COURS

d’Exploitation des chemins de fer

Ulysse Lamalle

Tome I

EXPLOITATION COMMERCIALE

Le contrat de transport

Principes tarifaires

Utilité maximum

Gestion financière

Prix de revient - Coût marginal

Le drame du chemin de fer

Coordination

Européisation


TABLES DES MATIÈRES

I. - TABLE SYSTÉMATIQUE

INTRODUCTION

Exploitation Commerciale

CHAPITRE I

Aperçu sur la législation applicable aux transports par chemins de fer

  1. Loi belge du 25 août 1891 sur le contrat de transport
  2. Conventions internationales de Berne
    1. Convention internationale pour le transport des marchandises (C.I.M.)
    2. Convention internationale pour le transport des voyageurs et des bagages (C.I.V.)
    3. Transports mixtes fer-mer

CHAPITRE II

Les Tarifs

  1. Définition
  2. Conditions de validité des tarifs
    1. Légalité du tarif
    2. Publication réglementaire
    3. Accessibilité à tous
  3. >Bases pour la tarification
    1. Considérations générales
    2. Systèmes des tarifs
      1. Système au poids et au volume
      2. Système de tarification à la valeur
      3. Système mixte
      1. Système de tarification basé sur le prix de revient du transport
        1. Belgique
        2. France
        3. Angleterre
        4. Finlande
  4. Formation des tarifs
    1. Entre quelles limites doit-on se tenir dans la formation des taxes ?
    2. Formation des taxes
  5. Classification des tarifs
    1. Classification des tarifs considérés du point de vue de leurs taux rapportés à la distance
      1. Tarifs à taux invariables ou tarifs proportionnels
      2. Tarifs à taux variables ou tarifs différentiels ou encore tarifs à base décroissante
        1. Tarifs à échelons ou à gradins
        2. Tarifs par zones
    2. Classification des tarifs considérés du point de vue des conditions d'application
    3. Classification des tarifs d'après leur champ d'application

CHAPITRE III

Tarifs à voyageurs

Généralités

  1. Tarifs généraux
  2. Tarifs spéciaux
  3. Tarif «penny porto»

CHAPITRE IV

Mesure de l'utilité des chemins de fer

CHAPITRE V

Problèmes tarifaires

Les tarifs spéciaux de concurrence dans leur rapport avec le prix de revient

CHAPITRE VI

La psychologie du cheminot

CHAPITRE VII

Gestion financière d'un chemin de fer

Généralités

  1. Compte de premier établissement
  2. Compte d'exploitation
  3. Amortissements
    1. L'amortissement industriel. - Fonds de renouvellement
    2. L'amortissement financier
      1. Exploitation par une Société
      2. Exploitation par l'État
  4. Fonds des pensions
    1. Système de la capitalisation
    2. Système de la répartition
  5. Fonds d'assurance
  6. Fonds de réserve
  7. Prévisions budgétaires
    1. Recettes probables
    2. Dépenses probables
    3. Résultats financiers
    4. L'équilibre financier ne sera jamais qu'un équilibre instable

Contrôle budgétaire

CHAPITRE VIII

Prix de revient

  1. Prix de revient général moyen
  2. Prix de revient industriel
  3. Prix de revient partiel
  4. Prix de revient marginal
  5. Graphique de la rentabilité
  6. Calcul du prix de revient général moyen du voyageur-kilomètre et de la tonne-kilomètre

CHAPITRE IX

Résultats d'exploitation

  1. Capital de premier établissement
  2. Coefficient d'exploitation
  3. Rémunération du capital
  4. Recette moyenne par voyageur-kilomètre et par tonne-kilomètre
  5. Statistiques

CHAPITRE X

Influence de la concurrence de la voie d'eau et de l'auto sur le système tarifaire des chemins de fer

  1. La concurrence de la voie navigable
  2. Transports mixtes
  3. La concurrence de la route
    1. Prix de revient du camion
    2. Comparaison entre les prix pratiqués par la route et les taxes perçues par le chemin de fer
    3. Caractères généraux de la concurrence de l'auto
    4. Conclusions
      1. Tarifs
      2. Fourniture du matériel
      3. Délais de livraison des marchandises
      4. Position du chemin de fer vis-à-vis de la concurrence de la route et de la voie d'eau

CHAPITRE XI

  1. L'avion
  2. L'hélicoptère
  3. L'hydravion

CHAPITRE XII

Le drame du chemin de fer

Les trois objectifs fondamentaux

CHAPITRE XIII

La coordination des transports

  1. La liberté du choix de l'usager
  2. La neutralité de l'État
  3. L'égalité des charges diverses
  4. Condition de rentabilité propre à chaque mode de transport

CHAPITRE XIV

Européisation des chemins de fer

  1. Exploitation en commun des wagons à marchandises. - Wagons Europ
  2. Wagons Standards Européens
  3. Le wagon de l'avenir
  4. La Société Eurofima
  5. Passage des frontières
  6. Concentration du trafic international sur les grands itinéraires
  7. Circulation des rames Trans-Europ-Express (T.E.E.)
  8. Tarif européen pour les expéditions de détail

II. - TABLE ALPHABÉTIQUE

Abonnements de travail, 89
Abonnements d'ouvriers, 92
Abonnements ordinaires, 90
Abonnements scolaires, 92
Acceptation des marchandises, 13
Accidents aux voyageurs, 8, 11
Actions de jouissance, 30
Actions ordinaires, 30
Actions privilégiées, 30
Actuaires, 142
Actuariels (régimes -), 142
Amortissement, 139
Amortissement financier, 141
Amortissement industriel, 139
Automation, 208
Avaries, 8, 14
Avion, 203
Base des tarifs, 29
Bénéfice du chemin de fer, 113
Bénéfice du public, 113
Binaire (numération -), 185
Bouclage (coefficient de -), 162
Budgétaire (contrôle -), 140
Budgétaires (prévisions -), 144
Bull (machines -), 183
Bureau Central de Compensation de Bruxelles (B. C. C), 23
Calcul du prix de revient, 148, 150, 159
Capital de premier établissement, 165
Capitalisation (système de la -), 142
Capital utile, 166
Caractères du tarif à la valeur, 34
Caractères spéciaux de la marchandise, 50
C. E. C. A., 35
Cerveau électronique, 185
Champ d'application des tarifs, 72
Charges complètes, 36
Charges permanentes, 79
Charges terminales, 51
Chemins de fer électriques, 169
Chemins de fer fédéraux suisses, 170
Chemins de fer vicinaux, 7
Chiffre-clé, 34
Classes de marchandises, 34
Classification des tarifs, 53
Coefficient de bouclage, 162
Coefficient d'exploitation, 167, 174
Comité consultatif des tarifs, 68
Compte de premier établissement, 138
Compte d'exploitation, 139
Concurrence de la route, 3, 191, 198
Concurrence de la voie navigable, 188
Concurrence entre producteurs, 69
Concurrence entre réseaux, 74
Conditions d'application des tarifs, 65
Conférence de Berne, 16
Congo belge, 41
Connaissement, 19
Contrat bilatéral, 4
Contrat de louage de services, 106
Contrat de transport, 4, 7, 18
Contrat synallagmatique, 4
Contrôle budgétaire, 146
Conventions de Berne 4, 16
Coordination des transports, 3, 212
Courbe de la demande, 107
Coût marginal de progression, 156
Coût marginal de régression, 156
Coût du transport proprement dit, 101
Cybernétique, 185
Dégressivité des taxes, 36
Delmer, 189
Dépenses éludables, 156
Dépenses fondamentales, 102
Dépenses inéludables, 156
Dépenses proprement dites d'exploitation, 103
Dépenses variables avec le trafic, 103
Destinataire (droit du -), 8
Distance d'application, 49
Drame (le) du chemin de fer, 204
Droit de disposition, 8, 20
Duplicata endossable, 20
Echelles logarithmiques, 179
Echelles mobiles (tarifs à -), 41
Etablissement de la taxe à appliquer, 76
Eurofima (Société -), 217
Européisation des chemins de fer, 215
Expédition (transport par -), 41
Expéditions de détail, 163, 219
Exploitation commerciale, 3
Facteurs extérieurs au transport, 41
Facteurs inhérents au transport, 41
Fiches perforées, 183
Flip-Flop, 186
Fondamentales (dépenses -), 102
Fonds d'assurances, 143
Fonds de renouvellement, 139
Fonds de réserve, 144
Fonds des pensions, 142
Formation des tarifs, 46
Formation des taxes, 48
Fourniture du matériel, 13, 201
Frais accessoires, 51
Frais de station, 51
Frais d'expédition, 51
Frais directs, 99
Frais fixes, 51
Gestion financière, 3, 136
Gothard (chemin de fer du -), 50
Graphique de la rentabilité, 157
Grundpreis, 34
Hélicoptère, 203
Hydravion, 203
I.B. M., 183, 186
Indexage, 162
Indices de variation, 163
Interclasseuse, 184
Intérêt à la livraison (déclaration d'-), 15, 201
Intérêt du capital, 172, 173
Intérêt du transport, 47
Intérêt du public, 111
Intérêts intercalaires, 166
Interprêteuse, 184
Légalité des tarifs, 27
Législation, 3, 4
Lettre de voiture, 7
Lettre de voiture directe, 19
Lignes secondaires, 198
Limite inférieure de la taxe, 46
Limite supérieure de la taxe, 46
Loetschberg (chemin de fer du -), 49
Loi belge sur le contrat de transport, 4, 27, 200
Logarithmiques (échelles -), 179
Machines à statistiques, 182
Machines électroniques, 184
Marché commun, 215
Messageries, 160, 163
Mesure de l'utilité des chemins de fer, 99, 110
Méthode classique (calcul du prix de revient), 151
Métropolitain de Paris, 177
Mutualité entre la valeur des marchandises, 55, 198
Mutualité entre les distances, 55, 198
Mutualité entre les lignes, 55, 198
Nature de la marchandise, 50
Nature du matériel, 50
Nature spéciale du transport, 50
Nécessité d'une loi sur le contrat de transport, 5
Numération binaire, 185
Office central de Berne, 23
Office Central de Compensation de Bruxelles (B. C. C), 23
Ordinateur, 185, 186, 210
Péage, 101, 105, 119
Penny-porto (tarif -), 97
Poids standards, 51
Poinçonneuse, 184
Prescription d'itinéraires, 76
Prescriptions tarifaires, 9, 22
Preuve (fardeau de la -), 8
Prévisions budgétaires, 144
Prix de revient, 99, 101, 112, 118, 147, 154, 159, 205
Prix de revient du v.-km et de la t.-km, 159
Prix de revient de la tonne en plus, 99
Prix de revient du camion, 194
Prix de revient du train-kilomètre, 148
Prix de revient du voyageur en plus, 99
Prix de revient général moyen, 147
Prix de revient industriel, 147
Prix de revient marginal, 152
Prix de revient partiel, 147
Prix perçus par la route, 196
Problèmes, 171
Problèmes tarifaires, 130
Productivité, 205, 206
Programmation, 185
Psychologie du cheminot, 135
Recette moyenne par tonne-kilomètre, 176
Recette moyenne par voyageur-kilomètre, 176
Réclamations, 8, 23
Réexpédition, 73
Réglementaires (dispositions -), 10
Réinscription, 73
Relations directes, 74
Remington (machines -), 183
Rémunération du capital, 172
Rentabilité (graphique de la -), 157
Répartition des taxes, 78
Répartition (système de la -), 143
Report des taxes, 78
Reproductrice, 184
Réserves mathématiques, 142
Responsabilité, 7, 11, 19, 24
Responsabilité collective, 20, 22, 25
Responsabilité contractuelle, 8, 12
Responsabilité délictuelle, 12
Résultats d'exploitation, 3, 165
Retard, 14
Révision de la loi de 1891, 16, 200
Route la plus courte, 73
Route la plus économique, 73
Route la plus rapide, 75
Schlûsselzahl, 34
Service rendu, 31, 47, 205
S. N. C. B. (dispositions légales), 30
Souplesse des tarifs belges, 59
Statistiques, 179
Système de la capitalisation, 142
Système de la répartition, 143
Systèmes de tarifs, 32
Tarification (bases pour la -), 29
Tarification par poids standards, 51
Tarifs, 26, 199
Tarifs à base décroissante, 54
Tarifs à échelles mobiles, 41
Tarifs à échelons, 55
Tarifs à gradins, 53
Tarifs à la distance à base constante, 57
Tarifs à la distance à bases variables, 55
Tarifs à la valeur, 33
Tarifs à l'exportation, 65
Tarifs anglais, 44
Tarifs à paliers, 62
Tarifs au poids, 31
Tarifs au volume, 31
Tarifs à voyageurs, 82
Tarifs basés sur le prix de revient, 42
Tarifs belges, 57
Tarifs communs, 73
Tarifs de fidélité, 200
Tarifs de montagne, 50
Tarifs de réexpédition, 80
Tarifs de transit, 80
Tarifs différentiels, 54, 85, 86
Tarifs directs, 72
Tarifs européens, 219
Tarifs finlandais, 45
Tarifs français, 42
Tarifs généraux, 65, 84
Tarifs intérieurs, 72
Tarifs internationaux, 73
Tarifs mixtes, 34
Tarifs naturels, 32
Tarifs normaux, 65
Tarifs par poids standards, 54
Tarifs par zones, 64
Tarifs penny-porto, 97
Tarifs proportionnels, 53
Tarifs spéciaux, 65, 88
Taux des tarifs rapportés à la distance, 53
Taux inégaux, 53
Taux invariables, 53
Taux variables, 54
Taxe inférieure au prix de revient, 115
Taxe la plus avantageuse, 39, 114
Taxes multiples, 116
Traction électrique, 169
Tramways, 7
Transporteur privé, 5
Transporteur privilégié, 5
Transports gratuits, 16
Transports internationaux, 4, 16
Transports mixtes, 190
Tabulatrice (machine -), 184
Trieuse, 184
U.I.C., 159, 161
Utilisation du matériel, 40
Utilité des chemins de fer, 99, 115, 122
Utilité perdue, 111
Valeur commerciale du transport, 46
Valeur d'échange, 106
Valeur d'usage, 106
Valeur intrinsèque, 47
Validité des tarifs, 27
Vanderstichelen (Ministre -), 57
Voie d'acheminement, 75
Voie la plus courte, 75
Voie la plus économique, 75
Voie la plus rapide, 75
Wagon de l'avenir, 217
Wagons standards européens, 216
Wagon (transport par -), 41


INTRODUCTION

Dans l'exploitation d'un chemin de fer,

la voie est le chemin de nature toute spéciale sur lequel se déplacent les personnes et les choses,

le matériel roulant (locomotives, voitures, wagons) est l'instrument à l'aide duquel ce déplacement se produit,

l'exploitation technique indique le moyen de l'exécuter dans les meilleures conditions à tous égards (sécurité, régularité, économie),

l'exploitation commerciale est l'objet de l'entreprise.

De sorte qu'on peut dire, en résumé, que la voie et le matériel roulant sont les instruments mis en œuvre par l'exploitation technique pour atteindre le but qui est l'exploitation commerciale.

Nous diviserons le cours en quatre grandes parties :

  1. L'exploitation commerciale ;
  2. L'exploitation technique ;
  3. La voie ;
  4. Les problèmes de traction et de freinage.

Cependant, un cours d'exploitation des chemins de fer manquerait son but s'il se limitait à des exposés techniques et commerciaux.

L'esprit du candidat ingénieur doit, en toute occasion, être orienté vers les considérations économiques, les notions de prix de revient et de rendement. En pratique, il se pose aux ingénieurs beaucoup de problèmes autres que des problèmes strictement techniques et ceux-ci sont loin d'avoir l'importance exclusive qu'on est tenté de leur attribuer.

A tout prendre, et considérant l'exploitation des chemins de fer dans son ensemble, l'on peut dire que la question économique domine le problème technique.

Observons encore que, dans un cours, c'est aux principes et aux méthodes qu'il faut s'attacher ; les chiffres ne sont là que pour fixer les idées, pour animer et contrôler les développements théoriques. Par ailleurs, il faut moins considérer la valeur absolue des chiffres, que leur ordre de grandeur ou leur valeur relative.

La période de stabilité que l'économie générale a connue avant la guerre 1914-1918 et la fixité du rapport des monnaies permettaient de dégager des normes ou des rapports, de montrer leur parallélisme dans les pays circonvoisins ou de faire ressortir et d'expliquer leur divergence.

La période d'entre les deux guerres mondiales a été profondément troublée par les dévaluations des monnaies et par des crises économiques. L'après-guerre 1945 a encore aggravé cet état de choses.

Aujourd'hui, il est malaisé dans un cours de suivre pas à pas les fluctuations des chiffres et, si l'on veut dégager des principes, tirer des conclusions, établir des parallélismes, on ne peut le faire avec quelque fondement qu'en prenant comme période de référence, la situation qui a précédé la première guerre mondiale. C'est pourquoi, le lecteur ne devra pas s'étonner de retrouver ça et là, dans cette cinquième édition, à côté des chiffres les plus récents, d'autres beaucoup plus anciens. C'est à dessein que ceux-ci ont été reproduits.


PREMIÈRE PARTIE
Exploitation Commerciale

Dans l'exploitation commerciale, nous comprendrons :


CHAPITRE I
Aperçu sur la législation applicable aux transports par chemins de fer

Lorsqu'un expéditeur présente au transport une marchandise quelconque et que celle-ci est acceptée par le préposé, il se forme, entre le chemin de fer et l'expéditeur, un contrat bilatéral (synallagmatique) imposant donc des obligations réciproques aux parties. Le chemin de fer s'oblige, notamment, à faire parvenir la marchandise au destinataire dans le délai convenu et en bon état de conservation. L'expéditeur de son côté s'engage, entre autres, à se soumettre aux conditions prévues, à acquitter les frais de port et autres occasionnés par le transport, frais qui sont la rémunération du service rendu.

Un contrat du même genre prend naissance entre le voyageur et le chemin de fer dès que le premier est en possession de son billet.

Les droits et obligations réciproques des parties résultant de ces contrats sont déterminés :

  1. pour le transport des voyageurs et des marchandises, en service intérieur, par la loi belge du 25 août 1891 sur le contrat de transport ;
  2. pour le transport des voyageurs et des marchandises, en service international, par les Conventions internationales de Berne du 25 octobre 1952.

1°) Loi belge du 25 août 1891 sur le contrat de transport

En Belgique, depuis l'ouverture du premier chemin de fer, en 1835, jusqu'à la publication de la loi de 1891, les transports par chemin de fer furent soumis en matière légale aux stipulations du Code Civil (art. 1782 à 1786) et aux dispositions du Code de Commerce (dont les art. 96 à 102 s'occupaient du commissionnaire et les art. 103 à 108 intéressaient le voiturier). Tous ces articles ne visaient que le transport des choses, à l'exclusion des voyageurs (note 004).

L'élaboration de la loi de 1891 sur le contrat de transport fut des plus pénible. Le premier projet fut, en effet, déposé en 1864, mais l'intervention de Commissions successives, les modifications survenues dans le Gouvernement en retardèrent le dépôt, puis la discussion, si bien que les travaux préparatoires se prolongèrent pendant 27 ans. Après tous ces avatars, la loi fut sanctionnée et promulguée le 25 août 1891 (note 005_1).

Une loi spéciale pour les transports par chemin de fer était-elle devenue nécessaire ?

Oui, car si les dispositions légales en vigueur avant 1891 s'appliquaient parfaitement aux transports effectués par des entrepreneurs particuliers soumis aux effets de la libre concurrence, elles ne correspondaient plus aux transports assurés par les chemins de fer qui, à cette époque, jouissaient encore d'un monopole de fait. Par opposition au transporteur privé, le chemin de fer apparaissait, en effet, comme un transporteur privilégié.

Aussi longtemps que les expéditeurs ou les voyageurs ont affaire à des entrepreneurs privés (voituriers ou commissionnaires), ils débattent librement avec ceux-ci les prix et les conditions du transport. Les voyageurs ou les expéditeurs restent libres de confier leur personne ou leur marchandise à un autre entrepreneur ; de son côté, le transporteur est libre d'accepter ou de refuser le voyageur ou la marchandise ; c'est le régime de la concurrence. En outre, si les expéditeurs ou les voyageurs concluent avec un transporteur privé, la seule loi qui régit leur accord, c'est la convention que les intéressés ont librement discutée et consentie, le législateur ne pouvant intervenir en l'espèce que pour consacrer cette convention (note 005_2) ou pour suppléer à cette convention lorsque les parties ont jugé superflu d'en conclure une parce que le droit commun leur suffisait. La loi se borne alors à l'énoncé de quelques principes consacrant les usages et, pour ainsi dire, évidents.

Avec les chemins de fer et si nous nous reportons à 1891, la question se présente sous un autre jour. A cette époque, l'automobile n'existe pas et les voies navigables n'intéressent que la basse et la moyenne Belgique. Viennent les chemins de fer !

Ceux-ci ont bouleversé complètement les conditions des transports ; ils ont modifié du tout au tout les relations entre les transporteurs et le public.

Les chemins de fer offraient à cette époque des avantages si différents de ceux que présentaient les autres modes de transport que le public ne pouvait plus se passer du chemin de fer ; il n'avait plus la liberté du choix ou, tout au moins, celle-ci n'était plus qu'apparente, car la liberté, c'est non seulement le droit à la liberté, mais c'est encore le pouvoir d'être libre (note 006). En face du monopole dont jouissaient les chemins de fer, le public n'était plus libre de débattre les prix et les conditions du transport ; c'était en quelque sorte à prendre ou à laisser.

Une loi était donc nécessaire pour déterminer les droits et les obligations respectifs du public et du chemin de fer.

Mais en présence de la position inégale dans laquelle les chemins de fer plaçaient l'expéditeur ou le voyageur, la loi ne pouvait plus se borner à consacrer les usages comme dans le cas du transporteur privé. Ayant devant elle un transporteur privilégié, elle devait nécessairement intervenir pour déterminer les conditions auxquelles elle reconnaîtrait ce privilège, elle devait édicter des règles de nature à empêcher le chemin de fer d'abuser de son pouvoir et de verser dans l'arbitraire. D'autre part, elle devait veiller à ce que le chemin de fer ne fût pas davantage obligé d'accepter un contrat onéreux ou injuste. Bref, elle devait assurer à l'une ou à l'autre partie une position égale et un traitement équitable, les dispositions qu'elle édicterait ne pouvant que consacrer la convention que les parties auraient conclue si elles avaient, l'une comme l'autre, disposé de leur liberté absolue.

L'exposé qui précède laisse pressentir que la loi de 1891, tout en s'inspirant des principes du droit commun vis-à-vis des voituriers et des chemins de fer, réserve cependant à ces derniers un régime spécial. Elle interdit, en effet, aux chemins de fer de stipuler à leur profit certaines dérogations aux principes généraux du droit ou de se soustraire à certaines obligations dont les voituriers et les commissionnaires peuvent s'affranchir.

De là, la division de la loi en deux parties bien distinctes :

1°) la 1re partie qui traite du contrat de transport en général (Chapitre I, art 1 à 10). Elle s'applique indistinctement à tous les transports intérieurs s'effectuant sur terre, c'est-à-dire quel que soit l'objet du transport (choses ou personnes), quel que soit l’instrument du transport (chariot, voiture, wagon, omnibus, tram), quelle que soit la voie (chemin, route, chemin de fer, chemin de fer vicinal, tramway urbain), et quel que soit le moteur (animal, vapeur, électricité, air comprimé, ou tout autre qui pourrait être inventé à l'avenir).

La loi de 1891 s'étend au transport des personnes comme à celui des marchandises ;

2°) la seconde partie se rapporte spécialement aux transports par chemin de fer (Chapitre II, art. 11 à 46). Elle comprend, à son tour, quatre subdivisions :

Les chemins de fer vicinaux sont considérés comme transporteurs privilégiés au même titre que le réseau de la S.N.C.B. C'est la loi du 24 juin 1885 qui définit les conditions générales pour l'octroi des concessions de chemins de fer vicinaux.

Les tramways, concédés par la loi du 9 juillet 1875, sont considérés comme transporteurs privés ; ils ne sont donc soumis qu'aux articles 1 à 10 de la loi de 1891.

Parmi les stipulations de la loi, il en est qui sont particulièrement intéressantes :

1re Partie de la loi

L'article 1 nous apprend, par exemple, que le contrat de transport se constate par tous moyens de droit (note 007) et notamment par la lettre de voiture. La lettre de voiture, portant à la fois la signature de l'expéditeur et le cachet d'acceptation du transporteur (timbre à la date de la station), constitue la preuve la plus parfaite du contrat. La lettre de voiture est remise au destinataire.

Touchant la question de la responsabilité, la loi s'en réfère aux principes généraux en matière d'obligations, c'est-à-dire au droit commun. Nous lisons, en effet :

  1. à l'article 3, que le commissionnaire ou le voiturier répond de l'arrivée, dans le délai convenu, des personnes ou des choses à transporter, sauf le cas fortuit ou de force majeure ;
  2. à l'article 4, la loi rend le transporteur responsable de l'avarie ou de la perte des choses, ainsi que des accidents survenus aux voyageurs s'il ne prouve pas que l'avarie, la perte ou les accidents proviennent d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Il suit de ces deux articles que, sauf conventions contraires - que seul le transporteur privé peut conclure -, en cas de retard à l'arrivée, en cas d'avarie, de perte de marchandises ou d'accident aux voyageurs, le transporteur est présumé en faute ; dès lors, le demandeur en indemnité n'a aucune preuve à faire et le transporteur ne peut échapper à sa responsabilité qu'en prouvant le cas fortuit, le cas de force majeure ou la cause étrangère.

Le fardeau de la preuve pèse sur le transporteur. C'est là le grand principe qui régit la matière.

Naturellement, pour que la responsabilité du transporteur soit engagée, l'expéditeur lésé ou le voyageur accidenté doit, d'abord, prouver l'existence du contrat de transport (art. 1) et, ensuite, établir qu'il y a eu véritablement un dommage survenu au cours de l'exécution de ce contrat.

Mais, dès que le contrat et le dommage sont établis, ni le voyageur, ni l'expéditeur n'ont à prouver la faute du transporteur, il y a présomption de faute à charge de celui-ci, il est «responsable à priori».

En ce qui concerne le transporteur, il s'agit en l'espèce de la responsabilité contractuelle parce qu'elle découle de l'exécution du contrat.

Aux termes de celui-ci, le transporteur s'est engagé à transporter le voyageur ou la marchandise dans un lieu déterminé, dans un délai convenu et sans dommage ; faute de quoi, il est en faute par le seul fait de l'inexécution du contrat.

Article 6. - Pour éviter tout embarras au transporteur par suite d'instructions contradictoires émanant de l'expéditeur et du destinataire, l'article 6 attribue à l'expéditeur le droit exclusif de disposer de la marchandise.

L'article 7 stipule que la réception des marchandises, par le destinataire, éteint toute action contre le transporteur, sauf le cas de réserves spéciales ou d'avaries occultes.

Enfin, l'article 9 détermine dans quels délais les réclamations peuvent être introduites pour être encore recevables :

  1. les actions (réclamations) dérivant du contrat de transport des choses sont prescrites après 6 mois pour les transports intérieurs et après un an pour les transports internationaux ;
  2. les actions nées du contrat de transport des personnes sont prescrites après un an.

La réclamation adressée au transporteur ne suspend ni n'interrompt la prescription (note 009).

2e Partie de la loi

Les dispositions qui précèdent, étant comprises dans la 1re partie de la loi, s'appliquent à tous les transporteurs qui effectuent leurs opérations par terre, depuis le plus simple loueur de voitures occasionnel jusqu'à l'exploitant de chemins de fer.

Mais, alors que la loi concède au voiturier, transporteur privé ou transporteur libre, le droit :

elle refuse au chemin de fer, qu'elle considère comme un transporteur privilégié, le bénéfice de cette liberté, comme on va le voir par l'examen des articles principaux de la 2e partie (art. 11, 13, 15, 17, 28, 34, 42, 45).

Article 11. - L'administration de tout chemin de fer mis à la disposition du public est tenue d'effectuer les transports de personnes et de marchandises en vue desquels le chemin de fer a été établi.

De ce fait, l'industrie des chemins de fer est placée dans cette situation, unique au monde, qu'elle ne peut refuser les commandes quand elle est surchargée de travail.

Le roulage et la navigation n'augmentent leur matériel que dans la mesure où ils espèrent pouvoir les utiliser régulièrement sans mortes-saisons excessives ; ils refusent les transports dès que le trafic dépasse leurs moyens d'action.

Le chemin de fer, lui, est tenu d'accepter à toute époque tous les transports de personnes ou de choses qui se présentent. S'il ne les accepte pas, la loi ouvre au profit du public une action en dommages et intérêts et le chemin de fer ne peut se libérer du paiement de ceux-ci qu'à la condition de prouver la force majeure (art. 34).

En raison de ces circonstances spéciales, le chemin de fer est tenu de disposer en tout temps d'un parc de wagons et de voitures qui, pendant une partie de l'année, pourra subir partiellement un chômage plus ou moins prolongé.

Comme on le voit, l'obligation de transporter tout ce qui se présente constitue une clause très lourde pour le chemin de fer. Les effets en sont heureusement tempérés par ce fait, qu'en ce qui concerne le refus de transporter ou le retard mis à effectuer le transport, la loi considère comme un cas de force majeure, la circonstance que les transports ont excédé les limites du trafic normal (art. 34).

Il faut entendre par là : une affluence extraordinaire de transports résultant de causes à ce point imprévues que le chemin de fer ne devait pas, ne pouvait pas compter sur elle et pour laquelle il n'avait pas à préparer son outillage et ses installations.

L'article 13 stipule que le contrat de transport est conclu aux prix et conditions des tarifs et des règlements légalement publiés.

Pour mesurer l'importance de cette disposition, il faut se rappeler qu'antérieurement à 1891, les tribunaux refusaient aux tarifs et règlements des administrations de chemin de fer un caractère obligatoire et cela, parce qu'aucune loi ne leur reconnaissait ce caractère ; ils leur attribuaient simplement la valeur d'une convention tacite, c.-à-d. que le client était censé adhérer tacitement aux règlements affichés ou publiés par le transporteur et dont il avait pu avoir connaissance s'il l'avait désiré.

Aujourd'hui, la question ne peut plus se discuter ; les règlements étant pris en vertu de l'article 13 de la loi, ils constituent le complément de la loi et, comme elle, ils sont obligatoires pour tous à la condition d'avoir été publiés. Il va sans dire qu'ils doivent rester dans le cadre de la loi ; ils traduisent la loi dans la pratique mais ne peuvent en modifier l'esprit. Il s'ensuit que les tribunaux peuvent toujours discuter du point de savoir s'il en est bien ainsi.

Ces règlements déterminent entre autres :

  1. les conditions d'admission des voyageurs, des bagages et des marchandises au transport (art. 16, i8, 22 de la loi) ;
  2. les délais dans lesquels doivent s'opérer (art. 29) :
    1. l'acceptation des transports ou la mise des wagons à la disposition de l'expéditeur ;
    2. les transports eux-mêmes ;
    3. la remise des marchandises au destinataire, etc. (note 010).

Ces conditions réglementaires sont arrêtées par le Ministre pour les chemins de fer concédés et pour les chemins de fer de l'Etat. Ces derniers étant depuis 1926 remis à la Société Nationale, leurs conditions réglementaires sont fixées par le Conseil d'administration de celle-ci (note 011_1). Elles doivent naturellement être publiées.

Tout arrêté approuvant ou modifiant les prix ou les conditions des transports ne peut être mis à exécution que 15 jours après sa publication au Moniteur. Toutefois, ce délai doit être au minimum de trois mois pour tout relèvement de tarif. (Ces deux délais peuvent, toutefois, être réduits à 24 heures pour les transports internationaux).

Cette disposition relative aux délais prévus pour les relèvements de tarifs n'a rien que de très naturel, les frais de transport intervenant pour une part qui peut être importante dans le prix de revient des marchandises. Les commerçants, liés par leurs prix courants basés sur les tarifs en vigueur, doivent jouir d'un certain délai pour mettre leurs prix de vente en harmonie avec les taxes nouvelles.

Cependant, la loi du 30-12-18 a fixé tous ces délais à 48 heures.

En vertu de l'article 15, il est interdit au chemin de fer, d'une manière absolue, de conclure des traités particuliers dérogeant aux prix et conditions des tarifs. La loi vise en l'espèce des conventions de transport qui seraient faites avec tel expéditeur déterminé en dehors des prix et conditions des tarifs publiés. Cette prohibition n'empêche naturellement pas la création de tarifs spéciaux à prix réduits qui, eux, sont publiés réglementairement et sont accessibles à tous aux mêmes conditions et dans les mêmes circonstances. Ces tarifs sont d'ailleurs explicitement prévus par l'article 44. Pour ces tarifs à prix réduits, le chemin de fer peut fixer un maximum d'indemnité en cas de perte ou d'avarie.

En ce qui concerne les accidents aux voyageurs et touchant la question de responsabilité, avant que ne fût promulguée la loi de 1891, il y avait désaccord entre les auteurs et la jurisprudence. La Cour de Cassation, notamment, considérait l'article 1784 (note 011_2) du Code Civil et les articles 103 & 108 (note 011_3) du Code de Commerce comme se rapportant exclusivement au transport des choses ; elle plaçait donc les accidents survenus aux voyageurs sous le régime exclusif des articles 1382 et 1383 (note 012_1) du Code Civil.

Or, la responsabilité énoncée par les articles précités du Code civil est la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle (note 012_2) en vertu de laquelle toute faute de l'homme, même légère, une simple imprudence, une simple négligence, dès qu'elle détermine un dommage chez autrui, fait naître, au profit de la victime, un droit à demander à l'auteur du fait la réparation du dommage subi.

Mais ici, contrairement à ce que nous avons vu (page 8) à propos des articles 3 et 4 de la loi, c'est à la victime qu'incombe le soin de prouver la faute ou la négligence de l'auteur da dommage dont elle se plaint. Cette preuve est parfois très difficile à faire.

Si nous rapprochons les deux espèces de responsabilité dont nous avons parlé, nous pouvons nous résumer en disant :

Sous le régime antérieur à la loi de 1891, la Cour de Cassation exigeait donc que le voyageur accidenté produisît la preuve de la faute du transporteur (note 012_3). Aujourd'hui, la question est bien tranchée par l'art. 4 ; le législateur de 1891 a renversé le fardeau de la preuve au profit du transporté. En cas d'accident, le transporteur, présumé en faute, ne peut échapper à sa responsabilité contractuelle qu'en prouvant que l'accident résulte d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Ajoutons que la jurisprudence assimile le cas fortuit ou la force majeure à la «cause étrangère» (note 012_4).

Sans doute, si le législateur a entendu appliquer l'article 4 à tous les transporteurs, a-t-il eu spécialement en vue les chemins de fer en raison des causes de dangers si nombreuses et si compliquées que présente leur exploitation. Le voyageur accidenté aurait éprouvé de trop grandes difficultés à découvrir la cause réelle de l'accident pour la produire à l'appui de sa réclamation et le législateur n'a pas voulu mettre la «cause inconnue» à la charge du voyageur.

Article 17. - Alors que le voiturier, transporteur privé, reste libre de conclure préalablement au transport une convention particulière avec le voyageur le dégageant de toute responsabilité en cas d'accident, l'article 17 interdit au chemin de fer d'insérer dans ses tarifs et règlements des clauses qui restreindraient dans ce cas l'étendue de sa responsabilité, celle-ci étant déterminée par les principes du droit commun. Cette défense est aussi formelle que précise.

Mais du fait même que l'art. 17 interdit au chemin de fer de modifier la responsabilité de droit commun en ce qui concerne les accidents survenus aux voyageurs, il faut conclure que le chemin de fer peut s'exonérer de cette responsabilité dans les antres cas, tels que retards dans l'arrivée des trains, correspondances manquées, etc.

Article 28. - Tandis que le voiturier ordinaire peut effectuer les transports qui lui sont confiés dans l'ordre qui lui plaît, l'article 28 en dispose autrement pour le chemin de fer. Celui-ci, lié par son monopole, ne peut favoriser personne. Les expéditions doivent être faites dans l'ordre des demandes à moins que l'intérêt général, les nécessités du service, celles de la défense nationale, l'obligation de parer à une calamité ou à un danger public, par exemple, ne justifient une dérogation à la règle.

Article 34. - Chose curieuse, si l'article 3 rend le voiturier responsable du retard à l'arrivée des personnes et des marchandises, l'article 34 étend cette responsabilité, pour le chemin de fer, au retard et au refus dans l'acceptation des marchandises ainsi que dans la fourniture du matériel nécessaire au transport. Cependant, ces opérations précèdent le contrat de transport, mais si le législateur n'avait pas réglé ce point, le chemin de fer, en ne fournissant pas le matériel ou en n'acceptant pas la marchandise, aurait pu rendre vaines les dispositions régissant le contrat lui-même et, notamment, éluder la plus importante d'entre elles, l'obligation de transporter.

C'est pourquoi l'article 34 précise qu'en cas de refus ou de retard dans l'acception de la marchandise ou dans la fourniture du matériel, la réparation du dommage se fera conformément au droit commun. L'intéressé devra naturellement démontrer qu'il a éprouvé un préjudice. Cette démonstration faite, il pourra recevoir tous les dommages-intérêts immédiats et directs résultant du refus ou du retard.

Quant au cas de retard dans la livraison de la marchandise elle-même au destinataire, aux cas de perte ou d'avarie, ils constituent, tout simplement, des manquements réels au contrat de transport. Le chemin de fer a manqué à ses engagements et, de ce fait, il doit des dommages et intérêts, alors même qu'il n'y aurait pas faute (c'est-à-dire négligence) de sa part.

Articles 41 et 42. - Bien que ces cas de retard dans la livraison, de perte et d'avarie soient également visés par l'article 34 et, partant, réglés sur la base du droit commun, les indemnités prévues sont cependant spécifiées et limitées par l'art. 42.

  1. En cas de retard dans la remise de la marchandise au destinataire, la responsabilité est limitée à la restitution du prix du transport (partiel ou total) à moins qu'il n'y ait eu déclaration d'intérêt à la livraison (3° de l'art. 42 - art. 41) ;
  2. Quand il y a avarie de la marchandise, le chemin de fer paie le montant intégral de la dépréciation, à moins qu'il n'y ait eu déclaration d'intérêt à la livraison (2° de l'art. 42) ;
  3. Lorsqu'il y a perte de la marchandise, la loi limite les dommages et intérêts au remboursement de la valeur intégrale de la marchandise (note 014_1), des frais de douane et de transport à moins qu'il n'y ait eu déclaration d'intérêt à la livraison (1° de l'art. 42 - art. 41).

Cela revient à dire que dans ces cas le chemin de fer paie l'indemnité conventionnelle (conformément d'ailleurs à l'art. 1152 du Code Civil) et il ne peut se dégager du paiement de ces dommages que s'il prouve que la perte, l'avarie ou le retard résultent d'un cas fortuit ou de la force majeure.

Mais si le client du chemin de fer désire recevoir des dommages et intérêts supérieurs à l'indemnité conventionnelle, il le peut, à la condition de prouver que la perte, l'avarie ou le retard résultent de la faute du chemin de fer ou du dol de celui-ci (note 014_2), car alors les dispositions restrictives de la responsabilité prévues à l'art. 42 tombent, c'est le droit commun qui renaît (ainsi en dispose l'art. 45) et, dès lors :

  1. s'il y a faute du chemin de fer, le réclamant a droit à une indemnité le couvrant de toutes les pertes qui ont été prévues ou ont pu être prévues au moment du contrat (art. 1150 du Code Civil) ;
  2. s'il y a dol, le préjudicié a droit non seulement à la réparation de ce qui a été prévu mais à la réparation intégrale du dommage, c.-à-d. à toutes les conséquences immédiates et directes de l'inexécution du contrat, y compris le gain dont il a été privé (art. 1151 du Code Civil).

Mais, répétons-le, pour prétendre au règlement du dommage sur la base de l'art. 45 (faute du chemin de fer ou dol), le réclamant doit faire la preuve du fait précis et caractériser le fait qu'il invoque contre le chemin de fer (note 015).

Déclaration d'intérêt à la livraison. - Moyennant le paiement d'une surtaxe, l'expéditeur peut marquer l'intérêt particulier qu'il a à la livraison régulière de la marchandise. La surtaxe qu'il paie est proportionnelle au montant du préjudice qu'il subirait si la marchandise arrivait en retard, était avariée ou perdue (par exemple : une surtaxe de 2 % de la valeur déclarée). Dans ces cas, l'expéditeur peut recevoir des dommages et intérêts supplémentaires à concurrence de la somme déclarée pour intérêt à la livraison mais à charge de justifier de l'importance du dommage.

La déclaration d'intérêt à la livraison est utile pour prévenir le transporteur que des soins spéciaux doivent être donnés à un envoi offrant un intérêt exceptionnel pour le destinataire.

Pour terminer cet exposé rapide des stipulations principales de la loi, signalons encore :

  1. que le chemin de fer peut réduire le taux de l'indemnité prévue à l'art. 42 en cas de perte ou d'avarie quand il concède des tarifs spéciaux à prix réduits (art. 44).

    Cependant, les dommages-intérêts seraient réglés sur la base du droit commun toutes les fois qu'il serait prouvé que le dommage résulte de la faute (négligence) ou du dol du chemin de fer (art. 45) ;

  2. que le chemin de fer peut dégager partiellement ou complètement sa responsabilité lorsqu'il accepte des marchandises qui courent certains périls particuliers (les animaux vivants, les denrées périssables, les marchandises insuffisamment emballées ou non emballées, etc.) (art. 37). Cependant, la responsabilité reprendrait son cours si l'expéditeur administrait la preuve que les pertes ou avaries ne résultent pas de circonstances spéciales qui autorisaient le chemin de fer à décliner sa responsabilité (art 40).

Transport gratuit. - L'essence même du contrat de transport, c'est d'être rémunéré ; dans le cas du transport gratuit, il ne peut y avoir de contrat de transport.

Dès lors, il n'existe pas de présomption de faute contre le transporteur à titre gracieux. Les articles 3 et 4 de la loi de 1891 ne sont pas applicables dès que le transport est gratuit et, pour prétendre à réparation, la victime doit prouver l'existence du dol ou de la faute lourde du transporteur.

Remarque. - La loi de 1891 dérive, nous l'avons vu, du monopole de fait dont jouissait le chemin de fer à cette époque.

A vrai dire, ce monopole était loin d'être absolu, la concurrence de la voie d'eau s'exerçait dans une petite partie de l'étendue du territoire (basse et moyenne Belgique).

Aujourd'hui, en tout cas, on peut dire que ce monopole n'existe plus ; la concurrence de l'auto s'exerce avec vigueur tant vis-à-vis du trafic des voyageurs que vis-à-vis du trafic des marchandises.

L'auto s'attaque surtout aux marchandises chères, susceptibles de payer des taxes élevées, elle écrème le trafic du chemin de fer, laissant à celui-ci les matières pondéreuses transportées à bas prix.

L'auto enlève au chemin de fer les voyageurs à prix plein, lui laissant les voyageurs à prix réduits.

Alors que le chemin de fer exploite obligatoirement des lignes déficitaires et doit se soumettre aux stipulations draconiennes de la loi (voir page 9), le transporteur par auto se meut dans un régime de liberté complète. Il est donc plus que temps que la loi belge de 1891 sur le contrat de transport soit soumise à révision pour tenir compte de l'évolution des conditions économiques.

2°) Conventions Internationales de Berne

a) Convention Internationale pour le transport des marchandises (C.I.M.)

Autrefois, les transports internationaux des marchandises créaient au commerce et aux chemins de fer des difficultés nombreuses. Chaque pays avait sa législation et sa réglementation propres, de telle sorte qu'un envoi était soumis à autant de régimes qu'il avait de frontières à franchir. Cette confusion de législations avait une répercussion fâcheuse sur la jurisprudence qui, d'après les pays, consacrait des doctrines absolument opposées.

Deux juristes suisses (MM. Christ et de Seigneux) émirent l'idée de créer une législation internationale qui couvrirait les transports de bout en bout. L'idée prit corps et le 13 mai 1878 les délégués de neuf puissances (Belgique, Allemagne, Autriche-Hongrie, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Russie, Suisse) se réunirent à Berne en vue de doter les transports internationaux d'un statut unique. A l'avant-projet dû à l'initiative de la Suisse, les commissaires allemands opposèrent un autre projet basé sur les mêmes principes mais plus complet et appuyé d'une sorte d'exposé des motifs. C'est ce contre-projet qui, presque toujours, servit de base aux discussions, et la Convention de Berne, telle qu'elle est actuellement en vigueur, s'inspire de ses dispositions.

De nouvelles conférences eurent lieu au cours desquelles le texte définitif de la Convention fut élaboré et reçut enfin la signature des puissances intéressées le 14 octobre 1890.

Afin d'éviter que la C.I.M. ne prenne une forme trop rigide et ne constitue par là-même une entrave au développement du trafic international, sa révision périodique a été prévue, en principe, tous les cinq ans.

La C.I.M. précise les conditions générales d'acceptation des envois au transport. Elle indique notamment les objets exclus du transport ou admis seulement sous certaines conditions, les documents à produire par l'expéditeur, les modalités de paiement des frais de transport et autres, les délais de livraison. Elle règle aussi toutes les questions de droit se rattachant entre autres à la validité des tarifs, à l'obligation pour le chemin de fer de transporter, aux empêchements au transport, à la responsabilité pour les indications et déclarations contenues dans la lettre de voiture, à la faculté de disposer de la marchandise, aux empêchements à la livraison, à la responsabilité du chemin de fer en cas de manquant, d'avarie ou de retard dans la livraison.

A la Conférence de Berne de mai 1923, les stipulations essentielles de la convention n'ont pas subi de modifications, mais les «dispositions réglementaires», c.-à-d. les questions d'application qui, tout en ayant la même valeur que la convention, faisaient suite à celle-ci, ont été incorporées dans le texte même de la convention nouvelle. Celui-ci englobe, en outre, les «Conditions complémentaires uniformes» qui, jusqu'à présent, n'avaient pas la même valeur légale que la convention (note 017).

C'est sous cette forme, heureusement simplifiée, que la Convention de 1923 a été soumise aux Gouvernements intéressés pour ratification. Nous disons aux «Gouvernements» parce que la Convention de Berne apportant des modifications aux lois régissant les transports dans les différents pays, il faut faire consacrer ces changements par les Parlements de ces pays ; un accord entre chemins de fer ne peut, à lui seul, donner force de loi aux dispositions de la Convention. Les décisions prises par les délégués des gouvernements respectifs doivent d'abord être transformées en traités internationaux par les représentants diplomatiques des Etats et ces traités doivent faire l'objet de la ratification des Parlements de chacun des Etats, ainsi que le prévoit le procès-verbal final.

Glissons sur les retouches apportées au cours des révisions périodiques pour nous arrêter à la dernière qui a eu lieu à Berne le 25 octobre 1952 (note 018). Sous sa forme actuelle la C.I.M. a été signée par 24 pays.

En raison de l'importance considérable de cette législation internationale, nous en donnerons une courte analyse.

Ses 68 articles ont été groupés sous six parties bien distinctes.

La Convention est suivie de dix annexes, dont quatre particulièrement importantes ont trait aux :

La Convention s'applique aux envois remis au transport en service international avec une lettre de voiture directe.

Alors qu'à l'origine la Convention de Berne ne s'appliquait qu'aux seules lignes de chemins de fer, son domaine a été élargi ; elle permet l'inscription des lignes régulières de services automobiles ou de navigation complétant des parcours par voie ferrée et effectuant des transports internationaux.

Mais comme toutes les lignes de navigation maritime, fluviale et côtière ou toutes les entreprises de transport par automobiles n'offrent pas les garanties nécessaires de régularité d'exploitation, d'importance et de sécurité économiques, la conférence a estimé que la condition d'un service régulier n'était pas suffisante et que seules seraient admises à participer à la Convention les lignes effectuant les transports internationaux sous la responsabilité d'un Etat contractant ou d'un chemin de fer adhérent (art. 2).

En premier lieu, la C.I.M. impose aux adhérents l'obligation d'accepter les transports internationaux pour autant, bien entendu, que l'expéditeur se conforme aux prescriptions de la Convention et dans les limites prévues par celle-ci (art. 5).

Les expéditions doivent s'effectuer dans l'ordre de leur acceptation ; on ne peut déroger à cet ordre que pour des raisons d'intérêt public ou pour des nécessités d'exploitation (art. 5).

La lettre de voiture est obligatoire et peut mentionner la route à suivre et les tarifs à appliquer (art. 6). A défaut de l'une ou de l'autre de ces mentions, le chemin de fer doit rechercher l'itinéraire ou les tarifs qui lui paraissent le plus avantageux pour l'expéditeur (art. 10).

Le contrat est conclu dès que le chemin de fer expéditeur a accepté la marchandise avec la lettre de voiture et cette acceptation se constate par l'apposition du timbre à date de la gare sur la lettre de voiture et sur son duplicata. La lettre de voiture ainsi timbrée fait preuve du contrat de transport (art. 8).

Le chemin de fer est tenu d'accuser réception sur un duplicata de la lettre de voiture, mais ce duplicata n'a la valeur ni de la lettre de voiture accompagnant l'envoi, ni d'un connaissement (art. 8) ; en d'autres termes, on ne peut endosser le duplicata (note 019). Remarquons cependant que les banques acceptent d'escompter les factures sur duplicata.

La Convention interdit formellement les traités particuliers qui auraient pour effet d'accorder à des expéditeurs des réductions sur les prix des tarifs, à moins que ces réductions ne soient publiées et accessibles à tous dans les mêmes conditions ou qu'elles soient accordées soit pour le service du chemin de fer, soit pour le service des administrations publiques, soit au profit d'œuvres de bienfaisance (art. 9).

Les formalités exigées par les douanes et autres autorités administratives sont toujours accomplies en cours de route par le chemin de fer qui assume alors les obligations d'un commissionnaire, mais le chemin de fer ne procède à ces formalités à la gare destinataire que si l'expéditeur a inscrit dans la lettre de voiture la mention «franco de douane» ou le destinataire n'a pas retiré la lettre de voiture dans le délai fixé (art. 13 et 15).

Le droit de modifier le contrat et, par là, le droit de disposer de la marchandise, appartient à l'expéditeur muni du duplicata de la lettre de voiture jusqu'au moment où la lettre de voiture, qui accompagne l'envoi, a été remise au destinataire. A partir de ce moment, ce droit passe au destinataire, même si l'expéditeur détient encore le duplicata (art. 21).

La marchandise étant parvenue à destination, le destinataire acquitte les frais de transport si ceux-ci n'ont pas été payés au départ. Il peut alors, usant de son droit, demander au chemin de fer de lui remettre la lettre de voiture et de lui livrer la marchandise (art. 16 et 21).

Le destinataire a le droit de modifier le contrat de transport sous certaines conditions (art. 22).

Un des avantages de la Convention est de rendre possibles les expéditions internationales contre remboursement (art. 19).

La Convention consacre le principe de la responsabilité collective des chemins de fer. Le chemin de fer qui a accepté la marchandise au transport avec la lettre de voiture directe, est, vis-à-vis de l'expéditeur, responsable de l'exécution du transport sur le parcours total jusqu'à la livraison. Chaque chemin de fer subséquent, par le fait même de la prise en charge de la marchandise avec la lettre de voiture primitive, participe au contrat de transport et à la responsabilité collective (art. 26). On peut dire que ces dispositions constituent la base même de la Convention.

Le chemin de fer est responsable du dépassement du délai de livraison, du dommage résultant de la perte totale ou partielle de la marchandise, ainsi que des avaries qu'elle subit à partir de l'acceptation au transport jusqu'à la livraison (art. 27).

Il est déchargé de cette responsabilité s'il prouve que le dépassement du délai de livraison, la perte ou l'avarie a eu pour cause une faute de l'ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d'une faute du chemin de fer, un vice propre de la marchandise ou des circonstances que le chemin de fer ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier (art. 27 et 28).

Dans le cas de retard, le chemin de fer doit, pour être déchargé de sa responsabilité, prouver que ce retard a eu pour cause des circonstances qu'il ne pouvait éviter et auxquelles il ne dépendait pas de lui de remédier (art. 27).

Tout en sauvegardant les intérêts du commerce, la Convention devait tenir compte des difficultés spéciales que le chemin de fer pouvait rencontrer dans l'exécution d'un envoi international ; elle a ainsi été amenée à poser certaines limites à la responsabilité du transporteur (art. 31 à 33).

Sauf en cas de dol ou de faute lourde imputable au chemin de fer, la convention admet une responsabilité limitée :

En cas de déclaration d'intérêt à la livraison, il peut être réclamé la réparation du dommage supplémentaire prouvé jusqu'à concurrence du montant de l'intérêt déclaré (art. 36).

L'article 37 précise les indemnités dues à l'ayant-droit en cas de dol ou de faute lourde.

Le droit à réclamation, dérivant du contrat de transport, en cas de perte, d'avarie ou de retard, n'appartient qu'à celui qui a le droit de disposer de la marchandise (art. 41 à 43).

Plusieurs chemins de fer participent au transport international, mais contre lequel d'entre eux, l'action peut-elle être exercée ? C'est très bien de prévoir le principe de la responsabilité collective, mais encore faut-il qu'il comporte une sanction pratique, c.-à-d. qu'il puisse être invoqué devant un tribunal facilement accessible par l'ayant droit. La Convention y a pourvu en déclarant que le réclamant peut assigner à son gré ou le chemin de fer expéditeur ou le chemin de fer destinataire ou le chemin de fer sur le réseau duquel le dommage s'est produit (art. 42).

