La locomotive à vapeur est une véritable usine génératrice, le moteur propulseur du mouvement emporte avec lui non seulement sa chaudière, mais encore ses approvisionnements en eau et en charbon. Ceux-ci sont réunis sur un véhicule spécial, le tender.
L'approvisionnement en eau et en charbon doit être en rapport avec la longueur des parcours à couvrir sans arrêt. Le tender, constituant un poids mort, répondra d'autant mieux à sa destination qu'il sera capable de recevoir un plus grand poids d'eau et de combustible pour un poids propre minimum. Dans le même ordre d'idées, on limitera l'approvisionnement en eau et en charbon à ce qui est nécessaire, l'excédent constitue en effet un chargement dont la remorque entraîne une dépense sans aucun profit. Si, pour fixer les idées, on admet qu'un kilogramme de charbon vaporise 7 à 9 kg d'eau, le poids de combustible à emporter pourra n'être que le 1/7 ou le 1/9 du poids en eau, mais en réalité il se rapproche davantage du 1/4 et même du 1/3. Cela tient à cette circonstance que la réalimentation en eau peut s'effectuer rapidement, tandis qu'il n'en va pas de même pour le combustible solide. Du reste, la manutention du charbon s'accompagne d'une production de poussières qui fait reléguer cette opération dans les dépôts, loin des endroits fréquentés du public.
Le tender étant l'accessoire inséparable de la locomotive, il est naturel que sa construction se ressente de ce voisinage.
Son châssis est formé de deux longerons en tôles découpées, dont l'épaisseur varie de 22 à 27 mm. Les longerons, extérieurs aux roues, sont réunis à l'avant par le caisson d'accouplement, à l'arrière, par une forte traverse portant les appareils de traction et de choc. Aux tenders de faible capacité, le châssis est entretoisé par plusieurs traverses intermédiaires consolidées par des pièces longitudinales ; parfois l’indéformabilité du châssis est obtenue par des traverses et des croisillons.
Aux tenders de grande capacité, la soute à eau descend fréquemment entre les longerons sous le châssis, sa construction est alors étudiée de manière à constituer un entretoisage robuste entre les longerons.
Le châssis repose sur deux, trois ou quatre essieux, selon les quantités de charbon et d'eau embarquées et d'après la charge limite par essieu admise sur les voies parcourues.
La suspension n'offre rien de bien spécial ; le plus souvent, les ressorts sont indépendants, c'est le cas pour les tenders à trois essieux, types 15 et 18 de la S.N.C.B. Quelquefois cependant les ressorts des deux derniers essieux sont conjugués par des balanciers longitudinaux, exemples : les tenders à trois essieux, types 4, 19, 24 et 31. Aux tenders de 18 m³, type 14, montés sur bogies, on retrouve la disposition représentée figure 603, c'est-à-dire que les ressorts sont renversés et supportent la charge en leur milieu.
Les boites sont d'une pièce, fermées par un couvercle à l'avant, le graissage s'effectuant par dessous soit par tampon, soit par palette en bout d'essieu (boite isothermos). Le couvercle des boites est percé d'un trou permettant une réalimentation aisée de la sous-boite.
Les guides, boulonnés aux longerons, offrent aux boites de larges surfaces d'appui.
Quant aux roues, elles se construisent en acier moulé comme celles des locomotives.
Les soutes sont construites en tôles d'environ 6 mm et sont boulonnées au châssis. Des cloisons transversales divisent les soutes à eau en compartiments, pour éviter les déplacements violents de la masse d'eau lors des ralentissements et des arrêts. Tous ces compartiments communiquent naturellement entre eux pour que le même niveau s'établisse partout.
Fig. 736
Fig. 737
Fig. 738
Les soutes à eau comportent deux trous d'homme qui servent pour l'introduction de l'eau et pour le nettoyage périodique. Les trous d'homme sont garnis soit d'un tamis, soit d'une grille à larges ouvertures, pour retenir éventuellement les corps étrangers qui pourraient tomber dans la soute. Les ouvertures du tender sont, en outre, fermées par des couvercles. Indépendamment de ces précautions, les soupapes de prise d'eau sont protégées par une crépine à trous de plus petite dimension.
