle a étant nul, la force P1 est égale à zéro.

Dans le mouvement inverse, c'est-à-dire de A vers C, nous constatons qu'au moment précis où la masse A commence à s'écarter de sa position d'équilibre OA, l'effort P1 de rappel est nul, mais que cet effort va en croissant au fur et à mesure que la niasse s'approche du point C.

Si nous nous reportons à la figure 694, la décomposition des forces montre que l'effort de rappel est égal à F1 + F2.

Il est à remarquer que dans cette position, la plaque servant de siège au pivot reste horizontale, ce qui permet l'emploi d'un pivot à portée plane.

II. Bielles inclinées.

Dans une disposition qui dérive de la précédente, les bielles de suspension AA', BB' sont inclinées (fig. 695).

Fig. 695

Ici, la base du pivot est sphérique parce que, lorsque le pivot s'écarte de l'axe du bogie, la base A'B' de la crapaudine prend une position oblique (fig. 697).

Le centre du bogie est en 0 (fig. 695). En faisant un tracé exact, on vérifiera que lorsque le pivot s'écarte de sa position normale, son centre 0 décrit une courbe qui est figurée en trait fort et qui est plus incurvée qu'un arc de cercle (tracé mince) dont le rayon serait égal à celui des biellettes.

L'effort de rappel augmente donc plus rapidement que dans le système à biellettes parallèles, mais il convient de bien remarquer que l'effort de rappel est nul au début, dans les deux systèmes. C'est pour cette raison qu'ils sont à peu près abandonnés actuellement.

Qu'il s'agisse de biellettes parallèles ou inclinées, pour un même déplacement, l'effort de rappel est d'autant plus grand que les biellettes sont plus courtes.

Notons enfin que le déplacement de la crapaudine, par rapport au châssis du bogie, entraîne le relèvement de l'avant de la locomotive.

Dans la position moyenne ou position d'équilibre (fig. 696), la décomposition des forces montre que le poids P de l'avant de la locomotive se partage en deux composantes égales à , de sorte que l'effort de rappel est nul : F1 - F2 = 0.

Quand, en courbe, le châssis du bogie se déplace sous l'avant de la locomotive (fig. 698), les bielles s'inclinent et l'axe du châssis du bogie s'écarte du pivot de la machine.

Fig. 696 Fig. 697
Fig. 698 Fig. 699
Bielles inclinées.

Ici, selon le degré d'inclinaison des bielles (fig. 698 et 699), l'effort de rappel est égal à F1 - F2 (fig. 698) ou à F1 + F2 (fig. 699).

Remarque. - L'exposé ci-dessus suppose :

  1. que la charge P se transmet à la crapaudine par une surface réduite théoriquement à un point ;
  2. que l'épaisseur de la crapaudine, c'est-à-dire la hauteur qui sépare la surface d'appui des pivots d'articulations inférieurs, est nulle.

Mais il n'en est pas ainsi. La charge P se transmet par une surface sphérique d'une certaine étendue et la crapaudine a une certaine épaisseur, il s'ensuit que, dans la position inclinée de la crapaudine, son axe prend une position oblique, alors que le pivot reste vertical ; dès lors, les distances des deux articulations inférieures à la verticale passant par le pivot ne sont plus égales et les deux forces devraient être remplacées par deux forces inégales P' et P". Les composantes F1 et F2 prendraient d'autres valeurs, mais le raisonnement en ce qui concerne la détermination de l'effort de rappel resterait le même.

Enfin, étant donné que la base de la crapaudine est inclinée, il faudrait, pour être tout à fait précis, considérer non pas les forces F1 et F2 elles-mêmes, mais bien leurs composantes horizontales, car ce sont celles-ci qui provoquent le rappel transversal.

III. Bielles triangulaires.

Le dispositif de rappel à biellettes triangulaires (fig. 700), au contraire, est à rappel initial. Les pivots de suspension de la crapaudine sur le bogie sont dédoublés : A1, A2, B1, B2. Les biellettes affectent la forme d'un triangle A'A1A2, B'B1B2.

Fig. 700 Fig. 701
Bielles triangulaires.

Dès que le pivot s'écarte de l'axe, le système fonctionne comme si les paires de biellettes parallèles A'A1 - B' B1 (ou A'A2 - B'B2) fonctionnaient seules, suivant le sens de l'écart. Elles sont donc déjà inclinées dès le début du déplacement.