Si la marchandise est perdue et si l'expéditeur s'en désintéresse, le destinataire, à qui l'expéditeur aurait cédé ses droits, serait en peine de déterminer quel chemin de fer a reçu en dernier lieu la marchandise avec la lettre de voilure et il devrait intenter son action devant la juridiction, souvent fort éloignée, dont relève le chemin de fer expéditeur. En prévoyant que le chemin de fer destinataire peut être assigné, même s'il n'a reçu ni la marchandise ni la lettre de voiture, la Convention permet à l'ayant droit d'introduire son action contre le chemin de fer devant le tribunal de son domicile.

De même qu'en droit belge et sauf dans certains cas spécifiés, la réception de la marchandise éteint toute action contre le chemin de fer (art. 45).

En droit civil, si un créancier tarde trop à introduire sa réclamation, la loi lui enlève son droit d'action. La chose s'explique par cette considération que plus les faits remontent à une époque éloignée, plus les procès sont difficiles à juger.

S'inspirant de cet ordre d'idées et ayant égard à la responsabilité si lourde qui pèse sur le transporteur, la Convention a prévu que «l'action née du contrat de transport serait prescrite après un an». Toutefois, ce délai est porté à trois ans en cas d'action fondée sur un dommage ayant pour cause un dol, une faute lourde et dans certains cas spécifiés (art. 46).

En matière de prescription, la Convention a été moins draconienne que la loi belge ; elle admet, en effet, que la réclamation écrite adressée au chemin de fer suspend la prescription. Celle-ci ne recommence à courir que le jour où la décision des transporteurs est notifiée à l'ayant droit (art. 46).

En consacrant la responsabilité collective des chemins de fer, la Convention a fait naître des éléments de comptes entre eux ; aussi les derniers articles s'occupent-ils spécialement des relations entre chemins de fer (art. 47 à 52).

Ainsi, le chemin de fer qui a payé une indemnité, a le droit d'exercer un recours contre les chemins de fer qui ont concouru au transport. Le principe est admis, en effet, que le chemin de fer par le fait duquel le dommage a été causé en est responsable. Quand le dommage résulte de la faute de plusieurs chemins de fer sans qu'il soit possible de déterminer la part de dommage imputable à chacun d'eux, l'indemnité est répartie entre ces chemins de fer proportionnellement au nombre de kilomètres parcourus par l'envoi (art. 47 et 48).

Ces dernières dispositions concernant les recours ne trouvent cependant pas leur application dans la pratique, parce que, usant du droit que leur confère l'article 52, les chemins de fer ont conclu entre eux des conventions particulières, qui consacrent le principe de la non-recherche de la responsabilité. La répartition des indemnités payées par l'un des chemins de fer se fait toujours au prorata kilométrique entre les administrations intervenant au transport quel que soit le réseau sur lequel le dommage s'est produit.

C'est l'application du principe de la confiance mutuelle et du principe de la compensation. Chaque chemin de fer exploite au mieux et un réseau notoirement connu pour ses procédés incorrects ou déloyaux ne serait pas admis à participer à la Convention de Berne.

Pour tout ce qui touche aux frais et créances, la plupart des réseaux confient le règlement de tous leurs comptes au Bureau Central de Compensation (B. C. C.) de Bruxelles.

Les derniers articles visent l'admission de nouveaux Etats, l'unité monétaire et la question des langues.

L'exécution de la Convention, l'examen des demandes en revision, le règlement des différends sont assurés par l'«Office Central des transports internationaux» de Berne.

b) Convention Internationale pour le transport des voyageurs et des bagages (C.I.V.).

Nous l'avons dit, la Convention Internationale pour le transport des voyageurs (la C.I.V.) est de création relativement récente (23 octobre 1924).

Si elle a tant tardé, c'est qu'elle n'était pas aussi nécessaire que pour les marchandises. En l'absence de la C.I.M., la marchandise inerte et passive exige, à chaque gare-frontière, la présence d'un intermédiaire qui assure sa réexpédition.

Or, pour le voyageur, la question de réexpédition est tout ce qu'il y a de plus simple, puisqu'il lui suffit de prendre un billet nouveau à la station-frontière et de réenregistrer ses bagages.

Tout en s'inspirant d'un projet élaboré en 1911, on s'est efforcé de faire concorder la C.I.V. avec la C.I.M. partout où le caractère particulier des deux modes de transport l'a permis ; cette concordance porte à la fois sur les dispositions réglementaires et sur les subdivisions en chapitres et articles, à tel point que dans les deux conventions les articles dont le contenu est semblable portent les mêmes numéros.

Tout comme la C.I.M., la C.I.V. a été revisée en dernier lieu à Berne, le 25 octobre 1952 (note 024).

Le Titre I (Objet et portée de la Convention) réunit les dispositions concernant le domaine d'application, les transports mixtes et l'obligation pour le chemin de fer de transporter, ainsi que la soudure des prix des divers réseaux. Il énonce les principes juridiques uniformes applicables aux tarifs internationaux existants ou à créer.

Le Titre II (Du contrat de transport) groupe :

Le Titre III (Responsabilité des chemins de fer et actions) comprend, comme la C.I.M. :

Du point de vue du public, c'est le chapitre relatif à la responsabilité du chemin de fer qui est le plus important.

Cette question de responsabilité se présentait sous un tout autre aspect pour les voyageurs que pour les marchandises car, si la marchandise est passive, le voyageur a la faculté de circuler dans les gares, de se déplacer dans les trains ; l'imprudence ou la faute des voyageurs peuvent jouer et jouent souvent un rôle prépondérant dans les accidents.

D'autre part, quand un accident survient à un voyageur, le lieu de l'accident est connu ; partant le chemin de fer responsable est connu et, dès lors, le principe de la responsabilité collective des réseaux participant au transport international n'est plus en situation.

Comme la responsabilité en cas de mort ou de blessures est déterminée d'une manière très différente par le droit de chaque pays, la convention a dû laisser cette matière aux lois et règlements de l'Etat où le fait s'est produit. Elle en a stipulé de même pour les dommages causés par le retard ou la suppression d'un train ou le manque d'une correspondance (art. 28).

Pour les bagages, assimilables à des marchandises, la responsabilité des chemins de fer est de nouveau collective. Le chemin de fer du point de départ est, vis-à-vis de l'expéditeur, responsable des transports sur le parcours total jusqu'à la livraison. Chaque chemin de fer subséquent, par le fait même de la prise en charge des bagages, participe au contrat de transport et à la responsabilité collective.

Enfin, le Titre IV (Dispositions diverses) contient des règles concernant la procédure, l'unité monétaire, l'office central, la liste des chemins de fer adhérents et autres dispositions de portée générale.

c) Transports mixtes fer-mer.

Les dispositions nouvelles qui ont été introduites tant dans la C.I.M. que dans la C.I.V. en matière de responsabilité pour les transports mixtes fer-mer (art. 62 de la C.I.M., art. 61 de la C.I.V.) ont permis à la Grande-Bretagne d'adhérer aux Conventions.

Ces dispositions s'inspirent du Règlement applicable au transport des marchandises entre le Continent et la Grande-Bretagne élaboré par l'Union internationale des chemins de fer (U.I.C.) et mis en vigueur en 1947.


CHAPITRE II
Les Tarifs

I. - Définition

Ayant appris à connaître les dispositions légales qui régissent les transports, nous aborderons la question des tarifs. - Qu'est ce qu'un tarif ?

On appelle tarif, l'ensemble des conditions auxquelles un chemin de fer se charge du transport. Par ces conditions, il faut entendre non seulement les prix (taxes) auxquels le transport a lieu mais encore les prescriptions qui régissent l'application de ces prix et leur calcul (conditions de tonnage, wagons ouverts ou fermés, trains complets ou non, nombre de trains par jour, origine et destination des marchandises, c.-à-d. importation, transit, exportation, etc.). Une marchandise peut, par ailleurs, être transportée au prix d'un tarif et aux conditions d'un autre.

Quelle sera la base du tarif ?

Rationnellement, il faudrait faire payer à chaque chose transportée un prix en rapport soit avec le service rendu à l'expéditeur en transportant sa marchandise d'un lieu dans un autre, soit avec ce que le transport coûte au chemin de fer lui-même, c.-à-d. en rapport avec le prix de revient du transport, mais la diversité des choses qu'un chemin de fer est appelé à transporter est tellement grande qu'on ne peut y songer et la nécessité s'impose de ranger ces prix en classes de tarifs, dénommées aussi simplement tarifs, qui rassemblent par groupes soit des marchandises déterminées, soit des modes de transport déterminés réclamant du chemin de fer à peu près les mêmes sujétions.

C'est ainsi que sur le réseau belge, en ce qui concerne les marchandises, on distingue :

Tarif express Les expéditions sont acheminées par le moyen le plus rapide.
Délai : 24 heures.
Tarif de grande vitesse (G.V.) Transport par trains de marchandises de G.V. ou par trains de messageries.
Délai : 2 jours.
Tarif n° 3. - Service de petite vitesse(P.V.) pour charges complètes Transport par trains ordinaires de marchandises et éventuellement par camions.
Délai : 3 jours.

Viennent ensuite les tarifs généraux nos 4 & 22 qui groupent des transports de caractère spécial tels que

les animaux vivants, les containers, les wagons à isolation thermique, les explosifs, etc.

Toutes les choses reprises à une même classe de tarif sont transportées aux mêmes prix et conditions, chaque classe de tarif ayant son prix unitaire, c'est-à-dire sa taxe-base.

II. - Conditions de validité des tarifs

Aux termes de la loi belge de 1891 sur le contrat de transport, un tarif n'est valable que :

  1. s'il est légal,
  2. si sa publication a été faite réglementairement,
  3. s'il est accessible à quiconque remplit les conditions requises.

a) Légalité du tarif

Pour donner aux tarifs la stabilité nécessaire aux transactions commerciales, le législateur de 1891 a prévu la mise en branle de tout un appareil légal, c.-à-d. de mesures spéciales, chaque fois que le transporteur désire modifier les prix et les conditions du transport. L'instabilité des prix de transport, c'est pour le commerce l'obligation de maintenir des prix élevés pour se couvrir contre les relèvements brusques des tarifs.

C'est pourquoi les prix et conditions suivant lesquels se règle le contrat de transport doivent être fixés par une loi spéciale ou en vertu de cette loi (art. 13 et 14 de la loi précitée). Ceci implique la publication d'un arrêté royal. L'intervention du pouvoir royal offre des garanties que l'action spontanée d'un Ministre agissant seul et sans contrôle ne présente pas. Le Roi peut exiger que des mesures importantes soient délibérées en Conseil des Ministres sous sa présidence ; il peut exercer une action modératrice et prévoyante. Mais, eu égard à la fréquence des modifications tarifaires, il est apparu utile, parce que plus expéditif, que le Roi délègue ses pouvoirs au Ministre des Transports. C'est pourquoi, en vertu des lois de 1892 et 1893, un arrêté royal a autorisé le Ministre des Transports à apporter des modifications aux tarifs des chemins de fer de l'Etat et des chemins de fer concédés.

L'art. 16 de la loi du 23 juillet 1926 créant la S.N.C.B. (note 028_1) et l'art. 24 des statuts (promulgués par l'arrêté royal du 9 août 1926) laissent au Conseil d'administration le soin d'établir les tarifs sous cette réserve que le Gouvernement aura toujours le droit d'en exiger l'abaissement ou d'en interdire le relèvement (note 028_2). La S.N.C.B. peut abaisser ses tarifs sans autorisation.

L'art. 6 de la loi fondamentale de 1884 de la Société Nationale des chemins de fer vicinaux stipule que le Gouvernement a toujours le droit d'exiger le relèvement des tarifs ou d'en interdire l'abaissement. Ce droit que se réserve le Gouvernement vis-à-vis de la S.N.C.V. est donc inverse de celui qu'il possède par rapport aux tarifs de la S.N.C.B. et ce, pour éviter que le chemin de fer à petit écartement fasse la concurrence au chemin de fer à grand écartement.

b) Publication réglementaire

L'administration de tout chemin de fer est tenue de publier les tarifs dans ses stations par affiches ou autrement. Tout arrêté approuvant ou modifiant les prix et conditions de transport ne peut être mis à exécution qu'après sa publication au Moniteur et après des délais déterminés (art. 14).

c) Accessibilité à tous

Le tarif doit s'appliquer uniformément à tous ceux qui remplissent les conditions requises ; il est interdit au chemin de fer de conclure des traités particuliers dérogeant aux prix et aux conditions des tarifs.

On admet cependant des réductions de prix mais à la condition qu'elles soient dûment publiées et également accessibles à tous aux mêmes conditions et dans les mêmes circonstances (art. 15)

III. - Bases pour la tarification

a) Considérations générales

Un chemin de fer peut être exploité dans un but exclusif de lucre - c'est le cas des sociétés privées - ou bien il peut n'avoir en vue que l'intérêt général et le développement du commerce ; c'est la thèse que défendent certains partisans de l'exploitation par l'État.

Entre ces deux conceptions extrêmes, il y a place pour une exploitation dans laquelle, tout en faisant la part la plus large aux intérêts nationaux, la gestion de l'État vise à réaliser des bénéfices qui viendront à la décharge de l'impôt. La grande objection, c'est que l'on fait alors du chemin de fer un instrument fiscal.

Mais si l'adoption de ce principe revient à percevoir un impôt spécial sur ceux qui profitent du chemin de fer, on peut répondre avec raison qu'un impôt sur les transports (pour autant qu'il n'entrave aucun transport) est tout aussi légitime qu'une taxe sur les vélos, sur le mobilier, sur les loyers, une patente, etc. Le danger de ce système, c'est de faire dépendre l'équilibre du budget de l'État de recettes essentiellement variables.

En Belgique, à l'origine des chemins de fer, le principe de l'équilibre des recettes et des dépenses a prévalu (note 029).

Le législateur de l'époque ne pouvait prévoir le développement extraordinaire du nouveau mode de transport, ni entrevoir les ressources qu'il pouvait procurer au Trésor. Il estimait que le chemin de fer avait rempli ses engagements quand il avait couvert ses dépenses d'exploitation et pourvu à l'intérêt et à l'amortissement de son capital de 1er établissement.

Il est arrivé cependant souvent, depuis 1835, que le chemin de fer a clôturé ses exercices par des bonis appréciables (en 1899, 13 millions de frs-or ; en 1904, 12 millions, etc.).

Remarquons à ce sujet que si même l'État avait réalisé des excédents importants, le caractère de service public de son exploitation l'aurait toujours empêché d'avoir le bénéfice comme but exclusif ou seulement comme but principal.

Selon que l'on adoptera l'un ou l'autre des trois modes d'exploitation susindiqués, les bases des tarifs varieront.

Ainsi, en principe, une exploitation d'État qui n'aurait d'autre but que de couvrir ses frais d'exploitation, d'assurer le service de sa dette (c.-à-d. paiement des intérêts et amortissement des capitaux investis) et qui se contenterait pour le reste de favoriser les intérêts économiques du pays, une telle exploitation, disons-nous, pourrait établir ses tarifs à des taux moins élevés que ceux d'une société privée.

En ce qui concerne la Société Nationale des chemins de fer belges, les dispositions légales qui s'appliquent aux tarifs décèlent une tendance à la limitation du taux de ceux-ci (page 28, § a, dernier alinéa) mais elles n'excluent cependant pas la recherche du bénéfice.

Par ailleurs, par la limite du dividende à servir aux actions privilégiées (note 030), les chemins de fer belges apparaissent comme un instrument fiscal. En effet :

Au moment de sa reprise par la Société Nationale (1er septembre 1926), le réseau était grevé d'une charge financière de 270 millions. Cette somme représente essentiellement l'intérêt des capitaux qu'au cours des temps l'État a empruntés pour ses chemins de fer et dont il continue à servir les intérêts aux porteurs des titres de rente. Pour que l'État soit dédommagé de ces 270 millions, il faudrait que la Société fût en mesure de lui verser cette somme sous forme de dividende aux actions ordinaires dont l'État est seul détenteur et qui lui ont été allouées en échange du droit d'exploitation qu'il a cédé à la Société Nationale. Le dividende éventuel des actions ordinaires est donc assimilable à une charge financière.

Mais l'article 40 des statuts stipule qu'après les prélèvements prévus, le solde bénéficiaire est réparti comme suit :

Le dividende qui revient aux actions ordinaires ne peut donc leur être payé que si le solde bénéficiaire atteint le double. Il s'ensuit que chaque fois que l'État voudra encaisser ces 270 millions, le bénéfice total devra être de 540 millions, de telle sorte que le chemin de fer devra percevoir des usagers une somme de 270 millions pour des raisons complètement étrangères à l'exploitation du réseau.

On peut dire que les charges financières supplémentaires imposées à la Société Nationale ont entraîné la première augmentation de tarifs décrétée par celle-ci (note 031).

Remarquons encore que les transports par chemin de fer sont soumis à un impôt de 2,50 % (arrêté du 13 juillet 1955).

b) Systèmes des tarifs

Encore que les tarifs applicables aux voyageurs soient très diversifiés, leur étude ne se prête pas aux mêmes développements que celle des tarifs pour marchandises. On pourrait dire que les premiers constituent, en quelque sorte, un cas particulier des seconds ; c'est pourquoi, dans les considérations générales qui vont suivre, il sera plus spécialement question des tarifs pour marchandises.

Les systèmes de tarifs sont au nombre de quatre :

  1. le tarif au poids et au volume ;
  2. le tarif à la valeur ;
  3. le tarif mixte qui participe des deux autres ;
  4. le tarif basé sur le prix de revient du transport.

1°) Le système au poids et au volume.

Si, faisant table rase de tout ce qui existe actuellement en matière de tarifs, on nous demandait d'improviser un système de tarification, que ferions-nous ?

C'est de ces considérations qu'est née la tarification au poids et au volume. Le système au poids et au volume ne tient compte que du poids de la marchandise et de la place qu'elle occupe dans le wagon qui la transporte. Rien n'est plus naturel puisqu'en somme, abstraction faite de la distance, de la rapidité du transport et des risques, le poids à traîner et la place occupée représentent parfaitement le service demandé au chemin de fer. C'est pourquoi ce système est aussi appelé système naturel.

En fait, dans ce système, c'est plus le volume que le poids qui intervient pour la tarification des marchandises puisque, pour un poids donné, plus la place occupée est petite, meilleure est l'utilisation du wagon et plus économique est le transport. En raison de cette considération, le système au poids et au volume est aussi désigné en abrégé sous le nom de système au volume.

Une tarification d'après le volume seul favoriserait les marchandises lourdes puisque, pour le même prix (même volume), on pourrait en transporter davantage. Une tarification d'après le poids seul favoriserait à son tour les marchandises légères qui paieraient le même prix que les plus lourdes malgré la plus grande place occupée.

Caractères de la tarification au poids et au volume. - Indépendante de la valeur de la marchandise, indifférente aux variations des changes, elle présente avant tout l'avantage de la stabilité. En outre, elle est simple, claire et, en raison de son application aisée, les frais de personnel sont moins élevés.

Enfin, elle pousse à une utilisation aussi complète que possible de la capacité des wagons et conséquemment conduit à une exploitation économique.

Mise en vigueur sur les chemins de fer d'Alsace-Lorraine après la guerre de 1870, et aussi sur les chemins de fer de l'État du Grand Duché de Nassau en 1867, elle a été écartée en 1877 ; c'est qu'en matière d'exploitation commerciale, il faut faire entrer en ligne de compte d'autres considérations que celles qui influent directement sur le prix de revient du transport.

Avec la tarification au poids et au volume, un lingot d'or et un sac de sable de même poids, transportés à la même distance, seraient taxés au même prix (note 032) et, cependant, si les sujétions du chemin de fer sont les mêmes, l'homme le moins averti comprendra :

  1. que le lingot d'or peut supporter une taxe beaucoup plus élevée que le sac de sable ;
  2. que si l'on applique au lingot d'or et au sac de sable le même prix au kilogramme, comme le sac de sable ne pourrait supporter un prix de transport élevé, le lingot d'or sera transporté à un prix dérisoire relativement à sa valeur ;
  3. que c'est le prix possible pour la marchandise la plus pauvre (le sac de sable), qui déterminera le niveau des tarifs et, il est clair, que le système naturel ne peut donner que des recettes modestes.

Il apparaît donc bien qu'à ne tenir compte que du coût ou prix de revient du transport, la tarification au poids et au volume, si naturelle qu'elle soit, est imparfaite et l'on comprend qu'il est très rationnel de prendre également en considération la valeur de la marchandise et de taxer la marchandise d'après ce qu'elle peut payer.

On en arrive ainsi à la tarification à la valeur.

2°) Le système de tarification à la valeur.

Avec la tarification à la valeur, grâce aux taxes relativement élevées dont seront frappées les marchandises de grande valeur, il sera possible de transporter à des prix exceptionnellement bas les marchandises de peu de valeur relative présentées en masse (charbons, minerais, engrais, sables, graviers, déchets de carrières, immondices des villes, etc.) ; sans cela, celles-ci auraient dû être consommées sur place ou rester inutilisées, parce que le prix du transport, ajouté à leur prix au point de départ, les rendraient invendables en dehors du lieu de production.

Les marchandises riches paient donc pour les marchandises pauvres ; c'est le principe de la mutualité sur lequel nous reviendrons.

Autre conséquence favorable, ce transport des marchandises de peu de valeur rendu possible, permettra au chemin de fer de faire rendre à ses installations leur maximum en leur donnant une utilisation plus complète et, partant, diminuera le prix de revient de l'unité transportée.

On conçoit cependant qu'il n'est pas possible de taxer chaque marchandise en particulier dans un rapport exact avec sa valeur ; on en arriverait à multiplier les tarifs à l'infini. Il faut donc admettre à priori des inégalités de traitement et former des classes de tarifs comprenant des marchandises de valeurs approximativement égales ; l'essentiel, c'est que deux marchandises en concurrence ne soient pas affectées de tarifs inégaux.

Avec la tarification à la valeur, ou bien l'exploitant range lui-même les marchandises en classes selon leur valeur, ou bien il décide que les taxes de transport représenteront un certain pourcentage de la valeur de la marchandise déclarée par l'expéditeur, mais, dans ce dernier cas, l'exploitant doit dépister les fausses déclarations.

Caractères de la tarification à la valeur. - A côté d'une adaptation plus adéquate aux conditions économiques, la tarification «ad valorem» présente aussi des défauts :

  1. elle n'offre aucun encouragement à la formation de charges complètes ;
  2. sa tendance à l'exagération du nombre de classes de valeurs, d'où complication dans le service. Il faut nécessairement restreindre le nombre de classes en groupant les marchandises de valeurs sensiblement égales ;
  3. la nécessité de maintenir les tarifs en relation étroite avec la valeur essentiellement variable des marchandises conduit à des révisions fréquentes (note 034).

Nous exposerons plus loin (page 47) les raisons pour lesquelles cette notion de la valeur ne doit cependant pas être considérée intrinsèquement.

3°) Le système mixte.

Pour peu que l'on s'arrête aux avantages et aux inconvénients des deux systèmes de tarification susindiqués, l'idée se présente à l'esprit d'un système mixte, basé sur la valeur mais tempéré, en ordre principal, par un intérêt à la formation de charges complètes. Il faut entendre par là que le client paie un tarif d'autant moins élevé qu'il utilise plus complètement la capacité offerte par le wagon. C'est logique car le chemin de fer bénéficie alors de la réduction du rapport du poids mort à la charge utile transportée. Tel est le système qui a prévalu jusque dans ces dernières années en Belgique et à l'étranger, mais la concurrence de l'automobile amène les réseaux à axer davantage la fixation des tarifs sur le prix de revient (page 42).

En Belgique, on conserve la distinction entre marchandises expédiées par express, en grande vitesse (G.V.) et celles transportées en petite vitesse (P.V.) ainsi que nous l'avons vu page 27 et toutes les marchandises expédiées en petite vitesse (tarif n° 3) sont groupées en six classes seulement.

En principe, sont rangées, d'après leur valeur en 1928 :

A la 1re classe, on rencontre surtout les produits fabriqués de valeur élevée :

Tissus, cuirs, zinc et plomb ouvrés, porcelaine, gobeleterie, alcools, vins, liqueurs, machines, essences, etc.

A la 2e classe, sont rangés :

Les pièces de charpentes et de ponts, la mitraille de cuivre, de plomb, de zinc, de bronze ou de laiton, les verres à vitres, les huiles minérales rectifiées, etc.

A la 3e classe, appartiennent :

Les minerais de métaux riches (chrome, cuivre, étain, antimoine), les bois de construction, les pâtes de bois, etc.

A la 4e classe, on trouve :

Les minerais de zinc et de plomb, etc.

La 5e classe englobe, d'une manière générale, les produits bruts, les demi-produits et certains fabricats dépréciés, les bois de mines, les huiles minérales brutes, le ciment, etc.

A la 6e classe sont reprises les marchandises de faible valeur relative, notamment les matières premières pondéreuses et déchets de fabrication, le sable, les bois à brûler, les produits bruts et les déchets de carrières, etc.

Les marchandises relevant de la «Communauté européenne du Charbon et de l'Acier» (C.E.C.A.) font l'objet d'une tarification distincte. (Minerai de fer et de manganèse, houille, coke, agglomérés de houille, ferrailles pour la refonte, fonte brute et acier brut, demi-produits et produits finis de la sidérurgie).

Le tableau de classification des tarifs intérieurs et mixtes belges mentionne environ 2000 produits.

Il est intéressant de voir comment se répartissent les transports de grosses marchandises par catégories de tarifs. Le tableau ci-dessous donne à la fois la ventilation en poids et en recette du trafic des grosses marchandises pour le 1er semestre 1957 (note 035).

On remarquera la disproportion qui existe entre le pourcentage des tonnages et celui des recettes selon les tarifs considérés :

Exemples. Groupe I - classes générales 1 à 6 : tonnage 9,2 %, recette 13,1 %.

Groupe II - tarifs spéciaux : tonnage 49,1 %, recette 40,2 %.

1er semestre 1957 Tonnage (%) Recette (%)
I. Secteur «non-C.E.C.A.» (*)    
1e classe 1,6 3,5
2e classe 0,7 1,2
3e classe 0,6 1,1
4e classe 1,4 1,7
5e classe 2 2 3,0
6e classe 2,7 2,6
classes 1 à 6 9,2 13,1
tarifs spéciaux 22,8 22,6
divers 0,8 3,0
Totaux «non-C.E.C.A.» 32,8 38,7
II. Secteur «C.E.C.A.»    
tarifs généraux 18,1 21,1
tarifs spéciaux 49,1 40,2
Totaux «C.E.C.A.» 67,2 61,3
Totaux généraux 100 % 100 %

(*) «C.E.C.A. » = Communauté européenne du charbon et de l'acier.

L'importance des transports effectués à prix réduits (tarifs spéciaux, groupe II) montre aussi que toute réduction de taxes en faveur de ces envois a une répercussion considérable sur la recette du réseau.

Nous venons de préciser comment le principe «ad valorem» intervient dans le système mixte de tarification des chemins de fer belges, nous avons encore à montrer comment le public est intéressé à la formation de charges complètes.

Dégressivité des taxes avec l'augmentation du poids transporté.

Chacune des 6 classes est subdivisée en 3 séries A, B et C (voir tableau page 38).

Les prix des séries A, B et C des trois premières classes s'appliquent respectivement sur les poids minima de 5, 10 et 15 tonnes. Plus le chargement se rapproche de la capacité totale offerte par le wagon utilisé et plus bas est le prix payé par unité-tonne.

Ainsi, pour un envoi de 10 tonnes (Série JB) on paiera, par tonne, x % de plus que pour un envoi de 15 tonnes (Série C). De même, pour un envoi de 5 tonnes (Série A), on paiera, par tonne, y % de plus que pour un envoi de 10 tonnes (Série B).

Quant aux prix des séries A, B et C des 4me, 5me et 6me classes, qui comprennent surtout les marchandises pondéreuses, ils s'appliquent respectivement sur les poids minima de 10, 15 et 20 tonnes.

Pour toutes ces classes, les prix des séries A sont les plus élevés, ceux des séries C les plus bas.

Ces dispositions ont pour but d'inciter les expéditeurs à charger autant que possible les wagons jusqu'à concurrence du tonnage offert. Le prix de revient du transport n'est pas seulement fonction du poids transporté, mais bien de ce poids augmenté de la tare du véhicule ; or, pour les wagons incomplètement chargés, le poids mort rapporté à la charge utile peut devenir considérable.

Nous verrons à la fin du chapitre IV combien, en vue de la réalisation du bénéfice maximum, il est intéressant de diversifier les taxes de transport, soit par la multiplication du nombre de classes dans lesquelles on range les marchandises, soit par la grande variation des conditions d'expédition. A ce sujet, il est instructif de suivre l'évolution de la tarification des grosses marchandises (tarif n° 3) des chemins de fer belges en ces dernières années.

De 1864 jusqu'à la guerre 1914/1918, les marchandises du tarif n° 3 furent rangées en 4 classes d'après le principe ad valorem (note 037_1). Comme le montre le tableau ci-après, les prix des trois premières classes s'appliquaient sur un poids minimum de 5 tonnes ; ceux de la 4e classe sur un poids minimum de 10 tonnes.

Ces prescriptions quant aux tonnages dérivaient d'ailleurs de la capacité usuelle des wagons d'autrefois : 5 et 10 tonnes. Il convenait d'adapter ces prescriptions au matériel moderne représenté comme type standard par le wagon de 20 tonnes. Il fallait tout ensemble inciter la clientèle à charger le plus complètement possible le wagon de 20 tonnes sans empêcher le transport des marchandises que le commerce échange encore par quantités de 5, 10 ou 15 tonnes. Conformément aux suggestions que nous avions formulées en 1917 (note 037_2), peu après l'armistice, en 1919, les prix des3 premières classes furent subdivisés en 2 séries de prix A et B applicables aux envois de 5 et de 10 tonnes : voir tableau page 38.

Modifications successives du tarif n° 3

De 1861 à 1914 1919 1938 1957
4 classes 4 classes
7 séries
9 classes
27 séries
6 classes
18 séries
1e classe 5 t.     1e classe 3 t. série A classes supprimées et fusionnées avec la 3e classe qui devient la 1e classe
    10 t. série B
    15 t. série C
    2e classe 3 t. série A
    10 t. série B
    15 t. série C
1e classe 5 t. série A 3e classe 3 t. série A 1e classe 5 t. série A
      10 t. série B 10 t. série B   10 t. série B
2e classe 5 t. 2e classe 5 t. série A 15 t. série C   15 t. série C
      10 t. série B 4e classe 3 t. série A 2e classe 5 t. série A
3e classe 5 t. 3e classe 5 t. série A 10 t. série B   10 t. série B
      10 t. série B 15 t. série C   15 t. série C
4e classe 10 t. 4e classe 10 t. 5e classe 3 t. série A 3e classe 5 t. série A
10 t. série B   10 t. série B
15 t. série C   15 t. série C
6e classe 10 t. série A 4e classe 10 t. série A
15 t. série B   15 t. série B
20 t. série C   20 t. série C
7e classe 10 t. série A 5e classe 10 t. série A
15 t. série B   15 t. série B
20 t. série C   20 t. série C
8e classe 10 t. série A 6e classe 10 t. série A
15 t. série B   15 t. série B
20 t. série C   20 t. série C
9e classe 10 t. série A classe supprimée (les produits CECA font l’objet d’une tarification distincte)
15 t. série B
20 t. série C

Au cours des temps, cette subdivision alla en s'amplifiant si bien qu'en 1938, l'éventail des prix comportait 9 classes et 27 séries.

Au 1er janvier 1940, par suite du fait que le camion automobile recherche surtout les marchandises chères, la S.N.C.B. a abaissé le prix des classes supérieures en fusionnant les trois premières classes, les prix étant alignés au niveau des prix de la 3e classe.

En dernière analyse, l'année 1957 consacre la subdivision en 6 classes et 18 séries (tableau page 38).

Les prix applicables aux transports en P. V. sont actuellement établis sur les bases suivantes :

Classes Minimum Prix des séries A Prix des séries B Prix des séries C
1re 5.000 kg applicables aux envois ¾ 5.000 kg mais < 10.000 kg applicables aux envois ¾ 10.000 kg mais < 15.000 kg applicables aux envois ¾ 15.000 kg
2me 5.000 kg
3me 5.000 kg
4me 10.000 kg applicables aux envois ¾ 10.000 kg mais < 15.000 kg applicables aux envois ¾ 15.000 kg mais < 20.000 kg applicables aux envois ¾ 20.000 kg
5me 10.000 kg
6me 10.000 kg

Remarque. - L'expéditeur conserve toujours le bénéfice de la taxe la plus avantageuse ; il ne peut payer plus cher pour le poids réel à la série correspondant à ce poids que pour le poids minimum (plus grand que le poids réel) prévu à la série immédiatement inférieure.

Si, pour fixer les idées, on suppose un envoi de la 2e classe pesant 9000 kg, les prix de la 2e classe A, appliqués sur 9000 kg, donneraient une taxe supérieure à celle obtenue en appliquant à l'envoi les prix de la 2e classe B calculés sur 10.000 kg. C'est, dans ce cas, la taxe la plus basse qui doit être appliquée.

La limite de poids x kg au-dessus de laquelle il y aura avantage à appliquer les prix de la 2e classe B sur 10.000 kg est donnée par la relation :

x kg X prix de la 2e classe A - 10.000 kg X prix de la 2e classe B.

A la distance de 117 kilomètres, par exemple, les prix de la 2e classe A sont égaux à ceux de la 2e classe B plus 13 % ; dès lors :

x X 1,13 (prix de la 2e classe B) = 10.000 kg X prix de la 2e classe B.

d'où   

Les considérations qui précèdent ont trait aux différences de taxation qui se rapportent à l'utilisation plus ou moins complète du matériel, mais il convient encore de s'arrêter un instant à celles qui dérivent de la nature du matériel employé.

Toutes autres conditions égales, les prix les plus bas s'appliqueront naturellement aux transports en wagons découverts, le wagon découvert étant moins lourd et coûtant moins cher que le wagon fermé. En Belgique, les prix les plus bas sont ceux des 4e, 5e et 6e classes ; il s'en faut cependant que toutes les marchandises de ces classes soient transportées en wagons découverts et voici pourquoi.

Du point de vue légal, le chemin de fer transporte à son gré les marchandises quelles qu'elles soient, en wagons découverts ou en wagons fermés, le législateur n'ayant pas voulu lui imposer l'emploi d'un matériel déterminé. Cependant, comme l'art. 34 de la loi de 1891 rend le transporteur responsable des pertes ou des avaries, le chemin de fer, pour soustraire les marchandises chères ou précieuses à la convoitise et les marchandises délicates à la gelée, à la pluie ou à la trop grande chaleur, transporte d'initiative celles-ci en wagons fermés. S'il ne le faisait pas, il s'exposerait à devoir payer éventuellement des dommages et intérêts.

Mais le chemin de fer peut impunément transporter en wagons découverts les marchandises de peu de valeur ou ne craignant pas la mouille ; c'est le cas d'un grand nombre de marchandises des 4e, 5e et 6e classes et notamment des sables, des minerais, des pavés, des déchets de carrières, etc. Pour les autres marchandises de ces trois dernières classes, le wagon fermé s'impose et, dès lors, le prix de revient du transport étant plus élevé, il se justifie que les prix de ces classes en wagons fermés soient majorés ; cette augmentation qui était de 10 % a été cependant supprimée le 1er mai 1956.

Toutefois, si l'expéditeur demande néanmoins, d'une façon formelle et par écrit, le transport en wagon découvert pour des marchandises qui, normalement, devraient être transportées en wagons fermés, il est logique qu'il assume la responsabilité des conséquences de ce mode de transport ; il dégage de ce fait la responsabilité du chemin de fer, qui lui applique alors les prix des 4e, 5e et 6e classes sans majoration (note 040).

La nature du matériel employé peut aussi intervenir d'une autre manière et rejaillir sur la classification elle-même, en ce sens, qu'une même marchandise pourrait être rangée à l'une ou à l'autre classe selon qu'on demandera qu'elle soit transportée en wagon ouvert, fermé ou bâché.

Enfin, dans cette classification, à côté de la valeur des produits, indépendamment de la considération de l'utilisation plus ou moins complète du matériel, de la nature du maternel employé, on fait encore entrer en ligne de compte d'autres facteurs pouvant influer sur la taxation.

On tient compte notamment de l'état dans laquelle la marchandise est présentée au transport ; ainsi, les pierres de taille en blocs bruts sont rangées à la 6e classe ; quand elles sont polies, elles montent à la 5e classe ; sculptées, elles passent à la 2e classe. Le sucre brut, rangé à la 2e classe, passe à la 1re quand il est raffiné.

De même, on prend en considération les risques d'avarie, les effets de la concurrence, les intérêts de l'industrie nationale, des ports nationaux et certaines raisons de trafic telles que l'utilisation du matériel vide au retour.

Remarque. - En Belgique, en service intérieur, on compte par expédition et non par wagon ; ainsi, à la 6e classe, le minimum est de 10 tonnes par expédition, bien que celle-ci puisse nécessiter deux wagons pour son transport. La chose est particulièrement avantageuse pour les fortes expéditions, par exemple, 600 tonnes de charbon, l'expéditeur n'ayant alors qu'une seule lettre de voiture à rédiger.

En service international, il faut normalement une lettre de voiture par wagon et cela pour éviter les difficultés qui surgiraient dans le cas d'un wagon avarié et qui ne peut plus suivre les autres wagons composant l'expédition.

*
* *

Tarification à échelles mobiles.

Au Congo belge, pour certains produits d'exportation (huile de palme, copal, caoutchouc, cacao, etc.), les tarifs généraux sont modifiés d'après des échelles mobiles, revisées tous les trois mois, en vue d'adapter les taxes à la valeur de ces produits.

*
* *

Parmi les facteurs qui sont susceptibles de faire varier les dépenses de transport et partant les taxes, nous avons examiné ceux qui sont inhérents aux transports eux-mêmes (poids, volume, distance, vitesse, nature du matériel, état de la marchandise, etc.), mais il existe aussi des facteurs extérieurs aux transports :

4°) Le système de tarification basé sur le prix de revient du transport.

Une évolution très nette se fait jour en ce qui concerne les bases de la tarification ferroviaire. Cette évolution s'est manifestée d'une façon toute particulière à l'occasion des réunions tenues à Scheveningen (La Haye) en juin 1956 par le Congrès International des Chemins de fer.

La raison en est, qu'à l'origine, la tarification des marchandises a été édifiée à l'abri d'un monopole de fait qui lui permettait une très grande liberté dans la relativité des taxes.

Cette tarification a dû être progressivement remaniée pour tenir compte du développement des moyens de transport concurrents.

Petit à petit, la tarification «ad valorem» cède du terrain et les réseaux s'appliquent à aligner les tarifs d'aussi près que possible sur les prix de revient.

1. - Belgique.

Nous avons vu qu'en Belgique le tarif n° 3 comporte 6 classes, subdivisées chacune en 3 séries de prix selon que le chargement est de 10, 15 ou 20 tonnes. C'est la logique même puisque, à tare égale, plus le tonnage s'élève et moindres sont les frais de remorque par tonne de chargement.

Nous verrons par ailleurs que, par le jeu des tarifs spéciaux autres que ceux rendus nécessaires par la concurrence, les taxes sont en général fonction de l'abaissement du prix de revient. C'est le cas notamment pour les transports par rames, par trains complets, pour les transports en wagons appartenant à des particuliers. En somme, les réductions consenties dans ces cas sont établies en fonction directe de l'économie réalisée par le chemin de fer par rapport aux transports en wagons ordinaires isolés.

2. - France.

Il en va de même en France.

Dans leur forme actuelle, les tarifs français classent les marchandises en 4 séries suivant les caractéristiques techniques de chargement :

En outre, les transports par wagons complets ou par rames comportent des «tarifs numérotés» très diversifiés.

Les récentes réformes françaises ont enserrés les tarifs entre deux limites :

Il va sans dire que les tarifs français tendent toujours à faire supporter le tarif le plus élevé par les marchandises les plus chères.

En ce qui concerne les marchandises de détail, la classification en «séries» tient surtout compte de la densité des envois.

On voit encore apparaître la notion du prix de revient dans le «nuancement» du prix de transport selon les relations.

Ce nuancement s'effectue suivant les relations en partant de l'idée que tout transport est en principe constitué par un transport de collecte et par un transport de distribution encadrant un transport entre centres reliés par des trains directs utilisés au maximum.

Le prix de revient des deux transports terminaux est particulièrement élevé par rapport au troisième, en raison de la charge et de la vitesse plus réduites des trains, des multiples arrêts et manœuvres, de l'équipement moins poussé des lignes secondaires, etc.

Il est donc indiscutable que les transports entre gros centres sans transports terminaux présentent le prix de revient minimum justifiant l'application du barème le plus réduit et que ce prix de revient augmente en raison inverse de la densité du trafic sur les trajets terminaux, c'est-à-dire de l'importance du trafic des gares situées sur ces trajets.

La S.N.C.F. néglige comme base de tarification les éléments de prix de revient autres que le volume du trafic eu égard aux considérations suivantes :

Bien des éléments entrent dans le prix de revient d'une section de ligne : volume du trafic, profil de la ligne, mode de traction, équipement fixe, etc. Il n'est guère possible de tenir compte de tous ces éléments et on ne peut nuancer la tarification qu'en se basant sur des critères simples.

Or le prix de revient des transports qui empruntent une ligne est essentiellement fonction du volume de tonnage acheminé sur cette ligne ; le prix de revient est d'autant plus élevé, que ce tonnage est plus faible, la répartition des frais d'installations fixes et de traction devant se faire sur un nombre plus faible de tonnes-kilométriques.

En bref, l'analyse des prix de revient a montré que la nature des gares situées aux deux extrémités du parcours avait une répercussion prépondérante sur le prix de revient (note 044).

Dans ces conditions, on a imaginé d'affecter chaque gare d'un indice (3. 4. 5. 6.) dont le taux est en raison inverse de son importance.

Chaque barème porte un numéro d'autant plus élevé que les prix sont plus réduits. Pour trouver le numéro du barème applicable dans une relation déterminée, on diminue le numéro du barème de base pour la marchandise à transporter, de la somme des indices des gares de départ et de destination, de telle sorte que les prix applicables sont d'autant plus faibles que cette somme d'indices est plus réduite donc que le trafic des gares de départ et de destination est plus important.

Exemple : Barème normal n° 70.

Gare de départ : gare à très fort trafic : indice 3,

Gare d'arrivée : gare peu importante : indice 6,

Barème réduit à appliquer : 70 - 3 - 6 = 61.

Enfin, la S.N.C.F. avait envisagé dans un projet qui n'a pas encore reçu l'approbation des autorités de tutelle, de perfectionner ce système d'adaptation des prix de transport au prix de revient en appliquant une surtaxe aux transports en provenance ou à destination de lignes secondaires, cette surtaxe variant en raison inverse du trafic de la ligne.

3. - Angleterre.

En Angleterre, la base de la réforme tarifaire est, d'abord, la substitution de la notion de prix de revient comparatif à celle de la valeur comparative et, ensuite, la reconnaissance du fait, très important, que ce prix peut varier, par exemple, avec l'itinéraire emprunté.

Auparavant, les tarifs étaient basés sur une classification «ad valorem» et l'obligation du traitement égal des clients dans des circonstances similaires.

Aujourd'hui, les chemins de fer britanniques peuvent conclure des contrats non publiés et chaque mois plus de 200 contrats particuliers sont conclus.

Enfin, dans un système en élaboration, les prix de transports homologués sont des prix maxima dans les limites desquels le chemin de fer peut fixer son prix pour chaque transport sans obligation de le publier. Le prix maximum est fixé en rapport avec le prix de revient.

4. - Finlande.

La réforme tarifaire des chemins de fer finlandais, dont la mise en service remonte déjà à 1945, se caractérise essentiellement par deux innovations originales.

1°) Tarif d'insuffisance de poids.

L'application d'un tarif par wagon au lieu du tarif par expédition a permis de percevoir une taxe pour l'insuffisance de poids, celle-ci correspond au poids à ajouter à celui de l'expédition pour qu'on puisse considérer le wagon utilisé de façon satisfaisante.

Introduction d'une série de prix élémentaires en progression géométrique croissante de raison 1,0525 éliminant les multiplications pour la détermination des taxes.

La différence constante entre deux prix élémentaires successifs est de 5 % dans le sens décroissant et, par conséquent, de 5,25 % dans le sens croissant.

Dans l'équation exprimant le prix élémentaire p par 100 kg,

  (I)

l'exposant L est l'indice de fixation du prix, il est égal à la somme de trois indices :

- l'indice fonction de la distance, indice d,

- l'indice de la classification de la marchandise, indice m,

- l'indice de la vitesse, ou du mode de transport (wagons couverts, réfrigérants, chauffés), indice v,

L = d + m + v.

Si nous supposons d'abord que les indices m et v sont égaux à zéro, nous avons :

p = 1,0525d

ce qui conduit à une première échelle de taxes donnant la dégressivité en fonction de la distance.

Quelles que soient les distances, les échelles de taxes sont dans un rapport constant et les inclinaisons sur l'horizontale de toutes les échelles sont les mêmes ce qui montre la même dégressivité avec la distance.

Il existe un tableau comportant seulement 140 poids largement arrondis par le haut qui, associé à un total de 120 valeurs de p, constitue un tableau à double entrée formant en fait une table de multiplication de Pythagore donnant les prix pour tous les poids possibles.

Ce premier avantage du système finlandais est donc la suppression des multiplications nécessitées autrefois pour le calcul des taxes.

Un deuxième avantage, c'est que, en cas de modification des tarifs, il n'est pas nécessaire de recalculer de nouvelles échelles, il suffît d'ajouter une constante à l'exposant L de l'équation (I) page 45.

Enfin, la surtaxe pour insuffisance de poids a un effet psychologique sur le client. En effet, celui-ci se rend compte de l'intérêt pécuniaire qu'il aurait eu à mieux utiliser la capacité offerte par le wagon mis à sa disposition.

IV. - Formation des tarifs

A. - Entre quelles limites doit-on se tenir dans la formation des taxes ?

Le principe qui régit l'exploitation (Compagnie ou chemin de fer d'Etat) réagit naturellement sur la physionomie générale des tarifs, mais dans l'établissement des prix interviennent deux éléments qui constituent les limites entre lesquelles peuvent se mouvoir les taxes :

1°) La limite inférieure, c'est le prix de revient du transport par unité de poids et de distance, c'est-à-dire le coût de la tonne-kilomètre et du voyageur-kilomètre.

En effet, en principe, l'exploitant devant au moins couvrir ses frais, les tarifs ne peuvent descendre au-dessous du prix de revient (note 046). Mais à ce sujet une remarque importante s'impose : si le prix de revient minimum conditionne le prix de vente, c'est-à-dire les tarifs, le prix du marché oblige le producteur à ramener son prix de revient à un taux qui lui permette de se maintenir sur le marché.

2°) La limite supérieure, c'est la valeur commerciale du transport.

Que faut-il entendre par là ?

Lorsque, traitant la question des systèmes de tarifs, nous avons exposé le principe de la tarification à la valeur (page 33), nous n'avons pas, à ce moment, eu égard au service rendu par le chemin de fer à son client lorsqu'il transporte sa marchandise d'un lieu dans un autre. Cependant, pour le commerçant, ce transport est l'objet de son activité et la source de ses bénéfices.

En effet, le transport de la marchandise confère à celui-ci une plus-value. Si, pour fixer les idées, les pommes de terre ne se vendent que 130 francs les 100 kilogrammes dans le Luxembourg (prix de 1957), alors que la même qualité se vend 175 francs sur le marché de Bruxelles, il est clair que le transport du Luxembourg à Bruxelles donnera à cette marchandise une plus-value de 175 - 130 = 45 francs. Si, par ailleurs, le prix du transport n'est que de 13 francs, la marge de bénéfice du négociant sera de 45 - 13 = 32 francs aux 100 kilogrammes.

Il se dégage de là une notion nouvelle : une marchandise ne se déplace pas précisément à cause de sa valeur, mais bien en raison de l'intérêt que l'expéditeur trouve à la transporter d'un lieu dans un autre.

La chose est si évidente que si dans deux régions éloignées l'une de l'autre, se trouve une marchandise très chère, voire la plus précieuse, en quantité suffisante dans chacune de ces deux régions pour y satisfaire à tous les besoins et s'y vendant exactement au même prix, on aurait beau offrir le prix de transport le plus réduit, on ne provoquerait aucun déplacement de ce produit de l'une de ces régions vers l'autre.

Par contre, si dans l'une de ces régions existait une matière des plus communes, mais essentielle à la vie, qui manquât totalement dans l'autre, théoriquement, avec un tarif aussi élevé qu'on voudrait, on en réaliserait le transport entre les deux régions.

Pour fixer le prix à réclamer pour le transport d'une marchandise, il ne faut donc pas considérer uniquement la valeur intrinsèque de celle-ci, mais plutôt la plus-value que le transport peut lui donner. C'est cette plus-value, cette valorisation de la marchandise, qui exprime la valeur commerciale du transport (sa valeur d'usage).

Elle dépend, en définitive, de l'écart entre le prix P1 de la marchandise au point de provenance A et de son prix P2 de vente au point de destination B, car c'est de cet écart que le commerce tire ses profits.

Le bénéfice du négociant = P2 - P1 - le prix du transport.

En résumé, bien que la valeur de l'objet transporté soit souvent une cause de l'augmentation de la valeur commerciale du transport, il n'existe pas, à proprement parler, de relation entre les tarifs et les valeurs des objets transportés, mais ces relations existent entre les tarifs et les écarts des cours sur les divers marchés.

On est amené à conclure que le chemin de fer aura comme limite maximum du prix de transport la différence entre le prix de revient de la marchandise au lieu d'expédition et le prix possible de vente au lieu de destination. En d'autres termes, le tarif ne peut s'élever au delà du taux qui rendrait la marchandise invendable au lieu de destination.

Les possibilités de vente d'un produit augmentent dans la mesure où les frais de transport diminuent.

Entre les deux limites inférieure et supérieure, ci-dessus définies, peut s'exercer librement la concurrence.

B. - Formation des taxes

A présent que nous avons esquissé la physionomie générale des tarifs, que nous avons défini les limites inférieure et supérieure de la taxe, cherchons à dégager ce que sera celle-ci.

L'exploitant récupère le prix de revient du transport en percevant une taxe qui comprend deux éléments, l'un fixe et l'autre variable.

  1. L'élément fixe, indépendant de la longueur du trajet, est relatif aux opérations qui précèdent et à celles qui suivent le transport ; il représente les frais dits de station que l'on dénomme aussi charges terminales (note 048) ou encore frais d'expédition bien que ceux-ci comprennent alors aussi bien les frais de réception que ceux de départ.
  2. L'élément variable ou taxe kilométrique, couvre les dépenses relatives au déplacement proprement dit, dépenses qui augmentent non seulement avec la distance, mais encore avec le poids, la vitesse, les risques ou les sujétions spéciales qu'entraîne la marchandise. Si tous ces facteurs qui constituent une grosse part du prix de revient pouvaient être calculés pour une marchandise déterminée, la taxe s'obtiendrait en y ajoutant les frais d'expédition correspondants, les charges permanentes et le bénéfice éventuel compatible avec le cours de la marchandise au lieu de destination.

Mais le prix de revient de la tonne-kilomètre d'une marchandise déterminée est malheureusement des plus difficiles à calculer.

Sans doute, le chemin de fer sait établir le bilan total de ses recettes et de ses dépenses ; il connaît également l'ordre de grandeur du prix de revient de la tonne-kilomètre, toutes marchandises confondues, et il lui est aussi possible de dire avec plus ou moins d'approximation quelle part des charges permanentes grève le transport des voyageurs et quelle part revient au trafic des marchandises, mais il lui est très difficile de ventiler les dépenses par espèces de marchandises. Il lui est tout aussi malaisé de répartir les dépenses entre les diverses lignes empruntées par le transport.

En effet, les voies, les signaux, le personnel sédentaire sont le plus souvent communs aux services des voyageurs et des marchandises ; il arrive que la même locomotive remorque dans la même journée successivement des trains de voyageurs et des trains de marchandises. D'autre part, le wagon qui a transporté une marchandise à l'aller reviendra souvent à vide ou chargé d'une autre marchandise et souvent par un itinéraire différent. Enfin, il arrivera que la même marchandise parcourra successivement une ligne établie à coup de millions dans un terrain accidenté ou industriel et une ligne de plaine de coût peu élevé.

Les choses s'enchevêtrent à tel point qu'il est difficile d'établir la part de dépenses afférente au transport d'une marchandise déterminée. Cependant dans le cas du transport d'une même marchandise par trains complets, la détermination des prix de revient partiel et industriel (dont il sera question au chapitre «prix de revient») devient plus aisée.

En présence de ces difficultés, on gradue les taxes en ayant égard aux facteurs déjà mentionnés qui influent surtout sur le prix de revient, à savoir :

1°) La distance

La taxe à percevoir pour un transport donné croît naturellement avec la distance ; toutefois, chaque kilomètre ne doit pas nécessairement être taxé à la même valeur attendu que dans le prix de revient interviennent des dépenses qui se produisent déjà pour un transport à petite distance et qui restent sensiblement les mêmes aussi longtemps que la distance n'atteint pas une certaine limite (note 049). Dans ces conditions, aux grandes distances, ces dépenses, déjà comprises dans les premiers kilomètres parcourus, peuvent dégrever d'autant les kilomètres suivants et ainsi s'explique qu'il est rationnel de recourir à des tarifs décroissant avec la distance.