A l'origine, la soute à eau était formée d'un réservoir de section rectangulaire disposée en fer à cheval avec l'ouverture vers l'avant, croquis 736. La soute à eau formait ainsi une sorte d'excavation centrale, dans laquelle s'entassait le charbon.
Exemple : tender de 10.700 litres et de 5.500 kg de charbon.
Pour donner plus d'importance à l'approvisionnement en eau, on a prélevé un certain volume sur le fond de la soute à charbon, croquis 737. Exemples : tender de 13.000 litres (7000kg de charbon).
Enfin, la nécessité d'accroître encore la réserve en eau a conduit à adopter la construction représentée croquis 738.
Comme on le voit, on profite de l'espace libre entre les longerons et les essieux pour prolonger les soutes à eau sous le châssis. Cette disposition permet de donner soit moins de longueur, soit moins de hauteur au tender. Ce prolongement des soutes est construit en tôle de plus forte épaisseur (12 à 15 mm), on le consolide soigneusement et on l'assemble solidement aux longerons, pour lesquels il constitue un bon entretoisage. Exemple : tender type 7, de 23 m³ d'eau et de 10 tonnes de charbon.
Cette construction n'a toutefois pas été suivie pour les tenders de fabrication récente, dans lesquels nous retrouvons la disposition de la figure 738, mais sans le réservoir engagé entre les longerons. Exemples :
tender type 1,38 m³ d'eau et 10.500 kg de charbon,
tender type 38,31 m³ d’eau et 7.000 kg de charbon.
Le tender est fermé à l'avant par une cloison transversale qui retient le combustible. Cette cloison est percée en son milieu d'une ouverture fermée par une porte à guillotine.
Le tender (voir page 635) est pourvu d'un frein à main et possède le même frein à air que la locomotive.
Enfin, c'est sur le tender que se trouvent les coffres affectés les uns à l'outillage, les autres aux effets du personnel.
Fig. 739
Tender à 3 essieux. Eau : 24 m3 - charbon : 7 tonnes.
Prise d'eau en marche. - Dans le but d'éviter soit de prolonger les arrêts pour prise d'eau, soit de traîner des tenders de grand volume, certaines compagnies, en Angleterre notamment, ont disposé de distance en distance entre les rails de la voie, des rigoles pleines d'eau. Quand la locomotive passe au-dessus d'une de ces rigoles, le chauffeur abaisse le bout d'un tuyau recourbé fixé sous le tender. Par l'effet de la vitesse, l'eau monte dans ce tuyau qui traverse la soute à eau et se recourbe au-dessus de celle-ci, de manière à déverser l'eau dans le tender par le dessus.
Fig. 740. - Tender monté sur bogies.
Eau : 38 m³ - charbon : 10,5 tonnes.
Les figures 739 et 740 représentent les tenders de grande capacité, à 3 essieux et à bogies, de la S.N.C.B.
Le tender, dont le poids dépasse souvent 50 tonnes et qui, à vide, pèse encore une vingtaine de tonnes, représente un poids mort considérable à remorquer. Aussi, chaque fois que les approvisionnements peuvent être suffisamment réduits, on supprime le tender et on les fait porter par la machine elle-même. Il en sera ainsi pour les locomotives de manœuvres de gare, pour celles qui font le service d'allège sur les fortes rampes, pour les machines remorquant les trains de banlieue et pour celles qui assurent des services rapides de navette entre des localités rapprochées ; toutes ces locomotives, en effet, ne s'écartent jamais beaucoup des points de ravitaillement.
Dans les locomotives de manœuvre et d'allège roulant lentement et développant un grand effort de traction, le poids supplémentaire représenté par les soutes interviendra utilement pour augmenter l'adhérence. Exemples : locomotives-tenders types 51, 53. Pour les locomotives à voyageurs, au contraire, ce poids supplémentaire représentera souvent un poids mort qu'on se verra obligé de faire supporter par des essieux porteurs ou par des bogies : locomotive-tender type 15.
Il va sans dire que la disposition des soutes devra être telle que les effets des variations de la charge avec l'épuisement des approvisionnements soient réduits au minimum. Dans ce but, on fera en sorte que le centre de gravité de l'eau se trouve sensiblement sur la verticale passant par le centre de gravité de la locomotive. On disposera naturellement les soutes à eau symétriquement par rapport à l'axe longitudinal de la machine et on les fera communiquer entre elles.