La plaque A'B' formant siège du pivot reste dans tous les cas horizontale, comme dans le cas des biellettes parallèles (fig. 691), avec cette différence que les bielles sont déjà inclinées et que le point d'appui C décrit deux parties d'arcs de cercle, l'un ayant son centre en C1, l'autre en C2. Ces arcs sont représentés en traits renforcés.

On voit, d'après cela, que l'effort de rappel a une certaine valeur dès le début et que sa grandeur augmente avec l'écart entre le pivot et l'axe du châssis du bogie.

Ce système est appliqué aux locomotives types 7, 38, 40 et dans beaucoup de locomotives étrangères de construction récente.

IV. Dispositif à rappel constant de Woodard (fig. 702-703).

Fig. 702 et 703

Ce système est très en faveur aux Etats-Unis, il est appliqué au bogie des locomotives types 1 et 12 (page 568), ainsi qu'au bissel arrière de la locomotive type 1 (page 558). Ici le pivot transmet sa charge P par l'intermédiaire d'osselets 1 et 2 pivotant en M et en N sur la traverse du bogie. Les surfaces courbes des osselets ont respectivement pour centres M et N. Les surfaces d'appui ABC du pivot sont en forme de V renversé dont les plans sont tangents au contour circulaire des osselets.

Dès que le pivot s'écarte de sa position normale, le plan incliné A B (ou B C, suivant le sens de l'écart) roule sur l'osselet, mais en restant parallèle à lui-même, l'osselet tournant autour du centre correspondant N (ou M suivant le cas).

Il est facile de voir (fig. 703) que, non seulement l'effort de rappel a une certaine valeur au début, mais qu'il est en outre constant. La charge P se transmet par P1 et P2 aux osselets et le bras de levier de ces forces reste constant et égal à .

Il convient d'ailleurs de remarquer que lorsque le pivot du bogie s'écarte de sa position normale, les choses se passent exactement comme si ce pivot, supposé réduit au point Z, montait sur un plan incliné ZY (ou ZX suivant le sens de l'écart) sans autre frottement que celui qui résulte de la rotation du pivot N (ou M). La ligne de déplacement du centre du pivot est donc XYZ figurée en trait fort figure 702.

Le dispositif à rappel constant de Woodard peut donc être assimilé, comme principe, au système à plans inclinés appliqué à certaines locomotives (voir page 555), mais celui-ci est certainement inférieur au dispositif Woodard parce que le frottement développé aux surfaces de glissement s'ajoute à l'effort qui s'oppose au déplacement du pivot, tandis qu'il vient en déduction de l'effort de rappel qui ramène le pivot à sa position normale.

Les systèmes à rappel initial nul (par ressorts ou par gravité) sont actuellement à peu près abandonnés, avons-nous dit. Il faut, en effet, que même dans les courbes de très grand rayon, l'effort de rappel soit suffisant pour faire tourner la locomotive dans le sens de la courbe.

Résumé. - Représentons graphiquement la variation des efforts de rappel (fig. 704 à 708).

Portons sur un axe horizontal OC (fig. 704) les déplacements transversaux successifs des essieux et, verticalement, les efforts F de rappel AB, CD, etc., correspondant à ces déplacements.

Dans le cas des ressorts indépendants, pour un déplacement transversal de OA mm, l'effort de rappel correspondant est de AB kg ; pour un déplacement de OC mm, l'effort de rappel sera de CD kg et tous les points tels que B et D se trouveront sur une ligne droite oblique OB passant par l'origine 0.

Fig. 704
Ressorts indépendants

Fig. 705
Ressorts conjugués

Fig. 706
Bielles inclinées (OC)
Bielles parallèles (OB)

Fig. 707
Bielles triangulaires

Fig. 708
Système Woodard

Dans le cas des ressorts conjugués (fig. 705), les efforts de rappel croissants seront encore limités par une droite AB, mais comme il y a un rappel initial de OA kg = r, la droite AB ne passe pas par l'origine 0.

Dans le cas du rappel par bielles (fig. 706), l'effort de rappel qui est nul à l'origine, va en croissant rapidement selon une courbe telle que OB pour le cas des bielles parallèles et selon une courbe telle que OC pour le cas des bielles inclinées car, pour celles-ci, l'effort de rappel est plus énergique.

Si nous envisageons le cas des bielles triangulaires (fig. 707), les choses se passent de la même manière que pour les bielles parallèles, la courbe des efforts de rappel est OE, par exemple, mais comme il y a un effort de rappel initial égal à CD kg = r, l'on n'utilise en fait que la partie DE de la courbe des bielles parallèles, les déplacements étant comptés à partir de C.