Distances d'application

D'autre part, sur des tronçons de ligne dont l'établissement a nécessité de fortes dépenses ou qui, établis en fortes rampes, occasionnent des frais d'exploitation extraordinaires, les distances sont quelquefois majorées. Ainsi, jusqu'à la mise en service de la ligne du Loetschberg, le réseau du Gothard avait établi un tarif de montagne, suivant lequel les kilomètres faits en forte rampe étaient portés plusieurs fois à leur valeur, suivant le degré d'inclinaison de la rampe (note 050_1).

2°) Le poids et la quantité des marchandises transportées

Quand le commerçant présente à l'expédition des marchandises en quantité insuffisante pour remplir complètement un wagon, ou bien le wagon circulera tel quel, ou bien le chemin de fer complétera au préalable le chargement ; dans le premier cas, l'utilisation défectueuse du matériel entraîne naturellement une redevance plus forte ; dans le second cas, l'incertitude qui règne quant à la possibilité de trouver le complément de chargement, les frais supplémentaires de manutention, justifieront encore la perception d'une taxe supplémentaire.

Quand on ne charge que 5 tonnes de marchandises dans un wagon de 25 tonnes de capacité, dont le poids à vide est de 10 tonnes, l'on traîne 10/5 = 2 tonnes de poids mort pour une tonne de charge utile ; alors que si, dans ce même wagon, l'on charge 25 tonnes, l'on ne traîne plus que 10/25 = 0,4 tonne de poids mort par tonne de charge utile.

3°) Caractères spéciaux de la marchandise

Il faut entendre par là que les marchandises de très grande valeur ou d'un caractère dangereux ou démesurément longues ou encore encombrantes par nature sont passibles d'un supplément de taxe qui trouve sa contrepartie dans les risques que court le chemin de fer et dans les précautions spéciales que le chemin de fer doit prendre à leur égard contre les vols, les explosions, les dangers de brûlure lors des manipulations, dans l'augmentation de capacité à donner aux wagons pour les choses encombrantes (note 050_2), dans l'usage de wagons-supports pour les pièces longues.

4°) La nature spéciale du transport

Elle détermine notamment le type du matériel à employer (wagon découvert à haussettes, wagon couvert, wagon plat, wagon isotherme, wagon réfrigérant, etc.) et les conditions de vitesse à remplir.

L'expédition en grande vitesse justifie évidemment une majoration des taxes en raison des frais plus élevés qu'elle occasionne (frais de remorque plus importants, délais plus courts et, partant, plus difficiles à respecter).

De même, si l'expéditeur réclame l'emploi de wagons couverts ou bâchés là où des wagons découverts pourraient suffire, il est équitable qu'il paie ce supplément de garantie d'un tarif plus élevé. Le prix d'achat des wagons couverts est, nous l'avons dit, plus élevé que celui des wagons découverts et, comme leur tare est plus forte pour une même capacité de chargement, les frais de remorque sont plus importants.

5°) Tarification par poids standards

Ce système peut être appliqué à des produits présentés sous un emballage uniforme, tel que cartons, sacs, et toujours de même poids, expédiés en grandes quantités.

Ce système allège le travail des services de l'exploitation parce qu'il substitue une simple opération de comptage des colis à une opération de pesage.

Le pesage est une opération minutieuse, partant plus lente. Il exige d'ailleurs une double manutention : placement puis enlèvement des colis sur la bascule et, enfin, l'inscription du poids de chaque colis sur le document d'accompagnement.

6°) Les charges terminales

Les charges terminales correspondent aux dépenses que le chemin de fer doit faire, à la station de départ, pour accepter les marchandises, rédiger les pièces qui les accompagnent, pour amener les wagons à pied d'œuvre, assurer leur nettoyage, voire leur désinfection, pour mettre à la disposition des expéditeurs les voies de chargement, les hangars à marchandises, pour peser et éventuellement charger les colis ; à la station d'arrivée, pour amener les wagons sur les voies de déchargement, pour la livraison des marchandises en gare ou à domicile.

Parfois on détache de ces frais fixes ceux d'entre eux qui n'ont pas un caractère de généralité et on les perçoit, en dehors de la taxe proprement dite, sous le nom de frais accessoires. Ex. frais de prise et de remise à domicile, de pesage, de magasinage, de manutention, de désinfection, taxe de raccordement.

A vrai dire, les frais d'expédition ne sont rigoureusement indépendants de la longueur du trajet que si celle-ci n'est pas telle que le train transporteur puisse gagner la station destinataire sans décomposition ou remaniement. Or, sur les lignes de la S.N.C.B., par exemple, le parcours moyen de la tonne de grosses marchandises était, en 1956, de 98 kilomètres, alors que le parcours moyen du train de marchandise n'était que de 36,2 kilomètres, ce que l'on pourrait traduire en disant que, moyennement, la marchandise prend une correspondance en cours de route.

Si les frais d'expédition sont indépendants de la distance, ils se calculent, toutefois, suivant le poids pour les marchandises et suivant le nombre d'unités ou la surface de chargement pour les animaux. Les taux des frais d'expédition décroissent en même temps que diminue la taxe variable.

Mais, dans chaque série, les frais d'expédition sont proportionnels au poids, bien que les frais de station ne croissent pas en même temps que s'élève la capacité de chargement ; c'est le cas, par exemple, pour les frais d'écriture, de pesage et même de manœuvres.

Il se conçoit que, pour le trafic à petite distance, l'élément fixe peut devenir prépondérant et peser lourdement sur le coût du transport ; pour faciliter les échanges aux petites distances, on réduit d'ordinaire les frais fixes y afférents.

Remarque. - La durée totale d'un transport est fonction :

de sorte que, vue sous l'angle de l'économie politique, dans le mécanisme de la circulation des biens, la durée totale du transport est assimilable à une perte de charge dans le domaine mécanique.

En effet, entre le moment où le client a acheté la marchandise et celui où il pourra en disposer à la réception, il s'écoule un temps plus ou moins long. De ce chef, des capitaux sont investis, des charges financières courent. Plus la durée totale du transport est réduite, plus grand est le rendement des capitaux engagés et moindre est l'importance du fonds de roulement.

Porte à porte commercial et porte à porte technique.

Pour réduire le handicap des opérations terminales et réaliser le porte à porte commercial en même temps que la porte à porte technique, à la S.N.C.B. la perception séparée des prestations accessoires a été abolie, les prix sont établis de porte à porte. A remarquer que les services de camionnage de la Société desservent actuellement 80 % des localités et 95 % de la population.

V.- Classification des tarifs

On range les tarifs en trois grandes classes selon qu'on envisage :

  1. Leurs taux rapportés à la distance ;
  2. Leurs conditions d'application ;
  3. Leur champ d'application.

A. - Considérés du point de vue de leurs taux rapportés à la distance,

les tarifs se classent en :

  1. tarifs à taux invariable ;
  2. tarifs à faux inégaux ou variables.

a) Tarifs à taux invariable ou tarifs proportionnels

Le prix du transport est rigoureusement proportionnel à la distance. La base est d'autant de centimes ou de francs par kilomètre parcouru ou par x kilomètres parcourus.

Fig. 1

Si l'on porte en abscisses (fig. 1) les distances et, en ordonnées, les prix correspondant à ces distances, le barème, c'est-à-dire la succession des taxes totales perçues, sera représenté par une ligne droite telle que OB.

Si t = la taxe par kilomètre.

l = la longueur en kilomètres.

Le prix à payer x = tl.

Plus la taxe-base t est faible, plus naturellement la ligne OB s'incline sur l'horizontale ; plus elle est forte, plus la droite OB se redresse et se rapproche de la verticale.

Toutefois, comme il existe généralement à la base une taxe minimum minimorum (note 053), le barème est en réalité représenté par une ligne telle que ABC (fig. 2).

En fait, par suite de l'arrondissement des prix, la droite BC de la figure 2 est remplacée par une succession de paliers.

Pour les marchandises, la droite OB ne passe pas d'ordinaire par l'origine 0 (fig. 3) parce que la taxe totale comprend une taxe fixe t1. OA représente alors la somme réclamée pour payer les charges terminales.

x = t1 + tl.

Les tarifs proportionnels présentent l'inconvénient que les prix pour les grandes distances sont rapidement si élevés qu'ils deviennent bien vite prohibitifs, surtout pour les marchandises de peu de valeur.

Fig. 2 Fig. 3

b) Tarifs à taux variables

plus connus sous le nom de tarifs différentiels ou de tarifs à base décroissante.

Avec les tarifs différentiels, le rapport entre la taxe totale et la distance diminue quand la longueur du parcours augmente. Ainsi, si l'on paie 5 francs-or à la distance de 100 kilomètres ou 0,05 fr.-or par kilomètre (note 054), à la distance de 200 kilomètres, on paiera non pas 10 francs, mais seulement 8 francs par exemple, soit 0,04 fr. par kilomètre ; à 300 kilomètres 9 francs par exemple, au lieu de 15 francs, ou 0,03 fr. par kilomètre, et ainsi de suite. C'est logique, car le prix de revient du transport comprend certaines dépenses indépendantes de la distance et d'autres qui augmentent avec celle-ci ; les premières se répartissant sur toute la longueur du parcours donnent par kilomètre un prix d'autant plus faible que la distance est plus longue.

Une autre raison qui milite en faveur de la dégressivité des taxes avec la distance, c'est que, avec un tarif proportionnel, il arrive un moment où le prix du transport s'ajoutant au prix de la marchandise au lieu de départ, donne un total qui dépasse le prix du marché de la marchandise au lieu de destination. Pour reculer le moment où le prix de transport devient prohibitif, il est logique de réduire le prix du transport aux longues distances, quitte à récupérer plus ou moins la différence en majorant le prix aux courtes distances.

Ainsi apparaît une deuxième forme de la mutualité en matière ferroviaire : la mutualité entre les distances, elle est à rapprocher :

  1. de la mutualité entre les valeurs des marchandises signalée page 33 ;
  2. de la mutualité entre les lignes dont nous parlerons à propos de la concurrence de l'automobile.

La variation de la taxe avec la distance peut se faire de plusieurs manières :

  1. par les tarifs à échelons ou à gradins ;
  2. par les tarifs par zones.
1°) Tarifs à échelons ou à gradins

Ici encore, on rencontre deux modalités.

On peut, en effet, procéder d'abord comme suit :

a) Tarifs à la distance à bases variables.

On partage l'échelle des distances en plusieurs sections (fig. 4). Pour un transport qui ne dépasse pas la première section (de 1 à 100 kilomètres, par exemple), on adopte une base déterminée par kilomètre (soit 0,10 fr.).

Pour un transport qui pénètre dans la deuxième section (de 100 à 200 kilomètres), la première base disparaît complètement, c'est comme si elle n'avait jamais existé et l'on applique à l'itinéraire total, c'est-à-dire compté depuis l'origine, une base nouvelle plus faible (8 centimes, par exemple).

Pour fixer les idées :  
  à 50 km, la taxe sera de 0,10 fr. x 50 km = 3,00 fr. (note 055)
  à 150 km, la taxe sera de 0,08 fr. x 150 km = 12,00
  à 250 km, la taxe sera de 0,065 fr. x 250 km = 16,25.

La ligne AB de la figure 4 représente les taxes totales perçues pour les parcours inférieurs à 100 kilomètres ; la ligne CD, celles correspondant aux parcours compris entre 100 et 200 kilomètres, etc.

C'est là évidemment le système le plus simple, mais à l'examen il apparaît immédiatement une anomalie criante, c'est qu'on peut payer plus cher pour un parcours plus court que pour un parcours plus long ; en effet, si du point C (taxe à 100 kilomètres, origine de la 2e section), on mène l'horizontale CN, on voit que cette taxe à 100 kilomètres est plus petite que celles perçues pour les kilomètres 80 à 99. Il en va de même pour la taxe à 200 kilomètres, inférieure aux taxes des parcours 166 à 199 kilomètres (horizontale EM).

Fig. 4
Tarif différentiel à bases variables ou tarif dégressif discontinu.
(exprimé en francs-or)

La figure 4 montre qu'il s'agit en l'espèce d'un tarif dégressif discontinu.

Il faut donc apporter au système un correctif, soit que l'on stipule que, pour une section donnée, la taxe totale ne dépassera jamais la taxe minimum de la section suivante. Ainsi, dans l'exemple choisi, la taxe à 100 kilomètres C'C étant de 8 frs (note 056), les taxes ne pourront dépasser ce taux entre 1 et 99 kilomètres.

La ligne représentative des taxes est alors (fig. 5) ANCMETG. Remarquons que ce correctif a pour effet de réduire les recettes de l'exploitant.

En agissant ainsi, on crée une nouvelle anomalie : des parcours très différents sont passibles de la même taxe (fig. 5). Or, si la chose peut être agréable à l'expéditeur qui se trouve, par exemple, à 98 kilomètres d'un grand centre, celui qui se trouvera à 82 kilomètres jalousera les avantages que le tarif concède au premier.

On peut évidemment substituer la clause du minimum à celle du maximum ; dans ce cas, la taxe totale d'une section ne peut être inférieure à la taxe maximum perçue pour la section précédente ; la ligne représentative des taxes devient ABRDSFV (fig. 5). De ce chef, les recettes se trouvent relevées.

Enfin, l'on pourrait recourir à des paliers intermédiaires nr, ms, tv ou aux raccords obliques NR, MS, TV.

On a appelé le système qui vient d'être exposé, tarif à la distance à bases variables, pour le distinguer du suivant.

Fig. 5
Tarif différentiel à bases variables.
(exprimé en francs-or)

b) Tarifs à la distance à base constante

connus sous le nom de Tarifs belges, parce que c'est la Belgique qui la première, en 1861, en a fait une application systématique (note 057).

Ici, à l'encontre du système précédent, la taxe établie pour la 1re section subsiste pour la 2e section, en ce sens que la base plus faible adoptée pour la 2e section se greffe sur la première ; cette base réduite ne s'applique donc plus au parcours total mais à un parcours partiel qui commence au delà de la première section (fig. 6)

Expliquons-nous par un exemple :

La taxe étant de 0,10 fr.-or par km de 1 à 100 km,

de 101 à 200 km, elle sera, par exemple, de 0,08 fr. par km en sus des 100 premiers ;

de 201 à 300 km, elle sera, par exemple, de 0,06 fr. par km en sus des 200 premiers ;

de 301 à 400 km, elle sera, par exemple, de 0,04 fr. par km en sus des 300 premiers ; et ainsi de suite.

Ainsi,

à 50 km la taxe sera de 0,10 fr. x 50 km = 5 frs (note 058),

à 150 km la taxe sera de (0,10 fr. x 100 km) + (0,08 fr. x 50 km) = 14 frs,

à 250 km la taxe sera de (0,10 fr. x 100 km) + (0,08 fr. x 100 km) + (0,06 fr. x 50 km) = 21 frs,

à 350 km la taxe sera de (0,10 fr. x 100 km) + (0,08 fr. x 1OO km) + (0,06 fr. x 1OO km) + (0,04 fr. x 50 km) = 26 frs.

Fig. 6
Tarif différentiel à base constante du système belge ou tarif dégressif continu.
(exprimé en francs-or)

La ligne représentative des taxes sera figurée par la ligne brisée ABCDE (fig. 6). Ici les lignes n'ont plus une origine commune comme dans la figure 4. Comme on le voit, non seulement les éléments droits dont se compose cette ligne se raccordent entre eux sans qu'il soit nécessaire d'user d'artifice comme dans le système précédent, mais de plus on constate que la loi de décroissance est beaucoup plus normale. Nous avons affaire ici à un tarif dégressif continu.

La décroissance peut commencer plus ou moins tôt (à la distance de 100 kilomètres ou aux distances de 80, 120 kilomètres, etc., c'est-à-dire en B, en b' ou en b" (fig. 7).

Fig. 7
Souplesse des tarifs belges.

Fig. 8
1re classe du tarif n° 3 (juillet 1957).

Elle peut être plus ou moins rapide (barème ABCDE ou ABC'D'E', fig. 7). La décroissance s'adapte ainsi aux transports les plus divers.

On s'accorde à reconnaître que les tarifs du système belge sont à la fois très simples et très rationnels ; ils permettent d'étendre profitablement le trafic des marchandises et, par là, ils sont éminemment commerciaux. En effet, par leurs taux rapidement décroissants, ils reculent la distance-limite à laquelle le transport s'arrête parce que la taxe de transport dépasse la différence des prix de la marchandise aux points de départ et de destination. Ce sont des tarifs dynamiques qui favorisent l'éclosion de trafics nouveaux.

Les diagrammes (fig. 8 à 10) représentent les barèmes appliqués sur les chemins de fer belges (en mai 1957) aux classes de marchandises expédiées par tarif n° 3. Les distances en kilomètres sont portées horizontalement, les prix verticalement ; ceux-ci s'entendent par 1000 kilogrammes de marchandises transportées. On y distingue les séries A, B et C dont il est question à la page 36.

Les lignes figuratives des barèmes montrent bien la décroissance de ceux-ci (note 060).

Remarque. - Les prix indiqués comprennent l'impôt de 2,50 % applicable aux transports effectués par chemin de fer.

La figure 10, sur laquelle sont superposés les cinq diagrammes représentant les séries C du tarif n° 3, montre nettement la différence des prix appliqués à chaque classe ; ainsi, à la distance de 350 kilomètres, la 6e classe C ne paie que 55 % de la 1re classe en service intérieur.

Le tracé des diagrammes de ce genre renseigne immédiatement sur l'allure générale des tarifs ; la superposition des diagrammes tracés sur papier transparent en facilite considérablement l'étude comparée.

Fig. 9
6e classe du tarif n° 3 (1957).

Fig. 10
Les six classes du tarif n° 3 (1957)

Comme on le voit sur les figures 8 à 10, la 1re section est uniformément de 75 kilomètres pour les classes 1 à 6 du tarif n° 3. La seconde section s'arrête au 150e kilomètre, la 3e au 200e kilomètre. Ce sectionnement, comportant d'aussi courtes coupures, est rationnel dans un pays peu étendu comme la Belgique. Il situe d'ailleurs le parcours moyen de la tonne de grosses marchandises (98 km en 1956) dans la 2e section de sorte qu'on peut dire que la plupart des envois bénéficient de la décroissance des taxes.

c)Tarifs à paliers

Comme on l'a vu page 56, on est amené dans le tarif à échelons à introduire des paliers comme correctifs aux anomalies que ces échelons présentent, mais il arrive aussi qu'on intercale des paliers systématiquement, notamment à la partie initiale et à la partie finale (fig. 11).

Fig. 11
Tarif à paliers

A la partie initiale, le palier se justifie par le désir de ne pas avoir des taxes trop faibles aux courtes distances.

A la partie finale, le palier représente la taxe la plus élevée qu'il soit possible de faire payer à la marchandise pour que son prix de revient total ne dépasse pas le prix du marché au lieu de destination (note 062).

Si nous considérons d'ailleurs une marchandise déterminée, le volume de son trafic, c'est-à-dire le tonnage transporté, diminue plus ou moins vite avec la distance. Uniquement pour fixer les idées, nous supposerons que la loi de décroissance soit représentée par la courbe EF (fig. 12).

La distance 0l, à laquelle le trafic tend à disparaître, marque évidemment la limite de la taxe que ce trafic peut supporter. Au delà de la distance 0l, la taxe de transport lB ajoutée à la valeur de la marchandise au lieu de départ, dépasse la valeur au lieu de destination et, partant, le transport s'arrête parce qu'il a perdu toute utilité.

Fig. 12
Tarif à palier terminal.

Le barème ABC des taxes est établi dans l'hypothèse que l'exploitant prélève toujours un bénéfice représenté, pour chaque distance, par la différence des ordonnées des deux courbes ABC et GDC.

Ce bénéfice va normalement en diminuant. Nous supposerons que ce bénéfice s'annule à la distance OL ; dès ce moment, l'exploitant n'a plus intérêt à transporter.

Fig. 13
Tarif par zones.

On voit que si la distance-limite 0l du trafic, due à l'élévation du tarif, est atteinte, la limite absolue OL, imposée par l'élévation du prix de revient du transport, n'est pas encore atteinte. En d'autres termes, 0l est la limite pour le client et OL est la limite pour le chemin de fer.

Dès lors, il est rationnel de chercher à étendre le trafic à la section la plus grande possible de la zone lL en prolongeant le barème à partir de B par un palier se limitant en B', point correspondant à la distance 0l' pour laquelle la taxe est égale au prix de revient. Grâce à ce palier, on aura les plus grandes chances de reculer les bornes du trafic acquis, surtout si entre l et l’ se trouvent de grands centres consommateurs.

En fait, le palier doit commencer quelque peu avant le point B, car pour la taxe lB, le tonnage transporté est déjà nul.

2°) Tarifs par zones de distance

Ce sont des tarifs qui ne comportent que des paliers (fig. 13).

Dans toute l'étendue d'une zone, par exemple, pour toutes les distances comprises entre OC et OB', la taxe est constante et égale à B'B frs.

Rationnellement, le prix de base diminue d'une zone à l'autre à mesure qu'on s'éloigne de l'origine alors que les sections vont en s'allongeant. La chose se traduit sur la figure par la hauteur décroissante des échelons et l'allongement des paliers.

A la S.N.C.B., un tarif par zones est appliqué aux colis de détail expédiés par express.

Les prix résultent du double jeu des poids et des distances et se présentent sous la forme du schéma ci-dessous.

  Zones
1 à 50 km 51 à 150 km plus de 150 km
minimum 5 kg - - -
5 à 10 kg - - -
10 à 20 kg - - -
plus de 20 kg - - -

3°) Nuancement des tarifs en fonction : des relations, de la distance et des poids

Pour les envois de détail expédiés en grande vitesse, la S.N.C.B. a introduit des nuancements intéressants.

1°) Nuancement en fonction des relations.

Pour nuancer les prix en fonction du prix de revient, il est prévu 7 niveaux tarifaires caractérisés par des indices qui tiennent compte des relations et de l'importance des opérations terminales.

2°) Nuancement en fonction des distances.

La dégressivité a été rectifiée de manière à abaisser les prix aux distances moyennes permettant ainsi de mieux adapter les prix à ceux de la concurrence. Les majorations qui en résultent aux grandes distances sont éventuellement corrigées dans les relations économiques intéressantes (voir à ce sujet les considérations émises au chapitre X, concurrence de la route, paragraphe 2/3).

3°) Nuancement en fonction des coupures de poids.

Les tarifs en fonction du poids ont été modifiés pour les adapter davantage aux prix de revient.

Les tarifs pour les envois de détail en grande vitesse se présentent finalement, sous la forme de tableaux à double entrée donnant les prix à percevoir selon les relations, les distances et les poids.

B. - Du point de vue des conditions d'application,

les tarifs se classent en :

  1. tarifs généraux ou normaux ; ce sont ceux qui prévoient l'application normale des taxes et des prescriptions sans restriction d'aucune sorte ;
  2. tarifs spéciaux, appelés encore tarifs exceptionnels ou conditionnels ou réduits.

Tarifs spéciaux

Les tarifs spéciaux sont des tarifs par lesquels le chemin de fer consent des réductions de prix sur les tarifs normaux en échange de l'acceptation par l'expéditeur de conditions spéciales, telles que quantités minima, fréquence et régularité des transports, emploi d'un matériel déterminé, utilisation du matériel dans le sens du retour, trafic occasionnel ou en morte-saison, allongement des délais de transport, restriction de la responsabilité, engagement de fidélité au chemin de fer, etc.

Les tarifs spéciaux sont extrêmement nombreux ; ils corrigent la rigidité des tarifs normaux et s'harmonisent aux situations particulières de certaines industries ainsi qu'aux conditions économiques des différentes régions du pays.

Ils ont pour but notamment :

  1. de favoriser le développement de la production industrielle ou agricole du pays en accordant des réductions de prix de transport aux matières premières importées ;
  2. d'accorder des prix réduits aux produits nationaux destinés à l'exportation en vue de favoriser l'écoulement de ceux-ci vis-à-vis des produits similaires de l'étranger ;
  3. de concurrencer d'autres moyens de transport ;
  4. de développer nos ports nationaux. La Belgique important plus des 3/4 des céréales nécessaires à son alimentation (note 066) et la presque totalité des matières premières qu'elle transforme, les navires qui déchargent dans nos ports sont exposés à retourner sur lest et, partant, seraient enclins à délaisser nos ports pour d'autres mieux partagés sous ce rapport (fig. 14). Grâce aux tarifs spéciaux et aussi aux tarifs de transit, on attire le trafic d'exportation, tant indigène qu'étranger, vers nos ports nationaux ; on assure ainsi l'utilisation des navires en retour, on provoque la réduction du fret maritime et, de ce chef, on favorise les ports belges.

Fig. 14

La diminution du fret provoque à son tour une réduction du prix de revient des matières premières importées au grand profit de l'industrie nationale.

Et encore peut-on soutenir que, dans les pays où c'est l'État exploitant qui concède ces tarifs spéciaux, il serait préférable de remplacer certains de ceux-ci, les uns par des primes à l'exportation, les autres par des modifications sur les droits d'entrée ou encore par la réduction des droits d'accise. En procédant ainsi, on réaliserait un double avantage : d'une part, on mesurerait plus exactement ce qu'on donne à l'industrie, à l'agriculture, au commerce par ces mesures protectionnistes ; d'autre part, la situation financière des chemins de fer d'Etat en apparaîtrait plus exacte et plus claire.

Personne ne méconnaît l'utilité des tarifs spéciaux ; bien compris, ils servent à la fois les intérêts des expéditeurs et ceux du chemin de fer. Mais, ce serait une erreur de croire que toujours, en toutes circonstances et en tous lieux, un abaissement des tarifs développera la vente et amènera au chemin de fer un trafic supplémentaire.

Pour qu'il en soit ainsi, il faut en tout premier lieu que l'établissement des taxes fasse sentir ses effets jusqu'au consommateur et que les sacrifices, souvent très lourds, consentis par le chemin de fer, n'aillent pas simplement grossir les bénéfices des intermédiaires.

La politique de l'État, exploitant de chemins de fer, est de développer le trafic au profit des populations desservies ; ses tarifs seront le plus bas possible sans compromettre les recettes. Les tarifs d'une compagnie seront le plus élevés possible, sans compromettre le trafic.

L'Etat ne sera que trop enclin à baisser ses tarifs sous prétexte de développement du trafic ; une société ne le fera qu'en cas de nécessité absolue.

Il est d'ailleurs plus avantageux pour tout exploitant de chemin de fer d'avoir, à recette égale, un trafic modéré avec des tarifs élevés que d'avoir un trafic considérable avec des tarifs bas. Plus on augmente le volume du trafic à la faveur de tarifs bas, plus on augmente aussi les dépenses d'exploitation et plus s'accroissent les risques de pertes pour celui qui exploite.

L'inefficacité des réductions systématiques se comprend sans peine si l'on considère que pour faire baisser de 50 centimes au kilogramme le prix d'une denrée alimentaire reprise à la 2e classe, il faudrait diminuer le prix de son transport de 500 francs aux 1000 kilogrammes ; or, aucun tarif ne comporte une pareille marge (voir barèmes fig. 10). A 200 km par ex., la taxe la plus élevée, celle de la 1re classe A (barème II), n'est que de 374 frs la tonne.

Exemples. - La farine transportée par 20 tonnes à la fois paie de Louvain à Charleroi (66 kilomètres) 106 frs la tonne, soit 10,6 cent. au kg. Une réduction de 50 %, qui serait considérable et pèserait lourdement sur les recettes du chemin de fer, ne donnerait qu'un abaissement de prix de 5,3 cent. au kg pour un produit qui se vend au détail 8,50 frs le kilogramme (avril 1957).

De même, le sucre raffiné, expédié par 10 tonnes à la fois, paie de Tirlemont à Anvers (69 kilomètres), 165 frs la tonne, soit 16,5 cent. au kg. Une réduction de 50 % provoquerait un abaissement de prix du transport de 8,2 cent. au kg pour une marchandise qui se vend au détail 14,50 frs le kilogramme.

Si le chemin de fer accorde des réductions à la faveur de tarifs spéciaux, c'est aussi pour limiter la perte de recettes que provoquent les réductions qu'il est amené à consentir. Si, pour atteindre les résultats que donnent les tarifs spéciaux applicables à quelques transports particuliers, il abaissait le tarif normal applicable à tous les transports, profiteraient de cette réduction de nombreux transports qui auraient eu lieu alors même que cette réduction n'aurait pas existé. Ce serait donc faire sur ces très nombreux transports-là une perte sèche et importante de recettes.

Des tarifs spéciaux ne doivent être accordés qu'avec une très grande circonspection : d'abord pour ne pas réduire les recettes, ensuite, pour ne pas créer de privilèges. Il convient de contrôler attentivement le bien-fondé des raisons avancées par les solliciteurs et se garder de toujours prendre au sérieux la menace de recourir à d'autres moyens de transport si le tarif réduit n'est pas accordé, menace qui pourrait bien n'être que du chantage.

L'octroi d'un tarif réduit doit, en principe, être subordonné à une réduction du prix de revient du chemin de fer.

Mais il ne faut pas perdre de vue qu'une réduction de tarif ne conduit pas nécessairement à une augmentation du trafic et par là à une réduction du prix de revient.

Pour qu'il y ait augmentation du trafic, il faut :

  1. que, comme nous l'avons dit, la réduction atteigne le consommateur ;
  2. que la production des marchandises et leur écoulement soient, en l'espèce, susceptibles d'être augmentés ;
  3. que les tarifs ne soient pas déjà abaissés à un point tel que la réduction encore possible soit trop faible pour exercer une action sensible sur le trafic.

Toute réduction, qui ne provoque pas un trafic nouveau, ne peut que diminuer les recettes provenant du trafic existant.

Pour qu'il y ait réduction du prix de revient par le fait d'une augmentation de trafic, consécutive elle-même à une réduction du prix de transport, il faut que le trafic nouveau se maintienne dans les limites de capacité de la voie, c'est-à-dire qu'il n'entraîne pas une augmentation des charges permanentes.

Cependant, l'octroi d'un tarif réduit peut se justifier, alors même qu'il n'entraînerait pas d'augmentation du trafic, si le transport spécial auquel il s'applique provoque une réduction des frais d'exploitation, par exemple :

  1. dans le cas du transport par trains homogènes, circulant à charge complète, ne nécessitant aucun remaniement en cours de route et remis régulièrement au chemin de fer ;
  2. dans le cas d'un trafic utilisant le matériel dans le sens du retour alors que précédemment le retour se faisait à vide ;
  3. dans le cas de wagons à tare réduite et roulant à charge complète ;
  4. dans le cas d'un trafic occasionnel se présentant en morte saison.

La question des tarifs réduits est d'ailleurs plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.

Pour fixer les idées, si le chemin de fer se propose de favoriser l'écoulement de certains produits par un tarif spécial applicable aux envois destinés à l'exportation, l'industrie nationale protestera si ces produits sont pour elle des matières premières (ce sera le cas pour le charbon, les chiffons, etc.).

La création d'organismes tels que les «Comités consultatifs des tarifs», groupant à la fois des délégués des chemins de fer, de l'industrie, de l'agriculture, du commerce, etc., peut avoir une influence des plus heureuse sur l'élaboration des tarifs.

Les discussions amiables, l'exposé du pour et du contre, dissipent bien des préventions et créent, entre les chemins de fer et leurs clients, cet esprit de «collaboration» si utile au développement économique d'un pays.

En Belgique, un Comité consultatif des tarifs a été créé par l'arrêté royal du 16 mars 1919 ; les membres en sont nommés par le Ministre des Transports.

L'action de ce Comité est purement consultative ; son avis n'engage pas le Ministre des Transports chargé d'homologuer les tarifs ; il n'en est pas moins vrai que, le plus généralement, le Ministre n'a pas à prendre position entre le chemin de fer et le public, car les avis débattus dans une atmosphère de confiance sont très souvent concordants, les représentants des expéditeurs se rendant aux raisons du chemin de fer et le chemin de fer lui-même comprenant l'utilité de certaines réductions.

En 1956, sur un trafic total de grosses marchandises de 70 millions de tonnes, 61 millions, donc 87 %, ont été transportés aux prix réduits offerts par les tarifs spéciaux. Mais la recette correspondante ne représentait que les 80 % de la recette totale : 5 milliards 130 millions de francs sur 6 milliards 370 millions.

A la Deutsche Bundesbahn, en 1956, le trafic des grosses marchandises s'est présenté comme suit :

  Tarifs normaux Tarifs spéciaux
Tonnages 32,3 % 67,7 %
Recettes 43,6 % 56,4 %

Développement du trafic réalisé par la création de la concurrence entre producteurs

Le prétexte invoqué à l'appui des demandes de réductions de tarifs, c'est de pouvoir réduire le prix de vente. Or, on peut, en excitant la concurrence des producteurs entre eux, déterminer des réductions sur les prix de vente beaucoup plus considérables que la réduction même faite sur le tarif.

Soit, fig. 15, deux industries A et B situées à 400 kilomètres l'une de l'autre, produisant, dans des conditions analogues, une marchandise quelconque de valeur assez faible pour que la concurrence dépende de faibles écarts dans le prix ; prenons, par exemple, un produit de la 6e classe.

Ce produit serait en l'espèce soumis au tarif différentiel, fig. 10 (page 61), mais pour faciliter l'exposé, imaginons que le tarif à appliquer soit le tarif plus simple ACD (fig. 15), soit donc 15 centimes-or par tonne-kilomètre pour les 100 premiers kilomètres et 10 centimes-or par kilomètre en plus pour les kilomètres suivants.

L'équilibre entre les conditions de vente des deux industries s'établira évidemment en un point E (fig. 16) situé à égale distance de A et de B, c'est-à-dire à 200 kilomètres de chacune d'elles. A cette distance, la taxe est de 25 francs-or.

Fig. 15

Si l'industriel B voulait vendre sa marchandise au delà du point E, jusqu'au point F par exemple, situé à 250 kilomètres de B et à 150 kilomètres seulement de A, il paierait 30 francs par tonne alors que A ne paierait que 20 francs.

L'industriel A est donc protégé dans la région F par un écart de 10 francs.

Pour créer une concurrence entre ces deux industries dans la région qui les sépare, il faudrait abaisser les tarifs de manière à réduire cet écart, et, sans doute, le premier moyen qui se présente à l'esprit, c'est de créer un nouveau tarif plus bas, tel que AC'D' (fig. 17).

Qu'adviendrait-il de la concurrence dans la zone F ?

L'industriel B paierait pour 250 kilomètres . . . . frs 24

L'industriel A paierait pour 150 kilomètres . . . . frs 16

et l'écart en faveur de A serait ramené de 10 à 8 francs, mais, en dépit du sacrifice considérable fait par le chemin de fer sur tout son trafic aux petites comme aux grandes distances, cet écart permettrait peut être encore à l'industriel A d'être maître du trafic dans la zone concurrencée.

Fig. 16

Mais il existe un autre moyen qui, tout en excitant davantage la concurrence entre les producteurs, ménage les recettes du chemin de fer.

Fig. 17

Il consiste à maintenir le tarif primitif ACD (fig. 18), jusqu'en C", soit jusqu'à 150 kilomètres, distance jusqu'à laquelle le producteur B cherche à concurrencer le producteur A, puis à appliquer au delà une taxe beaucoup plus réduite, 5 cent, par kilomètre en plus, par exemple. La protection de l'industriel A en F ne se traduirait plus, dès lors, que par un écart de 5 francs, suffisamment réduit pour que la concurrence fasse sentir ses effets et développe la consommation.

Fig. 18

On conserverait ainsi intactes les recettes du chemin de fer sur les distances inférieures à 150 kilomètres.

Il va sans dire qu'on obtiendrait un effet plus sensible encore si on aplatissait tout à fait le tarif à partir de 150 kilomètres, c'est-à-dire si le barème C"D" était remplacé par un palier C"P. Dès lors, la taxe en F serait la même pour B que pour A ; la protection dont jouissait celui-ci aurait disparu. Naturellement, la situation serait réciproque et A pourrait concurrencer B dans la zone G.

On reconnaîtra que les barèmes belges à base rapidement décroissante, remplissent parfaitement ce rôle et c'est là certes, du point de vue commercial, un grand mérite. La concurrence abaissant les prix de vente, la consommation des produits augmente et, avec elle, les recettes du chemin de fer.

C. - D'après leur champ d'application,

les tarifs peuvent être classés en Tarifs intérieurs et Tarifs directs.

Les tarifs intérieurs, le nom l'indique, ne sont applicables qu'aux transports qui, en provenance d'une station d'un réseau, aboutissent à une autre station du même réseau sans emprunt de lignes étrangères à celui-ci.

Les tarifs directs interviennent dans les transports de réseau à réseau. S'il s'agit de réseaux établis dans le même pays, ces tarifs directs deviennent des tarifs communs ou mixtes. S'il s'agit de réseaux étrangers, on a affaire à des tarifs internationaux. Enfin, s'il s'agit de transports en provenance et à destination de l'étranger, on les dénomme tarifs de transit.

En 1956, le nombre total des tonnes-kilomètres de grosses marchandises transportées sur le réseau de la S.N.C.B. s'est élevé à 6.873 millions, dont 32 % appartenaient au trafic intérieur, 46 % au trafic international et 22 % au trafic de transit.

Tarifs internationaux

Un expéditeur, ayant à envoyer une marchandise d'un endroit vers un autre très éloigné et situé en pays étranger, serait amené, en l'absence de toute indication sur les tarifs, à choisir la voie la plus courte, parce que celle-ci aurait, à priori, le plus de chances de lui offrir la voie la plus économique.

Cependant, s'il consultait les tarifs intérieurs des réseaux empruntés, il constaterait en maintes occasions que, par une voie détournée et forcément plus longue, il pourrait bénéficier d'un prix de transport moins élevé.

Mais des recherches de ce genre seraient d'autant plus laborieuses qu'elles supposent la connaissance des langues étrangères.

Les tarifs internationaux obvient à ces inconvénients en indiquant aux commerçants d'emblée et d'une façon exacte les prix et les conditions de transport de la station de départ à la station d'arrivée.

En outre, les prix donnés par ces tarifs directs sont les plus avantageux parce que, quelle que soit la voie d'acheminement prescrite, c'est-à-dire que celle-ci soit ou non la plus courte, on applique sur elle le tarif le plus économique donné éventuellement par toute autre voie.

Pour bien comprendre le rôle et les avantages des tarifs internationaux, il faut envisager les trois cas qui peuvent se présenter.

1°) Imaginons que le transport doive emprunter successivement plusieurs réseaux qui n'entretiendraient entre eux aucune relation ; dans ce cas, il n'existe ni tarif direct, ni relation directe ; dès lors, l'acheminement de la marchandise ne peut se faire qu'en la réexpédiant successivement d'un réseau à l'autre.

Or, la réexpédition exige la présence d'un intermédiaire aux points de soudure pour prendre livraison de la marchandise à l'arrivée du réseau cédant et pour la remettre au réseau cessionnaire avec une nouvelle lettre de voiture.

C'est dire qu'en l'espèce il y a conclusion d'autant de contrats de transport qu'il y a de réseaux à parcourir. Par ailleurs, cet intermédiaire fera payer ses services.

Il est impossible, dans ce cas, à l'expéditeur d'adresser son envoi franco au destinataire. Il ne peut payer que les frais de transport depuis le point de départ jusqu'à la frontière ; de son côté, l'intermédiaire ne peut payer que les frais de transport du parcours précédent en lieu et place de l'expéditeur et que les frais de transport jusqu'au point frontière suivant.

2°) Cependant, à défaut de tarif direct, il peut - comme c'est le plus souvent le cas actuellement - exister des relations directes qui résultent d'ententes entre réseaux en vue de l'application (intégrale ou avec restriction) de la Convention de Berne (CI.M.) (note 074_1). Ces relations permettent l'emploi d'une lettre de voiture unique couvrant le transport de bout en bout.

Grâce à cela, l'expéditeur peut adresser son envoi franco à destination parce que, bien qu'il n'existe pas dans ce cas de taxe directe, il peut payer la taxe du point de départ jusqu'au premier point frontière et déposer des arrhes pour couvrir le prix du transport jusqu'à destination. Au retour du bulletin d'affranchissement, la gare expéditrice règle définitivement la somme à payer par l'expéditeur.

Dans l'hypothèse de l'existence d'une relation directe, le transport est enregistré directement pour sa destination, sauf dans quelques cas exceptionnels où un réenregistrement est nécessité dans une gare intermédiaire. Le réenregistrement n'est qu'une formalité de service que les administrations accomplissent elles-mêmes et qui consiste à créer une nouvelle feuille de route (note 074_2) couvrant l'envoi jusqu'à sa destination.

3°) Le troisième cas est celui de l'existence d'un tarif direct.

Ici tout se simplifie : il n'y a plus qu'un seul contrat de transport parce qu'il n'y a plus qu'une seule lettre de voiture ; il n'y a plus de formalités de réexpédition ou de réenregistrement ; l'expéditeur, connaissant exactement la taxe à acquitter depuis la station de départ jusqu'à la station d'arrivée, peut adresser son envoi franco, toutes facilités que le commerce apprécie particulièrement.

Du point de vue ferroviaire, les tarifs directs présentent l'avantage de régler la concurrence entre réseaux.

L'établissement d'un tarif direct comprend :

  1. la détermination de la voie d'acheminement ;
  2. l'établissement de la taxe à appliquer par cette voie ;
  3. la répartition de la taxe entre réseaux empruntés.
1°) Détermination de la voie d'acheminement

A la base de la détermination de l'itinéraire à suivre se trouve le principe de l'attribution du trafic à la voie la plus courte ; c'est l'acheminement naturel.

Parfois cependant certains chemins de fer revendiquent, les uns, l'acheminement par la route qui offre le plus de célérité, les autres, l'acheminement par la voie la plus économique obtenue en soudant les unes aux autres les taxes les moins élevées.

Enfin, d'autres réseaux défendent l'une ou l'autre formule selon qu'elle leur est favorable dans le cas en discussion.

Le système de la route la plus économique conduit à l'instabilité des tarifs, les chemins de fer intéressés pouvant dériver par leurs lignes le trafic qu'ils convoitent en créant des taxes plus basses que celles de l'itinéraire court.

Quand il intéresse un certain nombre de chemins de fer, l'établissement de l'itinéraire le plus économique est laborieux.

Il mène enfin à la guerre des tarifs ; or, les avantages que celle-ci procure aux clients du chemin de fer retombent, dans le cas des chemins de fer exploités par l'État, à charge des contribuables. Par ailleurs, ces avantages ne sont que momentanés, car l'étape finale de la course au tarif le plus bas est un arrangement entre les chemins de fer concurrents. Cet arrangement ramène, avec la situation normale, un relèvement des tarifs qui trouble les échanges commerciaux.

Fig. 19

Le principe de la voie la plus économique (ACB au lieu de AB) (fig. 19) peut placer dans une situation très désavantageuse un réseau accidenté (I) par rapport à des réseaux voisins établis en plaine (II et III) dont le prix de revient est moins élevé.

Quoi qu'il en soit du point de vue où l'on se place, il arrive que, pour les relations à grande distance, plusieurs itinéraires concurrents ne présentent que de faibles écarts de longueur ou que de légères différences de prix ; dans ces conditions, lorsqu'il s'agit de gros trafics procurant des recettes enviables, les réseaux intéressés, plutôt que de se faire la concurrence en avilissant les prix, s'entendent au sujet du partage du trafic (note 076).

Chacun d'eux s'efforce naturellement d'obtenir que l'acheminement des envois ait lieu sur le plus long parcours possible par ses lignes pour s'assurer le maximum de recette.

Après entente quant au partage, la route à suivre dans chaque relation est mentionnée sous la rubrique «Prescriptions d'itinéraires» dans le tarif international.

Parfois aussi, on décide que le trafic suivra telle route pendant une époque de l'année et telle autre pendant une autre époque, mais ce système, qui expose à utiliser tantôt à outrance et tantôt insuffisamment les lignes, le matériel et le personnel, n'est pas favorable à l'économie de l'exploitation.

2°) Etablissement de la taxe à appliquer

Une fois l'accord établi sur la ou les voies d'acheminement du trafic disputé, il s'agit de déterminer la taxe totale à appliquer de bout en bout.

On calcule d'abord la taxe par la route reconnue comme ayant droit au transport parce qu'elle est la plus courte, par exemple.

Fig. 20

Fig. 21

La voie la plus courte n'est pas toujours la plus économique.

Dans ce but :

  1. on établit au préalable une classification commune des marchandises par assimilation d'une classe d'un réseau avec telle autre classe des autres réseaux. Exemple : une marchandise rangée dans la classe 3 du 1er réseau, dans la classe 5 du second réseau et dans la classe e du 3e réseau prendra place, par exemple, dans la classe D du tarif international ;
  2. on calcule, pour le parcours de chaque réseau, la taxe résultant de la classification ainsi établie et on soude les taxes les unes aux autres en ayant égard à la réduction des frais d'expédition, comme on le verra plus loin ;
  3. on tient compte éventuellement des prix plus bas offerts par les tarifs spéciaux en vigueur sur l'un ou l'autre réseau.

On recherche ensuite si l'on ne peut obtenir une taxe plus économique à la faveur des réexpéditions ou de réenregistrement par d'autres routes.

La route la plus courte n'est pas toujours la route la plus économique par suite :

  1. de l'existence d'un tarif spécial sur une route déterminée ;
  2. de l'abaissement des taxes aux longues distances du chef des barèmes décroissants.

    Supposons, en effet, que le même barème, représenté fig. 20, soit applicable par les deux routes ABCD et AED, fig. 21.

    La première route emprunte 3 réseaux de 200 + 50 + 100 = 350 km ;

    la seconde route, 2 réseaux de 300 + 100 = 400 km.

    Fig. 22
    Report sur la voie AB, plus courte mais plus chère, des prix obtenus par la voie ADB la plus économique.

    Bien que la première route soit plus courte que la seconde, la taxe applicable par cette dernière sera plus faible que par l'autre, car la somme des taxes relatives aux distances AE + ED est plus petite que celle relative aux distances AB + BC + CD (fig. 20).

    En effet : 32,50 frs + 20 frs < 30 frs + 10 frs + 20 frs
    52,50 frs < 60 frs ;

  3. de l'emprunt sur un plus long parcours d'un réseau à tarifs bas et, sur un parcours moindre, d'un réseau à tarifs élevés. La fig. 22 en offre un exemple.

    Soient deux réseaux séparés par la frontière CD ; sur le premier réseau, la taxe est de 0,10fr. par tonne-kilomètre, sur le second réseau de 0,20 fr. par tonne-kilomètre. Par la voie courte ACB de 120 km, la taxe est de

    70 km x 0,10 fr. + 50 km x 0,20 fr. = 17 frs.

    Par la voie longue ADB de 140 km, la taxe est de

    120 km x 0,10 fr. + 20 km x 0,20 fr. = 16 frs.

    Différence en faveur de la voie longue ADB = 1 fr.

3°) Répartition de la taxe entre les réseaux en concurrence

La taxe totale comprend d'abord comme toujours des frais fixes (frais d'expédition).

Or, avec les tarifs directs, puisque les réexpéditions ou les réenregistrements sont supprimés aux points de soudure des réseaux, il n'y a pas répétition intégrale des frais fixes. Les taxes des tarifs directs sont constituées soit par l'addition des prix des tarifs intérieurs de chaque réseau, réduites selon le cas d'un demi-frais fixe, soit par le report d'une taxe économique offerte par des voies étrangères à l'union tarifaire en cause.

Dans le cas d'un barème kilométrique, les frais fixes peuvent logiquement être partagés à raison d'une part par réseau emprunté en transit et d'une double part à chacun des réseaux d'origine et de destination.

Dans le cas de n réseaux, on peut partager les frais fixes en n + 2 parts ; les réseaux extrêmes recevront chacun parts des frais d'expédition, les (n - 2) réseaux empruntés en transit percevront chacun parts.

Quant au reste de la taxe, il est, dans le cas du barème kilométrique, réparti au prorata du parcours effectué par la marchandise sur chaque réseau.

Report des taxes

Si l'on veut que le trafic suive réellement la route choisie, il faut que cette voie devienne la plus économique.

1er exemple. - Dans le cas spécial où une taxe plus économique est reportée sur la route à laquelle le trafic a été attribué, la règle est la suivante : la différence de prix est supportée par la ou les administrations ayant, par la voie réelle d'acheminement, un parcours plus long que par la voie qui forme la taxe.

Reprenons l'exemple représenté fig. 22, page 77, de deux réseaux séparés par la frontière CD. Il s'agit de reporter sur la voie AB plus courte mais plus chère, le prix de 16 frs obtenu par la route économique ADB.

Par la voie la plus courte ACB, la taxe est de 17 frs
Par la voie la plus longue ADB, la taxe est de 16 frs
Différence en faveur de la voie longue ADB 1 fr.

Si le trafic est attribué à la voie courte, le premier réseau voit son parcours diminué de 120 - 70 = 50 km. Le second réseau voit, au contraire, son parcours porté de 20 à 50 kilomètres, il profite de la taxe sur un excédent de distance de 30 kilomètres ; c'est lui, dès lors, qui supportera la différence de taxe de 1 fr.

La taxe totale ne pouvant dépasser 16 frs, le premier réseau recevra donc sa part normale 70 km x 0,10 = 7frs ; le second réseau recevra la différence 16 - 7 = 9frs, an lieu de 50 x 0,20 fr. = 10 frs.

2e exemple. - Comme on va le voir par un deuxième exemple, il peut aussi se faire qu'une taxe plus économique obtenue cependant par la route courte soit reportée sur un itinéraire plus long choisi pour l'acheminement des envois.

Dans ce cas, la répartition de la différence de taxe en moins résultant des reports est supportée au prorata des distances en plus par la voie réellement suivie.

Fig. 23
Report sur une voie plus longue ACB de la taxe économique obtenue par une voie plus courte AB.

Supposons qu'un trafic existe entre les centres A et B (fig. 23). L'itinéraire le plus court transite par le réseau II, mais les réseaux I et III s'accordent, pour des raisons spéciales, pour acheminer les transports par ACB au détriment du réseau II.

Dans ce cas, ils reporteront sur la voie ACB plus longue, la taxe la plus économique qui s'obtenait par AabB ; sinon les expéditeurs prescriraient en lettre de voiture l'acheminement par AabB à la faveur de réexpéditions ou de réenregistrements aux frontières des réseaux.

Comment sera partagé entre les deux réseaux I et III le sacrifice à faire ?

Parcours sur les réseaux I et III par la voie courte AabB, le réseau II n'intervenant plus 135 kilomètres
Parcours sur les mêmes réseaux par ACB 185 kilomètres
Différence en plus 50 kilomètres.

Supposons qu'il existe une différence de taxe de 10 frs en moins par la voie courte. La règle de partage est la suivante : cette différence de taxe en moins est répartie entre les réseaux I et II au prorata

On peut aussi répartir cette différence de taxe au prorata des excédents de distance comme suit :

Par la voie ACB, le réseau I voit son parcours allongé de 120 - 100 = 20 km, le réseau III voit son parcours allongé de 65 - 35 = 30 kilomètres.

Le premier réseau supportera une réduction de .

Le second réseau supportera une réduction de .

Remarque. - Dans ces partages de trafic, il arrive exceptionnellement qu'un réseau, pour des raisons dont il est seul juge (ligne saturée ou d'exploitation onéreuse), renonce à sa part de transport. Il obtient alors en compensation une part à convenir dans les recettes, la majeure partie de celles-ci allant naturellement aux réseaux qui transportent.

Tarifs de transit

Les tarifs de transit ou plus exactement les taxes de transit sont créées en vue d'établir un prix de transport suffisamment réduit pour attirer au chemin de fer (et le plus souvent, en même temps, à un port national) un trafic de produits étrangers qui passerait par une autre route si ce tarif réduit n'existait pas.

Ces abaissements de tarifs créent parfois cette anomalie que les produits étrangers sont transportés dans le pays traversé en transit - en Belgique, par exemple - à des prix inférieurs aux tarifs consentis aux produits belges. Mais il est à remarquer que ces produits ne font que transiter en Belgique et, partant, ils ne font aucune concurrence aux produits belges sur le marché intérieur.

Cependant, ils pourraient concurrencer nos produits sur le marché de l'exportation. Dès que cette éventualité se réalise, le chemin de fer peut la faire disparaître en créant en faveur du produit concurrencé un tarif spécial à l'exportation.

Tarifs de réexpédition

Il n'est évidemment pas possible d'établir des tarifs directs pour chaque station d'un réseau avec toutes les autres stations d'un autre réseau ; on n'établit des tarifs directs que pour autant que de besoin ; mais dans certains pays, en Allemagne notamment, il existe des tarifs de réexpédition. En vertu de ceux-ci, lorsque la gare de départ (ou de destination) n'est pas reprise dans le tarif direct, la taxe de (ou vers) cette gare est calculée comme suit, lorsque la distance supplémentaire ne dépasse pas 100 km :

  1. le tarif direct est appliqué à partir de (ou jusqu'à) la gare la plus proche reprise au tarif direct ;
  2. il est perçu la différence entre la taxe applicable en service intérieur respectivement de la gare-frontière à la gare de départ (ou de destination) et de la gare-frontière à la gare reprise au tarif direct.

CHAPITRE III
Tarifs à voyageurs

Le voyage peut être une fin en soi, comme c'est le cas du tourisme ; mais ce peut être aussi le service complémentaire d'une activité, comme c'est le cas du voyage d'affaires.