Les locomotives-tenders sont généralement disposées pour pouvoir rouler dans les deux sens, ce qui dispense de les virer aux points terminus. Elles présentent l'avantage lorsqu'on désire quand même les virer, de nécessiter des plaques tournantes de moindre diamètre que les locomotives à tender indépendant.
Fig. 741 - Locomotive pour trains de voyageurs type 12 Atlantic (2-2-1) de 1939.
Carénage aérodynamique
2 cylindres égaux intérieurs - surchauffe - timbre 18 kg/cm² - grille 3,70 m² - roues motrices 2,10 m
poids adhérent 46 t - poids total 89 t - vitesse maximum 160 km/h
charge remorquée : 250 t à 150 km/h en palier
tender : eau 24 m³, charbon 8 t.
Fig. 742 - Locomotive pour trains de voyageurs type 1 Pacific (2-3-1) de 1935.
4 cylindres égaux - surchauffe - timbre 18 kg/cm² - grille 5 m² - roues motrices 1,98 m
poids adhérent 72 t - poids total 126 t - vitesse maximum 140 km/h
charge remorquée : 600 t à 120 km/h en palier
415 t à 40 km/h en rampe de 16 mm/m
tender : eau 38 m³, charbon 10,5 t.
Fig. 743 - Locomotive pour trains de voyageurs type 10 Pacific (2-3 - 1) de 1909.
4 cylindres égaux - surchauffe - 14 kg/cm² - grille 5 m² - roues motrices 1,98 m
poids adhérent 67,5 t - poids total 115 t - vitesse maximum 120 km/h
charge remorquée : 400 t à 120 km/h en palier
400 t à 40 km/h en rampe de 16 mm/m
tender : eau 31 m³, charbon 7 t.
Fig. 744 - Locomotive pour trains de voyageurs type 7 Ten wheel (2-3-0) de 1919.
4 cylindres - compound - timbre 16 kg/cm² - grille 3,08 m² - roues motrices 1,80 m
poids adhérent 59,7 t - poids total 85,2 t - vitesse maximum 110 km/h
charge remorquée : 300 t à 110 km/h en palier
tender : eau 24 m³, charbon 7 t.
Fig. 745 - Locomotive mixte type 29 Consolidation (1-4-0) de 1945.
2 cylindres égaux extérieurs - surchauffe - timbre 13,75 kg/cm² - grille 1,40 m² - roues motrices 1,52 m
poids adhérent 77,9 t - poids total 93 t - vitesse maximum 96 km/h
charge remorquée : 600 t à 90 km/h en palier
tender : eau 24,3 m³, charbon 10 t.
Fig. 746 - Locomotive mixte type 5 Mikado (1-4-1) de 1929.
2 cylindres extérieurs égaux - surchauffe - timbre 14 kg/cm² - grille 5,50 m² - roues motrices 1,70 m
poids adhérent 90,8 t - poids total 130,5 t - vitesse maximum 100 km/h
charge remorquée : 600 t à 100 km/h en palier
540 t à 40 km/h en rampe de 16 mm/m
tender : eau 38,5 m³, charbon 10 t.
Fig. 747 - Locomotive pour trains de marchandises type 26 Décapod (1-5-0) de 1945.
2 cylindres égaux extérieurs - surchauffe - timbre 16 kg/cm² - grille 3,90 m² - roues motrices 1,40 m
poids adhérent 75 t - poids total 86 t - vitesse maximum 80 km/h
charge remorquée : 1.200 t à 70 km/h en palier
400 t à 40 km/h en rampe de 16 mm/m
tender : eau 32 m³, charbon 10 t.
Fig. 748 - Locomotive de manœuvre type 53 Eight coupler (0-4-0) de 1904.
2 cylindres égaux extérieurs - vapeur saturée - timbre 12,5 kg/cm² - grille 2,24 m²- roues motrices 1,26 m
poids adhérent 67,3 - poids total 67,3 - vitesse maximum 45 km/h
charge remorquée : 750 t à 45 km/h en palier
500 t à 12 km/h en rampe de 16 mm/m
soutes : à eau 7 m³, à charbon 3 t.