Enfin (fig. 708), dans le cas du système Woodard où l'effort de rappel est constant, l'effort de rappel initial OA kg = r se maintient égal à lui-même suivant la droite AB.

Conclusions pratiques.

De l'expérience acquise aux chemins de fer belges, il résulte que les bogies à rappel par osselets se sont révélés très supérieurs à ceux à rappel par ressorts ou par menottes, des points de vue des avaries, de l'entretien et de la tenue de route.

  1. Avaries aux bogies à rappel par ressorts latéraux : bris des ressorts à lames, bris des tirants d'assemblage des ressorts, dislocation de la fixation du pivot directeur.
  2. Avaries aux bogies à rappel par menottes : bris du pivot central à tête sphérique, dislocation de la fixation de ce pivot, bris des pivots des menottes.

Ces avaries ne sont pas toujours décelées immédiatement parce que ces pièces sont peu visibles et d'un accès difficile.

Quant à la tenue de route, elle reste bonne jusqu'aux vitesses de 110 à 120 km/h.

Les bogies à rappel par osselets ne donnent lieu à aucune avarie et la tenue de route est bonne, même aux vitesses de 150km/h.


CHAPITRE V
GRAISSAGE
du mentonnet des roues et du bourrelet des rails au passage dans les voies en courbe

Sur les lignes très sinueuses, l'on constate des cas typiques d'usure latérale rapide des rails, d'une part, du mentonnet des roues du premier essieu accouplé, d'autre part.

En Belgique, c'est le cas notamment sur les lignes :

parcourues par des locomotives du type 41, à 3 essieux accouplés et du type 81, à 4 essieux accouplés.

Ces usures se manifestent d'autant plus fortement que l'empattement rigide de la locomotive est plus grand.

Fig. 709
Usure en alignement droit
Fig. 710
Usure en courbe
Fig. 711

La figure 709 représente l'usure du bandage et du rail telle qu'elle se forme sur les lignes en alignement droit ; la fig. 710 montre comment l'usure se présente sur les lignes sinueuses. En ligne droite, ce sont les surfaces de roulement des roues et des rails qui s'usent ; en courbe, ce sont les mentonnets des roues et les faces verticales des bourrelets des rails. L'usure porte surtout sur la partie a b du bandage (fig. 711).

L'usure du mentonnet de la roue est beaucoup plus rapide que celle du rail. En effet, le même point d'une roue prend, à chaque tour de roue, contact avec le rail. Pour une roue de 1 mètre de diamètre et pour une vitesse de 60 km/h, par exemple, le contact se produit en une heure autant de fois que la circonférence de la roue est contenue dans les 60 km, soit :

Qu'en est-il pour le rail ?

Cela dépend du trafic. Supposons des trains de 150 essieux se suivant de 5 en 5 minutes, soit donc 12 trains par heure. Un point donné du rail ne sera touché en une heure que

150 roues X 12 trains = 1.800 fois

(en courbe, seules les roues extérieures prennent contact avec le rail extérieur).

Le nombre de roues qui passent en une heure sur un point donné du rail est donc beaucoup moindre que le nombre de contacts d'une même roue avec le rail.

Pour remédier à l'usure des roues et des rails, l'idée est venue de graisser ou les mentonnets des roues ou les bourrelets des rails.

A) Graissage des mentonnets des roues.

Appareil Buclon. - L'appareil Buclon a été mis à l'essai vers 1930 sur les lignes de la S.N.C.F. (anciens réseaux du P.L.M., de l'Etat et du Midi).

Le P.L.M., d'où il est originaire, l'avait appliqué à des locomotives à 5 essieux accouplés, circulant sur des lignes très accidentées, à courbes de faible rayon.

L'usure des mentonnets du premier essieu était telle qu'on était obligé de permuter le premier essieu avec le cinquième après un parcours de 25.000 km.

Après application de l'appareil Buclon, l'usure fut réduite dans des proportions telles qu'on put éviter à peu près complètement la permutation des essieux entre deux levages consécutifs de la locomotive.

Description. - Les figures 712 à 714 représentent le graisseur Buclon. Le mentonnet des deux roues d'avant est graissé par un disque constitué de lamelles en cuir C.

L'huile de graissage est introduite dans la capacité intérieure de l'appareil en dévissant le bouchon B.

L'huile pénètre par les lumières L, L et les ouvertures 0, 0 entre les lamelles du disque qu'elle imprègne.

La partie extérieure du graisseur tourne sur l'axe à l'intervention de deux roulements à billes.