S'il est rare que le prix du transport constitue le seul élément de la dépense que représente un voyage, c'est souvent un élément important de celle-ci.

La psychologie du voyageur est assez particulière. Il se montre plus sensible à une réduction sur le tarif normal qu'à l'élévation de celui-ci. Il semble qu'il considère la réduction sur le tarif normal comme une sorte de privilège.

Enfin, le voyageur manifeste une réaction de mauvaise humeur lors des augmentations de tarif si justifiées soient-elles, mais cette réaction s'atténue assez rapidement.

Pour les voyageurs, une tarification, basée sur leur catégorie sociale et sur leurs ressources probables, établie, en d'autres termes, d'après leur valeur réelle, est irréalisable pratiquement. Elle n'existe guère que dans certaines colonies à population indigène nombreuse et pauvre pour laquelle on réserve des voitures distinctes et qui jouit de ce chef de tarifs réduits. Encore, est-ce peut-être plus par esprit de caste que pour des raisons d'ordre économique qu'on sépare les indigènes des blancs.

Les tarifs réduits consentis dans de nombreux pays d'Europe aux ouvriers, lorsqu'ils voyagent dans des voitures qui leur sont spécialement réservées, peuvent être considérés comme basés sur la valeur économique des bénéficiaires. Il en est de même des tarifs réduits que la Société des Transports intercommunaux de Bruxelles concède jusqu'à 8 h. et de 16 h. à 20 h. aux ouvriers quel que soit leur salaire et aux employés dont le traitement annuel est inférieur à 50.000 frs (chiffres de 1957).

Quant au système au poids et au volume, on ne le voit sérieusement apparaître que dans la gratuité ou dans les prix réduits consentis aux enfants ; on le retrouve cependant encore à la base des prix différents des abonnements scolaires que les Compagnies de tramways appliquent d'une part aux enfants, d'autre part aux jeunes gens (note 082).

Toutefois, comme les dimensions du matériel rapportées à la place offerte s'accroissent avec le degré de confort des différentes classes et comme, en outre, plus la classe est élevée et moindre est son utilisation (note 083_1), on peut dire qu'en fait la considération de volume intervient quelque peu dans la tarification.

D'autre part, beaucoup d'administrations acceptent comme une chose entendue que la recette sur le transport des voyageurs ne couvre pas les frais qu'il occasionne. Il s'ensuit que le prix de revient du transport ne peut, à lui seul, constituer une base de tarification.

Cela ne veut pas dire que la recherche du prix de revient soit ici une chose superflue. Au contraire, celui-ci permet d'établir des points de repère pour la gradation des prix à réclamer aux voyageurs selon les modalités du transport (1e ou 2e classe, trains omnibus, trains express, trains de luxe, trains spéciaux).

Le prix de revient croit, en effet :

  1. surtout, avec l'augmentation de l'espace réservé à chaque personne (poids mort à remorquer par place offerte) (note 083_2) ;
  2. avec la rapidité du transport (dépense en combustible ou en courant électrique) ;
  3. avec le luxe déployé dans les voitures (capital de premier établissement et charges d'entretien).

Plus la durée du trajet est courte et plus le voyageur est disposé à payer un prix élevé, car de nos jours plus que jamais «time is money». Cette disposition du voyageur concorde d'ailleurs avec le désir de l'exploitant de taxer davantage un service qui lui coûte plus cher et ainsi s'explique l'existence sur certains réseaux de suppléments de prix pour les billets donnant accès dans les trains express.

Enfin, plus une voiture est spacieuse, confortable, aménagée luxueusement et plus le voyageur accepte d'acquitter une taxe élevée.

En somme, en rangeant les voyageurs par classe, la tarification s'inspire bien du souci de proportionner le prix du billet au revenu du voyageur, mais celui-ci reste absolument libre de se ranger dans la classe qu'il désire, soit qu'il recherche le confort, soit qu'il tienne à se trouver avec des personnes de son milieu social.

Comme pour les marchandises, on rencontre dans les tarifs à voyageurs des tarifs généraux ou spéciaux qui peuvent d'ailleurs être :

En Belgique, les tarifs voyageurs pour les billets simples à prix pleins et pour les billets à prix réduits sont proportionnels à la distance parcourue.

Depuis le 1er juillet 1952, un tarif différentiel est appliqué pour les billets aller et retour à prix normal, délivrés en service intérieur, à partir du 76e km.

Le tarif des billets aller et retour délivrés en service international est proportionnel.

Les tarifs pour les abonnements ordinaires, scolaires et d'ouvriers sont également différentiels.

I. - Tarifs généraux

Avant la guerre 1914-1918, les taxes-bases des billets à prix pleins étaient, chiffres arrondis, de :

ce qui, en prenant le prix de la 3e classe pour unité et en arrondissant, donne les rapports 1 - 1,7 - 2,5.

En mai 1957, ces taxes-bases s'établissent à :

les rapports des taxes sont donc 1 et 1,65 (2e classe = 1).

Fig. 24. - Chemins de fer belges. - Prix des billets simples en 1957.

Les prix des billets simples, dès lors, se présentent comme le montre la fig. 24 (note 085_1).

Les taxes-bases actuelles sont ainsi sensiblement égales à 22 fois celles d'avant 1914.

Le 1er mai 1866, un tarif différentiel fut appliqué mais abandonné 5 ans après (note 085_2).

Cette réforme coïncidait avec un abaissement des tarifs. On avait, en effet, conservé pour les distances de 7 lieues et moins le barème proportionnel de 1865. Un premier abaissement des prix portait sur les distances comprises entre 8 et 15 lieues, une seconde réduction sur les parcours de 16 lieues et plus.

Or, malgré l'augmentation du nombre de voyageurs transportés dans les deux zones à tarifs réduits, la réforme se traduisit par une diminution de recettes (fig. 25).

Ces résultats défavorables, bien qu'influencés par des causes étrangères à la réforme, jetèrent le discrédit sur celle-ci et le tarif différentiel fut abandonné le 1er novembre 1871.

Si l'on considère que le parcours moyen par voyage pour les voyageurs munis de billets simples a été :

  en 1913 de : en 1956 de :
3e classe 24 km 32 km (2e classe nouvelle)
2e classe 54 km 63 km (1re classe nouvelle)
1re classe 84 km -

on constate que la décroissance des taxes aux longues distances favoriserait les voyageurs de première classe, c'est-à-dire précisément ceux qui peuvent le plus facilement payer un prix élevé.

Fig. 25
Effet de l'introduction du tarif différentiel de 1866.

On sait que l'inconvénient des tarifs proportionnels est de devenir rapidement prohibitifs aux longues distances. Mais, en Belgique, la distance la plus longue, Ostende-Sterpenich (via Bruxelles et Arlon) n'est que de 326 kilomètres. Cet inconvénient n'est donc pas très sensible ; il pèserait d'ailleurs surtout sur les voyageurs du service international, mais comme les prix des chemins de fer belges sont, en général, inférieurs aux prix des chemins de fer étrangers, on ne doit pas craindre de voir le trafic de transit échapper de ce chef au réseau belge.

A ce propos, dans notre édition précédente, nous écrivions «cela veut-il dire que l'idée de l'instauration de tarifs différentiels en Belgique soit à rejeter à priori ? Nous ne le pensons pas. La concurrence de l'auto y conduira peut-être un jour. » à présent, c'est chose faite. Un tarif dégressif a été mis en vigueur le 1/7/52 pour les billets aller et retour délivrés en service intérieur à partir du 76e km.

Lorsqu'il s'agit de pays plus vastes et surtout lorsque l'on a affaire à des territoires de forme très allongée, comme l'Italie, par exemple, l'introduction de barèmes différentiels se justifie pleinement. C'est ce qui existe du reste depuis 1906 en ce dernier pays, comme le montre le diagramme de la figure 26, produit à titre documentaire. Ces barèmes sont sensiblement proportionnels jusqu'à la distance de 700 kilomètres, la dégressivité devient très importante à partir de 1000 km.

Avant 1897, pour les trains express, on payait en Belgique 25 % de majoration sur les prix des billets pour trains ordinaires ; cette surtaxe, bien que rationnelle, a disparu. Il fut question de la rétablir en 1937 mais l'idée fut abandonnée.

Elle répugnait à l'opinion publique belge qui la considérait comme une mesure antidémocratique.

Fig. 26. - Chemins de fer de l'Etat italien. Prix en lires du tarif général des billets simples (1936).

Par ailleurs, le voyageur qui commence son voyage à une station de départ ou de passage d'un express, peut facilement se munir du supplément en même temps qu'il prend son billet ; mais pour le voyageur abonné, c'est une formalité ennuyeuse que de passer au guichet pour prendre le supplément.

Enfin, le voyageur qui descend d'un omnibus pour monter dans un express n'a pas toujours eu la possibilité de se munir du supplément dans la station secondaire d'où il est parti ; le voilà obligé de se rendre, encombré de ses bagages, au guichet des suppléments, alors qu'il dispose généralement de très peu de temps.

Sans doute, il est possible de percevoir le supplément en cours de route, mais cette perception peut entraîner des dépenses de personnel et, pour les courts trajets, est aléatoire dans des trains composés d'un certain nombre de voitures.

Dans les nouveaux trains rapides Diesel internationaux de 1er classe - les Trans-Europ-Express ou T.E.E. - on perçoit une surtaxe (0,24 fb/km).

Les distances par lesquelles on multiplie les taxes-bases pour former les prix des billets se mesurent d'axe en axe des bâtiments des recettes des stations. Ces distances sont comptées par la voie la plus courte ; elles sont arrondies au kilomètre supérieur, sauf dans quelques cas particuliers. Les prix des billets ainsi obtenus sont arrondis au franc supérieur.

II. - Tarifs spéciaux

Depuis 1871 et jusqu'en 1914, une réduction de 20 % était concédée au prix des billets aller et retour ; elle fut supprimée après la guerre 1914-1918. En juillet 1927, le billet Week-End fut créé concédant 25 % de réduction mais était valable seulement du samedi au lundi.

Déjà, avant 1914, la réduction consentie aux billets aller et retour avait été supprimée par plusieurs réseaux étrangers. Elle ne se justifie que lorsque le chemin de fer craint que le voyageur n'effectue son voyage de retour par une ligne concurrente ou par la route. On ne conçoit pas, en effet, qu'on ferait payer moins au voyageur qui, en un voyage aller et retour, effectue deux fois un trajet de 50 kilomètres, par exemple, qu'à celui qui fait en une seule fois avec un billet simple le même parcours total de 100 kilomètres. Le premier impose au chemin de fer deux fois les frais et les dangers de son embarquement et de son débarquement, alors que le second ne les lui fait subir qu'une fois. Il est vrai que le voyageur muni d'un billet aller et retour ne passe qu'une fois au guichet, mais cette diminution de prestation n'est pas en rapport avec l'importante réduction de 20 % accordée précédemment. Après l'armistice 1918, on a supprimé la réduction mais, pour conserver, tant au voyageur qu'au chemin de fer, l'avantage de ne passer qu'une fois au guichet, on a maintenu la distribution de billets valables pour le voyage aller et pour celui du retour. Quoi qu'il en soit de ces considérations, le 1er janvier 1939, la réduction de 20 % accordée en faveur du billet aller et retour a été rétablie. Par voie de conséquence, le billet Week-End a été supprimé le 1er janvier 1940.

Supprimée de nouveau en 1946, puis rétablie selon des modalités diverses, la réduction sur les billets aller et retour est aujourd'hui associée au tarif différentiel comme nous l'avons dit page 86.

De très nombreuses et souvent de très fortes réductions sont consenties à des catégories diverses de voyageurs ; nous ne retiendrons que les principales et examinerons si elles se justifient du point de vue ferroviaire.

Nous citerons pour mémoire le transport gratuit des enfants âgés de moins de 4 ans et la réduction de 50 % accordée aux enfants de 4 à 10 ans. Ici, rien de plus rationnel, le transporteur ayant simplement égard au poids et à l'encombrement.

Les réductions diverses consenties aux sociétaires, aux groupes scolaires et aux mouvements de jeunesse se justifient par cette considération qu'elles incitent à voyager des personnes qui, sans cela, s'abstiendraient.

Quant à la réduction consentie aux officiers de réserve, aux aveugles et à leurs guides, aux membres des familles nombreuses, aux invalides civils de la guerre, aux officiers en activité de service, et à celle accordée aux ex-militaires invalides de guerre, aux journalistes professionnels, aux correspondants des grands journaux quotidiens de l'étranger, etc., elles procèdent d'idées qui n'ont plus grand chose et même plus rien à voir avec l'exploitation des chemins de fer.

Certains économistes considèrent ces tarifs réduits comme des privilèges consentis à ceux qui en profitent et contraires au principe de l'égalité de tous les citoyens. Si, disent-ils, l'opinion publique les admet, c'est que ceux-là même qui font l'opinion publique, les journalistes, sont les premiers à en profiter.

Des réductions ne doivent être accordées, en principe, que dans les cas où elles provoquent des déplacements qui, sans elles, n'auraient pas lieu.

L'État n'admettant que difficilement cette thèse, la S.N.C.B. cherchait depuis longtemps le moyen de diminuer l'importance de ces réductions. Une occasion s'offrit à elle en 1939 à l'occasion d'un projet d'augmentation des tarifs. Elle augmenta alors les prix des billets simples de 18 % mais rétablit la réduction de 20 % consentie autrefois aux billets aller et retour ; puis elle décida que les réductions seraient dorénavant calculées sur le prix du billet simple majoré.

Dès lors, le voyageur qui avait 50 % de réduction n'en aurait en fait plus que 37 ; celui qui avait 75 %, n'en aurait plus que 68. Grâce à la réduction consentie aux voyageurs munis d'un billet aller et retour et aussi à la création des «abonnements de travail» pour les petits employés, le relèvement des prix des voyageurs se déplaçant à taux réduit passa sans observation.

Que l'État encourage la natalité en accordant des réductions sur les chemins de fer aux membres des familles nombreuses, qu'il honore de même les anciens combattants ou d'autres catégories de citoyens, c'est très bien, mais ces largesses ne doivent pas être supportées par le budget des chemins de fer ; elles doivent retomber à charge des départements ministériels dont relèvent les bénéficiaires.

Après de longues discussions, l'Etat a finalement admis cette thèse, tout au moins en partie.

Abonnements

Les tarifs des abonnements sont différentiels. Nous bornerons notre exposé aux principes généraux et ferons systématiquement abstraction des nombreuses particularités relatives à ces tarifs.

1°) Abonnements ordinaires

Ces abonnements comprennent les abonnements à parcours limités et ceux valables sur tout le réseau.

Pour l'abonnement à parcours limité d'un an en 2e classe, la taxe initiale (1 à 5 km) s'élève à 1.740 fr. ; elle correspond sensiblement à 250 fois le prix d'un billet A.R. réduit de 13 %.

Le taux de 250 billets A.R. a été choisi parce qu'on a supposé d'abord que bien peu d'abonnés voyageraient tous les jours et que, normalement, la personne qui aurait voyagé tous les jours de la semaine se reposerait le dimanche ; on a supputé également les jours de congé, d'indisposition ou de repos.

Les taxes ainsi obtenues sont arrondies aux 10 fr. supérieurs.

A 132 km, le prix de l'abonnement à parcours limité d'un an correspond au prix de l'abonnement «réseau» ordinaire (9.000 fr. en 2e classe et 15.000 fr. en 1re classe)(note 090).

Le diagramme ci-dessous (fig. 27) indique les prix de l'abonnement ordinaire à parcours limité d'un an en 2e classe.

Comme le montre la figure 27, la courbe des prix s'incline rapidement vers l'horizontale. Le tracé pointillé fait ressortir le bon marché des abonnements. Le parcours moyen de l'abonné ordinaire de 2e classe n'est que de 33 kilomètres. Or, à cette distance, le prix (4.850 frs) de l'abonnement annuel correspond à 95 voyages aller et retour payés au tarif normal.

Les prix des abonnements en première classe correspondent à ceux de la 2e classe majorés de 70 %.

Pour les abonnements de 1, 3, 6 ou 9 mois, on a tenu compte dans le passé de cette considération que moins un abonnement a de durée et plus il a de chances d'être utilisé complètement. On se rappelle comment, avant 1914, l'abonné de 5 jours utilisait à outrance son droit de voyager. De là, cette conséquence que la taxe par voyage augmente quand le nombre de voyages diminue ; ainsi :

Fig. 27. - Barème de l'abonnement ordinaire de 2e classe en juillet 1956.

Mais depuis 1936, les abonnements sont taxés proportionnellement à la durée de leur validité.

Dans certains pays, dont le réseau comporte un grand nombre de kilomètres, le prix de l'abonnement général est établi en conséquence. Cette pratique semble peu rationnelle car la capacité de déplacement d'un voyageur est limitée ; celui-ci ne peut jamais couvrir qu'un nombre déterminé de kilomètres par jour.

Il existe encore :

2°) Abonnements d'ouvriers

Fig. 28. - Barème des abonnements d'ouvriers en 1957.

La jouissance de ces abonnements est strictement attachée à la qualité d'ouvrier. La taxe initiale à 5 kilomètres (21 frs) représente par semaine 1/52 de l'abonnement ordinaire annuel en 2e classe, avec réduction de 36 %. Pour les distances supérieures à 5 kilomètres, on ajoute :

Comme le montre la figure 28, les prix des abonnements d'ouvriers sont exceptionnellement bas. En fait, des taxes aussi réduites sont contraires au principe même du barème des abonnements puisque plus l'abonnement est de courte durée, plus il devrait coûter cher. Quoi qu'il en soit, le billet de semaine est entré à ce point dans nos mœurs qu'il fait partie de notre système économique et social.

La S.N.C.B. délivre des abonnements d'ouvriers pour 1, 6 ou 7 déplacements A.R. par semaine.

Les abonnements pour 1 déplacement A.R. par semaine (généralement départ le lundi et retour le samedi) sont prévus pour toutes distances, mais ce sont les moins nombreux ; ils ne représentent que 6 % du nombre d'abonnements pour 6 ou 7 déplacements A.R.

Le tableau récapitulatif ci-dessous relatif aux diverses espèces d'abonnements est intéressant à plus d'un titre.

Il montre que près de la moitié (41 % en 1956) des personnes transportées en une année par le chemin de fer est constituée par des ouvriers abonnés. Mais la recette que procure ce mouvement formidable (110 millions de voyageurs en 1956) ne représente que 27 % de la recette totale du trafic des voyageurs (3.702 millions de francs en 1956, compensation de l'État comprise).

  En% du mouvement total du trafic «Voyageurs» En % de la recette totale «Voyageurs»
Année 1913 Année 1956 Année 1913 Année 1956
Abonnements ouvriers 40 % 40,8 % 10,2 % 27,3 % (*)
Abonnements scolaires 3 % 3,6 % 0,7 % 2,4 %
Abonnements ordinaires 15,5 % 19,8 % 18,6 % 11,6 %
Total des abonnements 58,5 % 64,2 % 29,5 % 41,3%
Total des billets 41,5 % 35,8 % 70,5 % 58,7 %
Total général 100 % 100 % 100 % 100 %

(*) Compensations de l'État comprises.

On peut dire que pour tous les abonnements la recette n'est pas en rapport avec le nombre de voyages effectués (64 % en mouvement contre 41 % en recette), tandis que les billets, représentant environ 36 % du mouvement total, procurent près de 59 % de la recette totale (compensations de l'État comprises).

*
* *

Le parcours moyen de l'abonné ouvrier est de 30 kilomètres par voyage simple. Or, à cette distance, l'abonnement ouvrier (représentant donc 12 voyages simples) est de 46 frs ; alors qu'un voyageur ordinaire paie 48 frs pour un seul billet aller et retour à la même distance.

Bien plus, à 100 kilomètres (limite extrême officielle de la délivrance pour les abonnements à 6 déplacements), l'ouvrier abonné ne paie pour ses 6 voyages A.R. qu'environ la moitié du prix acquitté par le voyageur ordinaire pour un billet A.R. à la même distance (78 frs contre 154 frs). A cette distance de 100 kilomètres, le prix kilométrique s'abaisse ainsi à , alors que la taxe normale du billet simple est de 85 cent. par km, soit une réduction de 92 % !

Aussi, quoi qu'on en ait dit, et malgré la bonne utilisation des trains d'ouvriers, il est incontestable que le transport des abonnés ouvriers se traduit pour le chemin de fer par un déficit très important.

Il faut noter, en effet, que les rames de voitures affectées au transport des ouvriers ont une composition spéciale et ne comportent, en principe, qu'une seule classe de voitures. Elles ne sont utilisées que le matin dans le sens d'aller et le soir dans le sens du retour. Elles chôment pendant le reste de la journée.

Du point de vue économique, les abonnements d'ouvriers permettent aux travailleurs d'aller offrir leurs services là où la demande est la plus abondante et, partant, leur donnent l'occasion d'obtenir le salaire le plus élevé. Le salaire de l'ouvrier abonné est supérieur à celui qu'il gagnerait s'il restait au lieu de son domicile. Mais du chef de la concurrence qu'il provoque, le coupon de semaine a un double effet :

Ils permettent encore à l'industrie de puiser jusqu'aux confins des campagnes la main-d'œuvre nécessaire. L'abonnement pour ouvriers supprimant les distances, on pourrait presque dire que, du point de vue de la main-d'œuvre, l'emplacement d'une usine est devenu indifférent (note 094).

On ne peut contester que l'abonnement pour ouvriers détourne de l'agriculture, au profit des usines et des charbonnages, une main-d'œuvre déjà trop rare.

Du point de vue social, les abonnements d'ouvriers ont leurs avantages et leurs inconvénients.

L'abonnement pour ouvriers a été un correctif heureux à l'œuvre des habitations ouvrières. En effet, grâce à l'avance des capitaux prêtés à faibles intérêts, grâce aussi à l'exonération ou à la réduction des taxes fiscales prévue par la loi du 9 août 1889 (note 095), le sol belge s'était couvert de maisons ouvrières habitées par leur propriétaire. Mais du coup, cette maison rivait l'ouvrier au sol et l'empêchait d'améliorer son sort en changeant de résidence. Les abonnements d'ouvriers sont venus à propos rendre au travailleur sa mobilité primitive favorable à l'octroi des hauts salaires. En favorisant la construction des logements à bon marché à la campagne, les abonnements ont restreint l'accroissement des navrantes cités ouvrières agglomérées autour des usines.

Du point de vue intellectuel, la main-d'œuvre des campagnes s'affine au contact de celle des grands centres et des villes et, du point de vue de l'hygiène, la main-d'œuvre des villes peut émigrer à la campagne où elle trouve l'air et le repos favorables au rétablissement d'une santé délicate.

Par contre, l'utilisation à outrance des abonnements de semaine prive de la vie de famille l'ouvrier résidant à longue distance du lieu de son travail. Très tôt levé, tard couché, fatigué par le chemin plus ou moins long qui sépare son domicile de la gare, par le trajet en train de banlieue, épuisé par sa journée de labeur, l'ouvrier rentre chez lui harassé ; sa santé en est ébranlée et les effets de cette fatigue se font sentir jusque dans sa descendance. L'abonnement ouvrier accélère l'usure du capital humain. Toutefois, il ne faut pas exagérer cet inconvénient puisque le parcours moyen par voyage ne dépasse pas 30 kilomètres. L'électrification et la diésélisation ont accru la fréquence et la vitesse des trains. D'autre part, la loi limitant la journée de travail à 8 heures apporte à son tour un correctif aux inconvénients des abonnements pour ouvriers. A noter enfin l'introduction progressive de la semaine de 5 jours.

La figure 29 donne le nombre d'ouvriers utilisant des abonnements à 6 voyages A et R par semaine, par coupure de distance de 10 km.

Fig. 29

En même temps qu'il déplace l'ouvrier, l'abonnement le ramène tous les jours dans son foyer. S'il lui apprend le chemin de l'émigration, il retarde l'exode vers les villes tentaculaires, et c'est ce qui explique que les uns voient en lui un agent redouté de la concentration des populations industrielles et les autres un moyen précieux de conserver les familles rurales à la campagne.

Enfin, les bons effets de l'abonnement ouvrier sont atténués par des désavantages du point de vue moral.

Dans une étude remarquable (note 096), M. Mahaim a mis tous ces points en lumière.

Il a, en outre, montré que l'aire de drainage des «foyers d'attraction» (note 097_1) s'étend parfois à des distances considérables : Bruxelles, par exemple, appelle de la main-d’œuvre de presque tout le territoire belge. L'aire des autres foyers d'attraction est variable de forme et d'étendue. Il en va de même pour les aires des «foyers de dispersion» (note 097_2).

III. - Tarif «penny porto»

Si on examine d'un peu plus près les résultats d'exploitation de l'exercice 1956, on constate que :

le parcours moyen des trains de voyageurs est de 43 km,
le parcours moyen des trains de marchandises est de 36 km,
le parcours moyen d'un voyageur est de 34 km,
le parcours moyen d'une tonne de grosses marchandises est de 98 km.

On peut donc dire que, d'une manière générale, le voyageur va moins loin que le train qu'il emprunte, tandis que la marchandise va plus loin que le premier train qui la transporte. Dans des conditions moyennes, le wagon qui transporte la marchandise passe donc d'un train dans un autre ; il en résulte des manœuvres dans les gares d'escale, manœuvres qui alourdissent le prix de revient du transport.

La recette moyenne par voyage simple (11,50 frs papier en 1956) a fait souvent dire que si l'on appliquait aux chemins de fer belges le tarif unique dit tarif «penny porto» comme on le fait pour la poste, il suffirait de fixer à 11,50 frs la taxe par voyage.

Mais cette taxe serait prohibitive pour les petits parcours dont le nombre se trouverait considérablement réduit (en 1958, la taxe minimum est de 3 frs en 2e classe). Il faudrait donc que la réduction des recettes à en résulter fût compensée par une augmentation du nombre des voyages à longue distance. D'autre part, l'appât de la réduction serait sans effet sur la grande masse des voyageurs ; celle-ci est, en effet, constituée par les personnes qui voyagent pour affaires, les voyages de plaisir n'étant que l'exception.

Les chemins de fer autrichiens et hongrois, qui avaient adopté des tarifs par zone, mesure qui était en quelque sorte un acheminement vers le tarif unique, ont dû y renoncer par suite des mauvais résultats obtenus.

Remarque.

L'éventail des prix que la S.N.C.B. offre à sa clientèle voyageurs est largement ouvert. Il s'inspire à la fois d'un souci commercial et de préoccupations sociales.

On se rend cependant compte que si des réductions si diverses sont de nature à ramener des voyageurs au chemin de fer, il n'en reste pas moins vrai que le prix du billet simple qui est à la base de tout le système devrait être réajusté pour rapprocher les recettes, dans toute la mesure jugée possible, d'un niveau qui permettrait d'équilibrer les dépenses du service des voyageurs.

Des tarifs voyageurs trop bas obligent les réseaux soucieux d'équilibrer leur budget, soit à priver la clientèle des facilités indispensables, soit à majorer les tarifs des services marchandises, ce qui rend ceux-ci particulièrement vulnérables à la concurrence routière.

Ces considérations sont en général valables pour tous les réseaux de l'Europe occidentale.


CHAPITRE IV
Mesure de l'utilité des chemins de fer

La taxe perçue pour un transport quelconque doit couvrir au moins les dépenses qu'il occasionne, sinon personne ne se soucierait de l'effectuer ; mais on peut estimer ces dépenses de deux manières :

  1. Après avoir calculé la dépense occasionnée spécialement par chaque transport (les frais directs), on peut ajouter à cette dépense la part des charges permanentes de l'entreprise (charges financières et frais généraux) qui lui incombe (note 099) ; on aura ainsi déterminé ce qu'on appelle le prix de revient total de ce transport.
  2. Mais on peut aussi faire abstraction des charges permanentes, c'est-à-dire des charges qui courraient alors même que le transport envisagé n'aurait pas lieu, et se borner, dans ces conditions, à déterminer la dépense supplémentaire causée spécialement par ce transport venant s'ajouter aux transports préexistants. En d'autres termes, on peut se borner à calculer ce qu'on dénomme le prix de revient de la tonne en plus ou le prix de revient du voyageur en plus : c'est ce qu'on appelle le prix de revient partiel.

Le prix de revient total est donc égal au prix de revient partiel majoré de la part des charges permanentes afférente au transport envisagé.

Sur les chemins de fer, l'exploitant est généralement celui qui a construit et qui entretient la voie ; c'est ce qui fait qu'on s'est habitué à ne voir dans la taxe réclamée pour un transport quelconque qu'un seul élément correspondant au prix de revient total de ce transport augmenté, éventuellement, du bénéfice de l'exploitant.

Mais on peut concevoir que la voie, construite et même entretenue par une société déterminée, soit exploitée par une autre société et, dès lors, la taxe totale perçue pour un transport quelconque doit évidemment comprendre deux éléments :

  1. la part qui doit rémunérer le détenteur de la voie et qu'on appelle communément le péage, c'est en quelque sorte un droit de passage sur la voie (note 100) ;
  2. la part qui doit désintéresser le transporteur pour les dépenses que lui occasionne le transport proprement dit, c'est-à-dire le déplacement de la chose ou de la personne.

Les routes appartiennent à l'État. Gomme la loi du 15 novembre 1866 a supprimé les barrières de péages sur toutes les routes de l'État, l'on peut dire que celles-ci sont mises gratuitement à la disposition des piétons et des véhicules hippomobiles et que, par conséquent, pour ces seuls usagers, le péage sur les routes est nul. Mais, en fait, ce péage est couvert par l'impôt, c'est-à-dire qu'il est à charge de tous les contribuables au lieu d'être payé par ces usagers.

En ce qui concerne les véhicules automobiles, il est incontestable que la taxe de circulation qui les frappe depuis 1913, de même que les droits d'entrée sur les carburants, les voitures et les camions contribue à couvrir les péages de la route. Cependant, ces taxes sont plutôt d'ordre fiscal, c'est-à-dire qu'elles servent à l'État pour couvrir ses dépenses générales de tous ordres. Il n'existe aucune relation mathématique directe entre l'élévation de ces taxes et le coût d'établissement et d'entretien des routes. Cependant, comme ces taxes sont très élevées, on aurait vraiment mauvaise grâce à soutenir que les routes et les autostrades sont mises gratuitement à la disposition des automobilistes et des camionneurs motorisés.

En ce qui concerne les canaux et les rivières rendues navigables, ils appartiennent aussi à l'État. Mais les péages (2 cent. par tonne-kilomètre) que celui-ci perçoit suffisent à peine à couvrir leurs seuls frais d'entretien.

Si l'on considère séparément le péage et le coût du transport proprement dit, on peut appliquer à chacun de ces éléments la subdivision qui précède, c'est-à-dire décomposer :

  1. le prix de revient total du «péage» en prix de revient partiel et charges permanentes ;
  2. partager de même le prix de revient total «du transport proprement dit» en prix de revient partiel et charges permanentes.

Mais alors on constate cette chose intéressante et grosse de conséquence :

1. que dans le premier cas, c'est-à-dire pour le péage, la part des charges permanentes dans le prix de revient total est prépondérante, au point que le prix de revient total se confond sensiblement avec le péage ;

2. que dans le second cas, c'est-à-dire pour le transport proprement dit, la part du prix de revient partiel domine au contraire et que le prix de revient total diffère peu du prix de revient partiel.

Taxe a) Péage ( Charges permanentes : prépondérantes.
( Prix de revient partiel : faible.
b) Coût du transport proprement dit Charges permanentes : faibles.
Prix de revient partiel : prépondérant.
c) Bénéfice éventuel.  

En effet, plaçons-nous successivement dans les deux hypothèses suivantes :

1°) Cas du propriétaire de la voie qui n'exploite pas lui-même

  1. Dans cette hypothèse, les charges du propriétaire consistent essentiellement dans l'intérêt et l'amortissement du capital de premier établissement investi dans cette voie (terrains, travaux, équipement). Ces charges sont permanentes, elles sont irréductibles par nature et le propriétaire est impuissant à les restreindre même si le trafic diminue.

    Ces charges n'augmenteront sensiblement qu'à partir du moment où, la capacité de transport de la voie étant dépassée, il faudra procéder à l'agrandissement des installations.

  2. Quant aux frais de surveillance et d'entretien de cette voie, s'ils varient avec le trafic, une partie importante d'entre eux est cependant indépendante de celui-ci. Bien des éléments destructeurs de la voie (pluie, gelée, pourriture, désagrégation) poursuivent leur œuvre en fonction du temps.

Il suit de ce qui précède que le prix total que le propriétaire réclamera à chaque transport pour le service qu'il rend en prêtant sa voie comprendra une part considérable de charges permanentes et une part infime de dépenses spéciales au transport.

2°) Cas de l'entrepreneur qui exploite une voie construite et entretenue par d'autres

  1. Les charges permanentes de cet entrepreneur seront représentées, d'une part, par l'intérêt et l'amortissement du capital nécessaire pour établir un service minimum (locomotives, voitures, wagons) et, d'autre part, les frais relatifs aux matières consommées ainsi qu'au personnel roulant et sédentaire nécessaire pour desservir, par exemple, deux ou trois trains par jour dans chaque sens, suffisants pour satisfaire à un trafic limité tant pour les voyageurs que pour les marchandises (note 102_1).
  2. Quant au surplus du matériel et du personnel nécessaire, comme du surplus des dépenses en combustible, en courant électrique et matières diverses, la plus grande partie sera essentiellement fonction du trafic.

Cet entrepreneur pourra, en cas d'afflux extraordinaire de transports, louer du matériel, recruter temporairement du personnel, bref, il pourra, dans une certaine mesure, proportionner ses effectifs aux besoins. De sorte que, dans le cas de cet entrepreneur, la part des charges permanentes que chaque transport devra supporter sera faible vis-à-vis de la part qui lui incombera dans les dépenses variables avec le trafic. Le prix de revient partiel se rapprochera beaucoup du prix de revient total.

*
* *

Le plus généralement, en matière de chemins de fer, ce n'est ni au premier cas, ni au second cas qu'on a affaire, l'exploitant étant en même temps propriétaire de la voie ; mais, dans la masse des dépenses de l'exploitant, il y a :

  1. une première partie, qui correspond aux dépenses fixes, c'est-à-dire indépendantes du trafic, dépenses qu'on appelle encore dépenses fondamentales ;
  2. une seconde partie, qui comprend les dépenses variables avec le trafic.

1°) Dépenses fixes ou fondamentales. - Elles comprennent :

  1. les intérêts et l'amortissement du capital d'établissement, qui constituent une assez grosse part des dépenses totales (note 102_2) ;
  2. une partie importante des dépenses proprement dites d'exploitation. Avant la guerre 1914-1918, période économique tout à fait stable, on estimait, d'après les données de l'expérience, que cette partie représentait sensiblement la moitié des dépenses proprement dites d'exploitation (note 103).

Si ces dernières dépenses sont comptées dans les dépenses fixes, c'est que dans les dépenses d'exploitation, la plus grande partie des dépenses de l'administration centrale, des dépenses occasionnées par l'entretien et la surveillance des bâtiments et des voies, une partie importante des dépenses pour le service des stations et pour la signalisation restent sensiblement les mêmes quel que soit le trafic. On peut assimiler ces dépenses à des frais généraux.

2°) Dépenses variables avec le trafic. - Elles comprennent les frais de remorque, de conduite, de manutention, les indemnités pour pertes et avaries et, en général, la partie des dépenses de personnel et d'entretien qu'on peut à la rigueur supprimer ou qui disparaissent d'elles-mêmes quand le trafic diminue.

Dépenses totales Dépenses fixes ou fondamentales a) intérêts et amortissements ; Ensemble des péages
b) 1/2 des dépenses proprement dites d’exploitation
dépenses variables avec le trafic 1/2 des dépenses proprement dites d’exploitation. Somme des coûts partiels.

Il apparaît donc que la première partie des dépenses fixes correspond par sa nature assez bien à l'ensemble des péages, la seconde partie, c'est-à-dire les dépenses variables avec le trafic, correspond à la somme des coûts partiels, en remarquant bien cependant que l'assimilation n'est pas absolue car :

  1. le péage ne comprend en réalité que les charges d'intérêt et d'amortissement de la voie et les dépenses dues à son entretien et à sa surveillance, alors que les charges permanentes totales comprennent encore l'intérêt et l'amortissement du capital investi dans l'achat du matériel roulant nécessaire pour instaurer un service minimum ainsi que d'autres frais généraux indépendants du trafic dont il est question sous § b du 1° (page 101) ;
  2. par contre, les dépenses variables comprennent la part des dépenses de l'entretien de la voie qui varie avec le trafic et qui, rigoureusement parlant, fait partie du péage. Certains travaux d'extension sont aussi effectués à charge du compte d'exploitation au lieu d'être mis à charge du compte capital.

Mais, entre ces différences, il s'établit une certaine compensation qui permet l'assimilation exposée ci-dessus (note 104).

En France, on désigne sous le terme de péage tarifaire, la différence entre le tarif perçu et le coût marginal (pour la définition de ce dernier, voir le chapitre VIII, Prix de revient).

*
* *

Les considérations qui précèdent et qui s'appliquent à la distinction entre le péage et le prix de revient partiel ne sont nullement d'ordre académique, elles vont nous permettre de dégager deux conclusions très importantes et relatives :

Première hypothèse. - Considérons d'abord le cas d'un «exploitant» de chemin de fer qui constate que la recette qu'il recueille pour quelques-uns seulement de ses transports ne couvre pas les charges permanentes de ces transports-là et qu'elle est si faible qu'elle ne parvient même pas à couvrir leur prix de revient partiel, c'est-à-dire la dépense spéciale occasionnée par chacun d'eux. Dans de telles conditions, ou bien il refusera d'effectuer ces transports-là pour supprimer la cause de sa perte, ou bien il relèvera ses taxes ; mais si, à la suite de ce relèvement, les taxes sont devenues prohibitives, le trafic cessera de lui-même.

Bref, tout transport qui rapporte moins qu'il ne coûte cesse parce qu'il est possible de supprimer les frais engendrés spécialement par ce transport.

Deuxième hypothèse. - Si, dans des conditions d'exploitation plus difficiles encore, l'exploitant constatait que la dépense spéciale occasionnée par tous ses transports (c'est-à-dire l'ensemble de leurs prix de revient partiels) n'était même pas couverte, et, à fortiori, ne couvrait pas les charges permanentes, il liquiderait au mieux son exploitation plutôt que de travailler à perte et chercherait éventuellement à faire fructifier ses capitaux dans une autre entreprise.

Troisième hypothèse. - Plaçons-nous maintenant dans un cas plus favorable, et supposons que les taxes des transports, tout en couvrant les dépenses spéciales occasionnées par chaque transport, ne laissent pas d'excédent ou ne laissent qu'un excédent insuffisant pour couvrir les charges permanentes, qui se confondent en quelque sorte avec le péage, c'est-à-dire que le capital, notamment, serait peu ou pas rémunéré.

Comme il n'est pas possible à l'entrepreneur de transporter ailleurs son chemin de fer, l'entreprise une fois créée subsistera. L'entrepreneur est impuissant à comprimer ses charges permanentes qui consistent essentiellement en l'intérêt et l'amortissement du capital de premier établissement et il préférera continuer à retirer de son entreprise un intérêt, si modique soit-il, si inférieur soit-il au taux courant de l'intérêt plutôt que d'abandonner son capital auquel il est désormais impossible de donner un autre emploi. Alors même que le revenu du capital serait nul, il continuerait encore son entreprise du moment qu'il serait défrayé de ses dépenses d'exploitation proprement dites (c'est-à-dire de la somme des prix de revient partiels). Ce serait comme s'il avait placé son capital à fonds perdus, mais il lui reste toujours l'espoir de voir son exploitation s'améliorer.

Conclusion. - Tandis que le péage peut à la rigueur ne pas être payé, le prix de revient partiel doit toujours être couvert. Partant, le prix de revient partiel, qui représente la dépense spéciale (les frais directs) occasionnée par le transport proprement dit, constitue le minimum jusqu'où peut descendre la taxe ou prix de vente du service rendu par le chemin de fer.

Lorsque le péage n'est pas ou est incomplètement couvert, il va sans dire que l'entreprise, considérée du point de vue commercial, est une mauvaise affaire.

Aussi, envisageant d'abord les choses exclusivement de ce dernier point de vue, nous conclurons :

  1. que la taxe perçue pour chaque transport doit :
    1. couvrir le prix de revient partiel de ce transport-là ;
    2. laisser en plus, si c'est possible, un excédent pour contribuer à payer les charges permanentes communes à tous les transports ;
  2. que le total de ces excédents doit être au moins égal aux charges permanentes.

Chaque fois que cette dernière condition ne sera pas satisfaite, commercialement parlant, ce sera une mauvaise affaire, mais si le bénéfice recueilli dans ce cas par le public est supérieur à la perte éprouvée par le chemin de fer, l'affaire sera encore bonne, considérée du point de vue social.

Si le bénéfice du public est inférieur à la perte subie par le chemin de fer, l'affaire apparaît comme mauvaise à tous points de vue.

La représentation graphique de ces considérations va nous permettre d'en préciser davantage les conséquences tout en nous mettant à même de mesurer l'utilité du chemin de fer, mais ouvrons d'abord une parenthèse pour rappeler quelques définitions.

Valeur d'usage du transport.

Pratiquement parlant, le chemin de fer est un marchand de transport. Or, comment s'établit le prix de vente sur un marché ? (note 106).

Quand une marchandise (ou un service) est offerte en vente sur un marché, le prix de vente qui s'établit, autrement dit le cours, résulte de l'ensemble des dispositions de tous les vendeurs et de tous les acheteurs.

Parmi ceux-ci, il en est qui, tout en s'estimant très heureux de pouvoir acquérir la marchandise (ou d'obtenir le service) au cours du jour, eussent été cependant disposés à la payer à un prix plus élevé. Pour ces acheteurs, la marchandise a donc une valeur plus grande que celle qui correspond à son prix réel de vente ou, comme on dit, à sa valeur d'échange, ou valeur proprement dite.

En économie politique, on donne le nom de valeur d'usage à la valeur que la marchandise (ou le service) a pour l'acheteur ou à la valeur que celui-ci lui attribue ; en d'autres termes, c'est le prix limite que celui-ci serait disposé à payer. La valeur d'usage correspond au sacrifice ultime que l'acheteur se serait imposé pour acquérir la marchandise.

Si des acheteurs s'abstiennent, c'est que pour eux la valeur d'usage de la marchandise offerte est inférieure à sa valeur d'échange.

Alors que la marchandise n'a, à un moment donné, sur le marché qu'une seule valeur d'échange, elle peut avoir autant de valeurs d'usage qu'il y a d'acheteurs en présence ; c'est dire que la valeur d'usage a un caractère essentiellement subjectif.

Tout en ne s'exprimant pas sur le marché, la valeur d'usage n'en est pas moins réelle.

En matière de chemin de fer, la valeur d'usage du transport représente l'ensemble de tous les avantages que le transport procure à celui qui en profite.

De même que l'avantage que chaque acheteur (ou chaque vendeur) retire d'une transaction est égal à la différence entre la valeur d'échange de la marchandise achetée (ou vendue) et la valeur d'usage qu'elle avait pour lui personnellement, de même, l'avantage de l'expéditeur ou du voyageur est égal à la différence entre la taxe payée pour le transport et la valeur d'usage que celui-ci représente pour l'expéditeur ou pour le voyageur.

Courbe de la demande.

Le transport n'est rien autre qu'une marchandise ; sur le marché des transports, l'exploitant de chemins de fer «vend» les services qu'il rend aux voyageurs ou aux expéditeurs. Il vend ses services à des prix variables mais qu'il n'est pas entièrement libre de fixer à son gré ; nous savons déjà qu'il existe une limite maximum et une limite minimum de la taxe.

Quand on étudie la masse des transports de poids inégaux et s'effectuant à des distances différentes, il faut commencer par les rapporter à une commune mesure : la tonne-kilomètre pour les marchandises (c'est-à-dire une tonne transportée à un kilomètre de distance), le voyageur-kilomètre pour les personnes.

La marchandise «transport» est soumise aux lois de l'économie politique, c'est-à-dire entre autres à la loi de l'offre et de la demande.

Si nous portons en abscisses les taxes, c'est-à-dire les prix auxquels les transports sont offerts au public et en ordonnées les tonnages kilométriques que l'on transporte à chacun de ces prix, nous tracerons la courbe de la demande en fonction de l'offre (fig. 30).

Fig. 30. - Courbe de la demande en fonction de l'offre.

1°) au fur et à mesure que s'élève le prix (t1,... t4...) réclamé pour le transport, c'est-à-dire la taxe, la quantité de transports demandés (q1,... q4...) décroît et, dans l'ensemble des transports, on constate qu'il en est peu qui puissent supporter une taxe élevée ;

2°) au contraire, dès que l'on abaisse les prix, la quantité de transports qui peut supporter ces prix augmente rapidement et la demande de transports croît en conséquence ;

3°) l'expérience démontre qu'à des diminutions égales de prix correspondent des différences de tonnages kilométriques de plus en plus grandes

La courbe de la demande a donc sa convexité tournée vers l'origine des coordonnées.

Elle coupe l'axe des x quelque part, en B par exemple, car à partir d'un prix donné, plus ou moins élevé selon la marchandise, le public n'a plus intérêt à la transporter. Elle coupe quelque part l'axe des y, car si même le prix du transport était nul, la quantité de transports serait néanmoins limitée.

La courbe de la demande AB représente les tonnages kilométriques totaux q1q2q3q4 d'une même marchandise qui s'effectueraient si la taxe unitaire, c'est-à-dire le prix du transport de la tonne-kilomètre, passait successivement de t1 à t2, à t3, à t4..., étant entendu qu'il n'y aurait jamais à un moment donné qu'un seul de ces prix en vigueur.

En fait, en pratique, il n'existe jamais qu'une taxe unitaire unique de transport pour une même marchandise transportée dans les mêmes conditions, mais nous verrons tout l'intérêt qu'il y a à diversifier les prix de manière à faire payer à chaque expéditeur ce qu'il serait disposé à payer ; or, pour cela, il suffit ou de varier les conditions du transport ou de taxer différemment les qualités diverses ou encore de multiplier le nombre des classes groupant des marchandises considérées comme ayant des valeurs sensiblement égales.

Le fait qu'à des diminutions égales de taxes correspondent des quantités transportées de plus en plus grandes, s'explique par les considérations suivantes :

Plus les taxes sont basses, plus nombreux sont les produits qui peuvent en profiter et plus longs sont les parcours que les produits peuvent atteindre sans que le prix du transport devienne prohibitif.

En outre, les marchandises qui ne peuvent supporter que des taxes très basses sont précisément les marchandises pondéreuses (charbons, minerais, engrais, sables, graviers, etc.) de faible valeur relative mais que l'on consomme en quantités considérables et qui, partant, fournissent un tonnage kilométrique de plus en plus élevé dès que les prix leur sont abordables.

La même loi se vérifie en matière de transport des voyageurs.

Le voyageur n'effectuera un voyage que si celui-ci ne lui coûte pas plus cher que l'avantage ou l'agrément qu'il compte en retirer. Plus la taxe unitaire est basse, plus nombreuses sont les personnes qui sont disposées à en profiter parce que :

  1. ce prix est en rapport avec leurs ressources ;
  2. dans l'ensemble de la population d'un pays, c'est la classe peu aisée qui constitue de loin la majorité.

La courbe de la demande des transports pour les voyageurs présentera donc la même allure que celle des marchandises.

Bien que la courbe de la demande soit établie dans l'hypothèse d'un prix unique accessible à tous et non de plusieurs prix existant simultanément, on peut se rendre compte de l'allure de cette courbe en se reportant au diagramme de la fig. 31 qui représente les prix moyens payés par kilomètre respectivement par les voyageurs de 1re, 2e et 3e classes sur les chemins de fer de la S.N.C.B. en 1955 (compte tenu des transports à prix réduits).

On voit combien le nombre de voyageurs-kilomètres est considérablement plus élevé en 3e classe qu'en seconde et qu'en première, le prix de la 1re classe étant prohibitif pour la grande masse des voyageurs.

Pour ne considérer que l'année 1955 (note 109), on constate que :

1°) lorsqu'on passe de la recette moyenne de la 1re classe à celle de la 2e classe, qui ne représente que 40 % du prix de la 1re classe, le trafic monte de 22 millions de voyageurs-kilomètres à 596 millions ;

Fig. 31. - Courbe de la demande pour le transport des voyageurs (1955) - dernier exercice comportant encore 3 classes.

2°) lorsqu'on passe de la recette moyenne de la 1re classe à celle de la 3e classe, qui correspond à 24 % du prix de la 1re classe, le trafic passe de 22 millions de voyageurs-kilomètres à 7.228 millions.

Si, au lieu d'avoir trois prix, nous supposions pour un instant qu'il n'en existe plus qu'un seul qui sera tantôt celui de la 3e classe, tantôt celui de la 1re classe, que va-t-il se passer ?

Dans la première hypothèse, prix de la 3e classe, nous verrons tous les voyageurs de la 1re classe et de la 2e classe venir s'ajouter à ceux de la 3e classe pour fournir un nombre considérable de voyageurs-kilomètres, nombre plus élevé que le total des voyageurs-kilomètres correspondant aux trois prix appliqués ensemble. En effet, aucun voyageur ne voit restreindre sa faculté de voyager alors que certains d'entre eux qui voyageaient d'ordinaire en deuxième et en première, seront enclins à multiplier leurs voyages par suite de la modicité des prix.

Mais si ce prix unique est celui de la première classe, ce prix sera prohibitif pour beaucoup de voyageurs de la deuxième classe et pour un nombre très élevé de voyageurs de troisième classe, de sorte qu'un grand nombre de voyages ne s'effectueront plus.

Mesure de l'utilité des transports

Cette courbe de la demande, bien que construite sur des données si simples, jouit d'une propriété importante ; elle va nous permettre, en effet, de mettre en évidence l'utilité des transports et plus spécialement l'utilité des chemins de fer. L'étude qui suit, que l'on peut comparer à un travail de prospection, montrera comment il est possible de reconnaître et d'exploiter tout le champ où peut se développer l'activité commerciale du chemin de fer.

Simplifions d'abord le problème et procédons par étapes.

Fig. 32

Considérons une marchandise quelconque que l'exploitant s'engage à transporter moyennant la taxe unique et par tonne et par kilomètre, taxe pour laquelle le transporteur estime à priori qu'il est au moins dédommagé de ses frais (fig. 32).

A cette taxe ot correspond un tonnage kilométrique tC = oq.

La recette brute encaissée par le transporteur est représentée par la taxe unitaire ot multipliée par le tonnage transporté oq, soit par le rectangle otCq = rectangle I.

Mais, parmi les expéditeurs qui profitent du prix ot, il en est qui eussent accepté de payer un prix supérieur tel que ot1, ot2, ot3 voire un prix très voisin de OB. Le tonnage oq, transporté au prix ot, comprend donc :

  1. la quantité oq3 pour laquelle, si on l'avait voulu, on aurait trouvé un ou des expéditeurs disposés à payer le prix ot3 ;
  2. la quantité q3q2 pour laquelle des expéditeurs eussent payé le prix ot2, mais non le prix ot3 ;
  3. la quantité q2q1 pour laquelle on eût payé la taxe ot1, mais non la taxe ot2 ;
  4. la quantité q1q fournie par les expéditeurs qui ne peuvent payer que le prix ot.

Tous les expéditeurs qui eussent payé un prix supérieur à ot et qui ont néanmoins effectué le transport à ce prix ont bénéficié les uns du produit tt3 x oq3 = rectangle II (note 111), les autres du produit tt2 x q3q2 = rectangle III, les autres du produit tt1 x q2q1 = rectangle IV.

Fig. 33 Fig. 34

Ces bénéfices, dont profitent les expéditeurs, sont perdus pour le transporteur, alors que si celui-ci avait pu ou voulu diversifier ses prix en faisant payer à chaque expéditeur tout ce qu'il pouvait payer sans lui faire payer d'ailleurs plus qu'il ne pouvait payer, il aurait recueilli lui-même ces bénéfices au détriment des expéditeurs.

Si, au lieu d'un nombre fini de prix ot, ot1, ot2,..., on imagine qu'il soit possible d'établir une suite indéfinie de prix, le bénéfice de l'ensemble du public en présence de la taxe unique ot, est représenté par le triangle curviligne tCB.

La surface tCB donne donc dans ce cas la mesure de l'utilité du transport par chemin de fer pour le public (fig. 33), le rectangle otCq représente la recette brute du chemin de fer et il reste toute une zone CqA qui représente ce qu'on peut appeler l'utilité perdue parce qu'elle se rapporte à des transports qA qui ne s'effectuent pas parce qu'ils ne peuvent supporter la taxe unitaire ot.

Si, au contraire, le transporteur avait fixé une taxe unitaire inférieure à ot, par exemple, ot' (fig. 34) (ot étant supposée ne plus exister), sa recette serait devenue ot'C'q' en augmentation sur la précédente de qNC'q' = rectangle I et en diminution de t'tCN = rectangle II et, au total, elle serait augmentée ou diminuée selon l'allure de la courbe de la demande AB.

Mais ce qui est certain, c'est que le bénéfice du public passerait de tCB à t'C'B, la partie NC'C allant aux clients nouveaux amenés par la baisse du tarif et apportant le trafic qq', la partie t'NCt allant aux clients anciens qui eussent transporté quand même au prix ot.

En tout cas, on voit que l'augmentation éventuelle de la recette du chemin de fer, à résulter de la taxe nouvelle réduite ot', est prélevée sur le triangle curviligne CqA qui, dans le cas de la taxe primitive, représentait l'utilité perdue.

Si cette augmentation de la recette du chemin de fer n'est qu'éventuelle, l'accroissement du bénéfice du public est certain ; il se produit, pour une part, au détriment du chemin de fer (qui peut éventuellement le récupérer) et, pour l'autre part, au détriment de l'utilité perdue.

*
* *

Dépenses.

L'exposé qui précède, s'il nous montre l'importance relative de la recette du chemin de fer, ne nous révèle rien quant aux dépenses qui en sont la contre-partie.

Première hypothèse : Prix de revient indépendant du trafic.

Pour faire apparaître les dépenses, nous supposerons d'abord - ce qui n'est pas en réalité - que le prix de revient du transport de la tonne-kilomètre (ou du voyageur-kilomètre) est indépendant du trafic. Sur la fig. 35, le prix de revient unitaire sera représenté, par exemple, par op.

Nous admettrons ensuite que le chemin de fer ne sachant distinguer, parmi sa clientèle, les personnes disposées à payer plus ou moins cher pour le même transport, établisse une taxe unique. Il ne peut d'ailleurs, aux termes de la loi, comme le transporteur libre, aller offrir ses services à un prix à un premier client et à un prix différent à un autre.

Du chef de la première hypothèse - prix de revient indépendant du trafic - le prix de revient en fonction du trafic sera représenté par une droite pH, parallèle à l'axe des quantités transportées.

Si le transport par chemin de fer était soumis aux effets de la libre concurrence, comme ce serait le cas pour un transporteur sur route, la taxe ot à réclamer pour le transport, c'est-à-dire le prix de vente du service rendu, se tiendrait - comme l'économie politique nous l'apprend - aux environs du prix de revient unitaire op et serait, par exemple, ot1. En effet, si le chemin de fer prétendait offrir ses services à un prix plus élevé, des concurrents surgiraient qui, se contentant d'un bénéfice moindre, lui enlèveraient sa clientèle en offrant des prix plus bas que le sien.

Le chemin de fer, contraint d'offrir ses services à tout venant pour le même prix, fixera une taxe unique ot par tonne-kilomètre pour le transport d'une marchandise déterminée (fig. 36) :

Fig. 35 Fig. 36
Utilité du chemin de fer dans le cas d'une taxe unique.

A ce prix ot, la quantité transportée sera tC = oq et la recette brute du chemin de fer sera, comme nous le savons, représentée par le rectangle otCq.

D'autre part, comme le prix de revient unitaire est op, la dépense afférente à la quantité transportée oq sera représentée par le rectangle opaq, ce qui fait ressortir le bénéfice de l'exploitant à la somme d'argent représentée par le rectangle paCt = rectangle I.

*
* *

Aussi longtemps qu'il n'a en vue que ses intérêts propres, l'exploitant cherchera à rendre maximum la surface du rectangle I et, pour cela, il pourra faire varier sa taxe unitaire de op à oB.

Pour une taxe égale à op, le bénéfice est nul puisque la recette est égale au prix de revient. Le bénéfice est également nul quand la taxe est égale à oB, puisqu'alors tout trafic cesse. Entre ces deux valeurs, il y en aura une otm (fig. 37) qui donnera le bénéfice maximum ; c'est celle-là que le transporteur aura intérêt à fixer.

Fig. 37

Il y en aura deux ot1, ot2 de part et d'autre de ce maximum qui procureront le même bénéfice (note 114). La plus faible ot1 donnera le trafic le plus abondant oq1 et c'est elle qui aura naturellement la plus grande utilité pour les usagers du chemin de fer. L'autre, la plus élevée ot2, ne donnant lieu qu'à un trafic moindre oq2 pour une recette nette équivalente, correspondrait mieux aux intérêts de l'exploitant.

Celui-ci aurait, en effet, un service plus simple à mêmes frais car nous nous sommes placés dans l'hypothèse d'un prix de revient qui n'augmente ni ne diminue avec le trafic.

Nous référant à ce que nous avons dit précédemment, nous voyons que, pour la taxe ot (fig. 36) :

L'utilité totale de la ligne est maximum quand le trapèze paCB est maximum, c'est-à-dire quand la taxe ot est égale au prix de revient op, puisqu'alors l'utilité perdue disparaît, mais dans ce cas le bénéfice total pHB va au public.

Lorsque la taxe a dépassé la valeur optimum otm (fig. 37) qui procure la recette nette maximum, le bénéfice de l'exploitant diminue comme celui du public et, dès lors, l'exploitant a intérêt à réduire sa taxe pour relever son bénéfice en même temps qu'il relève celui des usagers.

Il va sans dire que l'exploitant ne pourrait arriver que par tâtonnements à fixer la taxe de manière à réaliser le bénéfice maximum ; la perte qu'il éprouve peut donc être la même si sa taxe est plus ou moins élevée que otm, mais dans ce cas d'égalité de perte, il vaut cependant mieux qu'il se trompe par défaut que par excès puisque dans le premier cas, c'est à l'avantage du public.

Fig. 38
Taxe inférieure au prix de revient.

Cas de la taxe inférieure au prix de revient

Dans le cas où l'exploitant, soit par erreur, soit par incapacité industrielle ou inaptitude commerciale, soit par suite d'ordonnances gouvernementales, fixerait la taxe unitaire ot2 au-dessous du prix de revient op (fig. 38), sa perte serait représenté par le produit de la différence pt2 par le trafic correspondant à la taxe ot2, soit par le rectangle t2bdp ; l'utilité de la ligne pour le public se relèverait et serait égale au triangle curviligne t2bHB, c'est-à-dire qu'elle augmenterait de t2bHp, mais la perte du chemin de fer serait supérieure de la quantité bdH au gain réalisé par le public.

Remarquons que si c'est l'État qui exploite et si, pour favoriser les intérêts nationaux, il transporte au-dessous du prix de revient (note 116), la perte qu'il subit de ce chef est plus grande que le bénéfice réalisé par le public ; la différence bdH est une perte sèche qui ne profite à personne.

Remarque. - Lorsque la politique de l'exploitation à perte favorise réellement les intérêts nationaux, l'État peut bénéficier de certaines récupérations dans d'autres domaines, par exemple, sous la forme d'impôts qui croissent avec l'extension des affaires. Cependant, nous savons avec quelle circonspection il faut envisager la répercussion des réductions des tarifs sur la vente des produits (voir tarifs spéciaux, p. 65).

Taxes multiples

Si, au lieu d'établir une taxe unique ot, le chemin de fer fixe plusieurs prix pour le même service rendu, par exemple, pour le transport des voyageurs, en fixant un prix pour la première classe, un pour la deuxième classe, un autre pour la troisième classe, ou, pour le transport des marchandises, en diversifiant les conditions du transport (exprès, grande ou petite vitesse, wagons découverts ou wagons couverts, chargements par wagons complets ou incomplets, trains complets journaliers ou non, tonnage minimum annuel, classes nombreuses de marchandises subdivisées éventuellement en séries, etc.) et ce, tout en laissant le public libre de choisir le mode de transport qui lui convient le mieux, que va-t-il advenir :

  1. de son bénéfice ;
  2. du bénéfice du public ;
  3. de l'utilité totale du chemin de fer ?

Fig. 39
Utilité du chemin de fer dans le cas de taxes multiples.

Si ot est la taxe unitaire unique qui rend maximum le bénéfice paCt de l'exploitant (fig. 39), l'introduction d'une taxe nouvelle plus élevée ot1, appliquée simultanément avec la taxe optimum ot, aura pour résultat de procurer au chemin de fer une recette nette se décomposant comme suit :

Le bénéfice total est donc représenté par la surface paCeC1t1 en augmentation du rectangle I sur le bénéfice réalisé dans le cas de la taxe unique ot. Comme on le constate, cette augmentation est prélevée sur le bénéfice du public qui se réduit aux deux triangles t1C1B et eCC1.

Si, tout en maintenant les taxes ot et ot1 on introduisait une troisième taxe plus basse ot2, accessible aux clients qui ne peuvent acquitter les taxes ot et ot1, on obtiendrait un résultat analogue, c'est-à-dire que cette taxe procurerait au chemin de fer un bénéfice supplémentaire égal au rectangle afC2g = rectangle II, lequel serait cette fois prélevé sur l'utilité perdue. Le public verrait également son profit augmenté du triangle gC2C pris sur l'utilité perdue, celle-ci se réduisant à fHC2.

Plus les taxes sont diversifiées, plus le bénéfice du chemin de fer augmente, et, à la limite, l'exploitant accapare à son profit toute l'utilité possible, c'est-à-dire le bénéfice du public et l'utilité perdue (note 117_1), mais cette limite n'est atteinte que lorsque la taxe la plus basse est égale au prix de revient.

On remarquera que l'utilité totale de la ligne est limitée à la partie supérieure par l'horizontale q2C2 qui correspond à la taxe la plus basse appliquée ot2. Cela s'explique d'ailleurs, puisque c'est cette taxe qui limite le tonnage transporté oq2.

Des considérations qui précèdent, on peut tirer ces conclusions intéressantes (note 117_2) :

  1. qu'un relèvement de la taxe s'appliquant à tous les transports susceptibles de s'effectuer (c'est-à-dire en fixant, par exemple, une taxe unique ot1 > ot) diminuerait l'utilité du chemin de fer ;
  2. que, d'autre part, des relèvements multipliés, lorsqu'on laisse subsister les anciens prix de manière à ne pas éliminer les transports qui ne peuvent payer les prix nouveaux, ne modifient en rien l'utilité totale de la ligne, celle-ci dépendant uniquement de la taxe la plus basse, mais accroissent le bénéfice du chemin de fer au détriment du public. En définitive, l'exploitant fait alors payer à chaque unité transportée tout ce qu'elle peut payer sans lui faire payer plus qu'elle ne peut payer.

Appliquées au transport des voyageurs, les considérations qui précèdent nous amènent à conclure qu'un chemin de fer n'a d'intérêt à créer une classe supérieure que s'il peut pratiquement lui appliquer un supplément de taxe plus grand que la différence des prix de revient du transport dans la classe nouvelle et dans la classe déjà existante.

*
* *

Deuxième hypothèse : Prix de revient variable avec le trafic.

L'exposé précédent est, toutefois, basé sur l'hypothèse, non fondée, de la constance du prix de revient avec un trafic variable ; cependant, l'exploitation d'un chemin de fer se range parmi les industries qui exploitent en grand. Or, la caractéristique de celles-ci c'est que le prix de revient diminue au fur et à mesure que la production augmente, c'est-à-dire, en l'espèce, au fur et à mesure que le trafic augmente. Cependant, cette réduction ne se poursuit pas indéfiniment.

Le prix de revient total op1 de l'unité transportée (fig. 40) serait naturellement extraordinairement élevé si le trafic était infime et égal, par exemple, à oq1 puisque les frais d'établissement de la voie notamment et, en général, toutes les dépenses fondamentales ne se répartiraient que sur quelques unités.

Au fur et à mesure que les quantités transportées oq2, oq3... augmentent, les prix de revient totaux unitaires op2, op3... diminuent très rapidement. Cette diminution du prix de revient de l'unité transportée avec l'augmentation du trafic étant une constatation générale, on l'a traduite en loi : «la loi de l'utilisation des masses».

Fig. 40
Courbe du prix de revient en fonction du trafic.

Mais il arrive un moment où le trafic est suffisant pour utiliser, d'une manière très complète, le personnel, le matériel et la voie. Dès ce moment, l'augmentation du trafic entraîne l'agrandissement des installations, réclame une augmentation du matériel roulant, exige un renfort de personnel, etc., et, dès lors, pour des augmentations égales de trafic, le prix de revient total unitaire diminue de plus en plus lentement.

Bref, la courbe des prix de revient totaux unitaires en fonction des quantités transportées est asymptotique à l'axe OP des prix de revient unitaires d'une part, et, d'autre part, à l'ordonnée p'H correspondant au prix de revient total unitaire le plus avantageux possible.

Nous pouvons préciser la forme de la courbe VW (note 118).

Si p est le prix de revient total de chaque unité transportée (fig. 41), la dépense totale engagée pour transporter un tonnage kilométrique (ou un nombre de voyageurs-kilomètres) déterminé q, sera pq.

Fig. 41

Or, nous savons que cette dépense totale se compose d'une partie constante -équivalant sensiblement au péage - et d'une partie proportionnelle au trafic q ; nous pouvons donc écrire l'équation :

  pq = C + aq (I)

dans laquelle :

Le prix de revient total unitaire sera donné par l'équation :

  (II)

dans laquelle :

le terme correspondra au péage unitaire,

et le dernier terme a correspondra au prix de revient partiel unitaire, c'est-à-dire à la dépense supplémentaire à faire pour chaque unité transportée.

Fig. 42

Or, cette équation (II), que nous pouvons d'ailleurs écrire sous la forme :

(p - a) q = Cte,

représente une hyperbole équilatère ayant pour asymptotes :

Nous dirons donc que pour transporter une quantité quelconque q, il faut engager une dépense totale p x q représentée par le rectangle oqBp, qui a pour base le prix de revient total unitaire et pour hauteur la quantité transportée oq, ce rectangle se composant d'ailleurs :

1. d'une partie variable oqbp', qui représente le prix de revient partiel (op' = a) de chaque unité multiplié par la quantité transportée (oq) ;

2. d'une partie constante p'bBp, qui représente les charges permanentes C = (p - a) q, car en vertu de la propriété de l'hyperbole équilatère, le rectangle formé en abaissant d'un point quelconque B de la courbe des perpendiculaires Bb, Bp sur les deux asymptotes, a une surface constante.

Fig. 43

Pour une quantité oq2 nous aurions (flg. 43) une partie variable oq2cp' et une partie constante p'cCp2 = p'bBp.

L'intérêt de cette représentation graphique est de montrer plus clairement que, contrairement à ce qui se passe pour la dépense totale pq [équation (I)], laquelle est représentée par les surfaces op x oq ou op2 x oq2, pour le prix de revient total p, rapporté à l'unité de trafic [équation (II)], c'est la partie (op') qui correspond au prix de revient partiel a, c'est-à-dire au coût de l'unité en plus qui est constante, tandis que c'est la partie (p'p ou p'p2) qui correspond au péage qui devient la dépense variable.

Fig. 44

Montrons que le prix de revient partiel constitue bien la limite inférieure de la taxe qui peut être appliquée sans perte à une partie des transports, et pour cela, reportons-nous à la courbe VW figurant la variation du prix de revient total unitaire en fonction du trafic (fig. 43).

A un trafic oq, correspond le prix de revient unitaire total op. Si le trafic augmente et atteint la valeur oq2, le prix de revient unitaire total s'abaisse (à cause du terme ) et devient op2 ; la dépense à engager devient oq2Cp2.

Puisque la courbe VW est une hyperbole équilatère, le rectangle p'cCp2 est égal au rectangle p'bBp. Si nous retranchons de chacun de ces rectangles, le rectangle commun n° 3 (fig. 43), nous voyons que les surfaces des rectangles nos 1 et 2 sont équivalentes et il s'ensuit que (fig. 44) la surface oq2cbBp = oq2Cp2.

Fig. 45

Or, cette dernière surface oq2Cp2 est la dépense totale pour un trafic oq2. On peut donc dire que pour estimer la dépense totale due à un trafic oq2, supérieur à oq, on peut indifféremment :

Conclusion. - Puisque la dépense supplémentaire occasionnée par un trafic venant s'ajouter à un trafic préexistant s'établit sur la base du prix de revient partiel et non sur la base du prix de revient total, le prix de revient partiel constitue bien la limite minimum de la taxe à réclamer pour ce trafic nouveau.

Fig. 46

Remarque. - Les figures 45 et 46 montrent que si l'on considère les points extrêmes de la courbe VW du prix de revient en fonction du trafic, on peut dire qu'à la limite :

1°) Quand on ne transporte que de très petites quantités oq (fig. 45), c'est la partie constante (rectangle I) qui joue le rôle prédominant vis-à-vis de la dépense variable (rectangle II).

Le prix de revient total op s'obtient, à la limite, sensiblement en divisant les dépenses permanentes (rectangle I) par le tonnage transporté oq, le prix de revient partiel op' n'y ajoute qu'une somme négligeable.

2°) Au contraire, lorsqu'on transporte de très grandes quantités (fig. 46), c'est la partie constante des dépenses (rectangle I) qui devient négligeable, le prix de revient total op ne s'écarte plus guère du prix de revient partiel op'.

En fait, cependant, le trafic n'atteint jamais une importance telle que le prix de revient total ne diffère plus sensiblement du prix de revient partiel, et ce, par suite de l'importance des charges permanentes pour les voies ferrées.

Des considérations qui précèdent nous pouvons encore déduire que le chemin de fer est fait pour transporter en masse, on peut dire qu'il n'existe pas en petit. Il a besoin de beaucoup de transports pour assurer sa rentabilité ; le système de tarif «ad valorem» répond à cette nécessité (page 33, § 2).

Par ailleurs, la concurrence efficace des autres moyens de transport, en réduisant le volume de son trafic, le touche dans ses œuvres vives.

*
* *

Maintenant que nous connaissons la courbe réelle du prix de revient, nous sommes en mesure de préciser l'utilité des transports par chemin de fer.

Cette utilité se traduit par la somme des bénéfices réalisés par le public et par le chemin de fer.

Nous envisageons toujours le cas d'une seule ligne de chemin de fer sur laquelle sont concentrés tous les transports afin de réduire le prix de revient au minimum. Ce qui nous permet au surplus d'admettre, pour faciliter l'exposé, que le prix de revient partiel est constant pour chaque tonne transportée à un kilomètre de distance ou pour chaque voyageur-kilomètre.

1°) Cas de la taxe unique.

Traçons sur le même diagramme (fig. 47) la courbe du trafic AB en fonction de l'offre (c'est-à-dire en fonction des taxes) et la courbe des prix de revient totaux unitaires VW en fonction du trafic.

Nous savons que celle-ci est une hyperbole équilatère ; elle coupera généralement la courbe de la demande en deux points N et M.

Supposons que l'exploitant établisse une taxe ot unique pour tous les transports.

La quantité transportée à ce prix sera donnée par l'ordonnée correspondante de la courbe de la demande tC = oq.

Le prix de revient total unitaire sera op1, donné par l'intersection b de l'horizontale Cq avec la courbe VW (note 123).

Fig. 47
Cas de la taxe unique

AB = Courbe de la demande en fonction de l’offre
VW = Courbe des prix de revient unitaires totaux en fonction du trafic
ot = Taxe unique
op1 = Prix de revient unitaire total
op’ = Prix de revient unitaire partiel
Rectangle I = Dépenses proportionnelles au trafic
Rectangle II = Dépenses permanentes
Rectangles I + II + III = Recette
Rectangle III = Bénéfice du chemin de fer
Triangle IV = Bénéfice du public
Surfaces III + IV = Utilité totale du chemin de fer
Triangle V = Utilité perdue

Le prix de revient partiel unitaire sera op', donné par l'intersection avec l'axe des prix de l'asymptote p'H à la courbe VW des prix de revient totaux.

Il s'ensuit que :

Quand il agira en toute liberté, le chemin de fer ne choisira jamais des taxes égales à om et à on, car, pour celles-ci, le rectangle III s'annulant, son bénéfice disparaît. Son but sera de réaliser le bénéfice le plus grand possible, c'est-à-dire de rendre maximum le rectangle III.

Remarquons que, comme nN représente le trafic maximum que l'exploitant puisse effectuer sans perte et d'ailleurs sans gain, on voit qu'il n'est pas toujours exact de dire que le chemin de fer a intérêt à effectuer la quantité maximum de transports, puisque le bénéfice maximum (rectangle III maximum) ne se réalise que pour un trafic inférieur au trafic maximum nN.

2°) Taxes diverses.

Le cas qui précède se rapporte à l'hypothèse d'une taxe unique, mais le chemin de fer est libre de diversifier ses prix (voir page 108).

Dans ce cas, les limites N et M ne joueront plus (note 124).

Ayant d'abord établi la taxe ot de manière à rendre le rectangle III maximum, comme nous l'avons vu, admettons que (fig. 48), tout en conservant la taxe ot, l'exploitant fixe :

1°) une nouvelle taxe ot2 > ot.

Les transports susceptibles de supporter cette taxe se limiteront à oq2, la taxe ot ne s'appliquant plus qu'à la quantité q2q qui ne peut payer la taxe ot2 ;

2°) une seconde taxe ot3 < ot, inférieure au prix de revient total op" du trafic oq3, taxe particulièrement basse et même de très peu supérieure au prix de revient partiel op'.

A cette taxe ot3 s'effectueront tous les transports qq3 qui ne peuvent supporter les taxes ot et ot2.

Dans ces conditions, le bénéfice du chemin de fer pbCt, égal au rectangle III, sera augmenté des gains représentés par les rectangles VI et VII.

La chose apparaît comme évidente pour le rectangle VI (note 125_1), mais il en va encore de même pour le rectangle VII. En effet :

Fig. 48

Recette = oq2 x ot2 + q2q ot + qq3 x ot3 = oq3C3hCdC2t2
Dépense = oqbp + qq3fa
Bénéfice = rectangles VII + III + VI.

Il s'ensuit que le bénéfice net est égal à :

oq3C3hCdC2t2 - (oqbp + qq3fa) = rectangles III + VI + VII (note 125_2).

Le rectangle VII est donc bien un bénéfice pour le chemin de fer, bien que le transport ait lieu à une taxe inférieure au prix de revient unitaire total op" du trafic oq3 et il en est ainsi parce que cette taxe est supérieure au prix de revient partiel (op').

Comme on le voit, l'adoption des trois taxes ot, ot2, ot3, au lieu de la taxe unique, a eu les effets suivants :

  1. le bénéfice du public était BtC ; il diminue du rectangle VI qui passe au chemin de fer, mais le bénéfice du public s'accroît de ChC3 pris sur l'utilité perdue, laquelle se réduit à feC3 ;
  2. si le bénéfice du chemin de fer s'accroît du rectangle VI prélevé sur le profit du public, il augmente en outre du rectangle VII pris sur l'utilité perdue.

En résumé, par la diversification des taxes, le chemin de fer change à son profit une partie du bénéfice du public, mais il réduit en outre l'utilité perdue tant à son avantage qu'à celui du public, ce qui vaut infiniment mieux.

Conclusions. - Il y a intérêt à multiplier les taxes unitaires ; c'est le moyen de réaliser les bénéfices maxima. Ceci justifie la politique tarifaire des chemins de fer belges qui ont multiplié les classes et sous-classes (séries) ainsi que les tarifs spéciaux.

Mais, pour faire rendre au chemin de fer son maximum d'utilité totale, la taxe la plus basse doit se rapprocher du prix de revient partiel.

Remarque. - Si le chemin de fer diversifiait ses taxes à l'infini, il pourrait réaliser à son profit toute l'utilité perdue, en même temps qu'il accaparerait tout le bénéfice du public.

On n'a pas à craindre de voir une telle hypothèse se réaliser parce que, quel que soit son flair commercial ou son appréciation intuitive, il n'est pas possible à l'exploitant d'établir ses taxes avec une précision telle qu'il réussisse à faire payer à chaque transport tout ce qu'il peut payer et rien de plus qu'il ne peut payer.

Alors même qu'il y parviendrait, la multiplicité de ces taxes unitaires compliquerait à outrance son service, son prix de revient se relèverait, réduisant du même coup son bénéfice.

Enfin, quand l'entreprise est concédée à une société, le pouvoir concédant a toujours la faculté de limiter les taxes en nombre et en valeur.

Une grande diversification des taxes peut s'obtenir par l'augmentation du nombre des classes dans lesquelles on range les marchandises, par des conditions d'expédition variées quant au tonnage, au matériel, à la vitesse, à la fréquence des transports, etc.

La réponse à la question de savoir où il faut s'arrêter dans cette voie est donnée par le degré de complication que l'on est disposé à admettre dans l'exécution du service.

*
* *

Cas particulier : les courbes AB et VW ne se coupent pas.

Il se pourrait que la courbe des prix de revient totaux unitaires VW ne coupât pas la courbe de la demande AB.

Cela supposerait d'abord un trafic très faible puisque nous savons que le prix de revient diminue rapidement avec le trafic.

1°) Taxe unique.

Dans ce cas, on aurait beau chercher à établir une taxe unique en vue de réaliser une recette capable de couvrir la dépense totale, on n'y parviendrait pas.

Effectivement, une taxe unitaire unique quelconque ot (fig. 49), comprise entre op' et OB ne donnerait lieu qu'au trafic oq et, partant, la recette serait limitée à otCq.

Fig. 49
Cas de la taxe unique.

D'autre part, le prix de revient unitaire total s'élèverait à od (note 127_1) et, dès lors, ce trafic nécessiterait une dépense totale représentée par oqDd laissant, comme bilan final, le déficit représenté par le rectangle I (note 127_2).

Pour que le prix de revient total ne devienne pas supérieur à ot, il faudrait atteindre le trafic oq'.

La perte serait encore bien plus grande si le trafic se partageait entre plusieurs lignes. Chacune de celles-ci ne desservirait qu'un trafic très inférieur à oq = tC auquel correspondrait naturellement un prix de revient unitaire total bien supérieur à od.

Pour desservir un trafic si peu important qu'il donne lieu à un prix de revient total si élevé, il est évidemment peu probable qu'on établisse plusieurs lignes ferrées. Le cas peut cependant se présenter parce qu'on a pu se tromper lors de la détermination du trafic probable des lignes à construire, soit aussi parce que des bouleversements importants dans les conditions économiques ont modifié les courants de trafic, soit enfin parce qu'il peut se faire qu'un gouvernement, désirant assurer certaines relations, consente systématiquement un sacrifice.

Dans ces conditions, le chemin de fer étant construit, il n'est plus possible d'en retirer le capital ; l'exploitation continue donc, l'essentiel étant alors de s'efforcer de réduire la perte au minimum.

2°) Taxes multiples.

Il est cependant intéressant de remarquer qu'en diversifiant les taxes en faisant payer à chaque transport tout ce qu'il peut payer sans lui faire payer d'ailleurs plus qu'il ne peut payer, il est possible de réduire la perte, voire de l'annuler.

Fig. 50
Cas des taxes multiples

Supposons que le trafic total soit limité à oq tonnes-kilomètres (fig. 50) ; la dépense correspondante sera oqDd, la recette otCq et la perte tCDd.

Si nous appliquons aux diverses catégories de transports des taxes différentes :

la dépense totale est toujours oqDd, la quantité totale transportée n'ayant pas changé ; mais la recette qui était otCq est devenue :

oq3 x ot3 + q3q2 x ot2 + q2q1 x ot1 + q1q x ot.

A la limite, cette recette est égale à oqCeB.

On voit que la recette supplémentaire obtenue est tCeB ; elle se compose des deux parties tCed et deB.

La partie tCed couvre une grande partie du déficit représenté par le rectangle tCDd ; il ne s'en faut que du triangle CDe pour que ce déficit soit comblé. Or, ce triangle CDe peut être compensé par la recette supplémentaire deB.

En d'autres termes, si les surfaces hachées de part et d'autre de l'ordonnée Dd (fig. 51) sont égales, la perte sera nulle.

Fig. 51

A la limite, avec des prix diversifiés à l'infini, il suffit pour annuler la perte que les triangles curvilignes CDe et deB soient égaux.

En conclusion, nous voyons qu'un chemin de fer, desservant un trafic très faible et exploité à perte avec une taxe unique, peut parvenir à couvrir ses frais avec des taxes variées.

*
* *

De tout ce qui précède, ressort aussi à l'évidence :

  1. qu'il est rationnel d'appliquer des taxes différentes à des transports dont les prix de revient sont cependant égaux ;
  2. que les taxes peuvent être inférieures au prix de revient total moyen des transports (obtenu en majorant leur prix de revient partiel d'une quote-part des charges permanentes supposées également réparties entre tous les transports) ;
  3. qu'il suffit que les taxes dépassent le prix de revient partiel et que la somme des excédents soit suffisante pour couvrir les charges permanentes ;
  4. qu'il y a un intérêt considérable à donner de l'élasticité aux tarifs en diversifiant les taxes.

CHAPITRE V
Problèmes tarifaires

I

Une Administration de chemins de fer a-t-elle intérêt à effectuer elle-même le transport de certains de ses approvisionnements (ballast, bois, charbon, etc.) ou a-t-elle avantage à les confier à d'autres voies de communication (eau, chemin de fer vicinal, route) dont les tarifs seraient inférieurs aux siens ?

Ce serait mal poser le problème que de se borner à comparer les prix des tarifs officiels de part et d'autre, tarifs que, simplement pour fixer les idées, nous estimerons à :

Le problème se résume aux deux questions suivantes :

  1. Quelle est la dépense que l'Administration aurait réellement à supporter si elle effectuait elle-même le transport des approvisionnements en question ?
  2. Quelle dépense supprimerait-elle en confiant ceux-ci à la route, au canal ou au chemin de fer vicinal ?

Si le tarif officiel du chemin de fer est de 20 fr. par tonne, ce prix comprend :

  1. Les frais directs au montant de 8 fr. par tonne, par exemple, frais que l'Administration économiserait indubitablement si elle remettait ses transports à une autre voie.
  2. Les charges financières et les frais généraux d'exploitation, qui correspondent, par exemple, à 10 fr. par tonne.
  3. Le reste de la taxe constitue le bénéfice, soit 2 fr. par tonne.

Les charges financières et frais généraux d'exploitation ne seraient augmentés en aucune manière ou seulement dans une très faible mesure si l'Administration se chargeait de ces transports-là.

La remise de ces transports à une autre voie de communication ne diminuerait en rien ses charges financières et ne réduirait ses frais généraux que dans une mesure insignifiante.

De ces considérations, il apparaît clairement que :

Aussi longtemps que les frais directs (en l'espèce 8 fr.) resteront inférieurs au prix fait par l'autre voie (14 fr.), l'Administration aura intérêt à effectuer elle-même le transport de ses approvisionnements et cela, bien que son tarif officiel (20 fr.) soit supérieur à celui de la voie concurrente (14 fr.).

Si l'on se plaçait du seul point de vue de l'économie nationale, c'est-à-dire de ce que l'on a appelé la «Société Anonyme Belgique», ce serait une erreur de dire que les transports envisagés devraient aller au mode de transport dont le prix de revient, toutes charges comprises, serait le plus bas. En effet, la «Société Anonyme Belgique», qui possède les divers moyens de transport (note 131), en supporte les charges permanentes et elle les supporte intégralement pour chacun d'eux quel que soit le mode de transport choisi.

Dès lors, à ne considérer que l'économie générale du pays, et toutes choses égales, il apparaît que c'est au mode de transport dont les frais directs sont le plus bas que devraient aller les transports envisagés.

Elargissons la question et demandons-nous ce qu'il adviendrait du prix de revient si l'on créait un moyen de transport nouveau, alors que les moyens de transport existants ne sont pas encore à saturation.

Pour tout transport confié à la voie nouvelle et qui aurait pu être assuré par l'une ou l'autre des voies existantes, les charges permanentes de ces dernières continueront néanmoins à courir ; il s'ensuit que le prix de revient des transports sur la voie nouvelle devra comprendre non seulement les frais directs, mais encore les charges permanentes de cette voie, en d'autres termes, les frais totaux (toutes charges comprises).

Tandis que, si la voie nouvelle n'est pas construite, la «Société Anonyme Belgique» n'aura à supporter en plus que les seuls frais directs de la voie existante à laquelle le transport aura été confié.

II

1°) Baisse de trafic.

En cas de baisse du trafic, les charges financières ne diminuent pas, même les frais directs ne diminuent pas proportionnellement à la chute du trafic.

La réduction des frais directs est toujours «en retard» parce que les trains de voyageurs ou de marchandises commencent d'abord par être moins bien utilisés, la suppression de trains ne vient qu'ensuite.

Dès lors, les réductions de personnel et de matières de consommation ne suivent qu'avec un certain décalage et, même, seuls les agents recrutés à titre précaire peuvent être licenciés.

III

2°) Augmentation passagère de trafic.

Du point de vue pratique, il y a intérêt à éviter, si on le peut, les augmentations passagères de trafic au delà du plafond normal permis par les installations existantes (voies et matériel).

Ces augmentations passagères exigent des immobilisations nouvelles en installations et en matériel ; les charges financières qui en dérivent se maintiendront peut-être pendant des années avant qu'une augmentation permanente du trafic permette de mettre complètement à fruit ces immobilisations.

On peut en déduire que c'est quelquefois se leurrer que de chercher à accaparer par des tarifs spéciaux réduits un trafic important mais instable.

IV

Les tarifs spéciaux de concurrence dans leur rapport avec le prix de revient.

Dans le cas où le chemin de fer n'a pas de concurrent, la taxe normale s'établit de la même manière indiquée fig. 52 ; cette taxe couvre le prix de revient moyen (prix de revient partiel majoré des charges permanentes) et assure à l'exploitant un certain bénéfice. Le chemin de fer applique donc son tarif normal ot.

Le niveau des tarifs spéciaux de concurrence doit être déterminé dans chaque cas particulier d'après les possibilités que les clients ont de recourir à moindres frais aux services d'un transporteur concurrent ou d'assurer eux-mêmes leurs transports avec leur propre matériel.

1°) En présence de la concurrence, comment se pose le problème de la création des tarifs spéciaux ?

Nous savons que la taxe du chemin de fer doit couvrir au moins le prix de revient partiel (frais directs) et, si possible, laisser un excédent qui doit concourir à l'apurement des charges permanentes (charges financières et frais généraux).

Si un entrepreneur de transport n'exige du client que la taxe ot1 (fig. 53) alors que la taxe normale du chemin de fer est ot, le transport sera perdu pour celui-ci. Mais l'expérience a montré que, très souvent, en raison des avantages particuliers offerts par le transport par chemin de fer, le client viendra néanmoins chez lui si sa taxe ne dépasse pas de 10 % environ celle de l'entrepreneur, soit ot'1.

Dans ce cas, le prix de revient partiel oa1 du chemin de fer sera couvert et il restera un excédent a1t'1 pour concourir au payement des charges permanentes.

2°) En présence d'un industriel ou d'un commerçant qui possède ses propres camions automobiles, la taxe du chemin de fer devra s'aligner avec le prix de revient ot2 de l'industriel en question (fig. 54).

3°) Lorsque c'est la voie d'eau qui entre en concurrence avec un fret égal à ot3, le chemin de fer devra abaisser sa taxe à ot3 plus 10 % = ot'3 (fig. 55).

Fig. 52 Fig. 53 Fig. 54 Fig. 55 Fig. 56 Fig. 57

4°) Dans le cas où un industriel peut éviter le recours au chemin de fer en transportant sa marchandise sur ses propres wagons en empruntant son raccordement industriel qui relie un centre de production ou d'extraction à un centre de transformation, le chemin de fer ne pourra espérer conserver le transport qu'à la condition (fig. 56) que sa taxe ne dépasse pas le prix de revient ot4 de l'industriel.

5°) Enfin, il en serait de même dans le cas où l'industriel pourrait faire usage d'un chemin de fer aérien (fig. 57), la taxe du chemin de fer ne pourrait dépasser le prix de revient ot5 de l'industriel.

Conclusion. - A des clients pouvant présenter au chemin de fer le même tonnage kilométrique de la même marchandise, dans la même période de temps, le chemin de fer peut équitablement offrir des taxes de transport différentes ot'1, ot2, ot'3, ot4, ot5 si les conditions de la concurrence se présentent différemment.

Remarque. - Chaque fois qu'un mode de transport concurrent offre à la clientèle une taxe inférieure au prix de revient partiel OA (flg. 52), le chemin de fer doit renoncer à ce transport puisque, pour l'obtenir, il devrait consentir, sur sa taxe normale Ot, une réduction telle que la rémunération qui lui resterait ne couvrirait même pas les frais directs, c'est-à-dire la dépense spéciale occasionnée par ce transport.


CHAPITRE VI
La psychologie du cheminot

Pour réussir, il ne suffit pas à un exploitant de chemin de fer de posséder des notions approfondies d'exploitation commerciale. Il faut encore qu'il soit pénétré de la nécessité de traiter les voyageurs et les expéditeurs comme des clients qu'il désire voir revenir.

Trop souvent le cheminot est convaincu qu'il détient une parcelle de la puissance publique et, à l'occasion, il est tenté de le faire sentir aux voyageurs et aux expéditeurs.

Aujourd'hui pourtant l'uniforme du cheminot n'est plus le signe extérieur d'une fonction publique, mais bien la tenue commerciale d'une firme «Transports publics».

Le temps n'est plus où le chef de gare pouvait attendre le client sur le pas de la porte, sûr qu'il ne lui échapperait pas ! A l'heure actuelle, le voyageur et l'expéditeur sont vivement sollicités par des entrepreneurs de transports concurrents.

Par l'examen des statistiques du trafic, le cheminot, aux aguets, se rend compte de ce que des trafics anciens lui échappent et de ce que des trafics nouveaux vont les uns à la route et les autres à la voie d'eau.

Après s'être enquis des causes de ces fuites, le cheminot suggère à ses chefs les mesures propres à les récupérer : modifications dans le service des trains, prise et remise à domicile, manutention plus délicate des marchandises, transport de porte à porte par «containers», modifications aux heures de desserte des raccordements industriels, mesures tarifaires appropriées étant entendu que les considérations exposées au chapitre précédent à propos des «problèmes tarifaires» ne seront pas perdues de vue.

Le vrai cheminot s'identifie d'une manière si intime avec l'entreprise qu'il sert, que tout insuccès est ressenti par lui comme un échec personnel.

Après avoir conquis un client, le cheminot avise aux moyens de le retenir.

Comment un négociant procède-t-il pour attirer la clientèle et comment s'y prend-il pour la conserver ?

Habilement, le commerçant cherche à gagner la faveur des clients par des attentions et amabilités de toutes sortes ; il les reçoit avec des égards, les reconduit jusqu'à la porte, leur présente des excuses quand une erreur est commise, quand une marchandise est livrée avec retard ou n'est pas conforme à la commande. Le commerçant va voir ses clients à domicile et leur fait des offres.

Le cheminot, lui aussi, doit penser et agir commercialement, posséder les qualités du commerçant, c'est-à-dire : politesse, empire sur soi-même, prévenance, manières aimables, langage courtois, entregent, psychologie, exécution stricte des promesses, honnêteté absolue en affaires, connaissance du métier, connaissance des besoins du public.

Enfin, pour le client, le paiement de la taxe de transport est toujours une opération pénible ; le cheminot doit la lui adoucir en acceptant son argent avec amabilité et en ne négligeant jamais de l'en remercier.


CHAPITRE VII
Gestion financière d'un chemin de fer

Généralités.

Dans l'exposé qui va suivre, nous n'envisageons pas le cas spécial delà S.N.C.B. dont l'exploitation est régie par un statut particulier ; non, nous considérons le cas le plus général d'un chemin de fer quelconque exploité par une Société privée ou exploité par l'État.

Même lorsqu'il est exploité par l'État, il est indispensable que le chemin de fer jouisse de l'autonomie financière de manière que sa situation financière soit en tout temps clairement établie, tout comme cela se passe dans le cas de l'exploitation par une Société privée.

Dans de telles conditions,

En Belgique, jusqu'à la création de la S.N.C.B., le budget des chemins de fer était confondu avec le budget général de l'État ; les charges des capitaux immobilisés pour le chemin de fer étaient noyées dans les intérêts de la dette de l'État. Chaque fois que le chemin de fer clôturait un exercice par un boni, celui-ci restait dans les caisses du Trésor public ; s'il soldait par un déficit, la caisse de l'État le comblait.

Le fait que le budget du chemin de fer était confondu avec le budget général de l'État avait pour l'exploitant des effets désastreux.

En effet, lorsque le Ministre des finances éprouvait quelque difficulté à équilibrer son budget - et n'est-ce pas toujours le cas - il refusait tout ou partie des crédits sollicités par son collègue des chemins de fer. Il s'ensuivait que des travaux d'agrandissement de gares, d'extension de lignes, d'aménagements d'ateliers reconnus nécessaires ou encore des achats indispensables de matériel étaient reportés à des temps plus favorables. Et ainsi, de décalage en décalage, l'outillage du réseau restait parfois au-dessous de ce qu'aurait exigé le développement du trafic ; le chemin de fer vivait alors d'expédients jusqu'au jour où les crises de transport se déclaraient, faisant ressortir à l'évidence les défauts du système (crises ferroviaires de 1907 et de 1913).

Ces circonstances, si peu favorables à une exploitation saine et rationnelle, justifiaient l'établissement de l'autonomie financière si souvent réclamée pour les chemins de fer de l'État belge et enfin réalisée par la loi du 23 juillet 1926 créant la S.N.C.B.

L'autonomie financière doit se compléter par l'autonomie administrative, de manière à donner à l'exploitation des chemins de fer de l'Etat les caractères d'une entreprise industrielle gérée en dehors de toute influence politique et de toute ingérence gouvernementale.

*
* *

Pour donner à la gestion financière de tout chemin de fer la clarté et la stabilité nécessaires, il faut créer de nombreux comptes distincts ; nous dirons quelques mots des plus importants.

1. Compte de premier établissement.

Le capital fourni par les actionnaires et les obligataires (élément de passif) est investi partiellement ou totalement dans les immobilisations, c'est-à-dire dans les terrains, installations, matériel, en un mot dans tout ce qui constitue le premier établissement (élément d'actif).

Une partie du capital peut aussi être affectée au fonds de roulement.

A ce compte de premier établissement, on portera ultérieurement toute extension (terrains, installations, matériel, matières) de nature à accroître la valeur intrinsèque du réseau (note 138_1).

Le chemin de fer sert, en tout premier lieu, à ses créanciers obligataires l'intérêt fixe prévu ; il paie ensuite à ses actionnaires un dividende variable qui dépend des bénéfices de l'exercice ; en cas de perte, les actionnaires ne reçoivent rien (note 138_2).

Si l'insuffisance des recettes ne permettait pas de payer l'intérêt aux obligataires, la Société concessionnaire pourrait, aux termes de la loi, être déclarée en faillite. Toutefois, l'assemblée générale des obligataires peut décider :

2. Compte d'exploitation.

Au compte d'exploitation sont inscrites :

Les dépenses de renouvellement sont également des dépenses d'exploitation, mais, en vue de les normaliser et pour éviter les à-coups, on peut, comme c'est le cas à la S.N.C.B., créer un fonds spécial (fonds de renouvellement) alimenté, en ordre principal, par un prélèvement fixe, à charge du compte d'exploitation. Le montant de ce compte de renouvellement correspond aux dépenses théoriques normales qui devraient être faites annuellement si ces dépenses s'effectuaient normalement.

3. Amortissements.

Deux espèces d'amortissements sont à considérer :

1°) L'amortissement industriel - Fonds de renouvellement.

Toute entreprise doit pratiquer l'amortissement industriel qui, seul, lui permet de reconstituer le capital nécessaire pour renouveler en temps utile les installations sujettes à usure : les bâtiments, le matériel et l'outillage.

Seuls les terrains ne doivent pas être amortis.

C'est par la constitution d'un fonds spécial, le fonds de renouvellement des installations et du matériel, qu'on réalise le mieux cet amortissement. Ce fonds est alimenté d'une façon régulière et continue par des prélèvements annuels sur les recettes de l'exploitation.

Ces prélèvements sont calculés de manière à représenter l'amortissement industriel normal des voies, du matériel, de l'outillage, des bâtiments et des ouvrages d'art. Ils sont donc d'autant plus importants que l'usure de l'installation considérée est plus rapide.

Exemples. - On estime à quarante ans environ la durée d'un wagon ordinaire. En escomptant une récupération en mitrailles de 7 % du prix du wagon, l'amortissement industriel ne portera plus que sur les 93 %. de ce prix. La somme à verser annuellement au fonds de renouvellement sera donc de du prix d'achat.

Par contre, pour un moteur électrique, on tablera sur une usure beaucoup plus rapide, dix ans par exemple, ce qui donne, après déduction faite des matières récupérables (10 %), un versement annuel au fonds de renouvellement de du prix d'achat.

Après versement de ces annuités respectivement pendant quarante ans et pendant dix ans, on trouvera disponible dans le fonds de renouvellement le capital nécessaire pour acheter un nouveau wagon et un nouveau moteur électrique.

Remarquons encore que le taux d'amortissement pour un même matériau pourra varier selon les conditions d'emploi. Ainsi, la vie d'un rail en voie principale sera estimée à 30 ans mais à 50 ans en voie accessoire, d'où des taux respectifs d'amortissement de 3,3 % et de 2 % (abstraction faite de la valeur mitraille).

Il importe que la durée de vie du matériel soit estimée avec précision car :

Dans les périodes de stabilité des prix, on peut, comme indiqué ci-dessus, appliquer ces coefficients aux prix d'achat, mais dans les périodes de fluctuations économiques du genre de celles que nous avons connues depuis la guerre de 1914-1918, les dotations au fonds de renouvellement doivent être basées, non pas sur le prix d'achat, mais sur le prix probable de remplacement.

Dans le cas où une machine qui a coûté 1 million de frs, par exemple, est remplacée par une ou plusieurs machines qui coûtent 1 1/2 million, mais pour lesquelles on escompte un rendement supérieur,

L'on ne saurait trop insister sur ce que les travaux de renouvellement, qu'il s'agisse du matériel, de la voie ou de tous autres travaux constituent une charge de l'exploitation, en d'autres termes, ils doivent être payés par les recettes du trafic.

Remarquons que le fonds de renouvellement peut être placé à intérêts composés, ce qui permet de réduire d'autant la dotation de renouvellement (note 141_1).

2°) L'amortissement financier.

L'amortissement financier doit être pratiqué par l'industriel qui a emprunté de l'argent pour édifier son installation (terrain, bâtiments, matériel, outillage). Par cet amortissement, l'industriel reconstitue le capital qu'il a emprunté et devient ainsi propriétaire de son établissement. On dit parfois que pratiquer l'amortissement financier en outre de l'amortissement industriel, c'est s'enrichir progressivement des capitaux empruntés. C'est exact bien sûr, mais cependant normal, sinon l'emprunteur conserve une dette perpétuelle.

Pour un chemin de fer, dans quel cas cette reconstitution du capital est-elle nécessaire ?

Deux cas sont à envisager : le chemin de fer appartient à une Société qui l'exploite, le chemin de fer appartient à l'État et est exploité par lui.

A. Exploitation par une Société.

a) L'amortissement du capital est indispensable quand il s'agit de concessions temporaires. Pourquoi ? Parce que, à l'expiration de la concession, le chemin de fer devient la propriété du domaine public. A l'époque où le chemin de fer passe des mains des concessionnaires dans celles de l'Etat, les concessionnaires ne gardent rien de leur entreprise (note 141_2).

Avant que s'opère la cession à l'Etat, ces compagnies doivent disposer des moyens nécessaires au remboursement des capitaux investis dans la concession par les actionnaires et les obligataires ; sinon, ceux-ci, pris individuellement, auraient en fait placé leur argent à fonds perdus (note 142_1).

b) Les Compagnies qui exploitaient les chemins de fer anglais avant leur nationalisation bénéficiaient de concessions perpétuelles et ne pratiquaient pas l'amortissement financier. Ces Compagnies ne se préoccupaient pas de reconstituer leur capital qui était transformé mais non détruit.

B. Exploitation par l'État.

Dans le cas d'un chemin de fer appartenant à l'État et exploité par lui, le Gouvernement construit pour lui-même ; il transforme son argent en une valeur dont il ne sera jamais dépossédé. Le capital dépensé est le prix d'acquisition d'une propriété nationale. Dès lors, pourquoi l'Etat doit-il se rembourser lui-même ?

Sans doute, le Gouvernement doit éteindre sa dette, mais il ne peut le faire que dans la mesure où ses revenus y suffisent. Tous les Gouvernements traînent derrière eux une dette considérable dont ils servent les intérêts, intérêts dont il leur arrive d'ailleurs de réduire le taux par des conversions plus ou moins forcées.

Néanmoins, la loi du 1er mai 1835 (art. 5) avait imposé aux chemins de fer de l'Etat belge l'obligation d'amortir leur dette, c'est-à-dire les capitaux qui ont été dépensés pour leur établissement.

4. Fonds des pensions.

L'organisation des pensions du personnel doit reposer sur des bases scientifiques.

Les pensions peuvent être constituées par l'un ou l'autre des deux régimes actuariels suivants : la capitalisation ou la répartition.

1°) Système de la capitalisation.

Théoriquement, c'est le système le plus recommandable ; malheureusement, les dévaluations successives de la monnaie ont troublé profondément le fonctionnement des fonds.

Les agents sont soumis à des retenues sur leur traitement ou salaire. Ces retenues, versées au fonds des pensions, sont calculées de telle manière que, par leur capitalisation (note 142_2), elles permettent d'accorder aux agents, dans les délais prévus, le montant des pensions stipulé par les statuts.

Ce sont ces réserves ainsi constituées que, dans le langage des actuaires, on appelle «les réserves mathématiques».

Elles résultent, en effet, de calculs basés, d'une part, sur le jeu normal de l'intérêt de l'argent et, d'autre part, sur les lois de la mortalité (tables de mortalité).

On suppute la durée de vie probable des agents et l'on détermine :

  1. le nombre d'années pendant lesquelles l'agent contribuera par les retenues sur son salaire à alimenter régulièrement le fonds des pensions ;
  2. le nombre d'agents qui mourront avant l'âge normal de la retraite ;
  3. le nombre de ceux qui tomberont prématurément à charge de la Caisse des pensions par suite de maladie ou d'invalidité ;
  4. le nombre de ceux qui, restant en vie après l'âge de la retraite, émargeront à la Caisse des pensions ;
  5. le nombre d'années pendant lesquelles ils toucheront leur pension.

On devine qu'il faudra recourir au «calcul des probabilités».

Les effectifs d'agents sont d'ailleurs tels que l'on peut obtenir une application normale de la «loi des grands nombres» (note 143_1).

Tout cela étant, on détermine le taux des retenues à faire pour que, après capitalisation, ces retenues constituent un «fonds des pensions» permettant de servir annuellement aux ayants-droit les taux des pensions prévues.

2°) Système de la répartition.

Ce système consiste à payer les pensions à charge du compte d'exploitation ; c'est le régime de la S.N.C.B. (note 143_2).

Néanmoins, comme les Statuts du Personnel prévoient un fonds des pensions, la S.N.C.B. verse à ce fonds des subsides égaux au montant des pensions payées aux agents retraités.

Quant aux pensions payées aux veuves et orphelins, la S.N.C.B. verse au fonds des pensions la différence entre le montant des pensions payées et le montant des retenues, c'est-à-dire qu'elle supplée à l'insuffisance des retenues. En somme, dans ce système, le fonds des pensions, épuisé chaque année, est réalimenté annuellement.

5. Fonds d'assurance.

Pour les cas d'accidents graves, d'incendies importants ou d'autres sinistres, les chemins de fer de quelque importance sont généralement leur propre assureur. La raison en est que l'étendue des installations est telle que les sinistres n'affectent jamais qu'une partie très limitée de l'ensemble du réseau.

Néanmoins, pour éviter qu'un exercice déterminé ne soit affecté trop durement à la suite de décaissements importants occasionnés par des sinistres étendus ou multiples, on peut créer un fonds d'assistance alimenté régulièrement par des prélèvements annuels sur les recettes d'exploitation, par exemple x % des recettes brutes, ou encore une dotation correspondant à la moyenne des dépenses occasionnées par les sinistres des dix dernières années. C'est alors dans ce fonds que l'on puise pour faire face aux dépenses en question.

En août 1948, la S.N.C.B. a créé un fonds d'assurance.

6. Fonds de réserve.

Le fonds de réserve est destiné à parer aux malis du compte annuel.

Il est alimenté par un prélèvement annuel sur les recettes brutes de l'exploitation, par exemple 2 1/2 %.

Le produit du placement de son propre avoir est également porté à son crédit.

Pour ne pas donner à ce fonds plus d'importance qu'il n'est nécessaire, on peut décider que l'on surseoira à tout nouveau prélèvement sur les recettes brutes lorsque le fonds de réserve atteindra 20 % par exemple de la recette brute moyenne des cinq dernières années.

7. Prévisions budgétaires.

Dans les derniers mois d'un exercice en cours, l'exploitant établit des prévisions de recettes et de dépenses pour l'exercice suivant.

A. Recettes probables.

Les recettes sont le produit du trafic par les taxes prévues aux tarifs.

a) Trafic probable.

Les statistiques des divers éléments du trafic de l'exercice en cours et celles des exercices antérieurs, traduites en diagrammes, éclairent l'exploitant sur la tendance du développement du trafic : augmentation, stagnation ou régression.

Elles montrent encore quel a été le pourcentage annuel de la variation (positif ou négatif).

A moins de modifications importantes de l'économie générale, l'exploitant peut, par extrapolation, supputer le trafic probable de l'exercice à venir.

Le prolongement hypothétique des courbes du trafic est éventuellement corrigé par les données fournies par un examen parallèle des courbes traduisant les statistiques économiques : développement de l'industrie, de l'agriculture, du commerce, mouvement de la navigation maritime et fluviale, trafic routier, etc.

b) Tarifs.

Les résultats financiers entrevus pour l'exercice en cours diront si les tarifs du moment pourront être maintenus pour l'exercice suivant, s'ils pourront être réduits ou s'ils devront être majorés.

Il faudra alors examiner sur quels tarifs porteront les modifications et, s'il s'agit de majorations, quel relèvement pourra leur être appliqué sans nuire au développement du trafic.

Le produit du trafic escompté par les tarifs possibles donnera l'ordre de grandeur de la recette probable.