L'œillet A sert à la fixation de l'appareil à la boite comme indiqué figure 712.

Ainsi conçu, le graisseur débite d'une manière permanente, que la machine circule en courbe ou en alignement droit.

Fig. 713
Fig. 712 Fig. 714
Graisseur Buclon pour mentonnets des roues des locomotives.

La S.N.C.B. a appliqué le graisseur Buclon à 124 locomotives. Il en est résulté une réduction de 50 % de l'usure des mentonnets des bandages des roues de ces locomotives.

Les chemins de fer fédéraux suisses, après avoir essayé 55 systèmes de graissage des mentonnets, utilisaient, en 1946, 9 systèmes de graissage sur les locomotives et automotrices électriques. Ils s'attachent à n'utiliser qu'un même type d'appareil par type de locomotives ou d'automotrices.

En règle générale, sur les divers réseaux, les appareils fonctionnent bien aussi longtemps qu'ils sont suivis attentivement et régulièrement.

B) Graisseurs de la face verticale intérieure du bourrelet des rails.

Ces appareils sont posés immédiatement en avant des courbes raides.

Fig. 715 Fig. 716
Fig. 717. - Graisseur de rail système «P et M».

Appareils «P et M». - Dans le système représenté figures 715 à 717, utilisé à la S.N.C.B., le dispositif de graissage est fixé du côté de l'intérieur de la voie, tandis que le réservoir contenant la graisse est installé de l'autre côté du rail, c'est-à-dire à l'extérieur de la voie.

La graisse est fortement comprimée dans le réservoir par le ressort R.

Dans le réservoir se trouve un piston à ressort p qui fonctionne à la manière d'une pompe. Le bout supérieur b du piston dépasse légèrement la table de roulement du rail, de telle manière qu'à chaque passage de roue, le piston s'enfonce mais se relève aussitôt.

Lorsque le piston occupe sa position inférieure, il fait communiquer le réservoir à graisse par un trou t avec l'intérieur d'un boulon creux B qui traverse le rail et aboutit au dispositif de graissage. A la remontée du piston, le trou t se referme.

Sous la pression du ressort, la graisse est refoulée sur une fourrure, serrée par une plaque P contre le rail du côté intérieur de la voie.

La fourrure de graissage f se trouve dans le même plan que la face verticale du bourrelet du rail (voir les flèches).

Le chanfrein de la plaque P est simplement effleuré par le mentonnet de la roue à son passage.


CONDITIONS D'ÉTABLISSEMENT
des locomotives types 1, 12, 29 et 53 de la S. N. C. B.

  TYPE 53
(Fig. 718)
TYPE 29
(Fig. 719)
TYPE 1
(Fig. 720)
TYPE 12
(Fig. 721)
ANNEE 1904 1945 1935 1938
TYPE 0-4-0 1-4-0 2-3-1 2-2-1
Diamètre des cylindres 480 mm 559 mm 420 mm

480 mm

Course des pistons 600 mm 711 mm 720 mm 720 mm
Pression de marche 12,5 kg 15,7 kg 18 kg 18 kg
Diamètre des roues motrices 1,262 m 1,52 m 1,980 m 2,100 m
Diamètre du corps cylindrique 1,372 m 1,854 m 1,800 m 1,670 m
Longueur du corps cylindrique 3,500 m 4,393 m 6,000 m 4,680 m
Surface de grille 2,24 m² 4,40 m² 5 m² 3,70 m²
Surface de chauffe du foyer 9,02 m² 14,68 m² 17,32 m² 16,50 m²
Surface de chauffe des tubes 116,38 m² 167,87 m² 217,46 m² 144,10 m²
Surface de chauffe totale 125,40 m² 182,55 m² 234.78 m² 160,60 m²
Surface de surchauffe - 73 m² 111,70 m² 63 m²
Poids à vide 53 t 84 t 114 t 81 t
Poids en service 67 t 93 t 120 t 89 t
Poids adhérent 67 t 78 t 72 t 46 t
Effort moyen de traction au démarrage 8.900 kg 15.020 kg 17.320 kg 10.660 kg

Fig. 718
Locomotive-tender type 53
à 2 cylindres égaux à vapeur saturée.

Fig. 719
Locomotive américaine type 29
à 2 cylindres égaux et à surchauffe.

Fig. 720
Locomotive Pacific type 1
à 4 cylindres égaux et à surchauffe.

Fig. 721
Locomotive Atlantic type 12
à 2 cylindres égaux et à surchauffe.


SIXIÈME PARTIE