B. Dépenses probables.

Pour déterminer les dépenses d'exploitation de l'exercice prochain, on rectifiera les divers postes de dépenses de l'exercice en cours en fonction du trafic probable de l'exercice à venir et compte tenu des modifications prévues dans les dépenses en personnel (rémunération, effectifs) ainsi que des dépenses en matières (prix et consommations).

Mais pour obtenir les dépenses totales, il faudra encore porter en compte :

  1. les charges des pensions et les charges sociales ;
  2. les charges de capital, c'est-à-dire les intérêts et l'amortissement des capitaux investis dans les immobilisations ;
  3. les prélèvements à faire à charge du compte d'exploitation pour alimenter :
    1. le fonds de renouvellement (amortissement industriel),
    2. le fonds des pensions,
    3. le fonds d'assurance,
    4. le fonds de réserve.

C. Résultats financiers.

En soustrayant les dépenses totales prévues de la recette totale escomptée, on aura une indication assez exacte des résultats financiers de l'exercice à venir.

Si le bilan laisse un boni, il sera possible de distribuer un dividende aux actionnaires.

Si le bilan se solde en perte, il faudra aviser aux mesures à prendre pour redresser la situation : réduction des dépenses d'abord, puis, éventuellement, augmentation des tarifs.

Soulignons qu'aux Etats-Unis, bien plus qu'en Europe, les chemins de fer s'attachent constamment à réaliser leur équilibre financier. Travaillant sous le régime de l'entreprise privée, ils conservent une grande souplesse dans leurs dépenses qui sont fonction des variations de leurs recettes.

Toute l'industrie américaine des chemins de fer s'inspire du principe qu'on ne saurait laisser aucune mesure technique, aussi souhaitable qu'elle soit, s'opposer à la réalisation d'économies qu'impose la situation financière.

D. L'équilibre financier de l'exercice à venir

Supposé réalisé, il ne sera jamais qu'un équilibre instable.

Il dépendra :

  1. des charges de capital ; or, les charges financières sont incompressibles par nature. C'est d'ailleurs pour cette dernière raison qu'il y a le plus grand intérêt à réduire au strict nécessaire le montant des capitaux investis dans le réseau. Une dépense en capital, une fois engagée, ne peut plus être retirée ;
  2. du prix de revient dont la compression a aussi ses limites. Ce prix de revient sera fonction :
    1. du taux des salaires et des traitements (note 146_1),
    2. du nombre d'agents,
    3. du prix des matières de consommation (note 146_2),
    4. de l'organisation des services,
    5. de la rationalisation plus ou moins poussée des transports ;
  3. du prix de vente, c'est-à-dire du taux des tarifs ;
  4. du chiffre d'affaires, c'est-à-dire du volume du trafic.

Or, celui-ci est la résultante de l'ensemble des échanges commerciaux (commerce intérieur, importation, exportation, transit).

Cependant, ces échanges dépendront eux-mêmes dans une mesure déterminée des tarifs.

Le volume du trafic dépend, par ailleurs, de la plus ou moins grande efficacité de la concurrence de la route et de la voie d'eau.

Contrôle budgétaire.

Il est essentiel que les prévisions de dépenses et de recettes fassent l'objet d'un contrôle attentif et continu, en ce sens qu'il faut au fur et à mesure s'assurer de la concordance des dépenses et recettes réelles avec celles qui ont été prévues.

A cette fin, les prévisions annuelles sont transformées en prévisions mensuelles. Le rapprochement des résultats avec les prévisions est fertile en renseignements de tous genres, il décèle les abus éventuels, les erreurs dans les prévisions, il permet de réduire la marge de surprises difficilement évitables autrement.


CHAPITRE VIII
prix de revient

A propos de prix de revient, nous avons déjà été amené à parler du prix de revient général moyen et du prix de revient partiel (pages 112, 118, 120) ; nous aurons encore à considérer le prix de revient industriel et le prix de revient marginal.

I. - Prix de revient général moyen

Le prix de revient général moyen s'obtient en considérant toutes les dépenses occasionnées (note 147_1) par tous les transports effectués sur tout le réseau pendant un exercice entier et en divisant ces dépenses totales par la somme des unités de trafic, c'est-à-dire par la somme des voyageurs-kilomètres et des tonnes-kilomètres.

La détermination du prix de revient général moyen de la tonne-kilomètre ou du voyageur-kilomètre peut être envisagée dans le but :

  1. d'étudier les variations dans le temps du prix de revient d'un réseau déterminé ;
  2. de comparer les prix de revient de transports de même nature effectués sur des réseaux différents, à la condition que les éléments statistiques, qui servent de base à la détermination de ces prix, soient établis de la même manière et que la ventilation des dépenses non directement imputables soit faite suivant la même méthode ;
  3. de comparer la dépense moyenne du transport d'une tonne-kilomètre en petite vitesse (P.V.) ou en grande vitesse (G.V.) ou d'un voyageur-kilomètre à la recette moyenne correspondante pour en déduire l'ordre de grandeur du bénéfice ou du déficit laissé par chaque catégorie de transport.

II. - Prix de revient industrie!

Le prix de revient industriel s'applique à un transport dont on connaît toutes les «caractéristiques», c'est-à-dire au transport d'une marchandise déterminée entre deux points donnés par un itinéraire fixé et dans des conditions de remorque précises (note 147_2).

Tout prix de revient industriel doit comprendre non seulement :

mais encore

Le prix de revient industriel d'un train comprendra donc essentiellement :

  1. la rémunération (primes comprises) du personnel de remorque (mécanicien, chauffeur), du personnel de conduite (chef-garde et gardes) ;
  2. les frais dits d'expédition (voir page 48) correspondant aux envois qui composent le train, ainsi que les frais d'escale dans les gares de triage ;
  3. les frais supplémentaires provoqués éventuellement par le prolongement des prestations du personnel sédentaire ;
  4. la dépense en combustible, carburant, courant électrique, eau, huile, sable, compte tenu du profil de la ligne à parcourir et de la charge à transporter ;
  5. les frais normaux d'entretien et de réparation du matériel de traction et de transport rapportés, par exemple, au kilomètre de parcours ;
  6. les dépenses éventuelles d'éclairage et de chauffage (fourgon des trains de marchandises, matériel des trains de voyageurs) ;
  7. les charges permanentes (frais généraux et charges financières). Si, pour l'exercice en cours, ces charges permanentes représentent x % des dépenses proprement dites d'exploitation, c'est de x % que sera majoré le total des postes ci-dessus. Enfin, selon que ces charges permanentes seront connues annuellement ou mensuellement, leur pourcentage à imputer au prix de revient industriel sera le pourcentage donné par le service de la comptabilité pour l'année précédente ou pour le mois précédent.

Le prix de revient du train envisagé étant ainsi déterminé, le prix de revient de l'unité de trafic (tonne-kilomètre ou voyageur-kilomètre) s'obtiendra en divisant le prix de revient du train par le produit du parcours considéré par la charge utile réelle de ce train

Le prix de revient industriel ne se confond pas avec le prix de revient moyen, bien que celui-ci comprenne également sa part des charges permanentes, parce que le prix de revient moyen s'applique à tous les transports réunis effectués pendant un exercice sur tout le réseau, alors que le prix de revient industriel s'applique (comme le prix de revient partiel) au trafic spécial envisagé, c'est-à-dire à une marchandise déterminée circulant entre deux points donnés par un itinéraire fixé et dans des conditions de remorque précises.

La détermination du prix de revient industriel permet :

  1. de mesurer l'intérêt pécuniaire que l'on peut avoir à assurer un trafic nouveau ou à conserver sur tout ou partie de son réseau un trafic concurrencé (note 149_1) ;
  2. de déterminer si tel trafic doit, du point de vue économique et abstraction faite des possibilités d'exploitation (note 149_2), être acheminé par telle ligne plutôt que par telle autre ;
  3. de fixer le prix à réclamer habituellement pour les trains spéciaux ;
  4. de se renseigner sur l'utilisation des trains existants, car un prix de revient anormalement élevé peut être l'indice d'une utilisation insuffisante ;
  5. d'obtenir une indication quant à la gradation des prix à appliquer aux diverses catégories de transports (G.V., P.V., trains de marchandises complets, trains de plaisir, de pèlerinage, d'ouvriers, trains spéciaux, etc.).

III.- Prix de revient partiel

Le prix de revient partiel s'applique à un transport déterminé circulant sur une ligne donnée et venant se superposer aux transports existants sans exiger de charges permanentes nouvelles ; c'est en quelque sorte un prix de revient industriel dépouillé des charges permanentes.

La détermination du prix de revient partiel (coût de la tonne-kilomètre en plus ou du voyageur-kilomètre en plus) peut servir :

  1. à fixer la réduction limite que l'on peut consentir par un tarif spécial applicable à des transports déterminés dans des conditions données (marchandises ou voyageurs) ;
  2. à faire connaître la réduction de dépenses produite par la suppression d'un train (les charges permanentes subsistent) ;
  3. à déterminer le prix de la tonne-kilomètre ou du voyageur-kilomètre d'un train nouveau circulant entre un endroit donné A et un autre endroit B ou bien du prolongement jusqu'en E d'un train circulant entre C et D ou encore du renforcement d'un train sur un parcours déterminé ;
  4. à fixer le prix minimum à réclamer pour un train spécial occasionnel.

Il s'agit en l'espèce de déterminer le prix de revient de la tonne-kilomètre supplémentaire ou du voyageur-kilomètre en plus, c'est-à-dire d'un transport venant s'ajouter à des transports préexistants ; le problème revient à estimer la dépense supplémentaire occasionnée spécialement par ce transport-là, abstraction faite de toutes les autres dépenses qui courront, que ce transport se fasse ou qu'il ne se fasse pas.

En fait, dans ce cas, on escompte l'utilisation plus complète des installations et du matériel existants, voire du personnel présent. Les seules dépenses à prendre en considération seront celles relatives aux matières consommées ; on y ajoutera éventuellement la part de main-d'œuvre requise spécialement pour le transport envisagé. Si, par exemple, le personnel roulant et sédentaire coopérant au transport existe et serait resté inoccupé dans le cas où le transport n'aurait pas eu lieu, il n'y aurait pas de dépenses de main-d'œuvre à engager dans le prix de revient partiel. Ce cas pourra être plus ou moins fréquent pour le personnel sédentaire, mais il sera plus rare pour le personnel roulant s'il s'agit d'un trafic permanent et à long parcours.

L'itinéraire du transport étant fixé, le profil de la voie et les conditions de remorque sont connus.

Entreront, dès lors, en ligne de compte dans le prix de revient partiel :

  1. la dépense en combustible, carburant, courant électrique, huile, eau, sable ;
  2. les frais normaux d'entretien et de réparation du matériel de traction et de transport du même type rapportés, par exemple, au kilomètre de parcours ;
  3. les frais éventuels d'éclairage et de chauffage ; éventuellement, la rémunération partielle ou totale du personnel de remorque et de conduite ;
  4. les prestations supplémentaires éventuelles du personnel sédentaire.

Le prix de revient partiel du train ainsi déterminé, le prix de l'unité (tonne-kilo-mètre ou voyageur-kilomètre) s'obtiendra en divisant le prix de revient du train par le produit du parcours considéré par la charge utile moyenne des trains circulant habituellement sur la ligne considérée :

Remarque. - Le prix de revient partiel ainsi calculé sera toujours le prix de revient minimum minimorum. Aussi ne faudrait-il pas s'abuser et superposer à l'infini sur le trafic existant des tonnes et des voyageurs supplémentaires calculés sur la base du prix de revient partiel.

Dès que ces trafics supplémentaires successifs acquièrent ensemble un certain volume ou se répètent fréquemment ou durent assez longtemps, ils exigent, à la longue, l'établissement de voies nouvelles dans les gares, la pose de voies d'évitement et de croisement le long de la ligne, voire la mise à double voie ou à quadruple voie, le renfort du personnel roulant et du personnel sédentaire des gares et des ateliers, l'augmentation du parc des locomotives, des voitures et des wagons, l'agrandissement des ateliers et dépôts.

A propos du prix de revient partiel :

Si nous quittons un instant le domaine des chemins de fer pour aborder celui des entreprises industrielles, nous pourrons dire d'une manière plus générale :

Lorsqu'un industriel fonde une entreprise, il a supputé une production de base pour laquelle il a fixé la «dimension» de son entreprise ; par «dimension», nous entendons l'ensemble des moyens de production.

Si la production réelle est égale à la production de base, l'entreprise doit garantir à tout le moins l'équilibre budgétaire auquel s'ajoute un bénéfice raisonnable.

Si la production effectivement réalisée est supérieure à celle de base sans arriver à une valeur telle qu'elle détermine la saturation de la dimension de l'entreprise, la différence entre la production effective réalisée et celle de base représente la production supplémentaire et son prix de revient unitaire moyen constitue en l'occurrence son prix de revient partiel.

*
* *

Remarque. - Le problème du voyageur de Bruxelles à Ostende.

Au moment où un train pour Ostende va quitter Bruxelles-Midi, un voyageur se présente pour prendre ce train.

1°) Supposons qu'il reste quelques places assises inoccupées dans le train. En l'occurrence, le poids du voyageur (± 80 kg), rapporté au poids du train (± 400.000 kg, locomotive comprise), est infime (1/5.000).

On peut donc dire que le prix de revient partiel du transport de ce voyageur en plus, c'est-à-dire les dépenses supplémentaires qu'il cause, se réduisent à très peu de choses : une pelletée de combustible, quelques KWH. L'économiste soucieux d'aller au fond des choses pourra comptabiliser l'usure de la banquette.

2°) Si quelques autres voyageurs se présentent après lui et s'il reste quelques places assises disponibles, il en sera de même pour ceux-ci.

3°) Mais voilà toutes les places occupées ! S'il se présente à ce moment un voyageur supplémentaire, il faudra, théoriquement tout au moins, ajouter une voiture et du coup, le transport du voyageur supplémentaire pourra coûter un millier de francs.

4°) Si l'affluence devient telle qu'elle nécessite la mise en marche d'un train supplémentaire, le coût du transport du voyageur qui déclenchera la mise en marche de ce deuxième train pourra ressortir à quelque dix mille francs.

On le voit, la théorie du prix de revient partiel a ses limites.

C'est ici qu'apparaît la notion du prix de revient marginal.

IV. - Prix de revient marginal

L'expression «marginale» est employée avec des significations très différentes.

En économie politique, l'adjectif marginal qualifie une entreprise qui se trouve à la limite (au bord, à la marge) à partir de laquelle l'exécution du travail n'est plus rentable.

Exemple. - Un charbonnage marginal est une entreprise qui ne réalise des bénéfices que lorsque les circonstances sont particulièrement favorables, mais qui est condamnée en temps normal, et plus encore dans les périodes de dépression, à devenir déficitaire.

Qu'est ce que le coût marginal ou prix de revient marginal ?

En quoi se distingue-t-il du prix de revient partiel ? (note 152).

Considérons le cas simple d'une usine de chaussures qui ne fabriquerait qu'un seul modèle de chaussures.

Les dépenses totales que supporte ce fabriquant sont :

les charges financières, les matières premières (cuir, fil,...) main-d'œuvre, charges sociales, énergie, entretien, amortissement des machines et des bâtiments, frais généraux (traitement du Directeur) bureau comptable, publicité, assurances, impôts, etc.

Le prix de revient total moyen d'une paire de chaussures est égal au quotient des dépensas totales par le nombre de paires de chaussures fabriquées pendant une période déterminée, un an par exemple.

Si, simplement pour fixer les idées,

Quant au prix de vente, il sera de 500 frs plus le bénéfice du fabricant, 75 frs par exemple = 575 frs.

Cependant, supposons que l'équipement de cette usine soit tel qu'elle puisse fabriquer par an 1.000 paires en plus, sans devoir installer de nouvelles machines et sans augmenter ses frais généraux, les dépenses occasionnées par la fabrication de ces 1.000 paires ne concernent que les matières premières (cuir, fil,...) ; la main-d'œuvre, l'usure des machines, les autres dépenses (charges financières, frais généraux, comptabilité, publicité,...) n'augmenteront pas.

Si les dépenses supplémentaires sont de 300.000 frs, le prix de revient partiel de la paire de chaussures sera de

prix de revient partiel = 300.000 frs : 1.000 P = 300 frs.

C'est le quotient des dépenses supplémentaires par la production supplémentaire.

En résumé, dans le calcul du prix de revient partiel n'interviennent que les dépenses variables ou proportionnelles à la production. Les autres dépenses sont des dépenses fixes.

Si la conjoncture économique du moment ne permettait au fabricant de vendre ses chaussures qu'à un prix inférieur à 500 frs (prix de revient total), il aurait néanmoins encore intérêt à les vendre à un prix qui resterait supérieur au prix de revient partiel (300 frs).

En effet, s'il les vend, par exemple, 400 frs la paire, ce prix couvrira les dépenses variables, ce qui permettra à son usine de continuer à tourner et il lui restera 400 frs - 300 frs = 100 frs par paire vendue pour couvrir une partie de ses dépenses fixes.

Naturellement, son prix de vente ne pourra jamais descendre au-dessous du prix de revient partiel (300 frs), car alors il perdrait sur chaque paire de chaussures.

*
* *

Ces notions se compliquent dès que l'industriel fabrique plusieurs produits différents (par exemple plusieurs modèles de chaussures). Sans doute, il est encore possible de calculer le prix de revient partiel de chacun de ces produits mais pour calculer le prix de revient total, il faut répartir les dépenses fixes entre les différentes catégories de produits, or cette répartition présente de nombreuses difficultés et est toujours discutable.

Si l'on considère le chemin de fer, on constate que celui-ci vend des millions de produits différents car chaque transport peut être assimilé à un produit. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que l'on peut faire le calcul du prix de revient total ou du prix de revient partiel particulier. On conçoit qu'il serait malaisé de calculer ces prix pour chaque transport en particulier. Aussi se borne-t-on souvent à calculer les prix moyens se rapportant à des transports d'une même grande catégorie ; par exemple, on calcule les prix de revient moyens du kilomètre-train rapide de voyageurs, du kilomètre-autorail, de la tonne-kilomètre-brute remorquée, du voyageur-kilomètre de 1er ou de 2e classe, de la tonne-kilomètre d'une catégorie de marchandises taxées à un tarif spécial, etc.

*
* *

Venons-en au prix de revient marginal.

Supposons que les qualités des chaussures de notre fabricant soient particulièrement appréciées sur le marché, l'usine prospère et sa production augmente très sérieusement.

Il arrivera cependant un jour où l'équipement de l'usine se révélera insuffisant. Dès ce moment, il faudra acheter de nouvelles machines, augmenter les effectifs du bureau comptable, du personnel de direction, peut-être construire de nouveaux bâtiments... et nous constatons que les dépenses dénommées fixes deviennent variables à leur tour. Il en sera ainsi à partir du moment où l'usine aura atteint son plein emploi.

Si nous considérons deux stades d'équipement de l'usine et si nous supposons que pour chacun de ces deux stades l'usine a une production qui correspond à son plein emploi, le coût marginal s'exprime par le quotient :

Exemple. - 1er stade. Si le plein emploi de l'usine correspond à une production de 120.000 paires de chaussures (au lieu des 100.000 paires considérées en premier lieu) et à une dépense totale de 56 millions. A ce moment,

(Rappelons que le prix de revient partiel pour une production supplémentaire de 1.000 paires était de 300 frs, mais ce prix de revient partiel n'est à considérer que si la production de l'usine n'a pas encore atteint le plein emploi).

2me stade. - Si, après l'augmentation de l'équipement et des dépenses fixes correspondantes, le plein emploi est réalisé pour une production de 160.000 paires de chaussures et pour une dépense totale de 72 millions, à ce moment,

En d'autres termes, en économie mathématique, on dira :

lorsque la production de l'usine varie infiniment peu tout en supposant qu'elle reste en état de plein emploi, c'est-à-dire en supposant que l'équipement et les installations sont adaptées instantanément à la production, le coût marginal pm est égal au quotient de la variation de la dépense totale D par la variation de la production P, c'est-à-dire à la dérivée première de la dépense totale par rapport à la production

Fig. 58. - Prix de revient marginal.

Cette définition suppose que l'usine est constamment en état de plein emploi, c'est-à-dire que ses moyens sont constamment adaptés à la production.

Cette condition laisse pressentir le caractère théorique du coût marginal et les difficultés très grandes qu'on rencontre pour le calculer.

Pour conclure, la définition ci-après formulée par l'U.I.C. (fiche 375) apparaît dans sa concision comme étant la meilleure.

Le prix de revient marginal, c'est le prix de revient du trafic supplémentaire, dans la limite de capacité des installations existantes, pour les Administrations qui seraient, par ailleurs, en ce qui concerne le personnel et le matériel, en situation de plein emploi.

Remarques.

  1. L'exemple ci-dessus montre que le coût marginal est plus élevé que le prix de revient partiel. La raison en est que le prix de revient partiel ne fait intervenir que les dépenses variables, tandis que le coût marginal fait intervenir en outre certaines dépenses appelées fixes.
  2. Dans la détermination des prix de vente, c'est le coût marginal qui est la limite inférieure au-dessous de laquelle il ne faut en aucun cas baisser le prix de vente, rôle que nous avions assigné auparavant au prix de revient partiel.

Adaptation des dépenses à la production. - Dépenses immédiatement éludables. - Dépenses lentement éludables. - Dépenses inéludables.

Théoriquement, une entreprise parfaite serait celle dans laquelle les facteurs de production seraient rigoureusement et continûment adaptés à la production elle-même.

Par définition, le coût marginal suppose que l'usine est constamment en état de plein emploi. Mais lorsque la production varie, les dépenses ne peuvent pas être toutes adaptées instantanément à la production.

En effet, lorsque la production décroît, certaines dépenses dites immédiatement éludables (matières premières, main-d'œuvre recrutée à titre temporaire) peuvent être réduites immédiatement dans la même proportion, mais des dépenses dites lentement éludables, (outillage, main-d'œuvre contractuelle) ne peuvent disparaître qu'au bout d'un certain temps.

Il y a encore certaines dépenses qui sont inéludables et ne peuvent disparaître (charges financières, terrains).

*
* *

Coût marginal de progression, coût marginal de régression.

Il résulte de ce qui précède que le coût marginal de progression (cas d'une usine dont la production augmente constamment) sera différent du coût marginal de régression (cas d'une usine dont la production diminue).

La théorie montre :

En cas de régression rapide, les dépenses lentement éludables n'ont pas le temps de décroître, c'est pourquoi, dans ce cas, le coût marginal se confond avec le prix de revient partiel. Ces dépenses sont en effet disponibles pour une production supplémentaire éventuelle.

Lorsque le chemin de fer est en période de sous-emploi, c'est le coût marginal de régression qu'il convient d'utiliser pour le calcul des tarifs, c'est sur lui qu'a été fondée la réforme française des tarifs du 17 mars 1947. Remarquons que dans cette réforme, la S.N.C.F. vise à substituer la considération du coût marginal particulier à celle du coût marginal moyen.

Quand les tarifs sont établis d'après le coût marginal, les recettes ne couvrent que partiellement les dépenses, les tarifs confèrent alors le maximum d'utilité pour la collectivité mais laissent un déficit d'exploitation.

Remarque. - Dans le cas de production de marchandises différentes, le calcul du coût marginal de chacune de ces marchandises rencontre des difficultés analogues à celles signalées pour le calcul du prix de revient total (page 153), puisqu'il nécessite une répartition des dépenses fixes entre les différentes espèces de marchandises. Le cas du chemin de fer est à cet égard particulièrement difficile.

*
* *

Puisqu'il existe plusieurs espèces de coûts marginaux (de régression, de progression), quel choix ferons-nous en matière de chemin de fer ?

La question qui se pose en l'occurrence est celle de savoir si les chemins de fer sont :

  1. en plein emploi ou non,
  2. s'ils sont en progression ou en régression ?

En général, par suite des progrès dans le domaine de la technique pure et dans celui de l'organisation, on peut dire que, à l'heure actuelle, les chemins de fer sont plutôt en période de sous-emploi (note 157).

La concurrence des autres moyens de transport a, en général, stoppé l'accroissement du trafic des marchandises et, sur certains réseaux, celui-ci est même en régression.

En conclusion, à l'heure actuelle, on peut penser que, dans les pays de l'ouest de l'Europe, le chemin de fer est en état de sous-emploi et que, en matière de prix de revient, c'est le coût marginal de régression qu'il faut envisager.

Il n'en est pas de même dans les pays sous-développés.

V. - Graphique de la rentabilité. - Point critique.

Portons en abscisse la production d'une entreprise pendant une période déterminée, par exemple pendant un an et portons en ordonnée les dépenses afférentes à cette production.

Nous savons que les dépenses se classent en deux catégories principales : les frais variables et les frais fixes.

1°) Les frais variables comprennent les dépenses directes de production, c'est-à-dire les matières premières, les salaires, les consommations d'énergie, de lubrifiants, les frais commerciaux, etc.

On peut admettre que les frais variables sont proportionnels aux quantités produites bien qu'en réalité ce ne soit pas toujours le cas. Représentons la somme de ces frais variables par l'ordonnée AD, fig. 59.

2°) Les frais fixes comprennent les charges d'intérêts et d'amortissement, les loyers, les traitements du personnel supérieur qui devrait être maintenu en fonction, même dans le cas où l'entreprise serait fort peu occupée ou même temporairement fermée. Il s'agit, en effet, de retrouver ce personnel si les affaires s'améliorent.

Fig. 59
Graphique de la rentabilité.

Les frais fixes sont représentés par une parallèle GE à la ligne des frais variables OD.

La somme des frais variables et des frais fixes nous donne le prix de revient de la production GE.

Si nous ajoutons à l'ordonnée AE du prix de revient, le bénéfice EF réalisé au moment où la production est maximum, nous obtenons le prix de vente AF des produits fabriqués.

En reliant le point F à l'origine 0, la diagonale OF représentera la production de l'entreprise aux différents moments de son activité.

Cette diagonale OF coupe la ligne du prix de revient en un point IV qui est le point critique. Il marque, en effet, le moment où la production passe du rendement négatif au rendement positif, en d'autres termes, le moment où l'activité de l'entreprise n'étant pas suffisante (production de 0 à M), l'entreprise travaille à perte.

Si nous divisons la base du diagramme par 10, par exemple, nous obtiendrons 10 états d'activité, numérotons-le de 0,1 à 1, le chiffre 1 correspondra au plein emploi de l'entreprise et l'origine 0 coïncidera avec une activité nulle, c'est-à-dire à la fermeture de l'affaire.

VI. - Calcul du prix de revient général moyen du transport du voyageur-kilomètre et de la tonne-kilomètre

Dans l'édition précédente (1950), nous avons donné un exemple de calcul de ces prix de revient pour l'exercice 1945 ; ce calcul était basé sur ce que nous appelions «la méthode classique». Aujourd'hui ce mode de calcul est dépassé.

A l'heure actuelle, en effet, la majorité des grands réseaux européens (note 159) adoptent les méthodes recommandées par l'Union Internationale des Chemins de fer (U.I.C.) dans des fiches traitant du calcul du prix de revient.

La fiche de base est la fiche 374 ; elle est complétée par d'autres fiches 375, 376, etc. qui traitent en particulier de catégories déterminées de trafic : voyageurs, marchandises par charges complètes, marchandises par charges incomplètes (colis et marchandises de détail), marchandises transportées par grands containers.

Ces fiches sont revisées d'après l'expérience acquise par les différents réseaux. C'est ainsi que la dernière publication de la fiche 374 est du 1er janvier 1956.

Notons que cette fiche traite :

Les méthodes de calcul qui y sont présentées ont reçu l'agrément de la Commission Economique pour l'Europe (C.E.E.) du Conseil Economique et Social des Nations-Unies.

Si l'on considère que l'ensemble de ces fiches comporte plusieurs centaines de pages, on comprendra qu'il n'est pas possible de les incorporer dans un cours universitaire, et ce, d'autant moins que c'est le détail extrêmement poussé du calcul qui lui donne toute sa valeur. Bornons-nous à en dégager quelques grands principes.

Pour calculer les prix de revient, on part des «dépenses réelles» d'un exercice ; de ce fait la méthode peut être dénommée «méthode de répartition des dépenses réelles» pour la distinguer de la «méthode des prix standards» (note 160).

Le terme «dépenses réelles» ne doit pas être compris dans un sens restrictif parce qu'il est possible, avant d'effectuer les calculs, de corriger certaines dépenses d'un exercice pour éliminer «des facteurs de distorsion» que pourrait comporter la comptabilité de cet exercice, par exemple : des dépenses anormales d'entretien, une variation des salaires pour une partie seulement de l'année, un amortissement insuffisant, etc.

Chaque dépense est examinée séparément et répartie :

Cette répartition peut se faire soit :

La fiche 374 indique (pages 27 à 66) les règles de répartition à utiliser tant pour les charges financières que pour les charges d'exploitation.

Lorsque, pour une même dépense, plusieurs règles sont possibles, elles sont classées par ordre de préférence pour l'exactitude à laquelle elles conduisent.

On obtient ensuite les dépenses d'un trafic déterminé, par exemple, celui des voyageurs par trains à vapeur en regroupant la part correspondante des dépenses réparties ci-dessus.

Ce regroupement se fait suivant un certain nombre de grandes rubriques telles que :

L'U.I.C. a ainsi retenu 25 grandes rubriques, qu'elle considère comme les éléments constitutifs des prix de revient (Annexe 5, pages 75 et suivantes de la fiche 374).

Par ailleurs, en vue d'établir des règles communes pour les taux d'amortissements, l'U.I.C. fixe, entre deux limites assez rapprochées, la durée de vie probable :

  1. du matériel moteur et du matériel de transport,
  2. des installations fixes (annexe 8, page 109).

    Pour le choix de ces 25 rubriques, on s'est inspiré principalement des deux considérations suivantes :

Par exemple : on a réuni en une seule rubrique les dépenses de dispatching, d'entretien et de desserte de signalisation et de télécommunication, et de renouvellement des installations nécessaires, parce que ces dépenses peuvent être considérées comme une fonction du nombre de trains. Si ce dernier reste constant pendant que la charge en tonnes des trains venait à varier, la dépense au train-kilomètre restera cependant constante.

*
* *

Les prix de revient obtenus ainsi sont des prix de revient moyens généraux. Ceux-ci présentent certes un intérêt puisqu'ils permettent la comparaison des résultats d'exploitation d'exercices successifs. Mais pour les besoins des réseaux, il est cependant nécessaire de pousser les calculs plus loin.

Si l'on considère, par exemple, le trafic des marchandises par charges complètes et si l'on obtient un prix moyen à la tonne-kilomètre transportée de 0,75 fr, ce prix ne correspond qu'au cas moyen.

Or, il est certain que le coût à la tonne-kilomètre d'un transport d'une charge de 18 tonnes expédiée en wagon fermé à 120 km sera différent de celui de 200 tonnes transportées à 200 km en wagons ouverts.

Les fiches U.I.C. - 375 et suivantes - indiquent les méthodes à appliquer pour obtenir les prix de revient pour des conditions de transport variables, dont les principales sont les suivantes :

On obtient ainsi des prix au voyageur transporté, ou à la tonne transportée généralement donnés par des formules de la forme

P = a + b . k dans lesquelles

*
* *

L'indexage. - Indices de variation. - Coefficient de bouclage.

Les calculs conduisant aux prix de revient moyens généraux sont longs et laborieux. Ils exigent pour un exercice déterminé une quantité considérable de données comptables et statistiques. Il s'ensuit que les résultats d'un exercice ne sont connus qu'après un délai relativement long.

L'U.I.C. a prévu dès lors une méthode dite «d'indexage» qui permet, en partant des résultats d'un exercice connu et complètement calculé, d'obtenir rapidement les prix de revient d'un autre exercice, ou les prévisions pour un exercice à venir, ceci pour autant que les conditions d'exploitation ne soient pas fondamentalement bouleversées ou que les différences de trafic entre les deux exercices ne soient pas trop considérables.

Cette méthode est indiquée à l'Annexe 10 (page 117) de la fiche 374. Elle est basée sur «les indices de variation» des salaires, du prix du combustible ou de l'énergie électrique, des matières, etc.

Elle conduit à des prix probables.

Ces prix sont ensuite ajustés par un «coefficient de bouclage», afin de donner la garantie que l'ensemble des dépenses ainsi calculées reproduit le total de la dépense du nouvel exercice.

Les travaux de l'U.I.C. ont abouti à la conclusion que cette méthode est la seule qui conduit rapidement à des résultats exacts, à 2 ou 3 % près.

*
* *

La S.N.C.B. a calculé par ces méthodes ses prix de revient, chaque année, depuis 1947. Nous donnons ci-après quelques résultats relatifs à l'exercice 1955.

Exercice
1955
Trafic
Voyageurs Marchandises
Voyageurs Bagages Charges incomplètes
(messageries et colis de détail)
Charges complètes Ensemble
Unités de trafic voyageurs-km tonnes tonnes-km tonnes-km tonnes-km
quantités (en millions) 7.846 0,008 60,4 6.539 6.599,4
Prix de revient moyen général à l’unité trafic
(en frs)
0,705 5,625 20,95 0,75 0,93

1°) Formule du prix de revient d'un voyageur ordinaire de 2e classe, transporté par trains à traction vapeur (en frs)

P = 1,47 + 0,74 k.

2°) Formule du prix de revient d'une expédition de 20 tonnes chargée sur un wagon ouvert appartenant à un réseau de chemin de fer ; en francs, à la tonne

P = 22,82 + 0,86 k

P' = 21,06 + 0,86 k

P" = 14,01 + 0,86 k

Rappelons que dans les formules ci-dessus k est la distance de transport, exprimée en km.

L'application de ces formules est aisée. Ainsi, dans le cas de l'expédition de 20 t en service intérieur, pour une distance de transport de 120 km, le prix à la tonne sera :

P = 22,82 + 0,86 x 120 = 126,02 Frs

soit à la tonne-km 126,02 : 120 = 1,05 Frs.

*
* *

Enfin, à titre d'exemple, nous donnons ci-après la décomposition du prix de revient moyen du voyageur-km transporté par trains à traction vapeur selon les 25 rubriques prévues par l'U.I.C. (note 164).

Pour faciliter la présentation les dépenses sont exprimées en centimes.

Numéro d'ordre Dénomination Dépense (en ctm)
1+2 Administration et dépenses générales. - Autres frais généraux (mouvement, trafic, traction, matériel roulant, installations fixes) 3,18
5 Frais commerciaux et divers 0,14
6 Accidents 0,58
7 Opérations terminales (frais des gares) 4,32
9 Manœuvres pour l'exploitation 4,84
10 Autres frais des gares 1,12
11 Accompagnement des trains et fourgons 8,49
13 Service général des dépôts et préparation des engins de traction 3,08
14 Conduite des trains 5,99
15 Combustibles 11,02
16 Graissage, eau, autres matières et divers du service de route _ ; !f ; ; 0,63
17 Entretien et réparation du matériel de traction 6,17
18 Entretien et réparation du matériel de transport (voitures) 5,78
19 Renouvellement du matériel roulant (matériel de traction -f- matériel de transport) 5,71
20 Surveillance de la voie, entretien, renouvellement de la voie et des ouvrages d'art 11,29
21 Entretien, renouvellement des installations de gares et bâtiments 1,11
23 Signalisation et télécommunication 3,87
24 Charges financières 2,73
25 Autres renouvellements et divers (outillage, etc.) 0,44
 

Total du prix de revient du voyageur-kilomètre transporté par trains à traction vapeur

80,49


CHAPITRE IX
Résultats d'exploitation

A propos des bases d'application des tarifs, nous avons vu que les chemins de fer pouvaient être exploités dans le but exclusif de réaliser des bénéfices ou bien comme service public sans viser aux bénéfices, ou bien encore comme service public avec néanmoins pour but d'en retirer un revenu aussi élevé que possible.

Quoi qu'il en soit, il est toujours assez difficile de prévoir avec quelque précision si un exercice se soldera en bénéfice ou en perte. Un renchérissement subit des matières premières, du charbon, de la main-d'œuvre, etc., un ralentissement dans les affaires, peuvent mettre en mauvaise posture le budget le mieux établi, comme, d'ailleurs, un regain de prospérité peut gonfler inopinément les recettes.

I. - Capital de premier établissement

La connaissance du capital de premier établissement investi dans la construction et l'équipement (note 165) d'un chemin de fer revêt une importance particulière du chef des charges financières (intérêts et amortissement) que ce capital entraîne.

Les charges financières d'intérêts et d'amortissement sont à porter chaque année au compte d'exploitation. On jugera de leur influence en examinant le bilan sommaire des chemins de fer de l'Etat belge pour l'année 1913, c'est-à-dire au cours d'une période économique stable :

Dépenses :

1°) dépenses proprement dites d'exploitation 249 millions francs-or
  2°) charges financières 108 millions francs-or
  total 357 millions francs-or
Recettes brutes   342 millions francs-or
  différence (mali) -15 millions francs-or

En l'occurrence, les charges financières représentaient près de la moitié des-dépenses proprement dites d'exploitation et près du tiers des recettes brutes !

Cet exemple suffît pour montrer combien on doit être attentif à n'engager que les capitaux strictement nécessaires. Les charges financières correspondantes sont incompressibles par nature ; elles pèseront donc d'autant plus lourdement sur le bilan des exercices suivants que ceux-ci pourront être affectés dans leurs recettes par une période de dépression économique.

Les modifications survenues depuis les deux guerres mondiales dans la valeur relative des monnaies ne permettent plus de comparer utilement l'importance des capitaux de premier établissement investis par kilomètre dans les lignes ferrées de pays différents.

Par ailleurs, les réseaux européens ont, en général, atteint leur plein développement, de sorte que la construction de lignes nouvelles est plutôt exceptionnelle.

Quant aux pays d'outre-mer, des facteurs de tous genres interviennent pour modifier les prix : matériaux importés, difficulté des travaux, régions désertiques, main-d'œuvre, etc.

Néanmoins, pour que l'on puisse se faire une idée de l'ordre de grandeur du capital à engager dans l'établissement d'un chemin de fer, nous reproduisons le tableau ci-après :

Capital engagé par kilomètre exploité
Année 1913
Iles Britanniques 665.000 francs-or
Belgique 630.000 francs-or
Italie 520.000 francs-or
France 495.000 francs-or
Suisse 420.000 francs-or
Allemagne 395.000 francs-or
Autriche 370.000 francs-or
Hongrie 240.000 francs-or

En ce qui concerne le capital utile, il représente le coût du réseau équipé et réellement exploité, c'est-à-dire le coût du réseau abstraction faite des sommes engagées dans les lignes encore en construction et non livrées à l'exploitation.

Dès que les travaux de construction sont entamés, les intérêts des sommes engagées commencent à courir alors qu'il n'y a aucune recette en contre-partie.

Ces intérêts intercalaires prendront d'autant plus d'importance que les travaux progresseront plus lentement (ligne de Bruxelles-Midi à Gand-St-Pierre : commencée en 1905 et mise en service pour le tronçon Denderleeuw à Gand-St-Pierre en 1923, pour le tronçon Bruxelles-Midi à Denderleeuw en 1933 ; la jonction Nord-Midi : décidée en 1901, commencée en 1911 et mise en service en 1952.

II. - Coefficient d'exploitation

Pour concrétiser les résultats d'exploitation d'un chemin de fer, on considère généralement ce que l'on appelle le coefficient d'exploitation C, qui représente le rapport exprimé en % de la dépense D (charges financières non comprises) à la recette brute R

  (I)

Les chiffres qui précèdent montrent que, pour le réseau belge, le coefficient d'exploitation de l'exercice 1913 a été de :

celui de 1956 de :

Au cours des temps, ce coefficient a varié, par décade, comme le montrent le tableau et le graphique ci-après :

Chemins de fer belges.
Coefficient d'exploitation de 1835 à 1938
.

1835 - 62,6  
1845 - 50,7 1905 - 62,6
1855 - 51,7 1913 - 72,6
1865 - 51,3 guerre 1914-1918
1875 - 65,7 1920 - 98,6
1885 - 58,9 1930 - 90,9
1895 - 59,2 1938 - 106,8
guerre 1939-1943  

Fig. 60
Coefficient d'exploitation de 1939 à 1956.

L'augmentation du coefficient d'exploitation d'un chemin de fer est l'indice de ce que l'augmentation des dépenses est plus rapide que l'augmentation des recettes. C'est, en d'autres termes, pour l'exploitant un avertissement d'avoir à peser sur ses frais d'exploitation pour les réduire ; sinon, en dépit de son rôle d'utilité publique, le chemin de fer doit, pour boucler son budget, ou bien augmenter ses tarifs ou bien restreindre les facilités accordées aux voyageurs, au commerce, à l'industrie et à l'agriculture (note 168).

Après les deux guerres mondiales, on a vu apparaître des coefficients d'exploitation à trois chiffres, c'est-à-dire supérieurs à 100 ! Ils naquirent du retard apporté au relèvement des tarifs alors que la main-d'œuvre et les matières de consommation subissaient un renchérissement extraordinaire.

Il en fut ainsi, en ordre principal, parce que, pour seconder et accélérer le rétablissement de l'économie nationale, le Gouvernement s'est opposé à ce que les tarifs de la S.N.C.B. fussent péréquatés dans le rapport de l'augmentation des salaires et des matières.

L'expérience a montré que la caractéristique des réseaux exploités par l'Etat est d'avoir un coefficient d'exploitation élevé. Cela résulte, en premier lieu, de ce qu'il s'agit de services publics dont le rôle principal est de chercher à donner satisfaction aux intérêts nationaux et, en second lieu, du fait que les services publics résistent plus difficilement aux demandes des groupements industriels ou agricoles, des chambres de commerce, à celles des administrations communales, provinciales, etc. Les influences extra-administratives s'y exercent aussi plus facilement et les membres des Chambres législatives qui, non sans raison parfois, critiquent volontiers la gestion des chemins de fer d'État, pèsent de toute leur influence sur le Ministre des Communications pour obtenir la mise en marche de trains qui ne sauraient couvrir leurs frais ou pour faire décréter la création de gares qui ne rapporteraient pas ce qu'elles auraient coûté.

Epinglons ce résultat remarquable que, dès le début de l'exploitation par la S.N.C.B., le coefficient d'exploitation est tombé à 82,3 en 1926, alors qu'il était de 92,5 en 1925 sous le régime de l'État. Mais la crise économique qui débute en 1930 le fait remonter et l'année 1932 voit réapparaître les indésirables coefficients d'exploitation supérieurs à 100.

*
* *

Remarquons que le coefficient d'exploitation ne tient compte ni du capital, ni des charges financières (celles-ci dépendent d'ailleurs des taux auxquels les capitaux ont été empruntés et de la durée prévue pour l'amortissement).

A vrai dire, on devrait prendre comme coefficient d'exploitation le rapport de la dépense totale D' (c'est-à-dire intérêts et amortissement compris) à la recette totale R

D' = D + capital (l + a).

Dans cet ordre d'idées

  coefficient d’exploitation réel = (II)

et il y aurait boni si et déficit dans le cas contraire.

L'intérêt de cette conception apparaît lorsque l'on compare les coefficients d'exploitation de deux réseaux dont l'un a adopté la traction électrique et dont l'autre a conservé la traction à vapeur.

En effet, en principe, les dépenses D d'un chemin de fer électrifié ne comprennent plus les dépenses en charbon pour la traction ; il s'ensuit une diminution du coefficient d'exploitation C. Par contre, les charges financières, qui ne sont pas comprises dans le coefficient d'exploitation, sont plus élevées.

Remarque. - Lorsqu'un chemin de fer substitue la traction électrique à la traction à vapeur, le numérateur D du coefficient d'exploitation peut être fortement influencé pour les raisons suivantes :

1. Les dépenses en charbon (ou en mazout) pour la traction sont supprimées et remplacées par le prix d'achat de l'énergie électrique ou par le prix de revient de sa production.
Suivant l’éloignement des mines de charbon ou des puits de pétrole (note 169) et le prix payé par kilowatt-heure, la différence de dépense peut être positive ou négative. A noter que, dans le cas de l'achat de l'énergie électrique, la dépense d'énergie électrique comprend la charge financière de la production de l'électricité ;

2. Les parcours productifs du personnel de conduite des tracteurs électriques sont supérieurs à ceux des mécaniciens et chauffeurs des locomotives à vapeur ;

3. Les frais d'entretien et de réparation des tracteurs électriques sont inférieurs aux mêmes dépenses en traction vapeur ;

4. Si, à puissance égale, les tracteurs électriques coûtent plus cher que les locomotives à vapeur, le nombre de tracteurs électriques nécessaires pour une exploitation donnée est très inférieur au nombre de locomotives à vapeur ;

5. Par ailleurs, les charges financières des chemins de fer électrifiés sont élevées parce qu'elles comprennent des charges importantes de capitaux du chef des installations de transport et de transformation de l'énergie électrique ainsi que pour l'équipement spécial de la voie.

A titre d'exemple, considérons l'année 1956, pour laquelle les chemins de fer belges n'ont que 786 kilomètres de lignes électrifiées (c'est-à-dire moins de 16 % du réseau) ; leur coefficient d'exploitation est de 96 %, tandis que les chemins de fer fédéraux suisses, dont tout le réseau est pratiquement électrifié, n'ont apparemment qu'un coefficient d'exploitation de 73 % (note 170_1).

A priori, du rapprochement de ces deux coefficients 96 et 73, on serait tenté de conclure - et on le fait souvent dans la presse quotidienne - que le rendement de l'exploitation des chemins de fer fédéraux est très supérieur à celui des chemins de fer belges. Mais ce n'est là qu'un mirage parce que pour comparer le coefficient d'exploitation de la S.N.C.B. avec celui des chemins de fer fédéraux suisses, il est nécessaire de faire au préalable une rectification des dépenses, les méthodes comptables appliquées par les deux réseaux étant différentes.

En effet, alors que la S.N.C.B. porte à son Compte d'exploitation : les dotations de renouvellement et du fonds des accidents, plus la totalité des dépenses de pensions, les chemins de fer fédéraux ne mettent pas à charge de leur Compte d'exploitation leurs «amortissements des immobilisations», ni leurs réserves pour gros dommages, ni la partie des dépenses de pensions qui correspond à leur péréquation. Ces dépenses sont imputées au Compte de Profits et Pertes.

Pour rétablir une situation comparable entre les deux réseaux, il faut donc redresser comme indiqué sous renvoi (note 170_2) les comptes de 1956, ce qui fait ressortir le coefficient d'exploitation à 92 % à comparer au coefficient de 96 % de la S.N.C.B.

Remarquons cependant que ce coefficient belge de 96 % est obtenu avec une dotation de renouvellement insuffisante.

Problèmes.

La connaissance du coefficient d'exploitation permet de résoudre les deux problèmes suivants :

1°) Un exploitant a-t-il intérêt à acquérir un trafic nouveau devant lui procurer une recette supplémentaire r tout en lui occasionnant une dépense nouvelle d ?

Pour résoudre ce problème, il suffira à l'exploitant de déterminer dans quelle mesure son coefficient d'exploitation C sera réduit de ce chef :

Cette indication ne pourrait cependant suffire à elle seule qu'à la condition que le trafic nouveau n'exigeât pas d'immobilisation nouvelle de capitaux pour extension de lignes, gares, matériel, c'est-à-dire n'entraînât pas de nouvelles charges financières.

Si l'on se bornait à désirer que le coefficient d'exploitation demeurât inchangé malgré ce trafic supplémentaire, on devrait avoir :

d’où

c'est-à-dire que, comme il fallait s'y attendre, les dépenses supplémentaires devraient être aux recettes supplémentaires dans le même rapport que les dépenses primitives aux recettes primitives.

2°) Détermination du trafic nécessaire pour couvrir les dépenses de premier établissement d'un chemin de fer.

Partant de cette constatation que le trafic des voyageurs constitue généralement les exploitants en perte, le trafic des marchandises devra à lui seul couvrir les frais de l'entreprise et laisser un excédent pour combler le déficit prévu pour le transport des voyageurs.

Supposons pour fixer les idées :

  1. que le capital utile par kilomètre en ordre d'exploitation (matériel fixe et roulant compris) soit de 500.000 francs-or ;
  2. que le taux de l'intérêt des capitaux empruntés soit de 4 % ;
  3. que la durée de l'amortissement soit de 60 ans ;
  4. que la taxe moyenne par tonne-kilomètre soit de 4 centimes-or ;
  5. que le coefficient d'exploitation soit de 70 %.

Le taux de l'intérêt (4 %) et la durée de l'amortissement (60 ans) font ressortir les charges financières à 4,442 % (note 171), soit à 500.000 frs x 4,442 = 22.210 francs par an.

D'autre part, le coefficient d'exploitation étant de 70 %, le bénéfice brut à la tonne-kilomètre est égal à 4 cent. x 0,30 = 1,2 cent.-or.

Dès lors, le trafic minimum x tonnes nécessaire par jour pour couvrir les charges financières seules serait donné par la relation :

22.210 frs = xt x 0,012 fr x 300 jours,

d'où :

soit 3.085 tonnes utiles dans chaque sens, c'est-à-dire 6 trains de 500 tonnes utiles par jour ou encore, s'il s'agit de wagons de 20 tonnes chargés complètement (comme il faut compter 0t,450 de tare par tonne de charge utile, soit 500t x 0,450 = 225 tonnes), ces 6 trains correspondraient à (500t + 225t) x 6 = 4.350 tonnes brutes.

III. - Rémunération du capital

L'intérêt i du capital est donné par le rapport en pour cent du bénéfice au capital de premier établissement, le bénéfice étant lui-même égal à la différence entre les recettes brutes R et les dépenses proprement dites d'exploitation D (les charges financières n'étant pas comprises) :

   
  (I)

Pour l'État belge, le capital utile engagé dans le réseau et dans son armement était estimé à 2.727 millions de francs-or en 1913 ; d'autre part, le revenu net de cet exercice s'est élevé à 86 millions (note 172_1) ; le revenu du capital se chiffre donc à :

Etat belge : (note 172_2)  

Cette notion de l'intérêt du capital n'a cependant qu'une valeur relative puisque, pour cet exercice, les 86 millions de bénéfice ne suffirent pas pour couvrir les charges financières égales à 108 millions.

En ce qui concerne la S.N.C.B., lors de sa création en 1926, son capital a été fixé à 11 milliards de francs, mais ce n'était là qu'une «estimation».

Aujourd'hui, il serait malaisé de chiffrer ce capital avec quelque exactitude. Comment établir sa valeur de réalisation attendu qu'aucun acheteur ne se présenterait ?

Par ailleurs, par suite des interventions financières diverses de l'État, la considération de l'intérêt du capital n'aurait qu'une signification factice.

Pour l'exercice 1956, le bénéfice d'exploitation a été de 523 millions et, compte tenu des charges nettes apparaissant au compte de profits et pertes, l'exercice se clôture par un solde favorable de 5,4 millions.

La rémunération du capital est très inégale pour les divers réseaux et, pour un réseau donné, elle est très variable selon les exercices envisagés. D'une manière générale et à égalité de capitaux de premier établissement investis, le revenu du capital d'un réseau a d'autant plus de chances d'être élevé que le trafic marchandises est plus fort par rapport au trafic voyageurs puisque le premier seul est rémunérateur.

On peut donner à l'expression du revenu du capital une autre forme.

On a vu que :

   
ou encore :  
c’est-à-dire : (II)

Cette formule montre qu'avec une recette élevée et un faible capital, l'intérêt ne saurait néanmoins être satisfaisant si le coefficient d'exploitation n'est pas lui-même convenable.

*
* *

Dans la formule (II), les charges financières n'interviennent pas ; or, pour comparer deux chemins de fer, il faut encore rechercher à quel taux l'argent a été emprunté et en combien d'années est effectué l'amortissement.

Gomme nous l'avons déjà fait remarquer, l'intérêt i des formules (I) et (II) n'est «n somme que fictif puisqu'il est établi sans tenir compte de cette considération qu'il faut assurer le service de la dette.

Si i' = intérêt à servir aux capitaux empruntés,
  a = l'annuité d'amortissement,

nous pourrons écrire :

intérêt réel

formule dans laquelle D' = dépenses proprement dites d'exploitation D plus les charges d'intérêt et d'amortissement :

  D' = D + cap. (i' + a)  
d’où : intérêt réel  
ou encore : intérêt réel (III)

Remarques.

a) La considération de l'intérêt du capital suffit-elle à elle seule pour déterminer si un chemin de fer est bien ou mal exploité ?

Non, car d'une part, au numérateur figure un bénéfice (R - D) dont l'importance peut provenir ou de l'élévation des tarifs ou du volume du trafic. Or, s'il est vrai que l'exploitant peut réussir à attirer sur son réseau certains trafics qui vont à des lignes concurrentes, le volume du trafic dépend, en ordre principal, de l'importance des échanges commerciaux pour lesquels le prix de transport ne constitue qu'un des facteurs.

Par ailleurs, un bénéfice élevé peut avoir son origine dans le peu d'importance relative des dépenses de traction parce qu'il s'agit de lignes établies en plaine.

D'autre part, le capital qui figure au dénominateur peut être très faible parce que la ligne considérée a pu être établie sans ouvrages d'art importants (ponts, tunnels, remblais, tranchées) ou sur un terrain de peu de valeur.

En définitive, un chemin de fer créé dans un pays accidenté, où il franchit des rivières ou des fleuves, remonte des vallées et court dans de longs tunnels, a des chances d'avoir un capital important et des dépenses d'exploitation élevées, surtout si le gros trafic a lieu dans le sens de la rampe (les dépenses de traction en rampe étant très fortes) (note 174).

Dès lors, à moins de pouvoir compter sur un trafic considérable, soumis à des taxes très rémunératrices, ce chemin de fer ne pourra donner un intérêt élevé et pourtant on ne peut dire à priori qu'il est mal exploité. Tout ce qu'on peut dire, peut-être c'est qu'il a été mal établi.

b) L'examen du coefficient d'exploitation suffit-il à lui seul pour dire qu'un chemin de fer est bien ou mal exploité ?

Non, car dans le numérateur D peuvent intervenir, comme nous venons de l'exposer, des dépenses dérivant d'un profil désavantageux que l'exploitant a trouvé tel quel.

Le dénominateur dépend des recettes qui peuvent, même avec un trafic suffisant, être faibles parce que les tarifs ont été systématiquement fixés à des taux très bas dans le but de favoriser l'intérêt public.

En d'autres termes, si les lignes sont de niveau ou si le gros trafic est effectué dans le sens de la pente (note 175_1) ou encore si le réseau dessert une région industrielle et dense, le coefficient d'exploitation pourra être bas sans que l'exploitant y ait à priori quelque mérite.

Pour juger sainement de la situation financière d'un chemin de fer par comparaison avec un autre chemin de fer, il faut choisir comme terme de comparaison un réseau :

  1. dont les tarifs, les conditions de volume et de nature (note 175_2) du trafic sont comparables ;
  2. dont les conditions de premier établissement quant aux difficultés de construction ont été sensiblement les mêmes ;
  3. dont les profils de lignes se rapprochent de ceux du chemin de fer envisagé.

Dans le cas des lignes accidentées, si le trafic n'est pas de même importance dans les deux sens, il faut s'assurer que le sens du trafic le plus fort est concordant sur les deux chemins de fer comparés, c'est-à-dire dans le sens des rampes pour les deux ou dans le sens des pentes pour les deux.

C'est seulement dans ces conditions que l'examen de l'intérêt du capital et du coefficient d'exploitation acquerra de la valeur.

Il ne faut donc pas comparer brutalement «recettes et dépenses» ; il faut comparer aux dépenses ce qui est produit par celles-ci et dans quelles conditions d'exploitation cela est produit.

Des considérations qui précèdent, il découle encore que l'intérêt du capital et le coefficient d'exploitation ne sont surtout intéressants à considérer - on serait tenté de dire sont seulement intéressants à considérer - que lorsqu'il s'agit d'un même chemin de fer en vue d'étudier la loi des variations que subissent ces éléments pour en tirer des directives d'exploitation pour les années ultérieures.

IV. - Recette moyenne par voyageur-kilomètre et par tonne-kilomètre

La recette moyenne par voyage (15,10 frs) et le parcours moyen d'un voyageur (34 km) font ressortir la recette moyenne par voyageur-kilomètre en 1956 à

Or, en mai 1957, les prix par kilomètre des billets à prix pleins étaient de :

ce qui montre l'ampleur des réductions de toutes espèces accordées au public.

Fig. 61. - S.N.C.B. Recettes du trafic en millions de francs - Année 1956.

La recette moyenne d'une tonne de grosses marchandises a été de 90,36 frs en 1956 ; comme le parcours moyen de la tonne était de 98 km, la recette moyenne par tonne-kilomètre a donc été de

Le diagramme de la figure 61 représente l'allure de la variation des recettes mensuelles du service des voyageurs et du service des marchandises du réseau belge pour l'année 1956.

Pour le trafic des voyageurs, on remarque immédiatement la «pointe» du mois de juillet ; le minimum se produit en février, février ne compte d'ailleurs que 28 jours et ne comporte aucun jour de fête ; pour la recette du trafic des marchandises, la pointe se marque au cours des mois de mars et d'octobre.

Fig. 62. - Graphique des recettes mensuelles du Métropolitain de Paris (1956).

En matière de trafic voyageurs, il est curieux d'observer la recette du «Métropolitain» de Paris, figure 62, dont la pointe se marque au contraire en décembre, la capitale française étant délaissée pendant le mois de juillet.

On conçoit que si l'on veut comparer la recette d'un mois à celle du mois précédent, il faut prendre soin, pour le service des marchandises, de rapporter la recette au nombre de jours ouvrables et pour le service des voyageurs de faire la part des jours de fête ou d'affluence exceptionnelle.

Fig. 63. - Coefficient d'exploitation : 96 %.

Le graphique de cette page (fig. 63) montre la part relative des recettes produites par le transport des marchandises et par celui des voyageurs sur les chemins de fer belges. Il donne la ventilation des dépenses les plus fortes et fait voir notamment que les dépenses de personnel représentent 69 % des dépenses totales et les dépenses de charbon, gasoil et énergie électrique 11 % ; en d'autres termes, le chemin de fer travaille pendant 8 mois pour payer son personnel et pendant près de 1 1/2 mois pour payer ses combustibles et son courant électrique. Le coefficient d'exploitation s'établit à 96 %.

V. - Statistiques

Les statistiques des chemins de fer ont pris, dans les dernières années, un développement considérable. L'extension des réseaux, par fusion ou constructions nouvelles, le besoin de réaliser toutes les économies possibles, joints à la complexité toujours grandissante du service des chemins de fer, la reconversion des moyens et des méthodes d'exploitation, ont mis en évidence la nécessité de statistiques répondant aux conditions modernes.

Le rôle de la statistique apparaît tout à fait primordial.

Les statistiques permettent, non seulement d'analyser les résultats de l'exploitation, mais surtout de dégager les effets de changements de directives générales.

Aussi, dans toutes les grandes administrations, les dirigeants reçoivent-ils, soit tous les jours, soit toutes les semaines ou tous les mois, des relevés statistiques généralement traduits en diagrammes, qui leur permettent d'apprécier les effets de leur gestion.

Les diagrammes sont préférés aux tableaux à cause de la facilité de leur lecture et de l'idée plus intuitive qu'ils donnent des fluctuations des éléments statistiques. Parfois ces diagrammes sont tracés sur du papier à échelle logarithmique (note 179).

Pour faire rendre à ces documents tout ce qu'on peut en tirer, il convient de remettre les plus intéressants aux fonctionnaires des services d'exécution et de les commenter au cours des réunions périodiques avec les intéressés. Plus grand sera le nombre d'agents qui connaîtront ces documents et plus grandes seront les chances de réussite.

Les travaux de statistiques ne doivent pas être envisagés comme un but en eux-mêmes mais comme un moyen propre à accroître le rendement des différents services du chemin de fer, afin de réduire le coût du transport pour les usagers tout en rendant l'exploitation aussi rémunératrice que possible.

L'art du dirigeant, c'est évidemment de choisir parmi les renseignements à comprendre dans les statistiques ou à traduire en diagrammes ceux dont la variation peut avoir la plus grande influence sur les résultats de l'exploitation, qu'il s'agisse de la sécurité de celle-ci, de la régularité des services ou des résultats financiers.

Les statistiques d'ensemble ne peuvent cependant donner que des directives générales ; pour résoudre un problème déterminé, il faut toujours recourir aux statistiques spéciales.

Dans l'examen d'une question, les statistiques précisent la position du problème ; elles orientent les recherches en montrant clairement les facteurs qui sont en progrès et ceux qui sont en régression ; elles donnent, en outre, la mesure du progrès réalisé ou de la régression constatée.

Par la mise en œuvre des chiffres fournis, les statistiques indiquent d'emblée l'ordre de grandeur possible des résultats financiers à escompter d'une réforme envisagée (augmentation générale ou partielle des tarifs, réduction des approvisionnements, diminution du taux de la rotation du matériel de transport (note 180), substitution d'un produit à un autre, augmentation de la charge des trains, amélioration du rendement des machines de manœuvre, etc.).

Les statistiques du trafic fournissent des éléments qui permettent de préciser le moment où les lignes à simple voie devront être dédoublées, où les lignes à double voie seront elles-mêmes insuffisantes et, partant, font prévoir l'époque à laquelle il faudra engager des capitaux nouveaux.

Les statistiques économiques (production et progression des industries, des branches diverses de l'agriculture, variations des importations, des exportations, etc.) permettent à l'exploitant de prévoir, avec plus ou moins d'exactitude, les besoins futurs en matériel et même d'en préciser les catégories.

Les considérations qui précèdent se rapportent plus particulièrement à ce qu'on peut appeler les «statistiques intérieures», c'est-à-dire celles qui intéressent les résultats d'exploitation d'un même réseau considérés dans le temps.

Ces statistiques peuvent être établies d'après les idées particulières à chaque exploitant, mais lorsqu'il s'agit de statistiques d'ordre international qui visent à comparer les résultats de réseau à réseau, elles doivent être uniformes quant aux éléments choisis et à la façon de les présenter. C'est le but que poursuit la troisième commission de l'Union internationale des chemins de fer (U.I.C).

*
* *

A titre documentaire, voici, parmi les plus intéressantes, quelques rubriques statistiques d'exploitation :

  1. charge utile moyenne des trains de marchandises ;
  2. charge brute moyenne des trains de marchandises ;
  3. pourcentage de la charge réelle des trains de marchandises par rapport à la charge que pourrait permettre la puissance de la locomotive ;
  4. nombre de wagons fournis, par jour ouvrable, pour les transports commerciaux ;
  5. capacité moyenne offerte par les wagons (par catégorie) ;
  6. chargement effectif moyen des wagons (par catégorie) ;
  7. rendement de la capacité, c'est-à-dire le rapport du chargement réel à la capacité offerte : rapport de 5) à 6) ;
  8. durée de l'évolution (rotation) des wagons par catégorie ;
  9. nombre de wagons manœuvres par heure de locomotive de manœuvre ;
  10. parcours moyen des rames de voitures ;
  11. utilisation moyenne des trains de voyageurs ;
  12. coefficient d'utilisation des voitures par classe (rapport des places-kilomètres occupées aux places-kilomètres offertes) ;
  13. parcours des locomotives et des trains ;
  14. consommation kilométrique moyenne en charbon pour locomotives ou en courant de traction ;
  15. parcours kilométrique journalier moyen des chefs-gardes, gardes, mécaniciens, chauffeurs ;
  16. nombre d'agents rapportés aux unités de trafic (voyageurs-kilomètres plus tonnes-kilomètres) ;
  17. recette et dépense par unité de trafic ;
  18. coût de réparation et d'entretien des locomotives, voitures et wagons rapporté i au kilomètre de parcours.

Machines à statistiques.

Les statistiques qui comportent la mise en œuvre de grandes quantités de nombres sont aujourd'hui établies au moyen de «machines à statistiques automatiques».

Fig. 66. - Modèle de fiche perforée moderne.

Les chemins de fer belges les emploient notamment pour les statistiques du trafic des marchandises (tonnages, parcours, nombre d'expéditions, par nature et par classe de tarifs, trafic), pour les statistiques des parcours et des consommations des locomotives, pour le calcul des redevances à payer aux chemins de fer étrangers du chef du séjour de leurs wagons en Belgique, pour la comptabilité.

  1. Dans les systèmes I.B.M. International Business Machines (Hollerith ancienne), Bull et Remington-Rand (Pauwers ancienne), en usage aux chemins de fer belges, une fiche perforée est employée à la base de toutes les opérations.
  2. Après avoir représenté par des nombres tous les renseignements que l'on veut introduire dans le travail, on transcrit ces nombres sur des fiches sous la forme de perforations à l'emporte-pièce.
    Le rendement d'une opératrice-poinçonneuse moyenne est de 12.000 perforations à l'heure.
    La figure 66 représente le document de base et la carte perforée correspondante.
    Traduction de la fiche ci-dessus :
    reprenant les perforations par colonnes en cheminant successivement de haut en bas et de gauche à droite, nous voyons que le premier trou de la première colonne correspond à un 1, le trou de la deuxième colonne correspond à un 0, celui de la troisième colonne à un 2 et ainsi de suite.
    A remarquer que la codification décimale de 0 à 10 permet le dépouillement rapide des données. Par exemple, le premier chiffre du trafic représente :

    Nature du trafic 1 = Intérieur
    2 = Exportation terrestre
    3 = Exportation maritime
    4 = Importation terrestre
    5 = Importation maritime
    6 = Transit terrestre
    7 = Transit maritime (entrée par port de mer)
    8 = Transit maritime (sortie par port de mer)
    9 = disponible
    10 = disponible

  3. Les fiches perforées sont ensuite triées et classées automatiquement par la machine trieuse. Pour cela, un balai explore, colonne par colonne, la fiche perforée et lorsqu'il rencontre un trou, un circuit électrique se ferme au travers de ce trou. Ce circuit déclenche l'élimination de la fiche vers un casier récepteur.
    La vitesse du tri, qui ne s'effectue que sur une colonne à la fois, est de : 30.000 cartes/colonnes à l'heure pour les machines électro-mécaniques et de 60.000 cartes/colonnes à l'heure pour les machines électroniques.
  4. Les cartes classées passent finalement à la machine tabulatrice qui imprime et totalise en même temps les données des cartes, à une vitesse pouvant aller jusqu'à 9,000 cartes à l'heure.

Ces systèmes comportent donc quatre éléments essentiels :

Machines auxiliaires.

Une série de machines auxiliaires permet des opérations secondaires :

Dans certaines applications des machines I.B.M. et BULL, le document de base est supprimé et remplacé par la carte même. Celle-ci reçoit un marquage par traits de crayon sur des chiffres imprimés d'avance.

En passant dans la perforatrice automatique, les cartes sont perforées sans intervention humaine, ce qui diminue le coût des travaux et supprime les documents de base.

Les Chemins de fer belges utilisent ce procédé pour l'établissement des états de paie du personnel et pour la comptabilité des matières dans les ateliers.

*
* *

Machines électroniques.

Depuis quelques années, les trois firmes précitées mettent sur le marché des machines électroniques dont les principes diffèrent fondamentalement des machines anciennes à cartes perforées.

Les données codifiées ou rédigées en clair en employant les lettres de l'alphabet comme symboles, sont portées sur des bandes magnétiques, des tambours magnétiques et même sur des disques magnétiques.

Elles peuvent ainsi être introduites à des vitesses très élevées dans le calculateur électronique muni non seulement de «mémoires internes», mais de dispositifs permettant la comparaison des données entre elles.

Ces machines peuvent ainsi prendre des décisions relatives à des calculs à faire ; leur fonctionnement suppose une étude préliminaire du programme des calculs.

Programmation.

Le programme des opérations successives à faire est introduit dans la machine par des dispositifs magnétiques (généralement des bandes). Ces machines, capables de suivre toutes seules le programme tracé, prennent le nom d'ordinateur ou cerveau électronique.

Le cerveau électronique est un calculateur et non un mathématicien. On ne saurait lui demander à priori de trouver le processus de la résolution d'un problème.

Il se borne à exécuter les «programmes» qui lui sont transmis mais avec l'avantage de les exécuter avec une vitesse fantastique.

La calculatrice électronique doit enregistrer les chiffres pour les restituer sur demande à la vitesse même du calcul après un temps d'attente quelconque, c'est en cela que consiste sa «mémoire».

Ces mêmes mémoires enregistrent les instructions indiquant sous un «code» la suite des opérations à effectuer.

A propos du calcul électronique, des «mémoires», de la programmation, du système binaire, des machines analogiques, on consultera avec intérêt : L'Ere des Robots (1953) et La Découverte de la Cybernétique (1955) par Albert Ducrocq - Editeur Julliard - Paris.

L'utilisation du système binaire est nécessaire parce que les moyens physiques techniques des «mémoires» sont des relais et des noyaux magnétiques qui physiquement ne peuvent donner que 2 positions ou 2 états, relais excités ou désexcités, noyaux chargés ou déchargés, d'où la nécessité de n'avoir que 2 indices.

Les éléments électroniques qui servent de base à la construction des calculateurs ne peuvent prendre que deux positions ou deux états à la manière des relais électriques. C'est pour cette raison qu'il est fait usage du système binaire de calcul ou d'un système qui s'en rapproche.

Le principe de la numération binaire (à base 2) consiste à utiliser les deux seuls signes fondamentaux 0 et 1, au lieu des 10 chiffres de la numération décimale.

Avec ces 2 signes, on peut créer 4 nombres (voir la première colonne ci-après) et cela épuise tous les nombres à 2 chiffres.

A partir du quatrième nombre, trois chiffres sont nécessaires (voir la deuxième colonne).

A partir du huitième nombre, quatre chiffres sont nécessaires (voir la troisième colonne).

A partir du seizième nombre, cinq chiffres, et ainsi de suite.

colonne 1 colonne 2 colonne 3 colonne 4
zéro (ou 20) = 00 4 (ou 22) = 100 8 (ou 23) = 1.000 16 (ou 24) = 10.000
un = 01 5 = 101 9 = 1.001 17 =10.001
deux (ou 21) = 10 6 = 110 10 = 1.010 ---
trois = 11 7 = 111 11 = 1.011 32 (ou 25) = 100.000
    12 = 1.100 ---
    13 = 1.101 50 = 110.010
    14 = 1.110 ---
    15 = 1.111 64 (ou 26) = 1.000.000
      ---
      100 = 1.100.100

On constate qu'au lieu d'être 10, 100, 1000,... comme dans la numération décimale, les nombres piliers de la numération binaire sont représentés par les puissances successives de 2, c'est-à-dire 4, 8, 16, 32,... dont les représentations sont :

20 = 0, 21 ou 2 qui s'écrit 10, 22 ou 4 qui s'écrit 100, 23 ou 8 = 1.000, 24 ou 16 = 10.000, 25 ou 32 = 100.000, etc.

La table de multiplication se réduit à :

0 x 0 = 0, 0 x 1 = 0, 1 x 0 = 0, 1 x 1 = 1.

Rappelons que, quelque soit le système de numération, un chiffre placé à la gauche d'un autre représente les unités de l'ordre immédiatement supérieur.

Exemples de calcul :

9 + 6 = 15 ou 1.001 + 110 = 1.111.

9 + 8 = 17 ou 1.001 + 1.000 = 2.001 et, en remplaçant le chiffre 2 par son symbole binaire (10), on a 10.001.

Si, comme on le voit, il ne faut pas mal de 0 et de 1 pour composer un nombre qui serait relativement court en numération décimale, cela n'a aucune importance puisque c'est la machine qui le fait à une vitesse vertigineuse. L'ordinateur I.B.M. 704, lit 90.000 chiffres binaires à la seconde. (Il pèse 21 tonnes et occupe une salle de 300 m2, il comprend 7.5OO lampes, 30.000 redresseurs secs au germanium et 300.000 tores magnétiques).

Si l'on utilise le système binaire, les «chaînes» où circulent les impulsions électriques ne comprendront que 2 relais. Avec le montage «flip-flop», on n'aura donc que 2 tubes électroniques, c'est-à-dire 2 lampes ordinaires de radio. Leurs grilles sont réunies et représentent l'entrée commune des impulsions tandis que ces lampes se commandent mutuellement selon un principe de bascule : lorsqu'une lampe de la cellule flip-flop vient d'être traversée par une impulsion, elle se bloque pour amorcer au contraire sa voisine. Celle-ci transmet alors l'impulsion suivante en faisant à nouveau basculer le système et ainsi de suite.

Une série de cellules flip-flop constitue une «unité de calcul» d'une calculatrice. Plusieurs unités sont réunies en un «groupe de calcul».

Les éléments actifs pour les calculs et les mémoires sont des tubes électroniques ou des diodes à cristaux.

Les opérations sont effectuées à des vitesses fantastiques, inconnues dans les équipements anciens :

par seconde 5.000 additions
5.000 comparaisons ou décisions logiques
525 multiplications
270 divisions

Les résultats sont portés sur des dispositifs magnétiques (bandes, etc.) et impri-més ensuite à dés vitesses atteignant

36.000 lignes de 130 caractères par heure,

dans des imprimeuses à grande vitesse de types entièrement nouveaux.

Les chemins de fer américains font déjà largement usage de ces machines et les chemins de fer belges envisagent leur installation à bref délai.


CHAPITRE X
Influence de la concurrence de la voie d'eau et de l'auto sur le système tarifaire des chemins de fer

I. - La concurrence de la voie navigable

De tout temps, la voie d'eau a concurrencé le chemin de fer dans la basse et la moyenne Belgique ; mais, en ces dernières années, le Gouvernement a dépensé des sommes importantes pour l'amélioration des voies navigables existantes et il a construit le Canal Albert prévu pour bateaux de 2.000 tonnes.

La voie d'eau supporte plusieurs handicaps :

Dans son ouvrage «Les transports de marchandises», Monsieur DELMER s'exprime ainsi : «Dans l'économie d'un pays, le chemin de fer joue un rôle que lui seul est capable de remplir. Il est le transporteur toujours prêt à accepter n'importe quelle marchandise, en n'importe quelle quantité et à des conditions prévues, stables et également applicables à tous. Il assure donc un service public indispensable à l'industrie et au commerce».

Comparé à la voie navigable, le chemin de fer présente certains avantages :

A la faveur de ces avantages, les commerçants peuvent faire leurs commandes au fur et à mesure des besoins avec les conséquences que cela comporte : magasins moins importants, fonds de roulement moindre, facilité plus grande de suivre les fluctuations des prix, achats moins spéculatifs du chef de leur plus grande fréquence.

La voie d'eau a essentiellement pour elle l'avantage du bon marché. Celui-ci dérive en premier lieu des faibles dépenses de traction qui lui sont propres, c'est en cela que réside l'avantage naturel de la voie d'eau. Sur cet avantage naturel se greffe un avantage artificiel qui provient de ce que le Gouvernement prend à sa charge les frais de construction, de renouvellement et une partie notable des frais d'entretien des voies navigables. Il s'ensuit que la voie d'eau est mise presque gratuitement à la disposition des usagers.

Le droit de navigation est toujours de 2 centimes par tonne-kilomètre, c'est pour ainsi dire une redevance symbolique car elle ne correspond qu'à 2,60 frs par tonne entre Liège et Anvers pour des produits valant plus de 2.000 frs la tonne.

Les résultats financiers de l'Office de la Navigation sont les suivants :

dépenses 54 millions
recettes 41 millions
déficit 13 millions

Coefficient d'exploitation :

Canal Albert :

dépenses 27 millions
recettes 29 millions
boni 2 millions

Ces résultats ne tiennent pas compte des charges financières (intérêts et amortissement des capitaux investis).

Le batelier a le libre choix de son trafic ; il peut refuser la marchandise offerte alors que le chemin de fer doit accepter tous les transports qu'on lui présente.

La voie navigable s'attache par essence au transport des marchandises pondéreuses, mais elle s'intéresse aussi aux marchandises chères. En bref, on constate que le trafic sur les canaux et rivières canalisées est en progression alors qu'il est en régression sur les chemins de fer.

L'augmentation des transports confiés à la voie d'eau est due aux améliorations de l'infrastructure, du matériel flottant, des méthodes d'exploitation, de la vitesse, de la régularité et du développement des engins de manutention (note 189).

La physionomie des transports par eau est caractérisée par l'augmentation du nombre de bateaux automoteurs et la faveur dont jouissent les grands bateaux.

Vis à vis de la voie d'eau, concurrent préexistant, le chemin de fer, en règle générale, fait la part du feu c'est-à-dire que la lutte est plus modérée parce que la vocation de la voie d'eau est limitée à un domaine restreint. Par ailleurs, l'abaissement des tarifs au niveau du fret dans les relations desservies par la voie d'eau causerait au chemin de fer des pertes de recettes du fait de devoir étendre ces réductions à d'autres relations.

II. - Transports mixtes

L'action combinée de l'eau et du camion automobile est mise en lumière par le& constatations suivantes :

Autrefois, dans le cas particulier de la Belgique, petit pays, le problème des transports se présentait souvent, surtout au départ des ports, sous la forme mixte d'un transport par eau AB, complété par un transport par fer BC (fig. 67).

Fig. 67

Le bon marché relatif des frets incitait l'expéditeur à pousser le transport par eau AB sur le plus long trajet possible.

Depuis le développement de l'auto, il se fait que la distance BC est fréquemment assez courte pour rentrer dans la catégorie de celles pour lesquelles le transport par auto est rentable et le transport échappe au chemin de fer.

Mais l'amélioration des voies navigables (approfondissement, élargissement) et le perfectionnement apporté dans leur exploitation (bateaux à moteur, accentuation du trématage (note 190)) ont encore allongé la distance du transport par eau :

AB' au lieu de AB (fig. 68).

Fig. 68

Cet allongement du transport par eau, en réduisant la longueur du transport par fer à B'C, a accru les possibilités de l'auto en restreignant celles du chemin de fer. En d'autres termes, c'est l'élimination progressive du chemin de fer dans le transport mixte.

Dans ces conditions, les chemins de fer ne peuvent retrouver le trafic qui leur échappe qu'en tentant de reprendre le transport à son point de départ A et en le poussant jusqu'en C. Pour cela, ils doivent adapter leurs prix à ceux de la concurrence «eau + route», étant entendu qu'ils ne peuvent descendre au-dessous de leur prix de revient, celui-ci pouvant, à la limite extrême, correspondre aux frais directs.

N'oublions pas que, toutes choses égales, les avantages propres au transport par chemin de fer lui permettent, dans certains cas, d'enlever le transport avec une taxe supérieure de quelque 10 % à celle de l'eau ou de l'auto.

La forme dégressive des tarifs ferroviaires avec la distance, la suppression des frais de transbordement, la dépréciation éventuelle de la marchandise du chef du transbordement dans le cas du transport mixte peuvent d'ailleurs l'aider dans cette voie.

La figure 69 montre qu'en 1956 le trafic marchandises du chemin du fer est inférieur à celui de 1927 alors que le trafic marchandises de la voie d'eau a doublé.

III. - La concurrence de la route

L'examen des figures 69 et 70 montre que le trafic des marchandises et des voyageurs par la route poursuit depuis la dernière guerre (1946) une ascension extrêmement rapide alors que le trafic du chemin de fer est sensiblement étale.

Fig. 69. - Marchandises-Trafics comparés par fer, par eau et par route.
(en milliards de tonnes-kilomètres).

*
* *

Il y a à peine 30 ans, les voyageurs ne se déplaçaient que collectivement ; ils s'embarquaient dans des trains emportant plusieurs centaines de passagers. Quant aux marchandises, elles circulaient aussi collectivement dans des trains dont la charge utile atteignait près d'un demi-millier de tonnes.

Mais vers l'année 1930, l'auto entre en lice et prend rapidement de l'extension. La voiture privée pour les voyageurs, le camion-auto pour les marchandises, réalisent le porte à porte et le transport de collectif qu'il était devient individuel. C'est à sa caractéristique de transport individuel que l'automobile doit son développement prodigieux.

La petite voiture met l'auto à la portée d'un nombre de plus en plus grand de personnes et l'évasion vers la route s'intensifie.

Fig. 70. - Voyageurs-Trafics comparés par fer et par route.
(en milliards de voyageurs-kilomètres).

Sans doute, la présence sur la route des petites voitures de plus en plus nombreuses, des grosses voitures de plus en plus puissantes, a pour conséquence un «mélange des vitesses» très préjudiciable à la rapidité et à la sécurité de la circulation, mais chacun croit que les accidents n'arrivent qu'aux autres.

On estime qu'au début de 1957, le parc automobile belge se situait aux environs de 825.000 unités et qu'il se développait à la cadence moyenne de 75.000 véhicules nouveaux par an. D'aucuns estiment qu'en Belgique 50 % des voyageurs et 3O % des marchandises sont actuellement transportés par la route.

1. - Le transport des voyageurs.

Comparativement au train, l'auto privée, par sa liberté totale quant à l'horaire et à l'itinéraire, par sa prise et remise à domicile, offre une prestation de qualité supérieure.

Grâce à l'accélération de la vitesse des trains, à la multiplicité des horaires, fruits de l'électrification et de la diésélisation, grâce à l'amélioration du confort, à la suppression de la troisième classe, à l'encombrement et aux dangers de la route, le public semble apprécier de nouveau la rapidité, la sécurité et le confort des trains, surtout pour les longs parcours.

2. - Le transport des marchandises.

Les entreprises routières ont très souvent une structure artisanale et, par là, une certaine possibilité d'échapper aux lois sociales et à la fiscalité.

Par ailleurs, la profession routière ne nécessite qu'un capital initial modeste et certains routiers attachent plus d'importance à la possibilité de savoir conduire un camion qu'à la capacité commerciale.

Le porte à porte sans transbordement permet l'individualisation du transport, il améliore le coût de celui-ci, il réduit le coût des opérations avant et après le transport, c'est-à-dire le prolongement chez l'usager : camionnage, manutention, emballages, avaries, etc.

Pour les transports à longue distance, le fret de retour est aléatoire, aussi la recherche d'un chargement en retour conduit-il aisément à l'avilissement des prix.

*
* *

Pour résoudre au mieux son problème de transport, l'usager a le choix entre plusieurs combinaisons :

  1. S'il est raccordé au chemin de fer, il utilisera le train de bout en bout, ce sera le service de porte à porte intégral.
  2. S'il n'est pas raccordé au chemin de fer, il pourra :
    1. utiliser le camion de ramassage du chemin de fer, puis le train pour le parcours principal, puis le camion de distribution du chemin de fer,
    2. utiliser le camionnage privé, puis le train pour le parcours principal, puis le camionnage privé,
    3. recourir au camion de bout en bout (service de porte à porte) :
      • soit avec son propre camion,
      • soit avec un camion privé.

Les phases successives de la concurrence de l'auto se présentent sous l'aspect suivant :

Le transporteur par auto s'attaque aux marchandises chères et, réalisant le service de porte à porte, il lui suffît de fixer sa taxe à quelque 10 % au-dessous de celle du chemin de fer pour emporter le trafic.

Si le chemin de fer réagit en abaissant ses prix, le transporteur par auto suit, mais sa taxe, lorsqu'elle n'est pas arbitrairement fixée, est plus ou moins proportionnelle à la distance. La concurrence s'accentuant, le transporteur par auto abaisse de nouveau sa taxe ; il a cependant une limite : son prix de revient.

Mais c'est ici qu'apparaît le côté fallacieux des choses. Trop de transporteurs par auto calculent peu ou mal ; on pourrait dire qu'ils se contentent de «vivre». Ayant acheté un camion avec leurs économies, ils ne l'amortissent guère ou pas. Si leur taxe est égale au prix de revient calculé sans amortissement, elle est insuffisante. Vient le moment où le transporteur doit acheter un nouveau camion, il s'aperçoit alors que, n'ayant pas reconstitué son capital, il doit emprunter. Comme il ne peut relever ses prix de transport de crainte de voir le trafic lui échapper, sa situation financière reste précaire.

Quoi qu'il en soit, il reste avec ses prix bas en compétition avec le chemin de fer sur le marché des transports et, si ce n'est lui, c'est un autre qu'une expérience insuffisante n'a pas encore assagi.

Enfin, que de transporteurs par route ont acheté leur camion sous la condition de le payer par mensualités ! A chaque fin de mois, il faut payer et comme trop souvent l'argent manque, le camionneur transporte à n'importe quel prix pour se faire de l'argent.

Il reste à considérer le transporteur par route capable de déterminer son prix de revient et qui en tient compte. Ce prix de revient constitue la limite inférieure du prix à percevoir pour le transport par camion.

1. Prix de revient du camion.

Le prix de revient d'un transport routier dépend essentiellement :

  1. de la capacité de chargement du camion,
  2. de la nature du carburant utilisé : essence ou mazout,
  3. de l'utilisation plus ou moins complète de la capacité de chargement offerte par le camion,
  4. de la présence ou non d'un convoyeur en plus du chauffeur,
  5. du mode de chargement ou de déchargement : manuel ou mécanique.

Il faut encore faire intervenir :

  1. l'intérêt et l'amortissement du prix d'achat du véhicule, les frais d'entretien et de réparation, la taxe routière, les assurances, les impôts, les charges sociales ;
  2. les charges de tous genres relatives au garage : bâtiments, outillage, personnel ;
  3. les frais d'administration et de direction.

Enfin, il faut ajouter à cela un bénéfice raisonnable pour l'exploitant.

Il est extrêmement difficile de connaître le prix de revient du transport pour un camion-auto privé.

A titre documentaire, nous reproduisons ci-après un exemple de calcul très soigneusement établi et que nous devons à l'obligeance d'une firme de la place.

Chacun pourra à son estime en rectifier les chiffres.

Il en résulte que le prix de revient par kilomètre pour un camion Diesel de 5,5 tonnes de charge utile serait de 7,75 frs.

Eléments de calcul du prix de revient d'un camion de 5,5 tonnes de charge utile
(prix d'avril 1957).

Remarque. - Les frais d'administration et de bâtiments ont été calculés pour une entreprise d'importance moyenne, totalisant 13 véhicules.

Capacité de chargement 5,5 tonnes
Mode de chargement le plus usité à la main
Prix d'achat d'un camion de 5,5 tonnes, de bonne qualité entièrement équipé, y compris la taxe de transmission :  
- camion essence 260.000 frs
- camion Diesel 350.000 frs
Taux d'intérêt du capital investi 5 % l'an
Durée de l'amortissement-camion à essence 3 ans ou 200.000 km
Camion Diesel 6 ans ou 300.000 km
Consommation moyenne par 100 km : camion essence 30 litres
camion Diesel (mazout) 20 litres
Prix du carburant par litre (en supposant que la firme bénéfice des ristournes généralement consenties aux gros utilisateurs) :  
essence 6,33 frs le litre
mazout 2,54 frs le litre
Salaire horaire d'un chauffeur 25,20 frs
Salaire horaire d'un convoyeur 22,00 frs
Charges sociales supportées par l'employeur en % du salaire brut 28 %
Taxe de roulage par année (pour 4.600 kg de tare) :  
camion essence 17.526 frs
camion mazout 24.536 frs
Frais d'assurance normaux, par année (assurance, responsabilité civile, dégâts aux tiers, incendie et défense en justice) 6.800 frs
Frais d'entretien par kilomètre (y compris remplacement des pneus, moyenne sur 5 ans) (les pneus interviennent pour 0,40 frs par km)  
camion essence 0,95 frs
camion Diesel 1,05 frs
Frais d'administration (calculés pour une entreprise de moyenne importance totalisant 13 véhicules = par année 925.000 frs
soit par camion de 5,5 tonnes 61.700 frs
Frais de locaux (garage, ateliers, magasins, bureaux, chauffage et éclairage compris), par an 255.000 frs
soit par camion 17.000 frs
Frais judiciaires (contraventions) par an 500 frs
Risques non couverts par l'assurance, par camion de 5 tonnes, par an 5.000 frs
Divers et imprévus - par camion de 5 tonnes - par an 1.000 frs

Prix de revient par km

Dépenses totales annuelles et prix de revient par km pour un camion Diesel de 5,5 tonnes de charge utile, parcourant 48.000 km par an (4.000 km par mois, parcours moyen assez courant pour un Diesel).

1°) Charges considérées comme fixes (quel que soit le nombre de km parcourus, renseignements repris à la page précédente) :

Amortissement (6 ans) soit par an 58.333 frs
Intérêt du capital investi-moyenne 5 % dégressif 9.600 frs
Taxe de roulage 24.536 frs
Assurance 6.800 frs
Frais d'administration 61.700 frs
Locaux 17.000 frs
Risques non couverts par l'assurance 5.000 frs
Frais judiciaires 500 frs
Divers et imprévus 1.000 frs
Total charges fixes 184.469 frs

2°) Charges variables

Carburant (mazout) par an 24.384 frs
Salaire chauffeur (48 h. par semaine) par an 61.900 frs
Charges sociales chauffeur 61.900 x 28 % par an 17.340 frs
Entretien (moyenne calculée sur 5 ans, y compris révision et pneus 50.400 frs
Total charges variables 154.024 frs
Total général 338.493 frs
Bénéfice 10 % 33.850 frs
  372.343 frs

Prix de revient par km =

N.B. Pour le calcul du prix de revient à la tonne, il y aurait lieu, d'ajouter une partie des frais de chargement dans le cas de cornions sans convoyeur.

2. Comparaison entre les prix pratiqués par la route et les taxes perçues par le chemin de fer.

Quand on compare les prix perçus par le chemin de fer à ceux de la route, l'on constate, en Belgique, qu'en deçà de ± 150 kilomètres les prix du camion sont pratiquement inférieurs à ceux du rail.

Nous pouvons représenter les prix du chemin de fer par une ligne brisée telle que ABC (fig. 71), et ceux de la route sensiblement par la droite DE, nous pouvons dire que, toutes choses égales, le transport par auto est plus économique aux faibles distances et que le chemin de fer retrouve sa supériorité à partir d'une distance x km donnée par l'intersection I des deux lignes.

Conséquences.

  1. Pour conserver son trafic, le chemin de fer devrait calquer ses prix sur ceux de la concurrence et, au diagramme ABC de ses prix, il devrait substituer la ligne brisée DIC (fig. 71). Il est cependant à prévoir que la perte de recettes qui en résulterait sur les transports effectués aux distances inférieures à x kilomètres ne serait pas compensée par le produit du trafic repris à la route.

    Fig. 71

  2. Du seul point de vue concurrentiel, il n'est donc pas nécessaire de maintenir la dégressivité au-delà du point d'intersection I. Il serait logique d'examiner dans chaque cas si les tarifs du rail ne pourraient être relevés de manière à les rapprocher de ceux du camion, tout en restant inférieurs à ceux-ci. Une telle réforme ne pourrait évidemment être appliquée que très prudemment et en pesant chaque fois et le pour et le contre.

Fig. 72

Remarque.

Considérons la figure 72.

Sans rien changer à la taxe variable ABC mais en réduisant à OA', par exemple, la taxe OA prévue pour payer les charges terminales, le chemin de fer peut déplacer la courbe ABC parallèlement à elle-même en A'B'C et ramener ainsi le point d'intersection I en I'. En opérant de cette façon, il se replace dans des conditions plus favorables pour s'adapter à la concurrence de la route aux courtes distances.

Par une réduction d'un tiers des charges terminales, , l'aire de la concurrence automobile se resserre dans la mesure de la réduction des carrés des rayons ox et ox'.

3. Caractères généraux de la concurrence de l'auto.

Aux développements qui précèdent et qui touchent aux prix de revient du transport par route et aux prix perçus par l'exploitant routier, nous devons encore ajouter les considérations suivantes.

Nous avons exposé, page 33, comment la tarification à la valeur, en frappant davantage les marchandises chères, permet de dégrever le transport des marchandises pauvres. Ce système consacre le principe de la mutualité entre les marchandises.

Cette mutualité existe de même entre les lignes de chemins de fer. Sur les lignes secondaires à faible trafic, les tarifs sont les mêmes que sur les lignes principales à gros trafic. Cependant, si l'on considère ces deux catégories de lignes isolément, on constate que, sur les lignes principales, les charges financières d'intérêts et d'amortissement des capitaux de premier établissement, de même que la masse des frais généraux, se répartissent sur un très grand nombre de tonnes de marchandises ; il s'ensuit que le prix de revient du transport de la tonne-kilomètre sur ces lignes est très bas, alors qu'il est par contre très élevé sur les lignes secondaires.

Si ces deux espèces de lignes étaient exploitées par des organismes différents, les tarifs sur les premières pourraient être de beaucoup inférieurs à ceux des secondes.

Si nous nous rappelons la mutualité entre les distances exposée page 55, nous constatons que dans le cas des chemins de fer la mutualité existe à trois degrés.

On a parfois fait remarquer que certains transports commencent sur les lignes principales et se terminent sur les lignes secondaires et réciproquement.

On en conclut que, puisque le trafic des lignes secondaires contribue à donner aux lignes principales leur rentabilité, il est équitable d'affecter une partie des recettes des lignes principales à combler l'insuffisance du produit des lignes secondaires.

Dans quelle mesure cette thèse est-elle défendable ?

C'est toujours un cas d'espèce. Pour en juger, il faut établir le pourcentage de la recette que procure le trafic affluant de la ligne secondaire par rapport à la recette totale de la ligne principale considérée. Or, hormis le cas où la ligne secondaire dessert des établissements industriels importants, l'on peut dire que si le trafic total d'une ligne est tel qu'elle a été a bon escient qualifiée de secondaire, le trafic partiel de cette ligne en direction de la ligne principale ne sera, en général, jamais bien important.

Remarquons en passant qu'une ligne secondaire n'est pas nécessairement une ligne déficitaire (note 199).

Alors que le chemin de fer transporte dans toutes les directions, secondaires comme importantes, l'automobile exerce son activité surtout sur les routes principales, c'est-à-dire là où elle peut être rémunératrice.

Le camion automobile ne s'inquiète ni de la mutualité entre les marchandises, ni entre les régions ; il se meut dans un régime de liberté complète.

Pour les marchandises pauvres rangées dans les classes inférieures de la tarification et pour celles qui bénéficient de tarifs spéciaux réduits, le chemin de fer équilibre le manque à gagner par une surtaxe compensatoire qui frappe les marchandises chères rangées dans les classes supérieures. Mais cette politique tarifaire, basée sur l'intérêt général, n'est possible que grâce au monopole de fait dont jouissait le chemin de fer, monopole qui ne permettait pas aux clients d'échapper à la surtaxe compensatoire en recourant à un autre mode de transport.

Mais aujourd'hui, ce monopole n'existe plus ; le camion automobile, en enlevant au chemin de fer précisément les marchandises chères, seules capables de supporter la surtaxe compensatoire et qui payaient pour les autres, a faussé complètement le mécanisme de ce système tarifaire.

L'on voit des industriels transporter leurs matières premières et leurs charbons aux prix bas du chemin de fer et confier à l'auto leurs produits fabriqués pour lesquels les prix du chemin de fer sont plus élevés.

En conséquence, l'éventail des prix des 6 classes générales se resserre (fig. 10, page 61) ; il faut abaisser les prix des classes supérieures pour soutenir la concurrence du camion, tandis que, pour maintenir l'équilibre financier du budget, il faut relever les prix des classes inférieures au détriment des industries lourdes et de l'agriculture.

Nous avons vu (page 39) que, déjà en 1940, les trois premières classes ont été fusionnées et leurs prix alignés sur l'échelle des prix de la 3e classe.

Les chemins de fer sont donc acculés à la nécessité d'assouplir leur système tarifaire.

Comment le chemin de fer peut-il réagir pour tâcher de redresser la situation ?

En attendant la réalisation de la coordination dont chacun rêve mais qui s'avère difficile, le chemin de fer a créé en juillet 1939 les tarifs de fidélité, qui pénalisent en quelque sorte ceux-là qui confient à l'auto leurs marchandises des classes supérieures et réservent au chemin de fer leurs marchandises des classes inférieures. Ces tarifs avantagent les clients qui confient au chemin de fer ou leur trafic total ou la plus grande partie de celui-ci, ce qui permet de maintenir la tarification à la valeur.

4. Conclusions.

Puisque la base même sur laquelle reposent les obligations imposées au chemin de fer a disparu - nous voulons dire son monopole de fait -, il faut, en toute logique, reprendre un à un tous les articles de la loi de 1891 et examiner dans quelle mesure ils doivent être maintenus, supprimés ou modifiés.

1°) Tarifs.

Prenant en considération leur mission de service public, on conçoit que les Gouvernements désirent maintenir un «fond» de tarifs dûment approuvés et publiés, mais les chemins de fer devraient pouvoir, comme en Angleterre (voir page 44), orienter leur politique commerciale dans le cadre d'une atténuation de l'obligation générale de publier tous leurs tarifs et dans un régime où seraient tolérés des accords particuliers tenant compte, cas pour cas, du prix de revient, de la valeur du service rendu et de la fidélité de la clientèle (note 200).

Bien entendu, cette aisance tarifaire serait réalisée progressivement pour éviter les bouleversements économiques.

Contrairement à ce que l'on entend souvent dire, les tarifs de fidélité ne sont pas des tarifs de concurrence, tout au moins dans leur principe. Ils ne pourraient prendre ce caractère qu'à la suite d'une application maladroite ou outrancière. Du point de vue doctrinal, leur origine procède tout simplement d'un principe commercial.

Des réductions variables, moins importantes, devraient pouvoir être accordées à ceux qui s'engageraient à confier au chemin de fer un pourcentage déterminé de leur trafic.

2°) Fourniture du matériel.

En période anormale, c'est-à-dire quand le trafic est interrompu sur les voies navigables ou sur les routes par suite de gel, verglas, brouillard, le chemin de fer devrait être autorisé à fournir le matériel par priorité à ses clients réguliers sans être tenu de respecter à l'égard des clients occasionnels les délais de fourniture de matériel prévus par la loi.

On pourrait décider, par exemple, que pour les clients occasionnels les délais seraient doublés.

3°) Délais de livraison des marchandises.

Les stipulations reprises au 2° ci-dessus s'appliqueraient aux délais de livraison.

Pour éviter que les clients occasionnels puissent tourner les dispositions qui précèdent à la faveur d'une déclaration d'un intérêt à la livraison, le chemin de fer serait autorisé à refuser celle-ci de la part d'expéditeurs qui ne remettent leurs marchandises au chemin de fer que lorsque les autres moyens de transport sont défaillants.

4°) Position du chemin de fer vis-à-vis de la concurrence de la route et de la voie d'eau.

Le chemin de fer doit évidemment supporter les conséquences de l'évolution survenue dans les moyens de transport tant fluviaux que routiers.

Le chemin de fer ne peut se mettre en travers du progrès ; ce serait d'ailleurs chose vaine, mais il a le droit d'exiger que tous les moyens de transport soient mis sur le même pied du point de vue des charges qu'ils supportent de manière que les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence soient les mêmes pour tous.

Pour cela, chaque moyen de transport doit supporter l'intégralité de ses charges d'infrastructure, à moins évidemment que celles-ci ne soient reprises par l'État pour tous les moyens de transport.

La loi de 1891 doit être assouplie et débarrassée des stipulations désuètes ou injustes.

Le chemin de fer - et éventuellement les autres moyens de transport - doit être indemnisé des charges que le gouvernement lui impose pour des raisons d'économie nationale ou pour des raisons d'ordre politique. Par charges, nous entendons aussi bien le maintien en exploitation de lignes déficitaires que l'obligation de conserver des tarifs trop bas.

Pour faire face à la concurrence, le chemin de fer sera souvent contraint à abaisser les prix perçus pour les classes supérieures (marchandises chères) de manière à les rapprocher de ceux de la route.

Il en résultera une perte de recettes et, pour ne pas compromettre son équilibre budgétaire, le chemin de fer devra relever les prix des classes inférieures (marchandises pondéreuses) au préjudice de l'industrie.

Les marchandises pondéreuses auront alors tendance à glisser vers la voie d'eau là où celle-ci existe.


CHAPITRE XI

1. L'Avion.

Par suite de la longueur des pistes d'envol, les aérodromes sont installés loin des villes. Un voyage en avion comporte de ce chef, un transport initial et un transport final en automobile.

C'est pourquoi l'avion est à peine intéressant quand on doit se rendre, par exemple, de Bruxelles à Paris (310 km), mais il le devient pour aller de Bruxelles à la Côte d'Azur (Bruxelles-Paris-Nice 1400 km). Aux Etats-Unis, on estime qu'en deçà de 650 kilomètres, une ligne aérienne ne saurait être rentable.

L'attrait de l'avion s'accroit rapidement quand la distance augmente et notamment quand le transport par chemin de fer comporte une ou plusieurs nuits.

Sur certains parcours comportant la traversée d'un bras de mer, l'avion aura la faveur du public pour le parcours total.

De plus en plus rapide, de plus en plus confortable, l'avion est imbattable aux très grandes distances.

Sur l'ensemble du globe, les compagnies aériennes voient leur trafic croître de 12 % par année, alors qu'au temps de son monopole de fait, le trafic du chemin de fer n'augmentait guère que de 5 %.

2. L'Hélicoptère.

Du chef de la suppression des pistes d'envol, l'hélicoptère bouleverse déjà les transports aériens et il est loin d'avoir dit son dernier mot.

3. L'Hydravion.

Au Congo belge, par suite du nombre, de l'étendue et de la largeur des fleuves, des rivières et des lacs, qui peuvent servir de pistes d'envol aux hydravions, d'aucuns prédisent à ceux-ci un avenir certain.


CHAPITRE XII
Le drame du chemin de fer

Pour ses installations fixes et pour son matériel roulant, l'exploitation d'un chemin de fer exige une immobilisation préalable de capitaux très importants. Les charges financières (intérêts et amortissement) qui en résultent sont donc très lourdes.

La conséquence, c'est qu'au prix de revient du transport de chaque voyageur et de chaque tonne de marchandises, il faut ajouter la part des charges financières qui lui incombe pour obtenir le prix de vente minimum, c'est-à-dire les tarifs minima.

Cette part des charges financières qui pèse ainsi sur chaque transport sera d'autant plus petite que le nombre de tonnes de marchandises et de voyageurs transportés sera lui-même plus grand. En d'autres termes, pour vivre, un chemin de fer doit pouvoir compter sur un très gros trafic.

Or que se passe-t-il ?

Le développement des camions-automobiles, des autos privées, des autobus et des autocars détourne du chemin de fer les transports les plus rémunérateurs.

A cela, il n'y a rien à faire et tous les chemins de fer doivent en prendre leur parti.

Mais quelle est la conséquence de cet état de choses ?

Alors qu'autrefois le trafic du chemin de fer augmentait de près de 5 % par année, ce trafic est plus ou moins stationnaire quand il n'est pas en régression. Néanmoins, pour se maintenir à la page, le chemin de fer doit se moderniser (électrification, diésélisation, voitures métalliques, modernisation des gares, etc.). Or, cette modernisation réclame de nouveaux capitaux, donc un accroissement des charges financières.

La conclusion en est claire. Ces charges financières croissantes ne se répartissent que sur un trafic qui lui n'augmente plus, la part des charges financières qui s'ajoute au prix de revient de chaque transport devient de plus en plus lourde.

Par ailleurs, comme les tarifs ne peuvent pratiquement être augmentés dans la mesure suffisante pour les mettre au niveau de l'index économique, l'équilibre financier devient de plus en plus difficile à réaliser.

*
* *

Une autre face du drame du chemin de fer, c'est sa vulnérabilité en face des fluctuations économiques.

En effet, à part le cas des agents recrutés à titre temporaire, les dépenses de personnel qui représentent 68,5 % ne sont compressibles qu'à long terme.

Si on y ajoute les charges financières d'infrastructure, lesquelles sont inéludables, la conjonction de ces deux facteurs donne un total qui, quelles que soient les fluctuations de la conjoncture économique, est pratiquement stabilisé et constitue en quelque sorte une inertie, un balourd, dans les dépenses totales. Cela se traduit pour le chemin de fer par un manque de souplesse pour s'adapter à une économie fluctuante et c'est pourquoi le chemin de fer est plus vulnérable que les autres modes de transport.

Enfin, il est erroné de croire que si un volume déterminé de trafic a permis à un réseau de vivre il y a quelques années, le même volume suffise à lui assurer actuellement son existence, face à des salaires et des coûts de matières accrus.

Notons, en effet, que si l'on prend l'année 1938 comme référence, on constate que si l'index pondéré des tarifs en 1938 = 100, il est, en 1957 = 297,

tandis que le coût de la main-d'œuvre = 475, celui du charbon = 498, celui des autres matières = 426.

Dans de telles conditions on doit convenir qu'une exploitation ferroviaire même bien dirigée, c'est-à-dire avec habileté, souplesse et économie, puisse être financièrement parlant une affaire difficile.

Alors, faut-il se croiser les bras ? Non bien sûr. C'est au contraire le moment pour les dirigeants de retrousser leurs manches et de s'attaquer avec une énergie accrue aux trois objectifs fondamentaux :

  1. Réduction des prix de revient,
  2. Augmentation de la productivité,
  3. Amélioration de la qualité des services rendus.

Réduction des prix de revient et augmentation de la productivité.

Ces deux objectifs sont intimement liés.

Accroître la productivité, c'est obtenir le rendement optimum du personnel et des machines (note 205).

Pour pouvoir faire des économies importantes, il faut naturellement s'attaquer d'abord aux plus gros postes de dépenses. Or, nous avons vu par la balance des comptes (fig. 63, page 178) que les dépenses de personnel représentaient 68 1/2 % des dépenses totales d'exploitation.

Cette situation n'est pas spéciale au réseau belge, elle est sensiblement la même pour tous les chemins de fer européens.

A quoi cela tient-il ?

Essentiellement à ce que l'activité d'un chemin de fer s'étend à tout le territoire ; la dispersion, l'émiettement des installations (en Belgique, 4.900 kilomètres de lignes, 600 gares, 40 dépôts de locomotives, 15 ateliers d'entretien, 6 ateliers centraux de réparation, 25 gares de triages) sont préjudiciables à l'obtention d'un bon rendement. Tel n'est pas le cas des entreprises industrielles qui, si importantes qu'elles soient, sont concentrées sur un espace relativement restreint. Cette concentration permet un rendement optimum du personnel, des machines et de la consommation d'énergie.

Où en est-on à la S.N.C.B. ?

En 1930, date à laquelle commence la concurrence de l'auto, la S.N.C.B. employait : 104.000 agents pour transporter 6.500 millions de VKM et 7.100 millions de TKM, soit 13.600 millions d'unités de trafic.

En 1956, elle n'employait plus que 79.000 agents et transportait 8.300 millions de VKM et 6.900 millions de TKM, soit 15.200 millions d'unités de trafic,

donc avec 25.000 agents en moins, elle a assuré un trafic supérieur. On mesure par ces chiffres l'augmentation de la productivité du personnel et la réduction subséquente du prix de revient de l'unité transportée.

En bref, si nous exprimons la productivité par le nombre d'agents utilisés pour transporter en million d'unités de trafic, nous voyons qu'en 1930 il fallait 7 agents (note 206_1) et qu'en 1956 il n'en faut plus que 4,5 (note 206_2).

Amélioration de la qualité des services rendus.

Le point de départ : le chemin de fer est au service du public.

C'est par l'attrait que la qualité de ses services produira sur le public que le rail ramènera sur ses lignes le trafic qui lui échappe.

Or, qu'est-ce qui plaît au public ?

Pour le service des voyageurs :

Pour le service des marchandises :

*
* *

Si l'on observe l'exploitation des chemins de fer en ces dernières années, on constate une évolution profonde. Celle-ci s'exerce à la fois sur le plan de la technique pure et sur le plan de l'organisation.

1. - Domaine de la technique pure.

  1. La substitution de la traction électrique et de la diésélisation à la traction à vapeur.
  2. La concentration des transports sur les lignes sur lesquelles les dépenses de traction sont les moindres (lignes à profil plus facile, lignes électrifiées).
  3. La concentration au maximum des installations fixes par la suppression des installations de moindre importance : ateliers, dépôts de locomotives, gares de triage, ce qui permet de doter ces installations d'un outillage moderne à haut rendement.
  4. Suppression des lignes à faible trafic et leur remplacement par des services d'autobus et de camionnage.
  5. Création des gares-centres avec desserte de leur hinterland par camion-auto (ramassage et distribution).
  6. Concentration des écritures comptables pour rendre possible leur mécanisation.
  7. Avec le concours des industriels, augmentation des possibilités des transports en vrac.
  8. Développement accentué de la containérisation, de la palettisation pour le transport, la manipulation et le gerbage des colis.
  9. La signalisation par le block automatique.
  10. Les cabines de signalisation électriques «tout relais» remplaçant les cabines mécaniques.
  11. La manœuvre automatique des nombreux aiguillages dans les gares de triage. Application dans celles-ci des freins de voie en chaîne.
  12. Commande des aiguilles et des signaux à longue distance par la «Commande centralisée de la circulation» (C.C.C).
  13. Rajeunissement du matériel à marchandises de manière à éliminer progressivement les wagons ayant plus de 25 ans d'âge afin de suivre de plus près les progrès de la construction. Il ne faut pas qu'on dépense plus d'argent pour entretenir et réparer les wagons que pour les faire circuler.
  14. Enfin, l'avènement de l'automatisation va rendre plus rapide l'évolution des applications techniques des découvertes scientifiques récentes.
  15. L'électronique permettra non seulement l'allégement du travail physique des ouvriers, mais encore une réduction de la tension cérébrale du personnel de maîtrise.

Automatisation et Electronique.

L'automatisation (l'automation, en terminologie américaine) (note 208) peut se définir :

«l'emploi de machines pour faire marcher des machines». En d'autres termes, on confie à des appareillages certaines opérations relevant jusqu'ici' de l'intelligence humaine. En principe, un capteur surveille une grandeur et dès qu'il décèle une variation de celle-ci, il commande une action de sens contraire jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli.

Au seuil de ce qu'on appelle la «deuxième révolution industrielle» (la première étant celle de l'électricité), toute entreprise doit repenser périodiquement son organisation d'où l'intérêt des plans quinquennaux. A ces moments, il faut :

Ce programme suppose naturellement la formation de techniciens capables d'entretenir ce matériel.

On peut espérer atteindre ainsi progressivement l'automatisme sans heurts et surtout sans conflits sociaux.

*
* *

A ne considérer que l'électrification, les économies d'exploitation qu'elle procure sont bien connues, elles dépassent l'économie en charbon. L'électrification permet plus facilement l'augmentation de la charge des trains et l'accélération des horaires. Il en résulte un accroissement des possibilités d'écoulement du trafic et un retard à la saturation des lignes.

Sans doute, l'électrification exige préalablement des dépenses fixes très importantes (sous-stations, caténaires) dépenses qui varient assez peu avec le trafic et lui imposent un seuil de rentabilité. Mais justement, les lignes sur lesquelles l'électrification est rentable sont précisément celles sur lesquelles le trafic est le plus proche de la saturation ; or, grâce à l'électrification, la capacité de ces lignes est sérieusement accrue.

Quant à la diésélisation, elle est plus souple que l'électrification en ce sens que les autorails et tracteurs diesel sont des véhicules autonomes que l'on peut utiliser sur n'importe quelle ligne, à n'importe quel moment sans équipement préalable.

Par ailleurs, si le trafic vient à diminuer sur une ligne diéselisée, on peut transférer les locomotives ou autorails sur une autre ligne sans devoir abandonner un équipement coûteux.

Enfin, si nous considérons les rendements respectifs des divers moyens de transport, nous constatons que le rendement global, c'est-à-dire par rapport à l'énergie thermique contenue dans le combustible, peut être estimé :

  1. pour la locomotive à vapeur, à 10 % maximum au crochet de traction de la locomotive.
  2. pour la locomotive électrique, à 15 % à la jante, mais pouvant atteindre 20 % dans le cas ou le courant est fourni par une centrale moderne à condensation.
  3. pour la locomotive Diesel, de 28 à 32 % à la jante (en prenant pour base un rendement du moteur Diesel lui-même égal à 35 ou 40 %, rendement que ce moteur conserve entre de larges limites de vitesses et de charges).

*
* *

2. - Progrès de l'organisation.

Dans bien des cas, la modernisation de l'organisation peut donner des résultats supérieurs à ceux qui portent sur la technique pure.

Les progrès dans l'organisation présentent au surplus le grand avantage de ne nécessiter le plus souvent aucun investissement et de produire leurs effets en un laps de temps assez réduit alors que le progrès technique pur se réalise plus lentement.

Un réseau américain a lancé ce mot d'ordre : «N'écrivez pas si vous pouvez télégraphier, ne télégraphiez pas si vous pouvez téléphoner !»

Exemple d'organisation :

Rationalisation de la répartition des wagons vides à mettre à la disposition de la clientèle.

Lorsqu'un wagon, arrivé à destination, est déchargé, il est plutôt rare qu'il trouve l'occasion d'être rechargé sur place.

Dès lors, il s'agit d'organiser la circulation des wagons vides de telle manière que, dans un minimum de temps, ils soient mis à la disposition d'autres clients en vue de leur rechargement.

Une étude attentive des besoins des régions en wagons vides fait constater que certaines régions ont toujours des wagons vides en excédent alors que dans d'autres régions, le besoin en wagons vides est quotidien.

Il est dès lors possible d'organiser des courants de wagons vides en provenance des gares excédentaires vers les gares consommatrices déficitaires.

On parvient ainsi à dégager des courants de transfert de wagons vides qui sont permanents en direction et stables en quantité.

L'accélération de la rotation du matériel vide est génératrice de très grosses économies en capital de premier établissement et en frais d'exploitation.

Pour souligner aux yeux du personnel et de la clientèle l'importance du problème de la «rotation» du matériel, certains réseaux diffusent le slogan suivant :

Dès qu'un wagon vous parvient : déchargez-le.

Dès qu'un wagon est vide : rechargez-le.

Dès qu'un wagon est chargé : expédiez-le !

*
* *

Remarque.

A propos de l'organisation, soulignons encore combien l'ambiance dans laquelle le travail est exécuté a d'heureuse influence sur le rendement de l'individu. Par ambiance, nous entendons non seulement le confort, la sécurité, la qualité de la lumière, les couleurs, l'agrément du lieu de travail, mais aussi la considération, l'estime et la compréhension qui doivent régir les relations entre subordonnés et dirigeants. Pour conduire les hommes, il faut pouvoir entrer en contact spirituel avec eux et pour cela, il faut les comprendre, connaître leurs besoins et jusqu'à leurs passions.


CHAPITRE XIII
La coordination des transports

L'étude de la coordination des transports est malaisée, on y travaille depuis plus de 30 ans et l'on est encore bien loin du but. Cependant, si l'on veut venir à bout d'une chose, le premier pas est de la croire possible.

La coordination doit être étudiée avec beaucoup de compréhension et, pour tout dire, à visière levée.

Quelles règles convient-il de poser à la base d'une saine coordination des transports ?

1. - La liberté du choix de l'usager.

L'usager doit rester libre de choisir son mode de transport, celui qui, pour lui, représente le moindre coût économique et social (note 212), c'est-à-dire compte tenu des qualités du transport (durée totale du transport du point de départ au lieu de destination, opérations et charges initiales et terminales, porte à porte éventuel, réduction ou suppression des emballages, contact direct avec la clientèle, manutention, perception directe du prix de la marchandise, fragilité de celle-ci, reprise des vidanges, publicité, etc.).

Cette liberté implique celle de recourir au transport «pour compte propre» si l'usager le juge préférable. Les camions appartenant à une entreprise sont à considérer, en général, comme des instruments de travail indispensables à son activité. Mais il va sans dire que le transporteur pour compte propre doit se soumettre aux règlements relatifs à la sécurité et que son personnel doit respecter les lois sociales.

Les transporteurs pour compte propre ne peuvent accepter ni rechercher comme fret de retour des transports qui sont du domaine des transporteurs professionnels.

2. - La neutralité de l'État.

L'usager ne doit subir aucune contrainte. Son choix ne doit pas être faussé par l'intervention de l'État. Celui-ci ne doit ni favoriser ni pénaliser arbitrairement une technique de transport.

Une politique qui tendrait à protéger un mode de transport déterminé pourrait permettre à celui-ci d'appliquer des tarifs inférieurs à ses prix de revient, ce qui serait inadmissible.

L'État doit rembourser à chaque mode de transport les charges spéciales qu'il lui impose dans l'intérêt de la collectivité.

3. - L'égalité des charges diverses.

Les différentes branches de transport doivent être mises dans des conditions telles que notamment l'inégalité des charges d'infrastructure et des impôts disparaisse.

Les charges d'infrastructure.

En ce qui concerne les charges d'infrastructure, dans les milieux gouvernementaux, prévaut l'opinion qu'il serait plus conforme à la théorie économique de faire supporter par chacun des modes de transport, les charges d'infrastructure. Cette thèse est plus équitable du point de vue de la justice distributive.

Mais, pratiquement, elle conduit à des difficultés inextricables dans les calculs de répartition des charges et risque de provoquer des distorsions entre certaines régions industrielles desservies par de bonnes voies déjà anciennes et d'autres régions qui devraient être pourvues de voies modernisées.

C'est ainsi que, dans les milieux industriels, la tendance semble s'affirmer que c'est l'État qui doit supporter ces charges tant pour la route et la voie d'eau que pour les chemins de fer.

La conséquence à tirer de cette dernière thèse, c'est que ces charges au lieu d'être payées par les seuls usagers, retombent sur tous les contribuables.

L'adoption de cette thèse peut aussi faire craindre que l'État ne s'engage dons des travaux non rentables ou dont la nécessité économique et sociale ne serait pas démontrée.

Pour les chemins de fer, que faut-il entendre par charges d'infrastructure ?

Il s'agit non seulement de l'établissement de la plate-forme, mais encore de la superstructure : ballast, traverses, rails, signalisation, en un mot, la voie en état de recevoir les trains comme pour la route et la voie d'eau, aptes à recevoir les autos ou les bateaux.

Les charges de renouvellement, les frais d'entretien, de réparation et d'exploitation doivent être à charge des usagers c'est-à-dire que l'exploitant les récupère, sous la forme d'un péage, en les incorporant dans les tarifs qu'il applique.

4. - Condition de rentabilité propre à chaque mode de transport.

Quel que soit le mode de transport, ses tarifs ne peuvent être inférieurs à ses prix de revient.

La coordination des transports devrait conduire à une réduction des frais de transport et, tout en évitant des gaspillages de moyens, procurer à la clientèle un éventail de services susceptibles de satisfaire entièrement ses besoins.

Les mesures de coordination ne sont qu'un des éléments d'une politique supposant des investissements judicieusement choisis et une gestion aussi commerciale que possible de chaque mode de transport.

Au surplus, l'égalité des charges d'infrastructure et des impôts étant réalisée, le régime d'une concurrence saine et stimulante devrait être adopté comme base de la coordination.


CHAPITRE XIV
Européisation des chemins de fer

Les pays qui composent l'Europe occidentale sont trop petits pour pouvoir s'adapter au rythme de l'économie contemporaine des grands espaces américains et soviétiques ; le but du marché commun (note 215), c'est de leur faire acquérir d'étapes en étapes la dimension économique nécessaire.

L'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas représentent 163 millions d'Européens, soit à peu près autant que les 172 millions d'habitants des Etats-Unis.

Par leurs soudures continentales si nombreuses, les chemins de fer ont par essence une vocation européenne. Aussi, depuis longtemps, ont-ils eu conscience de la similitude de leurs problèmes et de la solidarité qui lie leurs exploitations.

C'est ainsi que de longue date fonctionnent de nombreux organismes internationaux :

  1. Comité international des transports par chemins de fer C.I.T.
  2. Union internationale pour l'échange des voitures R.IC.
  3. Union internationale pour l'échange des wagons R.I.V.
  4. Union internationale des chemins de fer U.I.C.
  5. Bureau Central de Compensation des paiements B.C.C.
  6. Convention internationale de Berne pour le transport des voyageurs C.I.V.
  7. Convention internationale de Berne pour le transport des marchandises C.I.M.
  8. Conférences européennes des horaires des trains de voyageurs et des trains de marchandises
  9. Association internationale du Congrès des chemins de fer A.I.C.C.F.
  10. Association internationale des Wagons-Lits et des Grands Express européens W.L.

Depuis la dernière guerre, ont vu le jour :

  1. L'exploitation en commun de wagons marqués «Europ».
  2. La création des wagons standards européens.
  3. L'étude en commun des wagons de l'avenir.
  4. La Société «Eurofima» pour les investissements.
  5. La simplification des formalités aux frontières.
  6. La concentration du trafic international sur les grands itinéraires.
  7. Les relations rapides par automotrices Diesel entre grandes villes européennes (Trans-Europ-Express T. E. E.).
  8. Tarif européen pour les expéditions de détail.
  9. La concentration des recherches et des essais dans un Office commun.
  10. La recherche d'une unification des locomotives Diesel.
  11. L'organisme commun pour l'exploitation des transports frigorifiques. - Société Interfrigo.

D'autres problèmes devront aussi être repensés et l'on mesure combien est grand l'effort à faire pour surmonter l'hystérésis des habitudes.

Nous donnons ci-après quelques détails sur certaines de ces créations d'après guerre.

1. - Exploitation en commun des wagons à marchandises. - Wagons Europ.

Le R.I.V., réglementant l'échange des wagons en service international, impose à tout réseau le renvoi immédiat d'un wagon vers son administration propriétaire et cela, autant que possible avec un chargement.

Dix réseaux ont mis en commun 160.000 wagons marqués «Europ». Dès lors, un de ces dix réseaux peut utiliser sur ses lignes un wagon d'un réseau associé en attendant qu'un transport se présente permettant le renvoi avec un chargement.

De ce chef, les retours à vide ont été réduits de moitié.

Cette communauté d'utilisation a pour effet de réduire la durée d'évolution des wagons et, partant, une diminution des effectifs, d'où une économie notable sur les capitaux investis. C'est là une étape très importante dans le domaine de la productivité européenne.

Si l'effectif des wagons «Europ» est limité à 160.000, c'est par suite de la disparité des types de wagons qui crée des difficultés pour les réparations. Cet effectif s'accroîtra au fur et à mesure que les wagons «Standards» seront mis en service.

2. - Wagons Standards Européens.

Dès 1949, la Commission Economique pour l'Europe (C.E.E.) de Genève avait préconisé la création d'un bureau international de recherches. En suite de cette proposition, l'Union Internationale des chemins de fer (U.I.C.) a créé son «Office de Recherches et des Essais» (O.R.E.) qui fonctionne aux Pays-Bas sous la direction du Directeur Général des chemins de fer néerlandais.

Jusqu'ici 10 types de wagons standards ont été étudiés et 6 ont été construits :

Il s'ensuit que les pièces de rechange sont interchangeables et se trouvent ainsi en tous pays prêtes pour la réparation des wagons accidentés en dehors de leur pays d'origine.

3. - Le wagon de l'avenir.

L'office des Recherches et des Essais (O.R.E.) s'est rapproché de l'Association internationale des Constructeurs de matériel roulant (A.I.C.M.R.) ; de ce contact est né en 1954 le concours d'idées sur le wagon de l'avenir.

Les conditions du concours précisaient les points de vue sous lesquels les projets seraient examinés :

Les résultats furent proclamés le 25 avril 1956.

Mais l'expérience seule dira ce que valent ces projets, des prototypes de wagons seront donc construits selon les types primés. On attache une importance particulière à la réalisation d'un wagon standard d'une durée de vie de quelque 25 ans, permettant de suivre de beaucoup plus près les progrès de la technique.

4. - La Société Eurofima.

L'un des grands problèmes qui se posent aujourd'hui est celui du financement des investissements. Les chemins de fer, comme toute industrie, ne peuvent se survivre que s'ils se modernisent. Leur équipement suppose une continuité et une unité d'action qu'on trouvera le mieux dans un processus international.

Dans le cadre de cette modernisation, il faut abaisser le prix de revient de la construction, donc standardiser les modèles et poursuivre, en liaison avec les constructeurs, l'institution d'un marché européen de la construction du matériel ferroviaire.

En octobre 1954, 14 réseaux ont signé une convention instituant la Société «Eurofima» pour le financement international des achats de matériel.

Dès lors, les réseaux peuvent faire appel en commun à l'épargne privée pour la modernisation du trafic sur les grandes artères internationales.

La politique européenne d'investissements et la modernisation des matériels permettent même d'entrevoir d'étapes en étapes, la possibilité de grouper les commandes des divers pays, de répartir ces commandes en confiant l'exécution aux ateliers pourvus de l'outillage le plus perfectionné de manière à réduire au minimum le coût de la construction (note 218).

5. - Passage des frontières.

Aujourd'hui, on tend vers une interpénétration de l'exploitation des chemins de fer qui ne connaîtra plus les frontières. Evidemment, la réalisation de ce programme n'est pas pour demain, mais un premier pas a été fait en fusionnant en une gare unique les deux gares frontières classiques de manière à accomplir, en ce qui concerne les voyageurs, en une seule fois les opérations douanières et, du même coup, le contrôle des passeports et celui des devises. (On cherche à étendre ce système au transport des marchandises). Par ailleurs, le matériel circule plus rapidement d'où une réduction des effectifs nécessaires.

L'idéal serait évidemment d'accomplir toutes ces formalités dans les trains en cours de route comme cela se pratiquait déjà dès avant la guerre dans certaines relations.

Grâce à ces mesures, la durée des trajets est considérablement réduite et l'on a pu parfois gagner une nuit sur un voyage.

6. - Concentration du trafic international sur les grands itinéraires.

1er étape.

Il a été dressé une Carte et un Recueil des itinéraires internationaux qui, étant donné leur équipement, paraissent les plus rationnels du point de vue de l'exploitation technique et de la réduction des délais de transport.

En 1956, les administrations se sont engagées à faire tout leur possible pour canaliser le trafic international des marchandises sur ces itinéraires.

2me étape.

Des études sont en cours pour établir les prix de revient sur ces itinéraires. De sorte que compte tenu de toutes les considérations (prix, facilités d'exploitation, délais, partage du trafic entre pays), on pourra choisir les itinéraires à doter d'équipements modernes.

Il restera évidemment à envisager la méthode à adopter pour concentrer le trafic sur ces itinéraires :

7. - Circulation des rames Trans-Europ-Express (T. E. E.).

En vue d'accélérer les relations internationales et d'offrir un haut standing de confort aux voyageurs en utilisant tous les moyens de la technique ferroviaire moderne, sept administrations ont créé les rames Trans-Europ-Express (note 219).

La circulation de celles-ci est limitée aux grands centres de l'Europe Occidentale situés sur des distances de 300 à 1.000 kilomètres.

Ces relations sont assurées par des rames automotrices Diesel, aptes à circuler sur tous les réseaux.

Ces rames comportent 4 véhicules et réalisent des vitesses commerciales dépassant souvent 100 km/h et pouvant atteindre une vitesse maximum de 160 km/h.

Ce sont des trains de 1re classe avec perception d'un supplément.

Onze relations de ce type sont en service à l'heure actuelle.

Exemples : Paris-Bruxelles en 2 h. 45. - Paris-Bruxelles-Amsterdam en 5 h. 35. - Bruxelles-Bâle en 6 h. 20.

8. - Tarif européen pour les expéditions de détail.

Ce tarif considère l'Europe comme un seul territoire tarifaire, il constitue la première réalisation de tarifs internationaux indépendants des tarifs intérieurs.

Il ne fait aucune distinction de prix suivant la nature des marchandises. Il n'y a donc ni classes, ni séries.

Un seul régime de vitesse est prévu et le tarif indique dans chaque relation le délai de transport.

Pour chaque relation, il n'existe qu'un seul acheminement possible fixé de façon à offrir le délai le plus favorable et à canaliser le trafic sur un nombre très limité de points frontières.

Chaque pays est divisé en zones (Belgique 21 zones). Pour un envoi d'une zone d'un pays vers une zone d'un autre pays, le tarif donne un numéro de prix grâce auquel on peut obtenir la taxe applicable.

Les taxes sont dégressives avec la distance.

L'expéditeur est donc à même de calculer lui-même le prix à payer alors qu'autrefois le recours à une maison d'expédition était généralement nécessaire.

U. LAMALLE
mars 1958.


Notes

(note 004) Art. 1784 du Code civil. - Les voituriers sont responsables de la perte ou de l'avarie des choses qui leur sont confiées, à moins qu'ils ne prouvent qu'elles ont été perdues ou avariées par cas fortuit ou force majeure.

Art. 103 du Code de commerce. - Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors le cas de force majeure.

Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice de la chose ou de la force majeure.

(note 005_1) Moniteur belge du 26 août 1891, n° 238.

N. B. - Quand une loi a été votée définitivement par les Chambres, elle doit être sanctionnée, c'est-à-dire approuvée par le Roi. Pour devenir exécutoire, elle doit ensuite être promulguée par le Roi ; la promulgation est la proclamation solennelle de l'existence de la loi ; c'est la publication au Moniteur.

(note 005_2) Art. 1134 du Code civil. - Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

(note 006) En matière sociale, on a pu dire : «c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit» (Comte Albert de Mun).

(note 007) Par témoin, par présomption, par les livres et registres du voiturier.

(note 009) Remarque. - Bien que le contrat de transport soit conclu entre le chemin de fer et l'expéditeur, c'est cependant presque toujours avec le destinataire, qui est un tiers étranger au contrat, que le chemin de fer discute et règle un litige. Où donc le destinataire puise-t-il son droit d'intenter une action contre le chemin de fer ?

L'expéditeur en remettant une marchandise au chemin de fer, avec ordre de la délivrer au destinataire, contracte au profit de ce dernier dont il se constitue en quelque sorte le mandataire. Du moment que le destinataire manifeste l'intention d'accepter le contrat conclu à son profit (par exemple en prenant livraison de la marchandise), il ratifie ce contrat ; dès lors, il acquiert les droits qui en dérivent et, notamment, le droit à réclamation. La stipulation au profit d'un tiers est d'ailleurs prévue par le code civil (article 1121).

(note 010) Ces dispositions sont groupées sous les dénominations de Conditions réglementaires pour le transport des voyageurs et des bagages et Conditions réglementaires pour le transport des marchandises.

(note 011_1) Article 16 de la loi du 23 juillet 1926.

(note 011_2) Article 1784 du Code Civil.

Ils (les voituriers) sont responsables de !a perte et de l'avarie des choses qui leur sont confiées, à moins qu'ils ne prouvent qu'elles ont été perdues ou avariées par cas fortuit ou force majeure.

(note 011_3) Art. 103 du Code de commerce de 1808. - Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors le cas de force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice de la chose ou de la force majeure.

(note 012_1) Art. 1382 du Code civil. - Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Art. 1383. - Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

(note 012_2) La responsabilité délictuelle est celle qui résulte d'un délit. Le délit civil est un fait par lequel une personne cause du dommage avec intention de nuire.

Quand il n'y a pas intention de nuire mais uniquement imprudence ou faute, le fait devient quasi-délit. A celui-ci correspond la responsabilité quasi-délictuelle.

(note 012_3) Commentaire législatif du contrat de transport. - Dupont et Tart. Editeur Larcier, Bruxelles 1898.

(note 012_4) La présomption établie par l'article 4 ne s'étend pas jusqu'à faire supporter par le transporteur les conséquences des imprudences commises par le voyageur parce que le contrat de transport est un contrat bilatéral, c'est-à-dire imposant des obligations réciproques aux parties contractantes. Il s'ensuit qu'une des parties ne peut faire courir à l'autre des risques exagérés incompatibles avec l'exécution régulière et normale du contrat.

La faute ou l'imprudence de la victime ou tout autre fait quelconque du voyageur qui est la cause de l'accident qui lui survient relève de la cause étrangère non imputable au transporteur.

Le fait d'un tiers constitue également la cause étrangère mais, dans ce cas, le chemin de fer doit prouver qu'il n'aurait pu l'empêcher, ou tout au moins, qu'il n'y a pas eu de sa part manque de soins, qui aurait facilité la perpétration de l'acte de ce tiers.

(note 014_1) D'après les prix courants du commerce au moment et au lieu de l'expédition.

(note 014_2) Le dol implique l'idée d'intention méchante.

(note 015) En ce qui concerne le retard des trains de voyageurs, la loi n'a rien prévu, laissant le transporteur libre de prendre des dispositions spéciales.

A cet égard, les «Conditions réglementaires belges» limitent l'indemnité, en cas de retard, au paiement du prix du transport. Cette indemnité n'est due, au surplus, qu'au voyageur qui a payé le prix plein et le voyageur doit démontrer qu'il y a faute imputable au chemin de fer.

(note 017) Ces «Conditions complémentaires uniformes» résultaient d'accords conclus entre diverses administrations de chemins de fer dans le but de régler certains détails d'exécution de la Convention. Ces «Conditions complémentaires» ont été rendues «uniformes» à la Conférence de Munich de février 1901. Les Conditions complémentaires uniformes ne constituaient pas un acte diplomatique, mais, comme pour leur mise en vigueur, elles étaient soumises dans chaque pays à la même procédure que celle exigée pour les tarifs, elles avaient, vis-à-vis du public et des chemins de fer, la même force obligatoire que les tarifs.

(note 018) La nouvelle C.I.M. a été sanctionnée en Belgique par la loi du 23 avril 1955 (Moniteur belge du 2 juin 1955).

(note 019) Le «connaissement» peut être :

(note 024) La nouvelle C.I.V. a été sanctionnée en Belgique par la loi du 23 avril 1955 (Moniteur belge du 2 juin 1955).

(note 028_1) S.N.C.B. = Société Nationale des chemins de fer belges.

(note 028_2) L'article 9 de la Convention du 31 janvier 1927 entre l'État belge, le Fonds d'amortissement et la Société Nationale a précisé et limité la portée de l'article 16 de la loi du 23 juillet 1926.

(note 029) Loi du 1er mai 1834 :

Art. 5. - Les produits de la route provenant des péages qui devront être réglés annuellement par la loi, serviront à couvrir les intérêts et l'amortissement de l'emprunt, ainsi que les dépenses annuelles d'entretien et d'administration de la nouvelle voie.

Loi du 12 avril 1835 :

Art. 4. - Le produit des péages sera versé au Trésor pour servir aux dépenses d'entretien et à l'Administration de la route ainsi qu'au remboursement des intérêts et des capitaux affectés à sa construction.

Ces textes sont limitatifs, le législateur ne faisant aucune allusion à un bénéfice éventuel ; il faut en déduire qu'il a exclu l'idée même de ce bénéfice ; sinon, il l'aurait dit expressément.

(note 030) Les 6 % d'intérêt que le Gouvernement garantit et paie aux actions privilégiées sont la contrepartie de l'intérêt qu'il servait aux bons du Trésor qu'il a remboursés au moyen des actions de la Société Nationale.

En 1935, cet intérêt de 6 % a été ramené à 4 % pour les tranches émises en Belgique ; les tranches émises en Hollande et en Suisse bénéficient toujours du taux de 6 %.

(note 031) Le capital de 11 milliards de francs de la S.N.C.B. est représenté par :

  1. 1 milliard de francs d'actions ordinaires (10 millions d'actions à 100 frs) ;
  2. 10 milliards de francs d'actions privilégiées (20 millions d'actions à 500 frs) dont :
    1. la 1/2 est restée à la souche et, partant, le bénéfice qui lui revient éventuellement va à l'État ;
    2. l'autre 1/2 a été vendue dans le public.

En résumé, le solde bénéficiaire éventuel est attribué :

pour 1/2 aux actions ordinaires donc pour 1/2 à l'État ;

pour 1/2 aux actions privilégiées

pour 1/4 à l'État ;
pour 1/4 au public ;

de sorte que, en dernière analyse, les 3/4 rentrent dans les Caisses de l'État.

(note 032) Abstraction faite des risques de vol.

(note 034) En 1923, en Allemagne, où le change était déprécié au delà de toute mesure, on avait, pour faire concorder rapidement les taxes avec la dépréciation de la monnaie, adopté le procédé employé par les milieux économiques qui ne transforment pas constamment les prix fixés pour chaque objet, mais qui expriment ces prix au moyen d'une valeur constante correspondant plus ou moins à celle du temps de paix (Grundpreis) et d'un multiplicateur (Schlüsselzahl) qui variait selon l'index du renchérissement. Ce multiplicateur ou chiffre-clé avait été établi par le chemin de fer du Reich d'après son propre nombre-index, c.-à-d. qu'il était basé sur les frais que lui occasionnaient le matériel et le personnel.

(note 035) En 1912, alors qu'il n'existait que 4 classes, la répartition du tonnage était la suivante : 1re classe 2 %, 2e classe 9 %, 3e classe 13 %, 4e classe plus tarifs spéciaux et exceptionnels 70 %. Total 94 % du total des «Grosses marchandises».

(note 037_1) A la 1re classe, on trouvait les marchandises valant plus de 400 frs-or la tonne.

A la 2me classe, celles valant de 150 à 400 frs-or la tonne.

A la 3me classe, celles valant de 50 à 130 frs-or la tonne.

A la 4me classe, celles valant moins de 50 frs-or la tonne.

(note 037_2) Conférences sur l'Exploitation des chemins de fer. - 5me Conférence technique. Le matériel à marchandises considéré du double point de vue de sa capacité et de son utilisation, pages 41-42, mai 1917.

(note 040) Art. 37, § 3 de la loi de 1891.

(note 043) Pour la définition du prix de revient marginal, voir le chapitre VIII (Prix de revient).

(note 044) Chose assez inattendue, l'analyse des prix de revient a montré que le profil des lignes n'a qu'une répercussion limitée sur le prix de revient du chemin de fer. Entre une ligne à bon profil et à faible trafic et une ligne à profil moins bon et à gros trafic, la comparaison des prix de revient est nettement en faveur de la ligne à mauvais profil mais à fort trafic.

(note 046) Nous montrerons au chapitre IV, consacré à l'utilité des chemins de fer, que le prix de revient à considérer comme limite inférieure extrême de la taxe, est le prix de revient partiel, c'est-à-dire le prix de revient de la tonne en plus ou du voyageur en plus, avec cette double réserve :

  1. que la taxe de chaque transport doit, après avoir couvert le prix de revient partiel de ce transport, laisser en plus, si c'est possible, un excédent pour contribuer à payer les charges permanentes communes à tous les transports. Par charges permanentes, nous entendons les charges financières et les frais généraux.
  2. certains transports pourront ne donner lieu qu'à un excédent infime ou nul, à la condition que par compensation, d'autres transports fournissent des excédents d'autant plus importants, de manière que, en dernière analyse, le total des excédents soit au moins égal aux charges permanentes, car si cette dernière condition n'est pas satisfaite, l'exploitation soldera en déficit.

(note 048) C'est ce qui figure dans les barèmes belges, sous la dénomination de frais fixes.

(note 049) Le matériel de traction et de transport est immobilisé avant et après le transport pendant le même temps quelle que soit la distance à parcourir. L'intérêt et l'amortissement du capital de premier établissement d'une grande gare de départ ou d'arrivée l'emportent de beaucoup sur ceux d'une gare intermédiaire, etc.

(note 050_1) La ligne du Gothard, construite de 1872 à 1882, a coûté 271 millions de francs-or ; elle comporte 80 tunnels représentant 18 % de la longueur de toute la ligne et 324 ponts de plus de 10 mètres d'ouverture. Le grand tunnel de 15 kilomètres de longueur a coûté à lui seul 63 millions, c'est-à-dire plus de 4 millions par kilomètre, alors que le coût ordinaire du kilomètre de chemins de fer n'était en moyenne pour l'Europe que de 400.000 francs-or pour 1912.

(note 050_2) En règle générale, on considère sur les chemins de fer belges comme encombrante toute marchandise qui, pour un poids d'environ 200 kilogrammes, occupe plus d'un mètre cube en volume : vannerie, foin, paille, ouate.

(note 053) En Belgique, tarifs voyageurs minima : 3 fr. en 2e classe, 6 fr. en 1re classe (mai 1957).

(note 054) Pour la facilité de l'exposé, nous maintenons à dessein ces chiffres simples. Il suffit d'ailleurs de convenir qu'ils représentent des francs-or pour rester dans la réalité.

(note 055) Abstraction faite de la taxe fixe OA.

(note 056) Abstraction faite de la taxe fixe OA.

(note 057) Le 1er janvier 1861. Ministre Vanderstichelen.

(note 058) Abstraction faite toujours de la taxe fixe t1.

(note 060) Exemple d'établissement d'un barème : 6e classe, série C, du tarif n° 3, fig. 9,

à 75 km, frais fixes fr. 20,7149
  frais variables : fr. 1,0831 X 75 km fr. 81,3825
  taxe totale fr. 102,0974 = 103 fr.
à 150 km, frais fixes (taxe à 75 km) fr. 102,0974
  frais variables : fr. 0,4693 X 75 km fr. 33,1975
  taxe totale fr. 137,2949 = 138 fr.
à 200 km, frais fixes (taxe à 150 km) fr. 137,2949
  frais variables : fr. 0,308 X 50 km fr. 15,4000
  taxe totale fr. 152,6949 = 133 fr.
à 350 km, frais fixes (taxe à 200 km) fr. 152,6949
  frais variables : fr. 0,2473 X 150 km fr. 37,1230
  taxe totale fr. 189,8199 = 190 fr.

(note 062) Les barèmes des abonnements ordinaires des voyageurs de la S.N.C.B. présentent un palier à la partie finale ; ce palier correspond au prix payé pour l'abonnement valable sur tout le réseau.

(note 066) 1.200.000 tonnes de froment par an avant la dernière guerre.

(note 074_1) voir page 16.

(note 074_2) La feuille de route est une pièce comptable qui permet à la station d'arrivée de porter dans ses écritures les frais de transport et autres (la lettre de voiture étant remise au destinataire).

(note 076) Avant la guerre 1914-1918, les administrations allemandes tendaient à faire admettre le principe que les itinéraires qui ne présentaient pas des écarts de distance supérieurs à 20 % pouvaient prétendre participer au partage du trafic.

(note 082) En 1937, sur les Tramways bruxellois, l'abonnement scolaire annuel coûte :

(note 083_1) L'utilisation était en Belgique, avant la guerre de 1914-1918 de :

Pour 1936, elle était de :

(note 083_2)

Voitures métalliques modernes de la S.N.C.B.

Tare par place offerte

1re classe 2e classe
Voitures du service international (a), longueur 21 à 22 mètres 665 kg 378 kg
Voitures du service intérieur pour trains rapides (b), longueur 22 mètres 560 kg 327 kg
Voitures du service intérieur pour tous services (b), 495 kg (c) 315 kg (c)
longueur 22,7 mètres 340 kg (d) 246 kg (d)
Voitures de 1re classe du train «Mistral» de la S.N.C.F. 1000 kg (e) -

(a) 3 places en largeur en 1re classe et 4 en 2e classe.

(b) 4 places en largeur en 1re classe et 5 en 2e classe.

(c) places assises uniquement.

(d) places assises et places debout.

(e) voitures en acier inoxydable à compartiments séparés avec équipement de conditionnement d'air.

(note 085_1) Y compris un impôt sur le transport des voyageurs de 2,25 %. Depuis 1956, l'impôt a été porté à 2,50 %, sans que les taxes aient été modifiées.

(note 085_2) «Exposé de la réforme des tarifs de 1866» publié par le Ministre des Travaux publics le 10 décembre 1869. Imprimeur Gobbaerts, rue de Louvain 40, Bruxelles.

(note 090) Les voyageurs de commerce bénéficient d'une réduction de 18 %.

(note 091) Le paiement d'un abonnement ordinaire d'un an représentant, à partir de certaines distances, une somme assez rondelette, dont le débours peut peser lourdement sur le budget de l'employé ou de l'homme d'affaires peu fortuné, la S.N.C.B. accepte le paiement fractionné, moyennant une surtaxe de 5 %.

(note 094) L'emplacement d'une usine est conditionné par :

  1. matières premières à proximité,
  2. voisinage du combustible,
  3. qualité des eaux pour l'alimentation des chaudières où pour le travail lui-même : lavage des laines, par exemple,
  4. distance à un port de mer (importation - exportation),
  5. nocivité des fumées, exemple : usines à zinc en Campine, grillage des blendes (ZnS), des pyrites (Fe2S),
  6. voisinage de voies navigables et du chemin de fer,
  7. présence d'une main-d'œuvre qualifiée.

(note 095) Complétée par la loi du 11 octobre 1919 instituant une société nationale des habitations et logements à bon marché.

(note 096) Les abonnements d'ouvriers et leurs effets sociaux, par M. Mahaim. Mémoire de l'Institut Solvay, 1910. Volume in-4°, 230 pages, 28 cartes.

(note 097_1) Foyers d'attraction. Stations vers lesquelles se dirigent les ouvriers abonnés.

(note 097_2) Foyers de dispersion. Stations d'où partent les ouvriers abonnés.

(note 099) Cette part peut être obtenue, par exemple, en répartissant ces charges uniformément sur toutes les unités de trafic (tonnes-kilomètres et voyageurs-kilomètres) transportées par l'entreprise au cours de l'année. Pour cette détermination, on assimile souvent en pratique un voyageur-kilomètre à une tonne-kilomètre.

(note 100) Exemples de péage :

  1. taxe perçue par la Société «Imalso» (Intercommunale Maatschappij Linker Schelde Oever) pour le passage des véhicules par le tunnel sous l'Escaut à Anvers ;
  2. taxes perçues sur certaines autostrades en Italie (route de Venise à Vérone, autostrade qui conduit de Naples au pied du Vésuve, etc.) ;
  3. taxe payée par les automobiles et les autocars sur la route privée de montagne qui monte de Zell-am-See (Tyrol autrichien) jusqu'au Gross Glockner ;
  4. aux Etats-Unis, la plupart des grandes autoroutes sont des voies à péage. Les Américains sont partisans du principe «celui qui jouit d'un avantage doit le payer». Ces péages cessent aussitôt que les fonds investis dans la construction de ces routes sont remboursés.

(note 102_1) Ce minimum est souvent inscrit dans les cahiers des charges des chemins de fer concédés ; c'est le cas notamment en France.

En Belgique, le cahier des charges de 1866, applicable aux chemins de fer concédés et à la S.N.C.B., dispose en son article 23 : «Le Département des Travaux Publics pourra exiger qu'il y ait, au moins, trois convois par jour, transportant des voyageurs dans les deux sens pour chaque partie de la ligne».

(note 102_2) Ainsi à l'État belge, en 1913 (période économique stable), ce poste se chiffrait par 108 millions, soit le 1/3 environ des dépenses totales d'exploitation, qui s'élevaient à 3S6 millions (Compte rendu du Ministre aux Chambres, pages 7 à 94).

En 1925, année qui à précédé la constitution de la S.N.C.B., ces charges financières étaient quelque peu plus élevées, elles se montaient à 202 millions, mais elles ne représentaient plus que le 1/8 des dépenses totales d'exploitation, qui, elles, s'élevaient à 1.603 millions.

(note 103) Pour l'Etat belge et pour 1913, cela correspondrait donc à :

(note 104) Enfin, dans les documents publiés par les administrations de chemins de fer, on classe souvent, d'une part, les charges du capital, c'est-à-dire l'intérêt et l'amortissement du capital de premier établissement relatif à la voie et à l'entièreté du matériel roulant (et non pas seulement au capital immobilisé dans le matériel roulant nécessaire pour un service minimum), d'autre part, on groupe les dépenses d'exploitation dans lesquelles on fait rentrer aussi l'entretien de la voie.

(note 106) Nous disons «pratiquement parlant» parce que du point de vue juridique, le transport chemin de fer n'est pas une marchandise mais résulte d'un contrat de louage de services.

(note 109) Dernier exercice pour lequel il existe encore 3 classes de voyageurs, la 3e classe ayant été supprimée le 3 juin 1956. Depuis lors, la 1re classe comporte 6 places par compartiment, la seconde classe, 8 places.

(note 111) tt3 représentant la différence entre la valeur d'usage ot3 du transport et la taxe unitaire unique ot.

(note 114) Bénéfices égaux : rectangles paC1t1 = pbC2t2.

(note 116) Le prix de revient envisagé ici est le prix de revient partiel.

(note 117_1) La surface des petits triangles gC2C, eCC1, t1C1B se réduisant de plus en plus.

(note 117_2) Le prix de revient étant supposé indépendant du trafic.

(note 118) Remarque. - Chaque fois qu'il s'agit de la courbe de la demande comme dans les figures 30 à 39, on part de la taxe ot pour déterminer le trafic oq, mais lorsqu'il est question du prix de revient, comme dans les figures 40 et suivantes, on part du trafic oq pour déterminer le prix de revient op.

(note 123) Sans oublier que le prix de revient réagit sur la taxe, rappelons que c'est la taxe ot qui détermine le trafic oq (ordonnée tC) et que c'est le trafic oq qui détermine le prix de revient op1 (horizontale qb).

(note 124) Nous verrons, en effet, dans un instant, qu'une taxe ot3 (fig. 48) inférieure au prix de revient total op" procure néanmoins un bénéfice (rectangle VII).

(note 125_1) La quantité de transport n'a pas changé, partant la dépense non plus, la recette seule est augmentée.

(note 125_2) En d'autres termes, avec les taxes multiples, nous avons à opposer à la recette totale nouvelle oq3C3hCdC2t2 une dépense totale se composant en :

  1. une partie fixe p'fkp" ;
  2. une partie proportionnelle au trafic oq3fp'

soit au total oq3kp". Or, cette dépense totale, à cause de p'fkp" = p'abp est égale à oq3fp' +p'abp.

Donc, le bénéfice est

oq3C3hCdC2t2 - (oq3fp' + p'abp) = rectangles VII + III + VI.

(note 127_1) N'oublions pas qu'il est déterminé par l'intersection de l'horizontale qC prolongée avec la courbe VW.

(note 127_2) La recette couvre les dépenses variables op' x oq = rectangle II et laisse un surplus p't x oq = rectangle III qui sert à couvrir partiellement les charges permanentes.

(note 131) Voies navigables, routes, chemins de fer à voie normale, chemins de fer vicinaux.

(note 138_1) A la S.N.C.B., le capital (11 milliards de francs) est la contrepartie du droit d'exploitation qui lui a été concédé en 1926, l'État reste propriétaire du réseau. Pour le surplus, toutes les immobilisations nouvelles, couvertes par des emprunts obligataires, sont portées au compte de premier établissement.

(note 138_2) D'une manière plus générale, dans une entreprise :

  1. les emprunts sont rémunérés dès qu'ils sont consentis. Ils sont rentés quels que soient lesrésultats des exercices ;
  2. les apports en capital sont rémunérés sur les produits des immobilisations mais ils ne sont rémunérés que si des bénéfices sont réalisés.

(note 139) Dans le cas particulier de la S.N.C.B., le capital de 11 milliards est représenté par des actions ordinaires et des actions privilégiées.

Les actions privilégiées sont au porteur ; elles ont droit à un dividende fixe (déterminé par le Gouvernement et à charge de l'État) et à la moitié des bénéfices nets.

Les actions ordinaires sont attribuées à l'État ; elles sont nominatives et inaliénables ; elles ont droit à l'autre moitié des bénéfices nets.

Le dividende fixe étant à charge de l'État, les porteurs d'actions privilégiées ont toujours la garantie de toucher leur dividende fixe.

La S.N.C.B. ne peut émettre d'emprunt qu'en vertu d'une loi l'y autorisant ; les modalités de chaque emprunt sont réglées par un arrêté royal ; dans certains cas spéciaux l'intérêt est garanti par l'État.

(note 141_1) Pour la S.N.C.B., il n'a pu être question de calculer les annuités en tenant compte des intérêts composés, parce que la S.N.C.B. a reçu des installations et le matériel à peu près à l'âge moyen sans avoir obtenu de l'État aucun avoir du fonds de renouvellement, ce dernier n'existant pas.

(note 141_2) Sauf, éventuellement, le prix de cession du matériel roulant et des matières.

(note 142_1) En cas de rachat anticipé par l'État moyennant le paiement d'une annuité ou d'une part de recettes, les Sociétés concessionnaires continuent, au moyen de ces recettes, à rémunérer et à amortir les capitaux investis.

(note 142_2) Intérêt de 4 % par exemple.

(note 143_1) La probabilité mathématique augmente quand le nombre des épreuves est de plus en plus grand.

(note 143_2) A la S.N.C.B., comme auparavant sous le régime de l'exploitation des chemins de fer par l'État, on ne procède pas à des retenues pour les pensions du personnel ; celles-ci sont gratuites. La pension ne constitue cependant pas un don, mais un salaire légitimement acquis, dont le paiement a été différé. C'est une question de principe aujourd'hui jugée. Mais, pour les pensions des veuves et des orphelins, on opère des retenues.

(note 146_1) Pour l'année 1957, les dépenses du personnel de la S.N.C.B. se montaient à 9.061 millions de francs, une majoration de 10 % représente un accroissement de dépenses de 906 millions.

(note 146_2) Pour l'année 1957, la S.N.C.B. a dépensé 1.079 millions de francs en combustible (subside de l'État compris), une majoration de 10 % entraîne une dépense supplémentaire de 107 millions de francs.

(note 147_1) Charges financières comprises.

(note 147_2) Exemples : trains complets de minerais, de charbon, de coke, etc.

(note 149_1) S'il s'agit de concurrencer une voie rivale, il faudra abaisser la taxe à un taux déterminé sous peine de perdre le trafic. Mais alors se poseront les questions suivantes : le tarif obligé sera-t-il encore supérieur au prix de revient ? L'excédent éventuel couvrira-t-il sa part des charges-permanentes ou sera-t-on forcé de sacrifier une partie de celles-ci ?

(note 149_2) Ligne à saturation ou non.

(note 152) M. Bourgeois, chef adjoint du service commercial de la S.N.C.F. Revue «Notre trafic», février 1951.

(note 157) La chose est patente en ce qui concerne le personnel qui est surabondant parce que :

(note 159) S.N.C.F. - S.N.C.B. - Deutsche Bundesbahn. - Chemins de fer italiens de l'État. - Chemins de fer fédéraux suisses. - Chemins de fer espagnols.

(note 160) Cette dernière a pour base le calcul «des prix unitaires par prestations» déterminées directement, d'après des chronométrages et sondages partiels. A l'aide de ces résultats partiels regroupés et en les majorant de pourcentages raisonnables pour tenir compte de certaines circonstances défavorables se présentant dans la pratique, on arrive à estimer les coûts totaux «Standards» qu'il faut s'efforcer d'atteindre.

La méthode des prix standards est brièvement exposée à la page 22 de la fiche 374 de l'U.I.C Elle est utilisée par les «Nederlandsche Spoorwegen».

(note 164) Le tableau ne comporte qu'une partie des 25 rubriques, étant donné que certaines de celles-ci ne s'appliquent qu'au trafic des marchandises, par exemple : manutention, camionnage ou à la traction électrique, par exemple : sous-stations et caténaires.

(note 165) Terrains, voies, bâtiments, outillage, matériel fixe et roulant.

(note 168) Nombre de trains de marchandises et de voyageurs, confort des voyageurs, etc.

(note 169) Dans le cas où les locomotives à vapeur sont chauffées au mazout.

(note 170_1) Total des charges 648 millions de francs.

Total des produits d'exploitation 885 millions de francs.

coefficient d'exploitation =

(note 170_2) Chemins de fer fédéraux suisses :

Charges imputées au Compte d'exploitation : 648.102.963 frs
Charges imputées au Compte de Profits et Pertes :  
- amortissements des immobilisations 123.S70.963 frs
- réserve pour la couverture de gros dommages 500.000 frs
- versement complémentaire à la caisse de pensions 24.003.543 frs
- allocation de renchérissement aux pensionnés 19.176.6S3 frs
Charges totales correspondant aux dépenses d'exploitation de la S.N.C.B. 815.353.972 frs
Produits d'exploitation 885.544.949 frs

ce qui donne un coefficient d'exploitation de :

(note 171) Tables de l'amortissement - Eugène Pereire - Gauthier-Villars, Paris.

(note 172_1) Ce revenu = recette nette (93 millions) moins les parts revenant aux Compagnies concessionnaires dont l'État exploite les lignes (7 millions) = 86 millions,

(note 172_2) Compte rendu de 1913, p. 7.

(note 174) Sur la ligne de Bruxelles à Arlon présentant de nombreuses et longues rampes de 16 mm par mètre, les dépenses de traction sont plus que le double de celles enregistrées sur les lignes de niveau.

(note 175_1) Cas de l'ancienne ligne du Nord-Belge longeant la Meuse et dont le gros trafic s'effectuait dans le sens de la pente entre Givet et Liège.

(note 175_2) Les produits manufacturés notamment peuvent généralement supporter des taxes plus élevées que les produits agricoles.

(note 179) Echelles logarithmiques. - Soient A et B les valeurs de deux éléments à un temps donné, tonnages et recettes, par exemple.

Si mA et mB représentent ces valeurs à un autre temps, c'est-à-dire si elles ont varié proportionnellement, le graphique sera, dans le cas de l'emploi de l'échelle ordinaire, celui de la figure 64. En d'autres termes, les différences d'ordonnées seront respectivement B-A et m(B-A).

Fig. 64 Fig. 65

Si, par exemple, les tarifs sont inchangés, les recettes augmentent proportionnellement aux tonnages mais le diagramme semble montrer que les recettes ont augmenté plus rapidement que les tonnages.

Avec l'échelle logarithmique, les différences d'ordonnées seraient (fig. 65) :

lgB - lgA

et lgmB - lgmA = lgm + lgB - lgm - lgA = lgB - lgA,

c'est-à-dire que les différences d'ordonnées seront égales si les valeurs ont varié proportionnellement dans le temps.

Conclusion : avec les échelles logarithmiques, les ordonnées des lignes représentant deux éléments variant proportionnellement diffèrent d'une constante et ces lignes sont parallèles.

(note 180) On appelle «rotation» des wagons le temps qui s'écoule entre deux chargements successifs d'un même wagon, par exemple : 4 jours.

(note 189) Une péniche motorisée navigant à la vitesse de 5,2 km dans une section calibrée pour 300 tonnes, passe à une vitesse de 8,1 km dans une section modernisée au gabarit de 1.350 tonnes.

(note 190) Droit pour un bateau à propulsion rapide de dépasser, dans un bief, un bateau à marche plus lente.

(note 199) L'acuité du problème de l'exploitation des lignes secondaires belges tire son origine dans le fait que, quand ces lignes furent construites - il y a une centaine d'années - la localisation des industries et des manufactures ne s'était pas encore précisée comme elle l'est aujourd'hui.

On pouvait alors croire que ces lignes auraient à faire face dans l'avenir à un trafic important et, c'est dans cet esprit, qu'on les a dotées d'installations calquées sur le modèle des lignes principales :

Aujourd'hui, certaines de ces lignes n'ont plus qu'un caractère local, sans avenir économique. C'est pourquoi il faut repenser tout le problème : modalités d'exploitation, simplification des installations, voire la suppression de la ligne.

(note 200) Les accords particuliers étant interdits par l'article 9 de la Convention internationale de Berne (C.I.M.), voir chapitre 1er, page 21, les réseaux devraient sans plus tarder demander la révision de cet article.

(note205) Définition de la productivité par un américain :

La productivité pourrait être représentée par un trépied dont les trois montants seraient respectivement assimilés aux intérêts

Une amélioration de la productivité se traduirait ainsi par une élévation du siège du trépied et représenterait une hausse générale des dividendes, des salaires et enfin du pouvoir d'achat.

(note 206_1)

(note 206_2)

(note 207) Des essais sont en cours sur des wagons à toiture mobile : wagons à pavillon coulissant, toit ouvrant par panneaux repliables.

(note 208) Cette appellation, lancée par les américains en 1947, est très controversée. Dérivé du mot grec «automatos» qui veut dire «se mouvant de soi-même», avec le suffixe d'origine latine «ion» qui marque une action, le mot «automation» signifie littéralement «l'action de se mouvoir soi-même».

(note 212) Par coût économique et social afférent aux opérations de transport proprement dites et aux opérations accessoires,

il faut entendre :

la somme des coûts réels pour la communauté de tous les facteurs de production utilisés pour effectuer le déplacement complet des personnes ou des choses en cause.

(note215) Signé à Bonn le 25 mars 1957.

(note 218) Cette société a son siège à Bâle. Le capital s'élèvera à 50 millions de francs suisses (600 millions de francs belges). Il est divisé en 5.000 actions de valeur nominale de 10.000 francs suisses.

(note 219) Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse.